Contenu du sommaire : Regards franco-allemands sur la justice dans la construction européenne | Les élections législatives de 2017 en Allemagne et en Autriche
Revue | Revue d'Allemagne |
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Numéro | Tome 50, N° 1, janvier-juin 2018 |
Titre du numéro | Regards franco-allemands sur la justice dans la construction européenne | Les élections législatives de 2017 en Allemagne et en Autriche |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Regards franco-allemands sur la justice dans la construction européenne
- Introduction - Lydia Coudroy de Lille, Anahita Grisoni p. 3-7
- La « justice spatiale » : regards français et allemands en géographie et en aménagement - Anaïs Volin , Lisa Rolland, Lydia Coudroy de Lille p. 9-25 Entendue comme un outil de lecture des inégalités socio-spatiales, la notion de justice spatiale pose la question de la justice en géographie et en aménagement. Si la géographie marxiste l'interroge depuis les années 1970, des travaux scientifiques récents renouvellent les approches, notamment en France et en Allemagne. Ce terme recouvre une multitude d'objets de recherche et de grilles de lecture des espaces et des territoires. Comment s'est structuré son champ ? Cet article propose une comparaison des acceptions, des usages ainsi que des évolutions de la notion de justice spatiale entre France et Allemagne pour en analyser l'application dans le domaine des disparités territoriales et régionales en France, en Allemagne et dans l'Union européenne. L'article revient sur les évolutions de la problématique de la justice spatiale dans les écrits scientifiques au regard des contextes politiques des deux pays (1) ; il passe ensuite en revue différentes acceptions et usages de la notion dans la littérature géographique (2), avant d'examiner comment le principe de justice spatiale a inspiré les politiques françaises, allemandes et européennes d'aménagement du territoire (3).Understood as a key of reading socio-spatial inequalities, Spatial Justice raises the issue of Justice in the fields of Geography and Land Planning. Although the Marxist Geography has been questioning it since the 1970s, recent scientific studies illustrate new approaches especially in France and Germany. In fact, Spatial Justice covers several research topics and reading grids of spaces and territories. How was this structured field of research? This paper provides a comparative view on its meanings and spatial translations in French and German geography and also an analysis of its application in the field of territorial disparities in France, Germany and in the European Union. A diachronic approach of Spatial Justice (1) is presented in light of its theoretical and methodological frameworks just like its empirical variations (2). Finally this article proposes a discussion about its operational effectiveness at the French, German and European level of Land Planning (3).
- Soziale Gerechtigkeit und europäische Integration: Werte und Gerechtigkeitsüberlegungen aus einer Habermas'schen Perspektive - Rosa Sierra p. 27-44 L'article part de l‘idée selon laquelle la justice peut et doit être reconnue comme une valeur et principe dans l'Union européenne et analyse ainsi les réflexions que J. Habermas articule autour des deux concepts qu'il prend chez G. Therborn : l'idée d'un schéma européen des valeurs et l'idée d'un collectivisme public que pourraient favoriser les débats politiques sur des questions de justice sociale. L'article s'interroge sur la plausibilité de cette thèse à la fois historique et culturelle face à des tendances et concepts plus actuels de justice sociale en Europe et surtout dans deux pays considérés comme moteurs de l'intégration européenne : la France et l'Allemagne. L'analyse rend plus claire la contribution de Habermas sur ce sujet : bien que la situation de justice sociale dans ces pays soit critiquable et – contraire à l'avis habermasien – et que les mécanismes servant à la reproduction du collectivisme publique deviennent plus faibles, Habermas montre que la société civile dans les pays européens a un rôle à jouer dans l'articulation des demandes de justice déclenchant les débats politiques.
- Gerechtigkeit oder Anerkennung? Zur Theorie der Gerechtigkeit in Europa - Maïwenn Roudaut p. 45-56 Cette contribution revient sur la réception des théories nord-américaines de la justice en Allemagne après la chute du mur de Berlin. C'est plus particulièrement le concept de justice tel qu'il est développé par John Rawls à l'occasion de la controverse avec les communautariens qui fait l'objet d'une attention toute particulière chez les philosophes allemands. Après avoir étudié le contexte historico-politique de la réception des thèses nord-américaines, l'article interroge le passage du paradigme de la justice à celui de la reconnaissance pour finir par analyser sa fonction normative dans les débats actuels autour d'une Europe juste.This contribution explores the reception of north-American theories of justice in Germany after the fall of the Berlin wall, and especially of the concept of justice developed by John Rawls in the controversy with the communitarian authors. The paper first deals with the historical and political context, in which this reception took place. It questions next the philosophical evolution from a paradigm of justice to a paradigm of recognition, in order to analyse its normative function in the current debates on a fair Europe.
- Faire justice ou s'ajuster ? Les registres de l'injustice dans trois institutions d'aide à l'emploi en France et en Allemagne - Hadrien Clouet, Alice Lavabre p. 57-72 Cet article a pour but de comparer les logiques du recours au registre du juste dans différentes institutions d'intermédiation sur le marché du travail : des agences publiques pour l'emploi françaises et allemandes et des associations d'aide aux chômeurs. Les configurations relationnelles entre demandeurs d'emploi et représentants de ces institutions, ainsi que leurs dispositions sociales, modulent le dicible et l'indicible. Plusieurs discours-types d'expression de l'injustice peuvent être identifiés dans chaque institution. Nous montrons ainsi que les expressions de l'injustice dépendent des formes de l'institution, qui déterminent la capacité des acteurs à contester, et les arguments de la contestation.This paper aims to compare the nature of appeals to justice within several institutions which provide job services: employment agencies in France and Germany, and non-profit organizations in France. The relational structure between jobseekers and the representatives of these organizations, as well as the social dispositions of these actors, impact what can and cannot be voiced. Several ideal-types of discourses about injustice can be described in each institution. We show that how injustice is expressed is linked to institutional rules, which determine the actors' protest capacity and the kinds of arguments mobilized.
- La France et l'Allemagne, « moteur historique » dans la fabrique de la justice en Europe ? - Hadrien Clouet, Anahita Grisoni p. 73-88 La justice est un concept inégalement distribué entre les institutions européennes. Il est mobilisé dans certaines, évité dans d'autres. Pour autant, elles produisent toutes des discours normatifs, parfois contradictoires. Une entrée par la justice environnementale et la justice sur le marché du travail, composantes principales des orientations Europe 2020, permet de repérer des points communs importants : les politiques environnementales comme les politiques sociales sont dépolitisées dans les productions institutionnelles européennes iréniques. Les productions nationales françaises et allemandes adressées dans le cadre des orientations supranationales demeurent également silencieuses sur les conflits capital/travail ou environnementaux. Mais une lecture croisée permet d'observer des approches hétérogènes, et donc des acceptions de la justice différentes, selon les fonctions et les destinataires du discours.The concept of justice is unequally divided between the European institutions: some of them mobilize it and some other not. Through a particular attention payed to two central elements of the Europa 2020 strategy (the environmental justice and the labour market politic justice), this article aims to show important common features: environment – such as labour market policies – are depolitized within the publications of the European institutions. In the perspective of supranational community guidelines, French and German goverment produce reports that also falls within a weak approach of capital/labour or environmental conflicts. This comparative study also shows the heterogeneity of different meanings of justice, so as their role in discourses and reception of discourses.
Les élections législatives de 2017 en Allemagne et en Autriche
- Les élections législatives du 24 septembre 2017 et l'interminable avènement de la quatrième grande coalition - Michel Fabréguet p. 91-104 Après une campagne électorale sans éclat dont le résultat ne laissait a priori subsister aucun doute, les élections législatives allemandes du 24 septembre 2017 ont enregistré le très net recul des partis populaires associés dans la grande coalition sortante, plus important encore pour les chrétiens-démocrates que pour les sociaux-démocrates. Dans un paysage politique éclaté, avec la percée de l'extrême droite et le retour des libéraux-démocrates au Bundestag, le visage de la future coalition gouvernementale est apparu d'emblée incertain. Au terme d'une crise sans précédent de six mois, la reconduction d'une nouvelle grande coalition apparaît comme un fragile pis-aller qui n'occulte ni l'affaiblissement de la chancelière, ni le profond désarroi de ses partenaires sociaux-démocrates.
- Die österreichische Nationalratswahl vom 15. Oktober 2017 - Reinhold Gärtner p. 105-114
- La CDU, miroir des mutations d'une société bouleversée - Jean-Louis Georget p. 115-129 The CDU scored a disappointing election result in September 2017. After the failure to form a «Jamaica coalition», the CDU laid the ground, as in 2013, for a renewed cooperation with the SPD. Against the backdrop of a rising AfD, the events of recent months represent a major political and institutional shift. For many Christian Democrats, the end of the Merkel era is approaching. The Chancellor responded and promoted a new political staff that would seemingly preserve most of her legacy.
- La CDU/CSU sous Merkel, des partis en phase de modernisation ? Les conservateurs allemands, la politique familiale et les enjeux de genre - Pierre Baudry p. 131-143 Le présent article s'intéresse aux évolutions de la politique familiale sous Angela Merkel. Comment expliquer qu'un parti qui se dit chrétien-démocrate mène une politique familiale qu'on a pu qualifier de « sociale-démocrate » ? Comment le parti de la chancelière concilie-t-il adaptation aux évolutions sociétales et conservatisme politique ? Partant du concept de culture politique, nous entendons montrer que le caractère chrétien de la CDU/CSU se maintient car il se combine avec la culture politique (ouest)-allemande née après guerre. C'est par l'association entre attachement à la Loi fondamentale (Grundgesetz) et défense de la « dignité » (Würde) de l'être humain que la démocratie chrétienne se modernise afin d'adapter son appareil idéologique aux mutations sociétales.This article aims at understanding the evolution of family policy under Angela Merkel. How to explain that a party that calls itself a Christian-democrat leads a family policy that could be described as “social-democratic”? How does the Chancellor's party reconcile adaptation to societal changes and political conservatism? Starting from the concept of political culture, we intend to show that the Christian character of the CDU/CSU is maintained because it merges with the political culture of (West)-Germany born after World War II. It is through the association between the attachment to the fundamental law (Grundgesetz) and the defense of the “dignity” (Würde) of the human being that Christian democracy modernise its political message, but adapts its ideology to societal mutations.
- Le SPD dans la bataille des élections au Bundestag – l'illustration d'un déclin inéluctable ? - Brigitte Lestrade p. 145-158 Avec le plus mauvais résultat aux élections fédérales du 24 septembre 2017 jamais obtenu, le SPD doit encore une fois renoncer à diriger le pays, en dépit d'un candidat, Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, qui ne pouvait être tenu pour responsable de la politique menée par la grande coalition sortante. Cet échec est en partie dû à l'absence de profil clair du SPD ; les positions de la droite et celles de la gauche ont fini par se ressembler, la chancelière, avec l'appui des sociaux-démocrates, ayant conduit le pays au centre. S'y ajoute, dans la plupart des pays européens, le déclin d'une social-démocratie qui n'a pas su trouver de remèdes probants aux dérives inégalitaires qui minent nos sociétés actuelles.
- Le national-populisme en Autriche et en Allemagne : approche comparative de l'AfD et du FPÖ - Patrick Moreau p. 159-182 La fondation de l'AfD et la marche au pouvoir du Parti de la Liberté (Freiheitliche Partei Österreich – FPÖ) sont un aspect des changements en cours des systèmes politiques en Europe, qui connaissent une double poussée populiste de gauche et nationaliste. L'arrivée à la cogestion du pouvoir en alliance avec les conservateurs de la Liste Kurz du FPÖ n'est pas une surprise politique, la place électorale grandissante des Freiheitlichen, depuis les élections présidentielles de 2016 (46,21 % des suffrages), rendant cette hypothèse plus que vraisemblable dans le cadre de la non-reconduction d'une grande coalition ÖVP-SPÖ. La percée de l'Alternative pour l'Allemagne (Alternative für Deutschland – AfD) aux élections au Bundestag de 2017 fut par contre un tsunami politique. Les deux partis appartiennent à la famille des formations nationales-populistes. Leur dénominateur commun est d'opposer le peuple aux élites, perçus comme deux groupes homogènes et antagonistes. Leur discours se caractérise par un appel au peuple « mythique, idéal ou imaginaire ». Au cœur de leur propagande, par-delà une offre sécuritaire et autoritaire, on trouve la question identitaire et son corrélat du double rejet des immigrations et de l'islam. Avec ces thèmes portants, l'AfD et le FPÖ ont rassemblé un double électorat néo prolétarien (les perdants de la globalisation), mais aussi une frange grandissante de gagnants de la modernisation, opposés au multiculturalisme et aux migrations.The founding of the AfD (Alternative für Deutschland – Alternative for Germany) and the participation in power of the FPÖ (Freiheitliche Partei Österreich – Freedom Party of Austria) are aspects of the current changes of the political systems in Europe who are put under pressure by left wing as well as nationalist populists. The FPÖ's taking over the governmental power in a coalition with the conservatives of the Liste Kurz has not come as a political surprise. Indeed, since the 2016 presidential elections (with 46.21% of the vote for the FPÖ's candidate), this hypothesis was more than likely in order to put an end to the grand coalition of ÖVP (Österreichische Volkspartei – Austrian People's Party) and SPÖ (Sozialdemokratische Partei Österreichs – Social Democratic Party of Austria). By contrast, the electoral success of the AfD at the 2017 Bundestag elections was a political tsunami. Both parties belong to the family of national-populist formations. Their common basis is the emphasis on a contrast between the people and the elites perceived as two homogeneous and antagonistic groups. Characteristically, their discourse pertains to a “mythic, ideal, or imaginary” people. Besides security policy and authoritarian issues, the topic of (national) identity and its correlate of the rejection of immigration and Islam are at the heart of its propaganda. With these core topics, both AfD and FPÖ have won over a neo-proletarian electorate of losers of globalization as well as a growing fringe of winners of modernization who reject multi-culturalism and immigration.
- Les élections législatives du 24 septembre 2017 et l'interminable avènement de la quatrième grande coalition - Michel Fabréguet p. 91-104
Varia
- Envoyer des jeunes Algériens en France, en RFA et en Suisse - Lucas Hardt p. 185-197 Cet article se penche sur les voyages d'enfants et d'adolescents algériens en Suisse, en RFA et en France métropolitaine durant la guerre d'indépendance algérienne (1954-1962). Dans ces trois pays, différents acteurs se sont efforcés de permettre à des garçons et des filles algériens de quitter la zone de combat pour venir en Europe, le temps d'un séjour en colonie de vacances ou dans des familles d'accueil. Malgré l'obligation pour les organisateurs de coopérer avec les autorités françaises, leurs motivations étaient bien différentes. Tandis qu'une action psychologique pour le maintien de l'Algérie française dominait dans les colonies de vacances en métropole, une propagande dirigée contre l'Union soviétique et favorisant une identité européenne prévalait durant les séjours en Allemagne de l'Ouest. En Suisse, cependant, c'était l'aspect humanitaire qui jouait un rôle central. Ces différents objectifs marquaient aussi le déroulement des séjours des mineurs algériens concernés comme le montrent les échanges réalisés dans le cadre des jumelages entre Metz et Blida, Bad Homburg et Bougie ainsi que les activités des organisations helvétiques « Pour Aïn-Touta » et « Terre des Hommes ».During the Algerian war of independence (1954-1962) Algerian children and teenagers were sent to France, Western-Germany and Switzerland. In these three countries different actors managed to get Algerian boys and girls out of the war zone and provided them short stays in European holiday camps or host families. Even though all of the organizers had to cooperate with the French authorities, their motivations differed widely. While a psychological action for recovering the “Algérie française” prevailed in metropolitan France, a pro-European and anti-communist propaganda predominated in western Germany. In Switzerland humanitarian action was the most important motive for receiving Algerian minors. These disparate incitements had an important impact on the course of the Algerians short-stays in western Europe as it is shown referring to activities of the Swiss NGO's “Pour Aïn-Touta” and “Terre des Hommes” and the exchanges between the twin towns Metz and Blida, Bad Homburg and Bougie.
- Brigitte Sauzay, une belle figure des relations franco-allemandes - Martine Sauzay p. 199-205
- La réforme du droit allemand de la vente - Sandie Calme p. 207-211
- Envoyer des jeunes Algériens en France, en RFA et en Suisse - Lucas Hardt p. 185-197
Italiques
- Dorothea Bohnekamp, De Weimar à Vichy. Les Juifs d'Allemagne en République 1918-1940/1944 - Michel Fabréguet p. 213-215
- Françoise Berger, Anne Kwaschik (éd.), La « condition féminine ». Feminismus und Fr - Alice Primi p. 215-216
- Karine Le Bail, La musique au pas. Être musicien sous l'Occupation - Robert Weeda p. 216-219
- Sandrine Fuss Nikolić, La vie musicale strasbourgeoise à l'ombre de la croix gammée - Robert Weeda p. 219-221
- Roman Krakovsky, L'Europe centrale et orientale. De 1918 à la chute du mur de Berlin - Lydia Coudroy de Lille p. 222-224