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Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Vol. 70, no 4, octobre-décembre 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- What is a Collector? From the Giants of Collecting to Small Amateurs: their Respective Contributions to Victorian Collections of Islamic Art - Isabelle Gadoin p. 387-405 Cet article étudie la réception de l'art islamique, et en particulier persan, dans l'Angleterre du dix-neuvième siècle. Si l'Orientalisme a souvent été abordé dans ses formes d'expression idéologiques, littéraires, ou picturales, ses manifestations à travers la culture matérielle en revanche ont moins retenu l'attention — du moins jusqu'aux développements les plus récents de l'historiographie et de la recherche muséographique, qui commencent à retracer les premières étapes de la constitution de vastes collections nationales d'art oriental. Cet article poursuit les mêmes interrogations mais en se concentrant sur les collections privées, qui nous en disent sans doute plus sur les motivations et les goûts individuels, la logique d'acquisition des objets, et les petits cercles d'amateurs dans lesquels s'échangeaient idées et œuvres d'art. L'article passe en revue certaines des difficultés méthodologiques d'une telle recherche, avant de présenter une typologie générale des divers « profils » de collectionneurs d'art islamique, depuis les « connaisseurs » les plus en vue jusqu'aux amateurs plus modestes, possédant seulement quelques beaux objets, mais dont les « histoires connectées » permettent de recréer certains des réseaux artistiques et sociaux dans lesquels se diffusa le goût oriental. Un événement particulier, la première exposition d'« art arabe et persan » organisée à Londres en 1885, sert à illustrer tout le parti qui peut être tiré d'une telle approche.This article looks at the reception of Islamic—notably Persian—art in nineteenth-century Britain. While Orientalism is often studied through its ideological, literary or pictorial forms of expression, less attention has been granted to its presence in material culture. Recent developments in museography and historiography, however, have started investigating the first steps in the creation of vast national collections of Oriental art. This paper pursues the same interrogation, but focusing instead on private collections, which may tell us more about individual motivations and tastes, the logic of acquisition of the objects, and the small circles of amateurs in which artworks and ideas were exchanged. After presenting some of the methodological difficulties of such a study, the article offers a broad survey of the various “profiles” of collectors of Islamic art, from the best-known connoisseurs to smaller amateurs—who may have owned just a few objects, but whose “connected histories” help us recreate the complex artistic and social networks involved in the diffusion of Oriental taste. One particular event, the first exhibition of “Persian and Arab Art” held in London in 1885, illustrates the fertility of such an approach.
- Drawing the Line. Visual Representations of the Labouring and Lower Classes in the Mid-Victorian Illustrated Press - Françoise Baillet p. 406-428 Engagés dans une démarche de fidélité à l'actualité, l'une des principales ambitions de la presse illustrée victorienne, The Graphic (1869-1932) et The Illustrated London News (1842-2003) ont consacré une part significative de leurs publications à la représentation de la pauvreté urbaine. À l'heure où les débats autour de l'extension du suffrage font affleurer les tensions entre pouvoir bourgeois et montée de la classe ouvrière, c'est en termes d'identités sociales et culturelles que se définit la citoyenneté britannique, objet d'un discours clivé dans l'ensemble de la classe politique.À travers une sélection d'illustrations publiées entre le milieu des années 1860 et la fin de la décennie suivante, le présent article s'attache à analyser la façon dont ces partis pris ont trouvé voix dans les pages de l'Illustrated London News et du Graphic, soulignant une forme de contradiction entre l'objectif affiché par ces journaux, celui d'un réalisme presque photographique, et les images produites. Élaborées au prisme de filtres artistiques et satiriques et reproduites en fonction de contraintes techniques lourdes, ces représentations ont contribué à établir une distinction entre pauvreté « respectable » et déchéance sociale. En traçant une ligne de partage littérale entre dignité et indignité, ces périodiques se sont fait le relais d'un discours visuel rassurant et largement partagé quant à l'avenir de la nation britannique.As part of their commitment to topicality, one of the fundamental premises of the Victorian illustrated press, The Graphic (1869-1932) and The Illustrated London News (1842-2003) devoted significant space to the representation of urban poverty. At a time when the discussions around the extension of the franchise provided a tribune for latent tensions between bourgeois power and working-class rise, citizenship came to be defined in terms of social and cultural identities, prompting an exclusive discourse which pervaded the whole political spectrum.Concentrating on a selection of illustrations published between the mid-1860s to the late 1870s, this article purports to examine the way in which this exclusive discourse was articulated by the Illustrated London News and the Graphic, illuminating the conflict between the newspapers' stated aim of providing a truthful record of everyday events and the images produced. Its central assertion is that the artistic, satirical and technical filters used by the draughtsmen in these representations helped to establish a distinction between “deserving” and “undeserving” poverty. By drawing a literal line between suitable and unsuitable citizens, these periodicals articulated a reassuring visual discourse relying on a shared set of assumptions between artists, editors and readers about what the political nation should become.
- Location and dis-location in George Douglas Brown's The House with the Green Shutters - Benjamine Toussaint p. 429-448 Le Royaume-Uni est souvent envisagé d'un point de vue anglo-centrique qui relègue l'Écosse à la marge du pays, tant d'un point de vue géographique que linguistique. Pour cette raison sans doute, la notion de lieu occupe une place prépondérante dans la littérature écossaise. Cet article se penche donc sur la façon dont cette notion de lieu — et la notion corrélative d'espace — structurent le roman de George Douglas Brown, The House with the Green Shutters (1901). Dans un premier temps l'analyse porte sur la manière dont le lieu façonne l'identité des personnages car, selon Casey, lieu et identité sont intimement et profondément liés (Casey 2001a, 684). La démonstration s'intéresse ensuite à la cartographie du pouvoir que dessine le roman. Celle-ci révèle la complexité d'un texte qui alterne entre acceptation et déconstruction du dualisme centre-périphérie, conduisant ainsi le lecteur à modifier son propre positionnement. Enfin, les métaphores spatiales se révèlent être un moyen pour le romancier de lier le local et l'universel, puisque l'hubris du personnage principal et sa chute sont exprimées à travers des images qui font écho à la topographie écossaise.Perhaps because Scotland is placed geographically and linguistically at the periphery of the United Kingdom by an Anglo-centric vision, Scottish writers often write from and about particular places. This paper focuses on the way the notions of place and space structure George Douglas Brown's The House with the Green Shutters (1901). First the role of place in defining the identities of individuals is analysed, because “place and self are thoroughly enmeshed” (Casey 2001a, 684). The paper then focuses on the maps of power and spatial dynamics that shape the geography of the novel. This reveals the complexity of a work that simultaneously endorses and deconstructs a polarized vision of space in terms of centre and periphery. Finally, topographical metaphors appear as a means to unite the local and the universal when the main character's hubris and downfall are expressed through images of verticality that also characterize the local landscape.
- “Portals to the non-space of globalisation”: Ewan Morrison's Tales from the Mall - Marie-Odile Pittin-Hédon p. 449-461 Cet article examine Tales from the Mall (2012) de l'écrivain écossais Ewan Morrison à la lumière de la critique du XXIe siècle sur les espaces postmodernes, ainsi que des écrits de Richard Kearney sur la biopolitique. Le point de départ se fonde sur la manière dont les centres commerciaux, véritables protagonistes de cette œuvre hybride, se présentent comme des espaces entropiques, des non-lieux ainsi que les définit Marc Augé, et sur la capacité des différents récits à décrire et contredire les phénomènes de déshumanisation et de séparation induits par ces non-lieux. En se fondant sur les théories du sociologue George Ritzer, notamment ses concepts de « cathédrales de la consommation », de phantasmagorie, de « nullities », et sur sa dialectique de l'enchantement/désenchantement, l'article retrace comment les centres commerciaux, fers de lance du capitalisme consumériste, privent durablement l'humain de son humanité. Tales from the Mall, qui présente un assortiment de textes et d'images, traite des conséquences de la globalisation, du faux global, en thématisant la disparition des repères spatio-temporels qu'entraîne le « glocal ». La réponse proposée par Morrison est de s'appuyer sur une série de narrateurs qui permettent de réinjecter la vie au cœur de l'environnement mortifère qu'ils décrivent. Le récit devient alors force de résistance et de proposition politique.This article examines Scottish writer Ewan Morrison's Tales from the Mall (2012) in the light of 21st-century criticism on postmodern spaces, as well as Richard Kearney's writings on biopolitics. It starts on the way the shopping mall, which is the protagonist of Morrison's hybrid book, presents itself as an entropic social space, or a non-place, as Marc Augé defines it, to go on to analyse the way the narrative both criticizes and counters the phenomenon of dehumanisation and separation that is born out of the non-place. Sociologist George Ritzer's theory on the part played by shopping malls in the setting up and reinforcement of consumer capitalism is used to analyse how Tales from the MalI, which includes short stories, interviews, factoids, maps and photographs, documents the way “cathedrals of consumption” induce a dialectics of enchantment/disenchantment, and ultimately strip humans of their humanity, by giving themselves over to what Ritzer describes as “the nullities.” Mall also depicts the consequences of globalisation, the fake global, in terms of the distortions of time and space the “glocal” entails. Morrison's answer is to rely on a variety of storytellers who, between them, work to inject life into the lethal, soul-stripping environment represented by the shopping centre. The narrative then becomes a tool of political resistance.
- Jon McGregor's Negative Space in If Nobody Speaks of Remarkable Things - Isabelle Keller-Privat p. 462-475 Cet article analyse les formes subtiles de l'engagement éthique de Jon McGregor à travers l'étude des procédés photographiques et cinématographiques qui caractérisent sa fiction. De tels procédés jouent un rôle crucial dans la plupart de ses œuvres mais nous nous limitons ici à son premier roman, If Nobody Speaks of Remarkable Things (2002). La nature intermédiale de la pratique photographique est soulignée dans ce roman par le choix de procédés narratifs qui tissent le textuel et le visuel pour mieux résister à une vision hégémonique qui ignore trop souvent l'Autre, le non-remarquable. Les diverses photographies, prises ou non prises, plaident en faveur d'un nouvel engagement poétique qui bouleverse notre vison en mettant en lumière de nouveaux champs de visibilité.This paper explores the subtle forms of Jon Mc
Gregor's ethical commitment, through the photographic and cinematographic devices that haunt his fiction. Such devices play an important role in most of his works, but this paper focuses on his first novel, If Nobody Speaks of Remarkable Things (2002). The intermedial nature of the photographic practice is here brought to the fore by a narrative that deliberately weaves together the textual and the visual in order to resist the hegemonic vision that does away with the all too often unremarkable Other. I contend that the various photographs, taken and not taken, plead for a new poetic commitment that unsettles our vision by foregrounding new spaces of visibility. - Autotraduire son moi : Birds of Passage de Brian Castro - Anthony Cordingley p. 476-493 Cet article explore la façon dont Birds of Passage (1983), le premier roman de l'écrivain australien Brian Castro, interroge les notions de subjectivité, de nation et de langage à travers la pratique de la traduction. Il montre que Birds of Passage est un roman post-monolingue qui défie l'équivalence affirmée par la tradition romantique entre « langue maternelle » et subjectivité authentique. En outre, l'article prouve que la représentation de l'autotraduction, en tant que pratique mais aussi métaphore, est au cœur de la réflexion de Castro sur l'identité australienne contemporaine.This article explores how the Australian author Brian Castro's debut novel Birds of Passage (1983) interrogates questions of subjectivity, nation and language through the practice of translation. It argues that Birds of Passage is a post-monolingual novel challenging the Romantic equation of authentic subjectivity with expression in a “mother tongue.” Furthermore, the representation of self-translation, both as a practice and a metaphor, is shown to be fundamental to Castro's reflection upon contemporary Australian identity.
- Contextualizing Adam Hall's Fiction: Liminality, Nihilism, and Pathogenic History in The Quiller Memorandum - Robert L. Snyder p. 494-504 Bien qu'ayant fait l'objet de peu d'études universitaires, le roman d'Adam Hall The Quiller Memorandum (1965), premier opus d'une série de dix-neuf romans d'espionnage que l'on peut aussi considérer comme des thrillers, explore avec précision les craintes liées à la résurgence du nazisme après-guerre. Prenant pour thème la capture de son protagoniste par un « Bureau » clandestin et jouant sur des tropes évoquant des espaces interstitiels et des infections pathogènes, le récit de Hall explore la dynamique de l'État de sécurité nationale moderne et de ses ordres du jour secrets. De manière plus indirecte, ce roman décrit le dilemme d'une Allemagne d'après-guerre perçue comme un No Man's Land en proie au désarroi spirituel, représentation anticipée par l'œuvre du sociologue Alfred Weber, Farewell to European History: or, The Conquest of Nihilism (1948).Despite its neglect by scholars, Adam Hall's The Quiller Memorandum (1965), the first in a nineteen-novel series of espionage thrillers, delves insightfully into fears about Nazism's post-war resurgence. Framing his protagonist's entrapment by a clandestine “Bureau” with tropes of liminal interspaces and pathogenic infection, Hall's narrative explores the dynamics of the modern National Security State and its covert agendas. More obliquely Hall's novel projects the dilemma of post-war Germany as a spiritually desolate No Man's Land, a depiction anticipated by sociologist Alfred Weber's Farewell to European History: or, The Conquest of Nihilism (1948).