Contenu du sommaire : L'Europe en transparence
Revue | Politique européenne |
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Numéro | no 61, 2018/3 |
Titre du numéro | L'Europe en transparence |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - L'Europe en transparence
- La transparence comme nouvel horizon des démocraties européennes : Genèses et usages d'une injonction ambivalente - Cécile Robert p. 8-43 Interrogeant le succès des politiques de transparence dans les États membres et les institutions de l'UE, cet article revient d'abord sur les éléments qui ont contribué, depuis une vingtaine d'années, à renouveler la légitimité mais aussi le sens de ce mot d'ordre : sa promotion par les organisations internationales, le développement des technologies numériques, son affinité avec les réformes néo-managériales et leur critique des démocraties représentatives. Il en identifie ensuite différents usages : ces derniers en effet servent des stratégies variées, voire adverses, de (re)légitimation, de communication, de contrôle ou encore de mise en scandale, fonction notamment des positions – objets, utilisateurs, gardiens de la transparence – occupées par les promoteurs de celle-ci. L'article esquisse enfin une réflexion sur leurs effets : entre défense de la transparence et nouveaux droits au secret, comment se reconfigurent la production de, et l'accès à, la connaissance ? Quelles transformations la transparence favorise-t-elle des façons de construire l'action publique ?Analyzing the success of transparency policies in EU institutions and Member States, this article first looks at the elements that have contributed, over the past twenty years, to renewing the legitimacy but also the meaning of this slogan: its promotion by international organizations, the development of digital technologies, its affinity with new public management reforms and their criticism of representative democracies. This article tries then to identify various uses of transparency. It shows that transparency can serve different, and even adverse, strategies of (re) legitimization, communication, control or even of scandal, depending in particular on the positions – objects, users, guardians – occupied by the promoters of transparency. It concludes by examining its effects: between the rise of transparency and the development of new rights to secrecy, what are the consequences for processes of production of, and access to knowledge? How transparency transform the ways of making public policies?
- Traduire la transparence aux niveaux nationaux : Le cas des réglementations du lobbying en Pologne et en République tchèque - Jana Vargovčíková p. 44-77 Cet article s'intéresse aux rôles respectifs des acteurs nationaux et transnationaux dans l'élaboration des réglementations du lobbying. Il repose sur une enquête auprès des acteurs clés de ces réglementations en Pologne et en République tchèque, ainsi que sur l'analyse des travaux parlementaires et consultations interministérielles entre 2002 et 2017. Il montre ainsi comment, en l'absence de contraintes extérieures sur la question, ce sont les divergences entre les acteurs nationaux qui façonnent leurs traductions de modèles étrangers. Le recours généralisé aux instruments de la transparence comme solutions est dû quant à lui à une combinaison complexe de facteurs nationaux et externes.This article examines the roles played by national and transnational actors in the production of lobbying regulations. It draws on a qualitative research of policy-makers involved in these processes in Poland and the Czech Republic, as well as on an analysis of the parliamentary debates and inter-ministerial consultations in both cases, from 2002 to 2017. It shows that in the absence of constraints from external actors, competition between national political actors is key for lobbying to get on the agenda. Still, policy instruments based on transparency are chosen as solutions across contexts, in a complex interplay of internal and external factors.
- La juridicisation du lobbying en France : Les faux-semblants de l'européanisation soft d'une politique de transparence - Guillaume Courty, Marc Milet p. 78-113 L'article entend démentir le rôle central conféré à l'Union européenne dans l'adoption progressive des règles juridiques d'encadrement du lobbying en France. À l'encontre d'une approche en termes d'européanisation soft non contraignante, la mise à jour (2008-2016) du processus de juridicisation montre un rapport ambivalent à l'Europe marqué par un référencement modulable et par un désengagement progressif des acteurs européens initialement investis. Dans un premier temps est présenté dans quelle mesure, même si l'Europe n'est pas absente des débats, la quête de régulation est avant tout marquée par l'enjeu de la qualification du lobbying en France et par des luttes de prestige entre institutions. La présentation du dispositif hybride finalement établi dans la loi permet ensuite de préciser dans quelle mesure l'appropriation des exigences internationales et de certains dispositifs nord-américains fut cruciale alors même que le dispositif français s'est lui-même vu proposer comme nouvel étalon pour l'Europe.The article intends to deny the central role conferred on the European Union during the progressive adoption of the legal regulation of lobbying in France. Contrary to an approach in terms of non-binding soft Europeanization, the update (2008-2016) of the process of legalization shows an ambivalent relationship to Europe marked by a flexible referencing and a progressive disengagement of European actors initially involved. Firstly, even if Europe is not absent from the debates, the quest for regulation is first and foremost marked by the challenge of the qualification of lobbying in France and by prestige struggles between institutions. The presentation of the hybrid device finally established by the law makes it then possible to specify to what extent the appropriation of international requirements and of certain North-American devices was crucial even though the French formula was itself proposed as a new standard for Europe.
- Le Médiateur européen héraut de la transparence : Redéfinition d'une institution et investissements politiques d'une norme de « bon » gouvernement - Hélène Michel p. 114-141 Le Médiateur européen, institution créée en 1992 pour garantir aux citoyens un droit à une bonne administration, est aujourd'hui connu pour ses actions en faveur de la transparence au sein de l'Union européenne. Pourtant, cette association entre Médiateur et transparence ne va pas de soi, surtout si la transparence est réduite à la publicité. À la différence des histoires institutionnelles et des témoignages des Médiateurs, cet article adopte une démarche de sociologie politique des institutions pour expliquer comment des mobilisations politiques et administratives ont rendu possible cette identification entre un rôle institutionnel et une norme de « bon » gouvernement.The European Ombudsman, an institution created in 1992 to guarantee citizens a right to good administration, is today known for his actions in favour of transparency within the European Union. However, this association between Ombudsman and transparency is not self-evident, especially if transparency is reduced to publicity. Unlike the institutional histories and testimonies of the Mediators, this article adopts a political sociology of institutions approach to explain how political and administrative mobilizations have made possible this identification between an institutional role and a standard of “good” governance.
- Twenty-five years of access to documents in the Council of the EU : Ever-greater transparency ? - Maarten Hillebrandt p. 142-173 Jusqu'en 1992, l'institution européenne la plus ‘intergouvernementale' était bien connue pour son caractère secret. On affirme fréquemment qu'au cours des vingt-cinq dernières années, le Conseil est devenu beaucoup plus transparent du fait de pressions externes. Cependant, cette façon de caractériser le Conseil comme une institution hostile à la transparence et qui aurait été submergée par les tenants de la transparence est trop simple. Cet article reprend la contribution de Meijer (2013) pour définir la politique de transparence du Conseil selon trois niveaux: stratégique, cognitif et institutionnel. Grâce à cette approche, il est possible de mieux comprendre comment par des méthodes complexes, fragmentées et imbriquées, le Conseil a parfois encouragé mais aussi parfois limité les tentatives de développer la transparence.Before 1992, the EU's most ‘intergovernmental' institution was known for its pervasive diplomatic secrecy. Twenty-five years on, continuous external pressure is said to have made the Council considerably more transparent. This characterisation of a transparency-hostile Council overrun by external ‘transparency forces' may however be too schematic. Following Meijer (2013), this article analyses the Council transparency policy as a reflexive arena consisting of different levels : strategic, cognitive, and institutional. Viewing transparency policy developments in this manner allows for a deeper understanding of the complex, fragmented and interlocking patterns by which the Council sometimes enabled, sometimes constrained attempts to advance transparency.
- Les dispositifs de transparence entre instruments de gouvernement et « machines à scandales » : Fabrique et mobilisations des formes de connaissance sur le lobbying européen - Cécile Robert p. 174-210 Depuis une quinzaine d'années, la politique européenne de transparence s'est principalement traduite par la provision de données concernant les processus décisionnels européens et les acteurs qui y contribuent. Présentés comme un moyen de rétablir la confiance des citoyens dans l'UE, ils sont aussi investis par les ONG pro-transparence comme une façon d'attirer l'attention sur les dysfonctionnements de l'UE. Soulignant l'ambivalence de la transparence comme mot d'ordre, l'analyse des dispositifs socio-techniques de fabrique et publicisation de ces données (et les négociations dont ils sont l'enjeu) permet également d'explorer différentes facettes du gouvernement par la transparence. Dans cette perspective, l'article observe d'abord comment ces dispositifs et données façonnent les représentations des phénomènes – « la société civile organisée » et sa place dans le policy-making européen – dont elles sont censées rendre compte. Il montre ensuite comment ils ont été le vecteur de l'enrôlement des acteurs cibles de cette politique et en particulier des plus critiques. Il revient enfin sur les usages des données qu'ils rendent – ou non – possibles, tant comme instrument de plaidoyer que comme ressource professionnelle pour les lobbyistes.For 15 years, European transparency policy has mostly consisted in publicizing data on decision-making processes and on the actors they involved. Often presented as a mean to restore public trust in the EU, those data have been also perceived and used by pro-transparency NGOs as a way to reveal the EU system's dysfunctions. This article analyses the socio-technical processes through which those data are defined, produced and made public, and the negotiations which they imply, revealing the different dimensions of this “government by transparency” and the ambivalence of “transparency” as a watchword. The article first studies how these processes and data shape the representation of the social phenomena that they intend to make visible: “the organized civil society” and its place in the European policy-making. It then shows how they have been instrumental in the enrollment of the actors targeted by this policy and especially of the most critical ones. Finally, the article focusses on their potential uses, as tools for advocacy or as professional resources for lobbyists.
- La transparence comme nouvel horizon des démocraties européennes : Genèses et usages d'une injonction ambivalente - Cécile Robert p. 8-43
Lectures
- Marc Milet, Théorie critique du lobbying. L'Union européenne de l'artisanat et des PME et la revendication des petites et moyennes entreprises, Paris, L'Harmattan, 2017, 258 pages. - Anne Guisset p. 212-217
- Vaughan-Williams Nick, Europe's Border Crisis. Biopolitical Security and Beyond, Oxford, Oxford University Press, 2015, 178 pages. - Juliette Dupont p. 218-223