Contenu du sommaire : Des sociologues sur le fil de la demande

Depuis les années 2000, les standards de la recherche scientifique portent conjointement sur une exigence d'excellence scientifique et sur le besoin de réponse à des défis de société et à l'économie de la connaissance. Les « agendas de recherche » de l'IdEx Bordeaux sont conçus comme des dispositifs stratégiques de programmation de la recherche visant à hisser l'université de Bordeaux dans les classements internationaux et à construire des partenariats avec la société et le monde socio-économique. L'IdEx de Bordeaux a confié la définition du premier « agenda de recherche », décliné sur le thème de l'eau, à une équipe de sociologues (les auteurs). Cet article présente les apports de la problématisation et des méthodes sociologiques mobilisés pour la programmation d'une recherche inclusive et participative.

On a parfois reproché aux agences sanitaires de techniciser et de dépolitiser les controverses scientifiques. Jusqu'à quel point le recours croissant aux sciences sociales par ces agences participe-t-il d'une dépolitisation de l'expertise sanitaire ? Révèle-t-il au contraire les dimensions politiques intrinsèques du travail d'expertise ? L'observation empirique d'expertises réalisées au sein de l'Anses montre que l'inclusion des sciences sociales dans l'évaluation des risques contribue à renforcer ses dimensions politiques, en accompagnant l'émergence de nouveaux enjeux, en faisant apparaître des intérêts ou des valeurs divergentes, ou en renouvelant les modalités d'expertise sur des questions plus anciennes. Elle met aussi en évidence les stratégies que déploient les experts en sciences sociales pour légitimer leur rôle singulier dans l'expertise.

Les chercheurs en sciences sociales sont mobilisés comme experts dans les processus et dispositifs de démocratie participative. L'article revient sur une double expérience dans la politique menée par la région Nord-Pas-de-Calais et interroge les transactions entre chercheurs et monde de la participation (pouvoirs publics, professionnels de la participation, élus, techniciens...). Il analyse d'abord la commande sociale puis les logiques d'action des chercheurs-experts. Il montre les tensions et dissensions que génère cette coopération.

À partir d'une expérience de cinq années de recherche soutenue par une fondation d'entreprise (2012-2017), cette contribution décrit nos pratiques d'enquête, de plus en plus finalisées et collaboratives. De quelle manière, et avec quels effets, un collectif de chercheurs a-t-il glissé d'une posture distanciée, initialement destinée à réaliser un état des lieux de l'accidentologie dans les sports de montagne, à une recherche-action centrée sur la coproduction d'une plateforme de partage de retours d'expérience ? Dans le cadre de commandes peu sociologisées, nous montrerons en quoi le fait d'être sociologues a facilité la réalisation des travaux, sans en occulter les limites et les compromis.

Cet article propose un bilan d'un ensemble d'expériences pédagogiques de formation à l'enquête de terrain sur des quartiers prioritaires de la politique de la ville et/ou en rénovation urbaine en Île-de-France. Il interroge ce que ce type de pratique pédagogique partenariale fait à la formation, à ceux qui s'y impliquent et aborde les enjeux heuristiques, épistémologiques et éthiques posés par l'introduction d'un tiers dans la relation pédagogique. Considérant que les étudiants en licence de sociologie et leurs enseignantes se confrontent à une demande sociale très inégalement formalisée, il montre notamment que ces enjeux se déclinent différemment selon que l'atelier est issu d'une commande institutionnelle ou s'inscrit dans un format collaboratif orienté vers une coproduction des savoirs.

La recherche-action que nous menons depuis 2016 met en œuvre un dispositif d'analyse participative avec des professionnelles du travail social, de la psychiatrie et du soin médical travaillant auprès de personnes sans-abri. Si chacune a ses propres raisons pour s'engager dans cette démarche, la confrontation de leurs points de vue avec celui des sociologues peut révéler des tensions et nous amène en retour à nous interroger sur les enjeux et les effets de la production du discours sociologique dans un contexte d'interaction.

Cet article propose l'analyse d'une expérience de collaboration avec des équipes pédagogiques où a été mis au point un dispositif de réduction des inégalités d'apprentissage de la lecture au Cours préparatoire, basé sur la mise en œuvre d'une « pédagogie rationnelle ». Cette expérimentation a également consisté en une traduction des connaissances sociologiques, afin d'initier une forme de « sociologie publique », dont l'enjeu était d'associer des savoirs disciplinaires – ici une expertise sociologique –, des savoirs appliqués – la pédagogie – et des savoirs critiques, qui puisse bénéficier autant à la sociologie qu'aux enseignants.

Définissant la sociologie publique classique comme le produit du choix des sociologues de s'adresser au public le plus large possible pour répondre à la demande diffuse de description et d'explication des phénomènes sociaux, l'auteure examine la diffusion de la sociologie en France depuis l'après-guerre. Ce qui lui permet de montrer que les sociologues français n'ont pratiquement pas fait de sociologie publique et d'en chercher les bonnes ou mauvaises raisons. Elle s'interroge également sur les formes de sociologie publique classique qui se développent actuellement.