Contenu du sommaire : Art contemporain

Revue Multitudes Mir@bel
Numéro no 15, hiver 2004
Titre du numéro Art contemporain
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Icônes I

  • En tête

  • Majeure / Art contemporain  : la recherche du dehors

    • L'altérité à ciel ouvert : Le laboratoire poético-politique de Maurício Dias & Walter Riedweg - Suely Rolnik p. 25-37 accès libre avec résumé
      Les dispositifs de Maurício Dias & Walter Riedweg mettent le monde en œuvre. Pas n'importe quel monde, ni n'importe quelle œuvre. Les mondes dans lesquels ils opèrent se situent aux marges de l'univers prétendument garanti du capitalisme mondial intégré. Ce sont des excroissances produites par la logique même du régime, qui augmentent chaque jour sur l'ensemble de la planète : une existence qui expose l'altérité à ciel ouvert. Le matériau des deux artistes est précisément cette altérité radicale, présente dans des zones où le tissu social s'effiloche, à cause de tensions non affrontées entre des univers incompatibles. Dans ces dispositifs, macro et micropolitique s'articulent en une seule et même action mue par l'affect politique et artistique, dont les dynamiques deviennent indissociables.
    • Détournement de l'art et des médias pour une efficacité politique  : L'exemple de Gran Fury - Flora Loyau p. 39-49 accès libre avec résumé
      Basé sur l'exemple de Gran Fury - collectif new-yorkais actif dans la lutte contre le Sida entre 1987 et 1994 - ce texte, à travers l'analyse du rapport aux médias et au monde de l'art, pose la question des outils et stratégies activistes développés dans les années 80 et de leur éventuelle actualisation. Quels rapports à la diffusion, au marketing, à l'esthétique publicitaire, au monde de l'art, aux financements institutionnels, etc. peut entretenir un activisme cherchant une efficacité immédiate dans les champs politiques et sociaux ? Comment articuler, dans une pratique artistique, une valeur symbolique et une valeur d'usage ? Quelle position revendiquer, en tant qu'acteur culturel, pour soutenir de telles pratiques ?
    • Solution textile : Vers la mondialisation du commerce du textile - The Yes Men p. 51-61 accès libre avec résumé
      Dans son allocution à la conférence « Fibres et Textiles pour l'Avenir » à l'Université de Tampere en Finlande, Hank Hardy Unruh de l'OMC explique aux « citoyens transnationaux » les bienfaits de la liberté et du travail délocalisé : après tout, le Sud des États-Unis, grand producteur de textiles en son temps, n'a rien gagné en faisant appel à un esclavagisme local. Seulement, le travail à distance exige une surveillance rapprochée, et ouvre de ce fait un nouveau marché, pour lequel l'OMC propose une « solution textile »... En se faisant passer pour des représentants du nouvel ordre mondial auquel entrepreneurs et technocrates ne cessent de dire « oui » , les Yes Men créent une forme extrêmement efficace de théâtre invisible, intervenant dans des situations réelles et diffusant à travers divers médias leur critique, drôle et précise, de l'idéologie néolibérale.
    • Vision armée - Jordan Crandall p. 63-74 accès libre avec résumé
      Nous concevons le développement de la photographie selon un axe horizontal : l'appareil sur un trépied, l'objectif qui regarde l'étendue de la terre. La narration cinématographique suppose cette horizontalité. Mais très tôt l'appareil d'enregistrement a été transporté verticalement en l'air. La vision militarisée, avec son mode narratif propre, commence quand les prises de vue d'en haut sont rassemblées en bases de données et analysées pour y déceler des mouvements, afin de prédire leurs évolutions probables. Il s'agit de pister certains objets, de les cibler, de les détruire. L'arrivée de l'ordinateur et des communications en réseau autorise le développement fulgurant d'une vision entièrement consacrée à ces processus de pistage et de ciblage, qui n'offre plus d'images à notre réflexion spéculaire - qui n'est plus « pour nous ».
    • Performing the border  : Sur le genre, les corps transnationaux et la technologie - Ursula Biemann p. 75-90 accès libre avec résumé
      La vidéo d'Ursula Biemann, Performing the border, enquête sur les conditions de vie et de travail des femmes dans la vaste arrière cour de l'économie américaine au sud de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Prenant comme point de départ une publicité de la société Elamex qui vend la main d'œuvre féminine au prix d'un dollar l'heure, la vidéaste montre que la construction sociale et technique de la frontière s'étend jusqu'à la sexualité de celles dont la « performance » est vantée dans l'image. Si le récit d'une femme « coyote » - ou passeur de frontière - permet d'envisager des sorties possibles de ce système de contrôle, l'histoire des meurtres en série autour de la ville mexicaine de Juarez pose des questions inquiétantes concernant la sérialisation de la vie humaine pour la fabrication de marchandises hi-tech (ordinateurs, etc.).
    • La machine à dessiner : Espaces en folie - Antonia Birnbaum, Olivier Nottellet p. 91-99 accès libre avec résumé
      Nous tendons à disposer du sensible, l'art nous redispose au sensible, à une attention pour ce qui passe inaperçu, reste inaudible, n'est pas vu, demande à être lu. Olivier Nottellet dessine en plaçant ce moyen sous le signe d'une réversibilité paradoxale. Il met en jeu la mobilité, la décomposition et l'instabilité de l'espace comme du regard de ceux qui le traversent. Le trait, le volume, le contour, le signe. Le carnet, l'espace blanc de la page, le noir d'encre, les objets, les personnages, les formes organiques et abstraites, le mur, la pièce, l'architecture. L'atelier d'Olivier Nottellet, ce sont tous les moyens et les éléments du dessin, par lesquels il œuvre à une exploration dont les composantes se soustraient à toutes les remises en ordre qui les menacent : celle du sens, celle de la cohérence, celle de l'échelle, celle de l'imitation.
    • Machines de resymbolisation : Réflexions à partir du travail d'Öyvind Fahlström - Bureau d'Etudes p. 101-111 accès libre avec résumé
      Cartographier les rapports de force constitutifs du capitalisme mondial, en donnant une tournure figurative à des informations précises : ces ambitions rapprochent le travail d'Öyvind Fahlström, dans les années 60-70, de celui de Bureau d'Études aujourd'hui. Dans les deux cas il s'agit de renforcer des mouvements de contestation. Mais le projet d'Université populaire ou de Parlement alternatif contenu implicitement dans la démarche de Fahlström n'a pas abouti. Déconstruire l'ordre symbolique actuel et le resymboliser autrement suppose l'invention de nouveaux agencements sociaux avec une efficacité pragmatique. À l'horizon de son travail de cartographie Bureau d'Études voit non seulement la critique en actes du « gouvernement mondial », mais également la constitution d'une « république d'individus » productive et coopérative, s'auto-organisant à l'échelle planétaire, en exode par rapport à toute souveraineté étatique.
    • Makrolab - Brian Holmes, Marko Peljhan p. 113-122 accès libre avec résumé
      Deux courts articles racontent le concept et le programme du Makrolab. L'idée d'une scène mobile, qui puisse servir non pas pour des représentations mais pour un travail sur le réel, vient à l'esprit de l'artiste slovène Marko Peljhan pendant une journée ensoleillée de 1994 sur l'île de « Krk » , au large de la Croatie alors en guerre. Il s'agit de poursuivre un travail artistique en prise directe avec l'évolution de la technique, au-delà des cadres nationaux défaillants. « Théâtre-laboratoire dans le temps », le Makrolab est une architecture nomade, démontable et transportable, habitée par des équipes d'artistes et chercheurs qui explorent l'environnement naturel, les migrations des animaux et des êtres humains, et les événements du spectre électromagnétique, abordé comme la face invisible de l'espace politique mondial.
  • Insert

    • Études littéraires et multitudes : les conséquences de Diderot - Yves Citton p. 123-134 accès libre avec résumé
      Cet article se propose de nouer deux questions : comment peut-on approcher le processus de constitution des multitudes en communautés ? Et : quel rôle peuvent jouer les études littéraires à l'âge de l'Empire ? Pour déjouer leur excessive généralité, on suit de près la récurrence d'un mot (celui de « conséquence ») dans un texte éminemment singulier de Diderot, Le Rêve de d'Alembert. À travers la richesse littérale des résonances que l'on y trouve, l'approche littéraire s'y définit comme une mise à jour des programmes (à entendre dans les connotations informatiques de ce terme) qui assurent la reproduction de nos formations sociales. Suivant les effets (les « conséquences ») qu'elle produit, la rencontre entre un texte et un cerveau toujours singulier peut jouer (ou non) un rôle régulateur significatif dans le procès permanent de (re)constitution des multitudes en communautés. Le désarroi frappant actuellement critiques littéraires et enseignants de littérature doit mener à une redéfinition de leur pratique qui mette les multitudes en position de producteurs, plutôt que de récepteurs, de la littérarité de demain.
    • Fiat : individus radicaux-camarades sociaux : Avec une introduction de Romana Schuler - Thomas Feuerstein p. 135-140 accès libre
    • Huit dessins : Marqueur sur papier. 29/21 cm. 2003 - Thomas Feuerstein p. 141-152 accès libre
    • Revue de presse - Joël Bartoloméo p. 153-170 accès libre
    • Logo.gif / Territoires - Page Sucker p. 171-182 accès libre
    • Dainfern - David Goldblatt p. 183-190 accès libre avec résumé
      Le travail ici présenté est une adaptation de l'œuvre "Dainfern" réalmisée par la revue Multitudes avec l'accord de l'artiste.Les œuvres originales sont des photographies en couleur imprimées avec de l'encre à pigment sur papier de coton sans acide.Chacune est présentée avec une citation en anglais qui l'accompagne.Leurs dimensions sont de 55 x 70 cm.
    • Documents / Produits de la Palestine - Jean-Luc Moulène p. 191-200 accès libre
    • L'artiste importateur - Brian Holmes p. 201-203 accès libre
    • Économie de la connaissance, exploitation des savoirs : Entretien avec Carlo Vercelone et Yann Moulier Boutang - André Gorz p. 205-216 accès libre avec résumé
      Dans cet entretien avec Yann Moulier-Boutang et Carlo Vercellone, André Gorz développe trois points cruciaux de son analyse du sens et des enjeux de la mutation exprimée par le concept de capitalisme cognitif : le premier a trait à la redéfinition des mécanismes de l'exploitation et des processus d'émancipation puisque, dès lors que le travail n'est plus mesurable en unités de temps et que l'auto-exploitation acquiert une fonction centrale dans le processus de valorisation, la production de subjectivité devient un terrain de conflits central ; le deuxième point est inhérent à la nécessité d'opérer une distinction précise entre la notion de connaissance, par essence objective et formalisable, et la notion de savoirs, par essence vivants et vécus ; le troisième point concerne les raisons subjectives et objectives qui font en sorte que le capitalisme cognitif se présente comme la crise du capitalisme contenant en germe un autre modèle de société.
  • Icônes II

    • Dessins - Dorothée Golz p. 217-228 accès libre
  • Mineure / La créativité au travail

    • Créer des mondes : Capitalisme contemporain et guerres « esthétiques » - Maurizio Lazzarato p. 229-237 accès libre avec résumé
      L'entreprise multinationale tend à abandonner l'usine, en gardant uniquement les fonctions, services et employés qui lui permettent de créer le monde où la marchandise existe. Les agences de publicité inventent la dimension spirituelle de l'événement, qui doit s'incarner dans les corps, motiver les comportements. Mais cette relation sociale est contradictoire avec la logique des biens communs (connaissance, langage, œuvre d'art, science, etc.). Ceux-ci résultent de la coopération, ils sont indivisibles, infinis, inappropriables : le bien commun assimilé par celui qui l'acquiert ne devient pas sa « propriété exclusive ». La résistance à l'appropriation capitaliste des biens communs sera efficace si elle assume le primat de la coopération entre cerveaux sur la relation capital-travail. C'est ici que pourront se définir des nouveaux objectifs et des nouveaux terrains de lutte.
    • À double tranchant : Créer une exposition-projet sur les transformations contemporaines de la créativité. - Marion von Osten p. 239-249 accès libre avec résumé
      Dans le contexte d'une évolution de la société marchande vers un impératif du type « Sois créatif ! », où chaque individu devient l'entrepreneur de sa créativité, cet article étudie les transformations de cette notion dans le cadre des « installations » comme jadis des « performances » : comment le fait d'organiser une exposition-projet est-il déjà un acte de création coopérative, une « appropriation » de l'espace public ? Comment peut-on déjouer ou subvertir l'impératif de fournir des contenus au marché de la culture ?
    • Le capitalisme à la sauce artiste : Retour sur le Le nouvel esprit du capitalisme - Anne Querrien p. 251-261 accès libre avec résumé
      Relu en marge de la lutte des intermittents, le livre de L. Boltanski et E. Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme apparaît prémonitoire dans l'analyse d'un travail organisé par projets d'une durée de plus en plus courte. Mais les défauts de protection sociale qui en résultent sont imputés à la recherche par la critique artiste d'une liberté individuelle et expressive, et non à la réorganisation en profondeur du capitalisme. La recherche de solutions se fait par analogie avec les réglementations qui protègent le salariat, le revenu garanti notamment.
    • Les limites de la sociologie démystificatrice de l'art : A propos du livre de Pierre Menger Portrait de l'artiste en travailleur. Métamorphose du capitalisme - Yann Moulier-Boutang p. 263-270 accès libre avec résumé
      Portrait de l'artiste en travailleur de Pierre Menger trace un portrait fidèle de la précarisation du marché du travail artistique au sens large. L'interprétation théorique qui en est donnée soulève toutefois des problèmes. Au lieu de définir les « métamorphoses du capitalisme » comme il l'annonce, l'auteur fait des valeurs de création, d'autonomie des « justifications » d'une exploitation accrue. L'évolution du travail vers un paradigme artistique et cognitif à partir d'une évaluation de la mutation du capitalisme actuel est finalement esquivée.
  • Hors champs

    • Aux origines de l'apartheid - Thierry Secretan p. 271-282 accès libre avec résumé
      Autour d'une série de clichés anciens pris parmi les peuples bantous, Thierry Secretan restitue l'enquête singuliére qu'il a menée dans les camps (compounds) où est parquée la main d'oeuvre noire des mines d'or du Rand, autour de Johannesbourg. L'utilisation des « pass » pour contrôler les mineurs noirs y a préfiguré sa généralisation dans le cadre de la politique de l'apartheid. De 1904 à 1939, Alfred-Martin Duggan-Cronin, un irlandais gardien d'un de ces camps, a commencé à photographier les différentes composantes de la main d'œuvre mobilisée pour le harassant labeur minier ; il en a résulté 7 200 clichés et tirages de travail bruts, au format du négatif 13 / 18. L'Irlandais exposa des centaines d'aggrandissements, à partir de 1925, dans une galerie ouverte dans sa propre maison à Kimberley. Ces clichés ont été retrouvés par Thierry Secretan en 1998, il a entrepris de les sauvegarder : ils constituent un extraordinaire et unique catalogue, encore en danger, des cultures bantoues.
    • Aux origines de l'apartheid : Documents photographiques rassemblés par Thierry Secretan - p. 283-296 accès libre
  • Liens

    • L'auteur évanouissant : Ou les stratégies de la liberté - Brian Holmes p. 297-303 accès libre avec résumé
      François Deck est artiste, enseignant, habitant de Grenoble, inventeur des « banques de questions ». Son travail, qui existe sous la forme de protocoles de débat directement engagés dans la coopération linguistique, interroge les rapports que les habitants d'une ville (ou d'une institution) entretiennent avec leur environnement bâti (matériel ou immatériel). Cet article retrace différent projets de questionnement collectif que Deck a initiés sur le territoire grenoblois, dans un rapport toujours problématique à la décision démocratique, telle qu'elle est réalisée en dernière instance par des administrations. Malgré les obstacles qui apparaissent tout au long de ce parcours, l'autorité constituée semble céder du terrain au processus constituant d'un contre-pouvoir - ou à la fluidité d'un jeu de société.