Contenu du sommaire : Nouvelles approches du régime politique sous Xi Jiping

Revue Perspectives chinoises Mir@bel
Numéro no 2018/1
Titre du numéro Nouvelles approches du régime politique sous Xi Jiping
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Éditorial - Dorothy J. Solinger p. 3-6 accès libre avec résumé
      (...) Xi a recueilli une attention journalistique d'une telle ampleur – il a été récemment surnommé à raison le « président de tout » – qu'il semblerait ne pas avoir besoin d'être davantage étudié. En effet, il détient à présent un total surprenant de 12 postes de premier plan dans des entités dirigeantes, dont cinq ont été créés depuis son arrivée au pouvoir fin 2012 (ou peut-être créés pour lui). Il s'est placé (ou bien a été placé ?) aux commandes de l'économie, et cela dans un mouvement qui a érodé l'autorité du Premier ministre, auquel ce domaine de compétence revenait auparavant ; il a également réorganisé l'armée et – lors de la session de mars 2018 de l'Assemblée nationale populaire – le Conseil des affaires de l'État. Au lendemain de cette réunion de l'Assemblée, nombre d'orientations du gouvernement de Xi sont devenues des représentations omniprésentes, que quiconque s'informant sur la Chine a lues à maintes reprises. Ces caractéristiques sont les suivantes : un pouvoir et un contrôle à la portée démesurée ; une capacité maintenant incontestée à légitimer ses programmes et politiques en faisant référence à un « rêve chinois » peu cohérent ; et une inclination quasi obsessionnelle – qui se distingue par un haut niveau de répression, jamais vu en 40 années d'histoire chinoise – à vouloir maintenir la société tranquille (...). Les articles qui composent ce dossier remettent en question de différentes manières ces descriptions maintes fois plaquées sur la réalité. Tout d'abord, ils insufflent la vie dans ce qui est devenu des lapalissades chez ceux qui étudient et observent la Chine contemporaine. Ce faisant ils montrent combien les nombreuses inclinations et objectifs que l'on peut rencontrer en écrivant sur Xi sont devenus (ou non) instanciés dans certaines représentations de la bureaucratie. Ils ne regardent pas les généralités mais des domaines particuliers de la politique et ils documentent certaines des implications et le retour de bâton (dans la sphère de la religion) qu'elles ont engendré. Mais deuxièmement, et de façon plus importante encore, ils interrogent la capacité de Xi à innover, et non à intensifier. Les lecteurs trouveront que ces articles amènent à reconsidérer le rôle que ce nouveau « timonier » (à la façon de Mao) – comme Xi a été surnommé – a dans les faits été capable de se tailler durant un peu plus de cinq années au pouvoir. Les auteurs des articles, tous politistes, sont de jeunes chercheurs ayant récemment soutenu leur thèse. Mais tout en étant parfaitement à jour dans leurs analyses et tout à fait compétents dans les méthodologies et les approches actuelles, chacun d'eux fait montre d'une connaissance approfondie de l'histoire de la vie politique chinoise et de la politique en Chine telles qu'elles ont pu apparaître à travers les décennies (...).
    • Legs historiques et visions du monde des dirigeants : histoire du Parti communiste et leçons retenues (ou non) par Xi - Joseph Torigian p. 7-16 accès libre avec résumé
      Les politologues ont constaté que les expériences vécues au début de la vie influencent profondément les futurs dirigeants. Exploitant un large éventail de sources, cet article analyse le rôle formateur de la jeunesse de Xi Jinping au cours d'une période tumultueuse de l'histoire de Chine. La vie de Xi avant et pendant la Révolution culturelle permet d'expliquer sa ténacité, son idéalisme, son pragmatisme et sa prudence. Toutefois, les éléments d'information relatifs à la façon dont l'enfance et le début de la vie d'adulte de Xi ont façonné ses opinions sur la meilleure façon de gérer les contradictions politiques sont équivoques.
    • Dans l'ombre du dictateur : l'élite politique chinoise à l'ère de Xi Jinping - Dimitar D. Gueorguiev p. 17-27 accès libre avec résumé
      Le président Xi Jinping est probablement le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao Zedong. La récente révision constitutionnelle et le remaniement de la direction politique intervenus à mi-mandat ont encore alimenté la crainte que Xi, à l'instar de Mao, n'ait aucune intention de transmettre le pouvoir à un futur successeur. L'ascension de Xi est-elle le signe de la fin de la direction collective ? Un président plus puissant entraînera-t-il l'affaiblissement du Parti ? Dans le présent article, nous examinons les méthodes employées par Xi pour consolider son pouvoir ainsi que les conséquences futures qu'un tel changement pourrait entraîner pour l'élite politique chinoise. En comparant plusieurs sources académiques, nous interrogeons le jeu à somme nulle qui régit la relation entre le pouvoir personnel et la force institutionnelle. Bien que Xi ait sans conteste concentré un pouvoir personnel sans précédent, cela ne s'est pas nécessairement fait aux dépens du Parti. Les dangers liés à la position de force de Xi Jinping sont plutôt à chercher du côté de son effet dissuasif sur l'expression des avis divergents et sur la réduction du vivier de futurs dirigeants, deux conséquences susceptibles d'affaiblir la capacité à gouverner sur les moyen et long termes.
    • Un ferme contrôle des firmes : la gestion des entreprises publiques sous Xi Jinping - Wendy Leutert p. 29-39 accès libre avec résumé
      Quelles sont les mesures adoptées par l'administration de Xi Jinping pour renforcer son contrôle sur la vie politique et économique en Chine ? Les travaux consacrés à son règne font référence à son statut de leader central, son héritage révolutionnaire ainsi que le réseau informel de soutiens fidèlement attachés à sa cause pour rendre compte de ce renforcement. À contre-pied de ces études, cet article analyse la gestion des entreprises publiques pour illustrer la manière dont l'affirmation de la primauté du pouvoir central repose sur la mobilisation de mécanismes et techniques de gouvernance classiques : l'instrumentalisation des groupes dirigeants du pouvoir central, la gestion des carrières des cadres, le renforcement des comités du Parti et la mise en œuvre de campagnes anti-corruption. En s'appuyant sur des documents administratifs et un ensemble original de données sur les dirigeants d'entreprises publiques, nous démontrons que l'administration Xi a recouru à ces quatre moyens pour renforcer son autorité, contrairement aux pratiques en cours lors des précédents mandats exercés par Hu Jintao. Mettant en lumière la manière dont les gouvernements peuvent employer des instruments existants pour resserrer le contrôle sur l'appareil d'État, ce travail contribue à étoffer les connaissances sur les capacités d'adaptation des régimes autoritaires et sur la mise en œuvre de la réforme économique en Chine.
    • La nouvelle politique de sinisation et de régulation de la religion en Chine - Kuei-min Chang p. 41-49 accès libre avec résumé
      Cet article étudie la politique de « sinisation » (zhongguohua 中国化) des religions menée par Xi Jinping et la réforme des Règlements sur les affaires religieuses qui en résulte. Nous affirmons que la méfiance entretenue par Xi à l'égard de l'influence étrangère a orienté les récentes évolutions de la politique religieuse en faveur de religions indigènes ou sinisées. Nous montrerons que les efforts pour siniser les religions avec, pour corollaire, le renforcement du cadre réglementaire en vigueur, risquent d'exacerber les difficultés auxquelles est directement confronté le régime de Xi.
  • Articles

    • Le goût d'une bonne vie : récits et contre-récits du bonheur dans le documentaire La Chine au bout de la langue 2 (2014) - Rui Kunze p. 51-60 accès libre avec résumé
      Cet article se penche principalement sur le documentaire La Chine au bout de la langue 2 (2014), qui présente la culture culinaire comme autant de pratiques quotidiennes donnant à voir une manière chinoise « authentique » de percevoir et de poursuivre le bonheur. Il s'agit d'un objet médiatique produit par CCTV, institution culturelle de la Chine postsocialiste. Au sein de CCTV, la tâche de promotion de l'idéologie officielle, l'orientation commerciale et les divers positionnements culturels de ses employés, négociés les uns vis-à-vis des autres en façonnant ce texte audio-visuel, sont caractérisés par des fissures et des incohérences. Dans ce texte, les récits et les contre-récits s'entremêlent. Leur réception en est encore compliquée par un public composé de plusieurs communautés d'interprétation, aux origines sociales et culturelles variées, tout comme leurs compétences culturelles. Tant le texte que la réception qui en est faite révèlent combien la notion de bonheur est complexe et disputée dans un pays connaissant des changements aussi radicaux que la Chine.
    • Entre pauvreté et poids des normes : la qualité de vie des hommes célibataires en milieu rural du Shaanxi - Isabelle Attané, Xueyan Yang p. 61-70 accès libre avec résumé
      Cet article se fonde sur les données d'une enquête menée en 2014-2015 en zone rurale dans le sud du Shaanxi pour analyser la relation entre un célibat non choisi et la satisfaction dans la vie des individus concernés. Il s'attache dans un premier temps à expliquer les différences de qualité de vie entre les hommes mariés et les célibataires au moyen de variables conventionnelles (profil socio-économique, état de santé, intensité des relations sociales). Dans un second temps, il s'intéresse à des éléments de qualité de vie en lien avec les relations que ces hommes entretiennent avec des femmes et qui, à notre connaissance, n'ont jusqu'ici jamais été pris en compte dans l'analyse des inégalités de satisfaction dans la vie en Chine ; en particulier, il s'agit d'une part de voir dans quelle mesure leur incapacité à contracter un mariage est susceptible d'affecter leur qualité de vie, notamment à travers l'injonction sociale au mariage et la stigmatisation sociale du célibat ; il s'agit d'autre part de voir si leur qualité de vie varie en fonction de la fréquence de leurs relations intimes avec des partenaires, dans un contexte dans lequel la sexualité reste socialement associée au mariage. Sont ainsi mises au jour des caractéristiques individuelles et contextuelles à même de contribuer à l'accroissement des inégalités en matière de satisfaction dans la vie générées par les circonstances socioéconomiques.
    • Prostitution et traite des femmes en Chine : entre phénomènes et discours - Bonny Ling p. 71-80 accès libre avec résumé
      La prostitution, illégale en Chine, est fréquemment ciblée par la répression policière. En outre, l'importance accrue accordée ces dernières années par le pays à la lutte contre la traite des êtres humains a renforcé la visibilité des campagnes de lutte contre la prostitution. Ainsi, la feuille de route de la Chine contre la traite des êtres humains fait de l'éradication de la prostitution à l'échelle nationale un élément central de la lutte contre le trafic de personnes. La prostitution et la traite des femmes ne sont cependant pas des phénomènes équivalents. Cet article montre qu'il existe un amalgame entre ces deux questions dans le discours contemporain sur la prostitution et la traite des femmes en Chine. Les deux termes sont utilisés de manière interchangeable de sorte que la traite des femmes a été conceptualisée comme un phénomène largement équivalent à celui de la prostitution. Ce problème est exacerbé par la stigmatisation sociale des femmes qui se livrent à la prostitution, quelles que soient les circonstances de leur entrée dans cette activité. Par ailleurs, ce discours tend à se dissocier du contexte historique en dépit du fait que ni la prostitution ni la traite des femmes en vue de leur exploitation sexuelle ne sont des défis nouveaux pour la génération actuelle en Chine. L'article soutient donc que les débats sur la prostitution et la traite des femmes en Chine gagneraient à utiliser un cadre conceptuel clair qui examinerait ces problèmes au-delà de la question de l'exploitation ou du défi de la modernité.
    • Piégées dans la migration : carrières migratoires et créativité entrepreneuriale des migrantes chinoises à Taiwan - Beatrice Zani p. 81-91 accès libre avec résumé
      Comment les migrantes chinoises luttent-elles contre la marginalisation économique et sociale dans les villes taïwanaises et sur le marché du travail taïwanais, après avoir franchi une double épreuve migratoire en traversant la Chine puis en s'installant à Taiwan, où elles sont confrontées à des situations de double discrimination ? Cette étude empirique de trois espaces urbains et d'un village rural à Taiwan montre comment ces femmes font face à la domination en développant des stratégies créatives de survie et de résistance. La pluralité des activités économiques que peuvent mener ces femmes prouve l'émergence d'espaces économiques transnationaux, entre la Chine et Taiwan, qui contribuent à la mondialisation par le bas.
    • Un modèle de développement urbain durable peut-il s'exporter ? La construction de « l'exemplaire » éco-cité de Tianjin - Yinghao Li, Céline Bonhomme, José-Frédéric Deroubaix p. 93-104 accès libre avec résumé
      Dans le cadre de la recherche de modèles plus durables pour le développement chinois, le concept d'« éco-cité » a été élaboré et diffusé en tant que modèle susceptible de fournir des solutions aux problèmes environnementaux, écologiques et socio-économiques. Cet article questionne la spécificité du concept par rapport aux enseignements des expériences d'éco-quartiers et de quartiers durables français et européens. La mise en perspective de ce modèle d'éco-cité chinoise s'appuie sur l'étude du projet sino-singapourien de l'éco-cité de Tianjin à mi-chemin de l'échéance de l'évaluation du projet, fixée à 2020. L'étude de terrain réalisée au sein de cette éco-cité permet de mettre en évidence un certain nombre de spécificités et conduit à poser la question, encore peu développée dans la recherche sur le sujet, de la diffusion d'un tel modèle urbain. La mise en oeuvre d'un système d'indicateurs de performance, la mise place d'une structure de gouvernance favorisant le respect des contraintes environnementales, représentent des pistes intéressantes pour un changement de paradigme dans l'urbanisme chinois. Le « parti-pris technophile » et l'absence de prise en compte des modes de vie des habitants sont en revanche un des éléments de débat sur la pertinence et la durabilité d'un tel modèle de développement urbain.
    • Un modèle de développement urbain durable peut-il s'exporter ? La construction de « l'exemplaire » éco-cité de Tianjin - Yinghao Li, Céline Bonhomme, José-Frédéric Deroubaix p. 93-104 accès libre avec résumé
      Dans le cadre de la recherche de modèles plus durables pour le développement chinois, le concept d'« éco-cité » a été élaboré et diffusé en tant que modèle susceptible de fournir des solutions aux problèmes environnementaux, écologiques et socio-économiques. Cet article questionne la spécificité du concept par rapport aux enseignements des expériences d'éco-quartiers et de quartiers durables français et européens. La mise en perspective de ce modèle d'éco-cité chinoise s'appuie sur l'étude du projet sino-singapourien de l'éco-cité de Tianjin à mi-chemin de l'échéance de l'évaluation du projet, fixée à 2020. L'étude de terrain réalisée au sein de cette éco-cité permet de mettre en évidence un certain nombre de spécificités et conduit à poser la question, encore peu développée dans la recherche sur le sujet, de la diffusion d'un tel modèle urbain. La mise en oeuvre d'un système d'indicateurs de performance, la mise place d'une structure de gouvernance favorisant le respect des contraintes environnementales, représentent des pistes intéressantes pour un changement de paradigme dans l'urbanisme chinois. Le « parti-pris technophile » et l'absence de prise en compte des modes de vie des habitants sont en revanche un des éléments de débat sur la pertinence et la durabilité d'un tel modèle de développement urbain.
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