Contenu du sommaire : Gouverner par la fiscalité
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 151, 2018/3 |
Titre du numéro | Gouverner par la fiscalité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dossier - Gouverner par la fiscalité
- Impôts et pratiques fiscales : interroger la signification et les usages de la formalité - Oliver Owen, Roxane Schuller-Green p. 5-15
- Contournements. Fiscalité et exceptions informelles dans les villes de M'Bour et de Kisumu - James Christopher Mizes, Liza Rose Cirolia, Henri-Michel Yéré p. 17-37 Cet article est une analyse comparative du prélèvement de l'impôt foncier à M'Bour (Sénégal) et à Kisumu (Kenya.) Il part du constat que les autorités fiscales s'abstiennent parfois de prélever cet impôt, alors qu'elles ont l'obligation légale et l'autorisation de le faire. Dans cet article, nous questionnerons deux pratiques d'exceptions informelles à la loi, ainsi que la manière dont elles sont justifiées. À M'Bour, les administrateurs fiscaux s'abstiennent de prélever l'impôt chez les propriétaires terriens qu'ils perçoivent comme pauvres. À Kisumu, les autorités municipales ne prélèvent pas l'impôt foncier dans les zones de la ville qui ne leur paraissent pas suffisamment bien équipées en routes, en électricité et en marchés urbains. Ces exceptions sont des formes de contournement, pratiques par le biais desquelles des agents de l'État évitent à dessein d'accomplir leurs tâches officielles de service public dans des endroits spécifiques du paysage urbain. Nous défendons l'idée que ce contournement constitue en fait une reconfiguration de l'autorité fiscale de l'État, tant dans sa forme que dans son inscription spatiale, et que cette reconfiguration concourt parfois, de manière inattendue, à rendre la fiscalité plus progressive.This article is a comparative analysis of property tax collection in M'Bour (Senegal) and Kisumu (Kenya). In our research, we observed that tax administrators often do not collect the property taxes that they are legally obliged and entitled to collect. In this article, we outline two practices of – and justifications for – such informal exceptions to tax law. In M'Bour, tax administrators refrain from collecting from land owners whom they perceive to be poor. And in Kisumu, city administrators do not enforce property tax collection in areas they believe are underserviced by roads, electricity, and public markets. These exceptions are a form of bypass, a spatial practice in which state bureaucrats and institutions purposefully circumvent the official work of public service in specific areas of the urban landscape. We argue that bypass reconfigures the locus and form of state fiscal authority, often with surprisingly progressive effects.
- Fiscalité marginale sur mesure. L'économie politique du natron au Borkou, Tchad - Julien Brachet, Judith Scheele p. 39-59 À partir de la principale mine artisanale du Borkou, l'exportation du natron est conjointement taxée par un chef de canton et un représentant du gouvernement. La manière dont s'est historiquement construite cette entente fiscale instable montre que « chefferie » et « État » ont besoin l'un de l'autre pour affirmer une forme de souveraineté dans cette région. À ce titre, la fiscalité du natron est révélatrice du fonctionnement de l'État tchadien en général, de son dédoublement entre les structures administratives officielles et les chefferies traditionnelles, et de l'articulation entre les arènes politiques locales et nationales.Natron is mined by hand in open-air mines throughout the Chadian Sahara. In the main mine in Borkou, it is taxed by a local “traditional chief” as well as by a government representative. The way this fiscal arrangement came about historically shows how “traditional chiefs” and “the state” need each other in order to claim a particular and particularly restricted kind of sovereignty in the region. This is true of the Chadian state more generally, marked by a doubling up of “official” and “traditional” administrative hierarchies, and a close but rarely simple articulation of the local and the national level.
- Genre et systèmes formels et informels de finances publiques locales en Sierra Leone - Vanessa van den Boogaard, Raphaël Botiveau p. 61-86 Cet article s'intéresse aux rapports différenciés des hommes et des femmes de l'Est et du Nord de la Sierra Leone à la collecte des taxes formelles et informelles. Il fait valoir que la littérature sur la fiscalité et l'égalité entre les sexes dans les pays à faible revenu doit accorder plus d'attention aux modalités réelles de financement des services publics par les citoyens. Il montre que la fiscalité formelle touche une proportion très réduite de la population, et en particulier de la population féminine. Dans les faits, les femmes participent le plus souvent au financement des services publics locaux par le biais de contributions informelles. Cette réalité va de pair avec un renforcement des inégalités entre les sexes, en raison des effets de la fiscalité sur la distribution du pouvoir au sein des ménages d'une part, et de la réduction induite des opportunités de représentation politique d'autre part.This paper considers how men and women in eastern and northern Sierra Leone interact differently with formal and informal revenue collection. It argues that the literature on tax and gender equity needs to be expanded in low-income countries to pay greater attention to the ways that citizens pay for public services in practice. It shows that formal taxation affects a very small proportion of the population, and especially of the female population. The reality is that women primarily pay for services at the local level through informal revenue contributions, which has the potential to reinforce gender inequities on account of the implications for intra-household divisions of power and lack of associated opportunities for political representation.
- Quand les impôts locaux font l'objet de négociations : la taxe pour le service social dans l'État du Bahr el Ghazal du Nord, au Soudan du Sud - Martina Santschi, Miriam Périer p. 87-103 Après la fin de la guerre civile en 2005, de nouvelles structures et pratiques de gouvernement se mettent en place au Soudan du Sud, suscitant de multiples contestations autour des questions de l'exercice de l'autorité et du contrôle des ressources publiques. Cet article interroge le processus de formation d'un État, les négociations qui se nouent au sein de son appareil et les relations entre les citoyens du Soudan du Sud, en explorant la trajectoire d'un impôt spécifique, la « taxe pour le service social », dans le territoire du Bahr el Ghazal du Nord. Des événements tels que les élections de 2010, l'arrêt de l'exploitation pétrolière en 2012 ou la nouvelle guerre civile en 2013 ont fortement pesé sur les négociations, tant au niveau local que de l'État, autour de cette taxe pour le service social.After the end of civil war in 2005, new government structures and practices emerged in South Sudan fostering contestations over authority and revenues. This article describes state formation processes, inter-governmental negotiations and citizen-state relations in South Sudan by exploring the trajectories and negotiations over the social service tax in Northern Bahr el-Ghazal state. Economic and political developments such as the 2010 elections, the 2012 halt of oil exploration and the 2013 decline into civil war greatly shaped local and state level negotiations over the social service tax.
- « Dans les règles » : fiscalité, confiance et considération dans les campagnes agricoles du Nigeria - Oliver Owen, Raphaël Botiveau p. 105-132 Cet article analyse les effets des réformes fiscales sur l'économie des zones rurales et des petits centres urbains de l'État de Benue, au Nigeria, et interroge la signification sociopolitique des tentatives gouvernementales de restructurer les recettes publiques. L'auteur montre que les réactions populaires face à ces réformes fiscales sont traversées par la volonté d'obtenir une reconnaissance de l'État, et que la légitimité accordée à ce dernier s'enracine dans les mémoires collectives et l'histoire de cette région. Cette étude amène à réfléchir aux rapports que des populations entretiennent avec des politiques qui, au Nigeria, s'attachent à réduire la dépendance à l'égard du pétrole.This article traces the impact of tax reforms in the agrarian and small-town economy of Benue State, Nigeria. Instead of the economic impact, the subject is the sociopolitical significance of the government's attempt to restructure revenue. I examine what this reveals about public sentiments of legitimacy, their roots in historical memory and in tactical decisions about how to engage with the state to secure recognition. The example guides us to think locally and specifically about how publics engage with Nigeria's policy drive to move away from oil-reliance.
Recherches
- La formalisation inachevée des circulations commerciales africaines par les infrastructures de papier. Cas de l'industrie logistique zambienne - Hélène Blaszkiewicz p. 133-154 Basé sur un terrain ethnographique mené en partie dans une entreprise multinationale de logistique en Zambie et en République démocratique du Congo, cet article analyse les dossiers commerciaux comme des infrastructures permettant le mouvement des marchandises. Ces infrastructures de papier sont, en Zambie, un moyen de formaliser, de rationaliser et d'évaluer bureaucratiquement les circulations de marchandises. Ces objectifs ne sont cependant que partiellement réalisés, comme le démontre la permanence des circulations illicites dans l'industrie logistique transfrontalière.Based on an ethnographic fieldwork partly spent in a logistics multinational company in Zambia and in the Democratic Republic of Congo, this contribution analyzes commercial files as infrastructures enabling the movement of goods. In Zambia, paper infrastructures constitute a bureaucratic way of formalizing, rationalizing and assessing commercial circulations. These goals are nevertheless only partly achieved, as the permanence of illicit circulations in the cross-border logistics industry shows.
- L'agro-business au village. La notion d'accaparement de terres à l'épreuve du cas ivoirien - Jacobo Grajales p. 155-177 La notion d'accaparement de terres est devenue courante dans l'étude d'un grand nombre de transformations agraires en cours dans les Suds. Elle souffre cependant d'un grand flou définitionnel et des difficultés à établir clairement le périmètre de son objet. À partir d'études de cas tirés du terrain ivoirien, cette contribution propose de redéfinir ce champ d'études afin de tenir compte à la fois de l'émergence d'un problème public qui est l'accaparement des terres et des transformations dans l'économie politique du capitalisme agraire que ce terme recouvre.The notion of land grabbing has become a common term in the study of various agrarian transformations taking place in the Global South. However, it suffers from a great deal of definitional uncertainty and difficulties in clearly establishing the scope of its object. Based on case studies from Côte d'Ivoire, this contribution proposes a redefinition of the subject that takes into account both its emergence as a public problem and the transformations in the political economy of the agrarian capitalism it covers.
- La formalisation inachevée des circulations commerciales africaines par les infrastructures de papier. Cas de l'industrie logistique zambienne - Hélène Blaszkiewicz p. 133-154
Lectures
- Revue des livres - p. 179-192