Contenu du sommaire : Biomaîtriser les identités ?

Revue Politique africaine Mir@bel
Numéro no 152, 2018/4
Titre du numéro Biomaîtriser les identités ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le Dossier - Biomaîtriser les identités ?

    • Biomaîtriser les identités ? État documentaire et citoyenneté au tournant biométrique - Séverine Awenengo Dalberto, Richard Banégas, Armando Cutolo p. 5-29 accès libre
    • État documentaire et identification mathématique : la dimension théorique du gouvernement biométrique africain - Keith Breckenridge, Hélène Baillot, Raphaël Botiveau p. 31-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Prolongeant d'autres travaux, cet essai soutient que l'enregistrement biométrique des identités constitue une rupture importante avec la longue histoire de l'État documentaire. En ôtant toute latitude au sujet dans l'acte d'identification, la biométrie de Galton était conçue pour répondre aux faiblesses du gouvernement par l'écrit. L'article montre que, par ses capacités et ses caractéristiques matérielles, les propriétés mathématiques de l'identification biométrique sont diamétralement opposées aux opérations de l'État documentaire. Ces propriétés portent la promesse d'une forme unique et universelle d'enregistrement qui pourrait compenser les faiblesses des sociétés africaines postcoloniales. Mais rien ne semble indiquer qu'un panopticon biométrique soit déjà fonctionnel.
      In this essay I draw on work that I have published elsewhere to make the case that biometric registration marks an important break with the long history documentary government. Galton's biometry was designed to address the vulnerabilities of written government by removing the agency of the subject from the act of identification. The paper shows that the mathematical qualities of biometric identification equip it with material features and capacities that are antithetical to the operations of literary government. The same qualities hold out the promise of unique and universal forms of registration that might address the informational weaknesses of postcolonial African societies, but there is no sign of a working biometric panopticon.
    • Des barrières de papier digitalisées : vérifications d'identité et exclusion des élèves immigrés dans les lycées populaires de Johannesburg - Jeanne Bouyat p. 51-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment les dispositifs d'identification orientent-ils les pratiques du personnel scolaire envers les élèves immigrés, et favorisent-ils le tri et l'exclusion ? L'analyse de leur matérialité et de leur utilisation dans des lycées populaires de Johannesburg révèle qu'ils forment un régime mixte où prévaut la vérification documentaire, articulée à l'attestation interpersonnelle et à l'authentification digitale. Le contrôle migratoire est ainsi co-produit par les ministères de l'Éducation et du Home Affairs. Les barrières de papier à la scolarisation sont durcies par l'informatisation et le personnel scolaire perd sa capacité à les atténuer, dans un contexte de précarité et de banalisation de la xénophobie.
      How do devices designed for identity verification inform school staff's practices towards immigrant learners and foster their exclusion? The analysis of the materiality and utilization of these devices in low-income high schools of Johannesburg reveals a mixed regime of verification in which documentary verification dominates, and is articulated with interpersonal attestation and digital authentication. The Departments of Education and of the Home Affairs instil migration control in high schools : paper barriers are hardened through digitalization and the school staff sees its ability to circumvent them reduced, in contexts marked by precarity and the banalization of xenophobia.
    • « Touche pas à ma nationalité » : enrôlement biométrique et controverses sur l'identification en Mauritanie - Zekeria Ould Ahmed Salem p. 77-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En se basant sur une enquête de terrain menée entre 2010 et 2017, cet article reconstitue les modalités concrètes de mise en place, dans des conditions controversées, d'un nouveau système d'identification biométrique en Mauritanie. Il met en lumière les tensions liées au moment crucial de la transition « numérique ». Il illustre également la manière dont les citoyens à la fois contestent et négocient les nouvelles procédures d'inclusion dans le fichier national des titres d'identité dits « sécurisés ». L'expérience mauritanienne montre que, loin d'être comme on le pense souvent une simple opération technique neutre et apolitique, la digitalisation des identités en Afrique est en réalité largement affectée par les conditions sociales de sa mise en œuvre.
      Drawing on qualitative data collected during fieldwork conducted in Mauritania between 2010 and 2017, this paper seeks to reconstruct, including from below, the processes through which this country implemented a new biometric identification system under highly contentious circumstances. It illustrates the ways in which local citizens negotiate and challenge at the same time the newly established procedures of inclusion in the so-called “secure” national identity register. Further, the paper illuminates in particular the tensions that arose in the wake of this “biometric transition”. Based on this case study, the author argues that, contrary to a widely held assumption, the process of digitalization of personal identities in Africa is anything but a mere, neutral or technical operation. Rather, it is in fact heavily affected by the social and political context in which it is being implemented.
    • La biométrie électorale au Tchad : controverses technopolitiques et imaginaires de la modernité - Marielle Debos p. 101-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les technologies d'identification biométrique, de plus en plus utilisées lors des élections en Afrique, sont vendues comme un moyen de lutter contre la fraude. À partir du cas de l'enregistrement des électeurs au Tchad pour la présidentielle de 2016, l'article étudie comment s'est développé un imaginaire de la biométrie qui oppose la rationalité et la neutralité supposées de la technologie à la perversion de la politique. Il montre que, si la biométrie a été construite comme une nécessité et une « solution » pour résoudre la crise politique, elle a été repolitisée par des controverses sur le choix de la « bonne » technologie, ses utilisations et le rôle des acteurs internationaux, notamment des industriels français.
      Biometric identification technologies are increasingly used in elections in Africa. They have been sold as a way to fight fraud. Based on the case study of voter registration in Chad for the 2016 presidential election, the article examines how a biometric imaginary has developed that pits the supposed rationality and neutrality of technology against the perversion of politics. It shows that while biometrics has been construed as a necessity and a “solution” to the political crisis, it has been repoliticized by controversies over the choice of the “right” technology, its uses and the role of international actors, including the french industry.
    • Entre témoignage et biométrie : la production du « réfugié » au Burkina Faso - Nora Bardelli, Henri-Michel Yéré p. 121-140 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine l'introduction de l'enregistrement biométrique des réfugiés maliens qui vivent au Burkina Faso. Il interroge la manière dont cette technologie, basée sur l'objectivité supposée de la vérité des corps, affecte les autres modes d'identification des réfugiés, en particulier ceux qui reposent sur le témoignage et l'authentification sociale. Il pose également la question des effets de cette nouvelle technologie sur la façon dont les réfugiés eux-mêmes construisent leur identité sociale. Finalement, l'article permet de comprendre que l'introduction de l'enregistrement biométrique des réfugiés n'a pas radicalement fait évoluer la manière dont le statut de réfugié est octroyé et la catégorie sociale construite.
      This article examines the introduction of biometric registration processes for Malian refugees living in Burkina Faso. In it I explore how this technology, based on the supposedly objective truths of bodies, impacts other modes of refugee identification, particularly those based on testimony and social authentication ; I also look at whether biometrics change the ways in which the refugees themselves construct their category. I eventually argue that the introduction of biometric registration for refugees in Burkina Faso does not meaningfully impact how the refugee status is assigned and the category constructed.
    • Politique de l'inanimé : un dispositif informel d'identification des « corps sans vie et sans papiers » au Maroc - Alimou Diallo p. 141-163 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis des décennies, un nombre important de migrants subsahariens meurt au Maroc en tentant de traverser la Méditerranée pour arriver en Europe. À partir d'une enquête ethnographique, cet article se propose d'étudier la procédure d'identification de ces migrants que la police marocaine retrouve sans vie et sans papiers d'identité, en examinant non seulement le rôle des familles, des ambassades et de l'État marocain, mais aussi en analysant les relations entre ces représentants des États, les « traceurs », les amis des migrants morts et leurs réseaux de connaissances. L'analyse de ce dispositif, que nous avons nommé « politique de l'inanimé », montre comment l'impératif de (re)lier ces corps à une famille et à un État d'origine met en lumière trois logiques : la logique sécuritaire qui est celle des policiers marocains, la logique « papiériste » qui est celle des diplomates, et la logique militante et familiale qui est celle des associations.
      For decades, a significant number of sub-Saharan migrants have died in Morocco trying to cross the Mediterranean to Europe. Based on an ethnographic survey, this article aims to study the identification procedure of these migrants whom the moroccan police find lifeless and without identity documents, by examining not only the role of families, embassies and the moroccan State, but also by analysing the relationships between these State representatives, “tracers”, friends of dead migrants and their networks of acquaintances. The analysis of this system, which we have called “inanimate politics”, shows how the imperative of (re)linking these bodies to a family and a State of origin highlights three logics : the security logic which is that of the moroccan police officers, the “papiérist” logic which is that of diplomats, and the militant and family logic which is that of associations.
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