Contenu du sommaire : Why Private Property?
Revue | Raisons Politiques |
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Numéro | no 73, février 2019 |
Titre du numéro | Why Private Property? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Editorial
- Introduction - Pierre Cretois, Éric Fabri, Maxime Lambrecht p. 5-11
Dossier
- Good Fences Make Good Neighbours - Hillel Steiner p. 13-19 Pour qu'une personne ait des droits effectifs, les autres doivent avoir des devoirs. Si deux devoirs entrent en conflits si la réalisation de l'un deux empêche celle d'un autre , il est nécessaire qu'au moins un des droits liés à ces devoirs ne soit pas valide. Ce papier défend l'idée qu'une la condition nécessaire et suffisante pour éviter de tels conflits est que tous les droits sont, ou sont réductibles à, des droits de propriété privéeˆ: droits à des objets matériels et des emplacements spatio-temporels.For a person to have a valid right, another person must have a performable duty. If two duties conflict—if the performance of one of them prevents that of the other—at least one of their respectively entailed rights cannot be valid. This paper argues that the condition necessary and sufficient to preclude such conflicts is that all rights are, or are reducible to, private property rights: rights to material objects and spatio-temporal locations.
- Hugo Grotius and Private Property - Billy Christmas p. 21-38 Hugo Grotius a montré qu'un système fondé sur la propriété privée pouvait émerger, avec justice, en s'appuyant sur l'accord de ceux qui y vivent. Il a adopté ce point de vue parce qu'il ne voyait pas comment les droits, prétendument primitifs, d'utiliser les ressources naturelles dont dispose chacun à l'état de nature pouvait à eux seuls justifier une propriété privée pleine et entière. Plus précisément, le droit d'exclure des tiers de la propriété de son bien, qu'il considérait comme essentiel à la propriété privée, ne pouvait pas être justifié par l'ensemble des droits originaires qu'il pensait appartenir à des personnes se trouvant à l'état de nature. De nombreux théoriciens des droits naturels ont suivi Grotius dans cette erreur. La nécessité d'un commun accord peut être évité si l'on reconnaît que tout droit d'usage comporte nécessairement un droit d'exclure d'autres. De plus, le droit d'exclusion, au sens large, qui caractérise la pleine propriété libérale peut, dans certains cas, être rattaché aux droits d'usage du fait que ces utilisations sont elles-mêmes très vastes. La propriété privée peut donc émerger par un usage unilatéral, sans recours à un commun accord. Le récit des droits naturels de Grotius ne devrait donc pas être utilisé pour soutenir les approches théoriques du contrat social en matière de propriété et de justice.Hugo Grotius famously argued that a system of private property could only justly emerge by the agreement of those living within it. He took this view because he could not see how the supposedly primitive rights to use natural resources that each person has in a state of nature could, on their own, justify fully fledged private ownership. More specifically, the broad right to exclude others from one's own property that he considered to be essential to private property could not be justified with the set of original rights he ascribed to persons in a state of nature. Many natural rights theorists have followed Grotius in this error. The need for communal agreement can be avoided, however, when one recognises that any use-right necessarily includes some right to exclude others. Moreover, the extensive right of exclusion that is characteristic of full liberal ownership can, in certain cases, come attached to use-rights where those uses are themselves extensive. Private property can therefore emerge through unilateral use, without recourse to communal agreement. Grotius's account of natural rights, then, ought not be used to support social contract theoretic approaches to property and justice.
- Locke et l'appropriation privée : À quelles conditions le droit d'exclure peut-il être justifié ? - Jean-Fabien Spitz p. 39-59 La plupart des théories de la justice offrent des approches en première intention au problème de l'insider et de l'outsider en supposant que les humains peuvent créer une structure sociale de base que personne ne pourrait raisonnablement rejeter. Cet article soutient qu'il n'existe pas de telles solutions en première intention et que la croyance en de telles solutions désavantage systématiquement les personnes les moins puissantes sur les plans politique, social et économique. L'article présente ensuite une théorie alternative, appelée « la justice comme recherche de l'accord », avec une approche en seconde intention. Dans l'hypothèse où tous les contrats sociaux ne sont pas des contrats d'inclus et d'exclus, y a-t-il quelque chose qui puisse justifier une structure sociale ? L'article suggère et explique trois exigences de justification dans ces circonstances : l'accord le plus large possible (accord exprès plutôt que tacite), l'impact négatif minimal sur les personnes qui ne peuvent être amenées à s'entendre, et la recherche constante de l'accord le plus large.The Pursuit of Accord: Toward a Theory of Justice with a Second-Best Approach to the Insider-Outsider ProblemMost theories of justice offer first-best approaches to the insider-outsider problem by assuming that humans can create a basic social structure that no one could reasonably reject. This article argues that no first-best solution to the problem exists, and that the belief in a first-best solution systematically disadvantages the least powerful people in political, social, and economic terms. The article then presents an alternative theory called “justice as the pursuit of accord” with a second-best approach. Assuming no all social contracts are insider-outsider contracts, can anything justify a social structure? The article suggests and explains three requirements for justification under these circumstances: the widest-possible accord (literal rather than hypothetical agreement), the minimum negative impact on people who cannot be brought into accord, and constant striving for greater accord.
- The Pursuit of Accord: Toward a Theory of Justice with a Second-Best Approach to the Insider-Outsider Problem - Karl Widerquist p. 61-82 La plupart des théories de la justice offrent des approches en première intention au problème de l'insider et de l'outsider en supposant que les humains peuvent créer une structure sociale de base que personne ne pourrait raisonnablement rejeter. Cet article soutient qu'il n'existe pas de telles solutions en première intention et que la croyance en de telles solutions désavantage systématiquement les personnes les moins puissantes sur les plans politique, social et économique. L'article présente ensuite une théorie alternative, appelée « la justice comme recherche de l'accord », avec une approche en seconde intention. Dans l'hypothèse où tous les contrats sociaux ne sont pas des contrats d'inclus et d'exclus, y a-t-il quelque chose qui puisse justifier une structure sociale ? L'article suggère et explique trois exigences de justification dans ces circonstances : l'accord le plus large possible (accord exprès plutôt que tacite), l'impact négatif minimal sur les personnes qui ne peuvent être amenées à s'entendre, et la recherche constante de l'accord le plus large.Most theories of justice offer first-best approaches to the insider-outsider problem by assuming that humans can create a basic social structure that no one could reasonably reject. This article argues that no first-best solution to the problem exists, and that the belief in a first-best solution systematically disadvantages the least powerful people in political, social, and economic terms. The article then presents an alternative theory called “justice as the pursuit of accord” with a second-best approach. Assuming no all social contracts are insider-outsider contracts, can anything justify a social structure? The article suggests and explains three requirements for justification under these circumstances: the widest-possible accord (literal rather than hypothetical agreement), the minimum negative impact on people who cannot be brought into accord, and constant striving for greater accord.
- Contractualism and the Moral Limits of Private Property Rights - Victor Mardellat p. 83-101 Dans la mesure où ils insistent sur l'importance qu'il y a à défendre aussi bien la liberté que l'égalité en dépit des tensions qui semblent opposer ces deux valeurs, les libéraux égalitaires font face à un dilemme. L'objet de cet article est de dissiper ce dernier en justifiant, dans une perspective contractualiste, l'introduction de limites morales sur les droits de propriété privée. Pour être valides, ces limites doivent pouvoir prévenir l'émergence d'inégalités sociales et matérielles moralement inacceptables sans mettre en péril pour autant la capacité de ces droits à protéger les divers intérêts à la liberté qui rendent les droits de propriété si importants.Insofar as they insist on the importance of respecting both liberty and equality despite the tensions that are said to pull them apart, liberal egalitarians seem to face an inextricable dilemma. In this paper, I seek to dissipate this dilemma by justifying, along contractualist lines, the introduction of moral limits on private property rights. In order to be valid, these limits must be able to prevent morally unacceptable social and material inequalities from arising without threatening these rights' ability to protect the diverse interests in liberty that make property rights so important.
- Private Economic Liberty and the Idea of Quasi-Private Ownership - Gavin Kerr p. 103-117 L'idée de « liberté économique privée » est centrale à la fois pour la conception de l'équité au sein d'un marché libre – conception développée par John Tomasi – ainsi que pour l'école du libéralisme néo-classique dont les travaux de Tomasi sont peut-être l'exemple le plus largement discuté. Dans cet article, j'examine le rôle joué par la conception de la liberté économique privée dans la conception de la justice de Tomasi. Je critique la conception de Tomasi en présentant un certain nombre d'arguments dérivés des travaux de l'économiste et critique social du 19e siècle Henry George, qui constituent le fondement d'une critique immanente de la vision de Tomasi. Le principal argument avancé dans cet article est que les arguments avancés par George et développés par les économistes georgistes ultérieurs – que je présente mais ne tente pas de défendre – ont permis de conclure que l'institution de la pleine propriété privée sur des terres est incompatible avec la stricte protection de la liberté économique privée que Tomasi défend.The idea of “private economic liberty” is central both to the conception of free-market fairness developed by John Tomasi, and to the school of neo-classical liberalism of which Tomasi's work is perhaps the most widely discussed example. In this paper I examine the role played by the conception of private economic liberty in Tomasi's conception of justice. I criticize Tomasi's conception by presenting a number of arguments derived from the work of the 19th century economist and social critic Henry George which I believe provide the basis for an immanent critique of Tomasi's view. The main claim made in the paper is that the arguments made by George and further developed by later Georgist economists—which I present but do not attempt to defend—lead to the conclusion that the institution of full private property in land is incompatible with the stringent protection of private economic liberty to which Tomasi is committed.
- “Why Private Property?” - Jean-Fabien Spitz, Hillel Steiner, Philippe Van Parijs, Karl Widerquist p. 119-131 Le texte suivant est la transcription de la table ronde qui a clôturé la conférence internationale « Pourquoi la propriété privée ? » (organisée à l'Université libre de Bruxelles en juin 2018). Philippe Van Parijs a accepté d'animer la discussion et d'organiser la confrontation des thèses de Jean-Fabien Spitz, Hillel Steiner et Karl Widerquist sur la propriété privée. La discussion est divisée en trois moments principaux. Tout d'abord, les orateurs clarifient leur propre approche de la propriété privée et la place qu'occupe ce concept dans leur théorie de la justice. Ces clarifications mènent le débat à la question des biens communs (commons) et soulève le problème de leur compatibilité avec les thèses de Jean-Fabien Spitz et Hillel Steiner. Dans un second temps, les conférenciers évaluent comment la dématérialisation de l'économie et le développement des droits de propriété intellectuelle posent de nouveaux défis au concept de propriété privée. Ces évolutions contemporaines sont-elles d'une telle importance qu'ils peuvent les amener à revoir leur position sur la propriété privée ? Et de manière générale, la propriété privée est-elle légitime dans le domaine intellectuel ? Enfin, les trois orateurs répondent à différentes questions du public. Ces questions les amènent à évoquer la tragédie des communs, la nature de la prospérité et les limites légitimes au droit de propriété privée. Cette discussion permet aux trois orateurs de clarifier leurs positions et de faire état explicitement de leurs désaccords (et des raisons qui les fondent) sur certains points majeurs des débats sur la propriété privée.This text is a transcription of a round table that [MB2]closed the international conference “Why Private Property?” (held at the Université libre de Bruxelles in June 2018). Philippe Van Parijs accepted to lead the discussion with the intention of confronting the positions of Jean-Fabien Spitz, Hillel Steiner and Karl Widerquist on private property. The discussion is divided into three main parts. First, the keynote speakers clarify their position on private property and which place this concept occupies in their own theory of justice. These clarifications bring the debate on the commons, and on whether they are compatible with 130 - Jean-Fabien Spitz, Hillel Steiner, Philippe Van Parijs and Karl Widerquist Jean-Fabien Spitz and Hillel Steiner's thesis. Second, the speakers discuss how the dematerialization of the economy and the development of intellectual property rights raise new challenges to the idea of private property. Are those challenges of such importance that it can lead them to revise their position on private property? Are intellectual private property rights legitimate? Finally, the keynote speakers answer some questions from the audience that lead them to discuss the tragedy of the commons, the notion of prosperity, and the legitimate limitations to property rights. This discussion is especially useful to clarify the positions of each of the speakers on the topic of private property.
- Good Fences Make Good Neighbours - Hillel Steiner p. 13-19
Entretien critique
- Entretien avec Bruno Karsenti et Cyril Lemieux à propos de leur essai, Socialisme et sociologie, Paris, Éditions de l'EHESS, 2017 (Coll. « Cas de figure ») - David Smadja p. 133-161 Dans leur ouvrage paru en 2017 sous le titre Socialisme et sociologie, le philosophe Bruno Karsenti et le sociologue Cyril Lemieux ont ouvert une perspective nouvelle sur les idéologies qui structurent la pensée politique moderne. Dans l'entretien qu'ils donnent ici à Raisons politiques, ils reviennent sur les conséquences de leur démarche. Celle-ci, inspirée par les travaux de Karl Mannheim et par ceux de l'école sociologique française (Durkheim, Mauss), conduit à cerner le socialisme dans son irréductibilité aux autres doctrines politiques. Elle oblige également à ouvrir le dossier de la contribution des sciences sociales à la politique. Elle conduit enfin à dresser un diagnostic différent sur la montée des nationalismes xénophobes et la crise des appareils sociaux-démocrates aujourd'hui en Europe, et sur la forme que les politiques éducatives et le combat écologique doivent prendre pour s'élever à la hauteur des exigences propres à nos sociétés.Interview with Bruno Karsenti and Cyril Lemieux about their essay, Socialisme et sociologie, Paris, Éditions de l'EHESS, 2017 (Coll. “Cas de figure”)In their book published in 2017 under the title Socialisme et sociologie, the philosopher Bruno Karsenti and the sociologist Cyril Lemieux opened a new perspective on the ideologies that structure modern political thought. In the interview they give here to Raisons politiques, they return to the consequences of their approach. This one, inspired by Karl Mannheim's work and by those of the French sociological school (Durkheim, Mauss), leads to define socialism in its irreducibility to other political doctrines. It also obliges to open the file of the contribution of the social sciences to the policy. Finally, it leads to a different diagnosis on the expansion of xenophobic nationalism and the crisis of the social-democratic apparatuses today in Europe, and on the form that educational policies and the ecological struggle must take to rise to the level of requirements specific to our societies.
- Entretien avec Bruno Karsenti et Cyril Lemieux à propos de leur essai, Socialisme et sociologie, Paris, Éditions de l'EHESS, 2017 (Coll. « Cas de figure ») - David Smadja p. 133-161
Recension critique