Contenu du sommaire : Tardi
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 29, 2010 |
Titre du numéro | Tardi |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Tardi, de l'Histoire au feuilleton - Bertrand Tillier p. 7-24
- Tardi : dessiner, illustrer - Jean-Philippe Chimot p. 25-39 Auteur de bandes dessinées (littérature dessinée), Tardi est également illustrateur, notamment de romans de Louis-Ferdinand Céline. La présente étude vise à faire apparaître les différences de régime et de rapport texte-image dans certaines BD, selon les époques et selon les collaborations, pour mieux s'intéresser à la réussite (souplesse, finesse, dynamisme, stimulation du lecteur) qu'atteint le mode élaboré par Tardi, de dissémination et de fonctionnalité des images inventées et placées dans un texte intégral de Céline (Voyage au bout de la nuit).Tardi is not only a well-known author of comic strip books, he is also an illustrator of novels, notably Louis-Ferdinand Céline's. This study aims at pointing out the differences in the text-image relationships in certain artworks, according to the period and to the collaborations, in order to get a closer view of the success (fluidity, finesse, dynamism, reader's stimulation) achieved by Tardi's elaborated mode of dissemination and functionality of the images invented and placed in Céline's unabridged text (Journey to the end of the night).
- Le Paris de Tardi : un XIXe siècle éternel ? - Jean-Pierre A. Bernard p. 41-49 Les quatre volumes du Cri du peuple de Tardi mettent en scène le Paris de la Commune, avec un certain nombre d'épisodes historiques, de la Proclamation du 18 mars à la mort pendant la Semaine sanglante, fin mai. Moments d'une histoire violente inscrits dans un décor de pierre, fidèle jusqu'à l'obsession photographique au Paris réel. Aussi, roman populaire, mélodrame même, qui viennent battre sur la trame tragique des événements. C'est un album sur la Commune, un album sur Paris – Paris daté mais aussi Paris éternel, cette éternité du XIXe siècle qui paraît si cher à Tardi.The four volumes of Le Cri du peuple by Tardy show Paris during the Commune and feature a number of historical events, from the Proclamation of March 18th to the “Bloody week”, at the end of May. Moments of a violent history, engraved in a stone setting, faithful to the point of photographic obsession to the real Paris. A popular novel, even a melodrama, woven on the tragic framework of events. It is a graphic series about the Commune, as much as about Paris – a dated Paris but also an eternal Paris, this eternity of the 19th century which Tardi seems to be so fond of.
- Tardi et la Commune de 1871 à travers Le Cri du peuple : roman graphique ou histoire graphique ? - Éric Fournier p. 51-64 Peut-on relire Le Cri du peuple, récit fictionnel, comme un essai d'histoire graphique ? Bien que n'oubliant pas son empathie libertaire avec la Commune, Tardi, s'appuyant sur une forte maîtrise des sources, œuvre aussi en historien du sensible, restituant ainsi les représentations, les pratiques, et les paysages de Paris en 1871 avec talent et fidélité aux événements. Son trait spécifique rend avec beaucoup d'efficacité les paroxysmes de la « semaine sanglante ». Cette œuvre invite ainsi à s'interroger sur les différentes modalités d'écriture de l'histoire : Tardi associe ici de façon probante la modernité de la bande dessinée avec les codes du récit historique propre au premier xixe siècle.Can we re-read Le Cri du peuple, a fictional comic strip story, as an essay of graphic history ? Although Tardi kept a libertarian empathy with the Commune, he also worked as a historian of the sensitive world, supported by a brilliant mastering of sources, reproducing the representations, the customs and the scenery of Paris in 1871 with talent and accuracy. His peculiar touch efficiently conveys the frenzy of the “Bloody week”. That artwork is also an invitation to question ourselves on the different methods of writing history : Tardi associates in a conclusive manner the modernity of comic strip books with the codes of historical writing particular to the first half of the 19th century.
- La guerre lancinante dans l'œuvre de Jacques Tardi - Marine Branland p. 65-78 Partant du constat d'une présence obsédante de la Grande Guerre dans les bandes dessinées de Jacques Tardi, cet article revient sur la genèse de son œuvre afin de mettre en évidence les imbrications initiales entre sujet et médium d'expression et de mieux comprendre les enjeux de cette création. De ses premiers travaux à Putain de guerre ! (2008-2009), la Première Guerre mondiale – véritable objet de réflexion – s'est imposée et transformée sous son crayon et sa plume, véhiculant une histoire du conflit qui oscille entre récit documentaire et reconstruction imaginaire, élaborée à partir de son histoire familiale et de son orientation idéologique libertaire.Noting the haunting presence of the Great War in Jacques Tardi's comic strip books, this article studies the genesis of his work in order to highlight the initial intermingling between subject and medium of expression, and, thus, leads us to a better understanding of the stakes of his work. From his early books to Putain de guerre ! (2008-2009), the subject of World War I – a real food for thought – imposed itself and evolved under his pen and quill, conveying a history of the conflict vacillating between documentary account and imaginary reconstruction, built from both his own family history and his libertarian ideological orientation.
- Tardi, un carnaval des monstres - Laurent Sécheret, Thomas Schlesser p. 79-98 Que leur teneur soit réaliste ou fantaisiste, les histoires de Jacques Tardi offrent invariablement une large place aux « monstres ». Des créatures bizarres – statues animées, bêtes préhistoriques, humains difformes, démons véritables… – hantent sa production. Que révèle cette constance ? Une évidente inclination pour la représentation de l'étrange, bien sûr, mais encore une espèce de climat d'angoisse généralisé de l'être humain face à sa condition misérable et aux horreurs de l'Histoire. C'est à travers un corpus élargi à toute l'œuvre de Tardi que nous proposons de relever et d'analyser ce monstrueux charivari.Whether realistic or fantastic, Jacques Tardi's stories invariably feature a large number of “freaks”. Strange creatures – animated statues, prehistoric animals, deformed Humans, real demons… – haunt his production. What does this constancy reveal ? An obvious penchant for the representation of the bizarre, of course, but also a general atmosphere of anxiety of Man faced with his miserable condition and the horrors of History. This article goes through the complete works of Tardi to collect and analyse this monstrous din.
Lieux et ressources
- Images, sons et spectacles : l'audiovisuel au département des Arts du spectacle de la BnF - Pascale Goetschel p. 99-108
Regards croisés
- Forclore la violence à l'écran : l'écriture cinématographique des « années de plomb » italiennes et la forclusion de la violence politique - Dora D'Errico p. 109-126 De nombreux cinéastes italiens choisissent aujourd'hui, après une période de silence relatif, de rouvrir la page des années Soixante-dix. Une observation a guidé notre analyse de ce renouveau cinématographique : le glissement net qui, en vingt ans, s'est opéré dans le portrait du terroriste ; d'une figure invisible, mêlée au corps social, telle qu'on la voit dans les films des années Quatre-vingt, elle est désormais hyper individualisée, et auscultée avec les outils du psychologue et du criminologue. Répondant au malaise collectif, aux plaies encore ouvertes par les difficiles années de plomb, ainsi qu'aux vides laissés par une « historiographie à trous », les films se multiplient aujourd'hui et proposent des images mémorielles et des récits collectifs autour desquels la société italienne peut se réunir. Cette visée pacificatrice témoigne d'un nouvel usage de l'image qui entend forclore et délimiter la violence historique.After having remained more or less silent on the subject, a significant number of Italian directors now turn their attention to the seventies. Considering this new production, we focus on the specific evolution of the “terrorist” as a film character. In twenty years, it indeed shifts from an undefined, invisible, character, hidden in the crowd, to a highly individualized person who has to be understood from a psychological or criminological point of view. We can thus see the renewal of Italian films on the seventies as an attempt to fill the blanks of an incomplete historical work, and, most of all, to heal the still open wounds of the “anni di piombo”. Movies draw a picture of an Italian past where people can agree on a common vision of themselves. This pacifying goal shows a new use of cinema : marking and assigning its limits to an unsolved historical violence.
- Buongiorno, notte : « approfondir l'histoire par infidélité » - Marie Fabre p. 127-136 Au sein du corpus des films où apparaissent les groupes révolutionnaires armés des années Soixante-dix en Italie, Buongiorno, notte, de Marco Bellocchio (2003), fait figure d'exception. Le réalisateur choisit en effet de faire un film sur l'un des moments les plus dramatiques et les plus emblématiques de l'histoire des années de plomb, mais, contrairement à d'autres, il choisit de le faire sans recourir à la spectacularisation de la violence, ni aux intrigues des théories du complot, se concentrant sur un huis-clos, au plus près de l'intimité de son personnage principal, Chiara, et de son rapport mi-réel mi-imaginaire à la personne du prisonnier Aldo Moro. Cependant, c'est à travers ce choix de la reconstruction d'une subjectivité, voire même de l'infidélité à certains faits réels, que Bellocchio réussira ce qu'aucun film n'avait fait avant celui-ci, c'est-à-dire s'approcher des causes historiques, plus ou moins lointaines (communisme, drames du fascisme et survivances d'une résistance « trahie »), qui peuvent expliquer la naissance du phénomène de la lutte armée en Italie. L'un des procédés formels qui illustre le mieux cette démarche est celui de la citation, ou de l'insertion d'images empruntées à d'autres films, dont sont composées les rêveries de Chiara. Notre article se propose d'analyser les séquences où apparaissent ces emprunts, pour mieux dégager le sens politique du film, entre évocations du passé et vision présente, nécessairement rétrospective.Among the films that portray political violence and the extremist revolutionary groups of the Italian Seventies, Buongiorno, notte, by Marco Bellocchio (2003) stands out. The director chooses to make a film about one of the most dramatic and emblematic period of the decade known as “anni di piombo” (years of lead), but, unlike other directors, he does so without resorting to spectacular violence or conspiracy theories. The film actually focuses on a huis-clos, and follows the very intimacy of its protagonist, Chiara, and her half real/half imaginary relationship to her prisoner Aldo Moro. However, it's through this reconstruction of subjectivity, and even infidelity to historical facts, that Bellocchio succeeds in doing what no film had done before : approaching the historical causes that can explain the birth of political violence in Italy (communism, the tragedies of fascism, and survival of a « betrayed » resistance). One of the formal processes that best exemplifies this approach is the quotation, or the insertions of images from other films, which represent Chiara's dreams and daydreams. This article intends to analyze the sequences in which these heterogeneous images appear, in order to make out the political sense of the film, between evocation of the past and a present – yet necessarily retrospective – vision.
- Forclore la violence à l'écran : l'écriture cinématographique des « années de plomb » italiennes et la forclusion de la violence politique - Dora D'Errico p. 109-126
Trames
- De Goya à Hemingway : visions tauromachiques - Ozvan Bottois p. 137-156 Le peintre espagnol Francisco de Goya y Lucientes et l'écrivain américain Ernest Hemingway comptent sans doute parmi les plus célèbres aficionados. Le premier a marqué l'histoire de la représentation artistique de la tauromachie, notamment avec sa série de gravures intitulée Tauromaquia, éditée en 1816. Le second est l'auteur d'un ouvrage paru en 1932, Mort dans l'après-midi, indispensable à quiconque s'intéresse aux courses de taureaux. Cette courte étude souhaite montrer comment, malgré une différence d'époque et de support, les deux hommes tendent à proposer une approche analogue de la corrida, tant sur le plan esthétique qu'éthique. Elle vise également à appréhender la façon dont près d'un siècle plus tard, Ernest Hemingway a pu se retrouver et puiser dans l'héritage laissé par Goya, faisant ainsi écho au peintre dans sa conception et sa représentation de la tauromachie.The Spanish painter Francisco de Goya y Lucientes and the American writer Ernest Hemingway are without a doubt two of the most famous aficionados. The former marked the history of the artistic representation of the art of bullfighting, particularly with his series of engravings entitled Tauromaquia published in 1816. The latter is the author of a story published in 1932, Death in the afternoon, essential to anyone interested in bullfighting. The aim of this brief study is to show that, despite pertaining to different times and media, both men tend to propose an analogue approach to the corrida, both in the aesthetic and ethical aspect. It also aims at understanding how, a century later, Ernest Hemingway was able to see himself in Goya's heritage and draw from it, retaining an echo of the painter within his own conception and representation of the art of bullfighting.
- De Goya à Hemingway : visions tauromachiques - Ozvan Bottois p. 137-156
Retours sur…
Actualités
- C'est la vie Boltanski - François Noudelmann p. 165-174
Grand entretien
- L'écriture documentaire avec des images d'archives - Yves Jeuland p. 175-190
Hors cadre
- Un paysage à la gloire de l'Homme. La représentation de l'environnement préhistorique dans l'enseignement et la fiction de la seconde moitié du XXe siècle - Pascal Semonsut p. 191-209 À partir de l'étude de manuels scolaires, de films, de bandes dessinées et de romans, cet article se propose de décrire l'image donnée de l'environnement préhistorique dans la seconde moitié du XXe siècle, une image difficile à peindre et cela pour deux raisons : d'une part, elle change selon la décennie et le média envisagés ; d'autre part, c'est une image brouillée parce que traversée de messages antagonistes. Malgré ces filtres, aux mieux déformants, au pire opaques, cette image est assez univoque et son message est clair. L'environnement préhistorique représente une menace constante. Devant nos ancêtres préhistoriques, il dresse une multitude d'obstacles L'objectif d'une telle représentation est clair : montrer la force irrésistible de l'Homme et sa supériorité incontestable.Starting from the study of textbooks, films, comic strips and novels, this article proposes to describe the image given of the prehistoric environment in the second half of the 20th century, an image which is difficult to make out for two reasons : on the one hand, it changes according to the decade and the media considered. On the other hand, the image is blurred since it is filled with antagonistic messages. In spite of these – at best distorting, at worst opaque – filters, this image is rather univocal and its message is clear. The prehistoric environment represents a constant threat. It sets up a multitude of obstacles against our prehistoric ancestors. The intention of such a representation is clear : to show the irresistible force of Man and his undeniable superiority.
- Un paysage à la gloire de l'Homme. La représentation de l'environnement préhistorique dans l'enseignement et la fiction de la seconde moitié du XXe siècle - Pascal Semonsut p. 191-209