Contenu du sommaire : Droit et justice en Chine : tensions, mutations et débats
Revue | Perspectives chinoises |
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Numéro | no 2019/1 |
Titre du numéro | Droit et justice en Chine : tensions, mutations et débats |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Editorial – Dualité et lutte pour l'autonomie du droit en Chine - Fu Hualing p. 3-9
- Les amendements constitutionnels de 2018 - Feng Lin p. 11-22 Les amendements constitutionnels de 2018 en Chine ont suscité de vives critiques, au sein du pays comme à l'étranger. Cet article se fonde tout d'abord sur une analyse contextuelle, historique et empirique afin de déterminer si les trois principaux amendements sont aussi néfastes que ne le suppose la manière dont ils sont largement perçus, et s'ils auront ou non un réel impact sur la pratique constitutionnelle en Chine. Il analyse ensuite la façon dont ces amendements constitutionnels peuvent remettre en cause les deux théories existantes sur le constitutionnalisme chinois. Nous défendons l'idée selon laquelle, même si aucun n'aura de conséquence pratique, ces amendements constitutionnels constituent néanmoins un signal très négatif, et nous estimons que la tendance à la constitutionnalisation d'un système fusionné requiert au moins une révision des théories existantes sinon une nouvelle théorie, dans le but d'expliquer la pratique constitutionnelle chinoise mais également de conduire la Chine vers un État de droit, aussi limité soit-il.
- La stratégie de Pékin pour gouverner Hong Kong - Han Zhu p. 23-35 Cet article analyse l'évolution des stratégies juridiques utilisées par le gouvernement central dans la gestion des affaires de Hong Kong au cours des trois dernières décennies. Il montre que la tactique de « valorisation du droit sans démocratisation » du gouvernement de Pékin visant à neutraliser la résistance politique, résoudre les questions épineuses et étouffer les voix indépendantistes semble avoir porté ses fruits. Toutefois, à mesure que les stratégies juridiques mises en œuvre par Pékin sont devenues plus lisibles et plus volontaristes, les failles et l'instrumentalisme inhérents à l'« État de droit » selon le modèle chinois sont allés croissant, exacerbant les contradictions avec le système de la common law de Hong Kong. La valorisation du droit sans démocratisation a donné lieu à une montée inquiétante d'un légalisme autoritaire à Hong Kong.
- Le contrôle juridictionnel des actions gouvernementales en Chine - Wei Cui, Jie Cheng, Dominika Wiesner p. 37-47 Le contrôle juridictionnel des actions du gouvernement est souvent utilisé comme un baromètre de l'attitude du gouvernement vis-à-vis de l'État de droit en Chine. Ainsi, en observant l'orientation des réformes judiciaires de l'administration du président Xi Jinping, les médias ont considéré l'évolution du traitement des contentieux contre les agences gouvernementales comme un signe d'amélioration de l'État de droit. Nous proposons un examen sélectif de l'évolution du système de règlement des contentieux administratifs en Chine au cours des dernières an- nées, en accordant une attention particulière à la Loi sur les contentieux administratifs de 2014 et à une interprétation de cette loi faite en 2018 par la Cour populaire suprême. Selon nous, la question de savoir s'il est possible de poursuivre le gouvernement a de toute évidence été supplantée par la question du traitement de ces éventuelles poursuites par les tribunaux. Par ailleurs, la notion générique d'indépendance judiciaire ne permet plus d'éclairer suffisamment les réponses judiciaires réelles ou possibles. En utilisant le champ supposément vaste du contrôle des directives politiques informelles comme exemple, nous montrons en quoi le plaidoyer en faveur d'une amélioration symbolique du traitement des contentieux administratifs en Chine peut se faire au prix de la protection des fonctions non symboliques du contrôle juridictionnel, à savoir la cohérence du droit et l'uniformité des décisions de justice.
- Torture et exclusion de preuves en Chine - Zhiyuan Guo p. 49-58 La justice pénale a toujours été au cœur des réformes juridiques en Chine, et un problème grave posé au système pénal chinois est celui des tortures policières et des aveux forcés. La quasi-totalité des erreurs judiciaires recensées en Chine impliquent différentes formes de torture et d'aveux obtenus sous la contrainte. Afin d'éviter ces condamnations abusives, la Chine a mis en place certains mécanismes, notamment les règles d'exclusion de preuves illégalement acquises, appliquées depuis 2010. La première partie de cet article offre un aperçu historique du problème de la torture et des initiatives pour lutter contre celle-ci en Chine. La seconde partie retrace l'évolution des règles d'exclusion en Chine et expose les différents facteurs ayant mené à leur développement. La troisième partie évalue le degré d'application pratique de ces règles d'exclusion à partir de données empiriques et analyse les effets de cette mise en œuvre sur les autorités judiciaires et les avocats de la défense. L'article présente et commente ensuite une série d'efforts législatifs menés pour remédier aux difficultés d'application des règles d'exclusion, notamment les directives d'application publiées récemment. Enfin, cette étude met en avant quelques propositions de réformes supplémentaires pour une application plus stricte des règles d'exclusion.
- Le rôle du PCC dans la gouvernance d'entreprise - Xianchu Zhang p. 59-68 Depuis 2018, une campagne politique visant à faire du Parti communiste un élément central de la gouvernance d'entreprise en Chine a renversé le cours des réformes économiques libérales de ces quarante dernières années, qui reposait sur une séparation entre les fonctions politiques du Parti et les activités commerciales des entreprises. Cet article examine de manière critique ces évolutions d'un point de vue historique et analyse l'impact de cette campagne sur l'économie de marché socialiste et l'État de droit en Chine. Certains effets institutionnels sont également examinés au regard des Principes de gouvernement d'entreprise de l'OCDE. L'argument principal de cet article est que le renforcement du leadership du Parti au sein des entreprises risque d'affecter négativement le développement de l'économie de marché et de l'État de droit en Chine, ainsi que la création d'une société innovante au service de sa progression économique
- Avocats libéraux et État de droit en Chine - Sida Liu, Ching-Fang Hsu, Terence C. Halliday p. 69-78
- Les ONG de défense des travailleurs en Chine - Ivan Franceschini, Kevin Lin p. 79-89 Depuis leur apparition au milieu des années 1990, les ONG chinoises de défense des travailleurs se sont principalement concentrées sur trois types d'activités : la création de centres ouvriers, le lancement de programmes de sensibilisation sur le droit du travail ainsi que la conduite d'enquêtes sociales et la promotion et la défense de politiques publiques. Certains chercheurs ont vivement critiqué cette approche qui privilégie selon eux une vision individualiste et purement légaliste du droit du travail s'inscrivant ainsi dans la ligne politique de l'État- parti. Toutefois, à mesure que les conflits du travail se sont intensifiés ces dernières années, quelques ONG se sont tournées vers une stratégie plus militante axée sur la négociation collective et l'intervention directe dans les luttes collectives ouvrières. Cet article, qui repose sur une douzaine d'entretiens avec des travailleurs et des militants des droits ouvriers, ainsi que sur l'analyse détaillée de deux cas de mobilisation collective dans le Sud de la Chine en 2014-2015, mettra en avant les raisons personnelles et politiques qui ont poussé ces organisations à dé- passer cette approche étroitement légaliste pour s'orienter vers les luttes collectives. Il décrira également les stratégies adoptées par les militants chinois des droits ouvriers dans le cadre d'actions collectives. En conclusion, nous présenterons les principales difficultés rencontrées par ces militants dans la gestion des conflits ouvriers, en s'interrogeant sur la viabilité et la faisabilité de leur nouvelle approche dans le climat politique actuel.
Actualités
- « Lire la Chine » - Pieter Velghe p. 91-96 Le programme d'« informatisation » du PCC fait appel à un large éventail de TIC [Technologies de l'Information et de la Communica- tion] pour tout transformer, de la production industrielle à la gestion sociale. L'éventail de technologie polyvalente que représente l'Internet des Objets est donc un élément clé des efforts déployés par les décideurs politiques pour faire progresser la numérisation. Cet article examine les affirmations selon lesquelles la politique chinoise en matière de TIC s'approprie l'Internet des Objets pour améliorer la surveillance et la gestion sociale afin d'accroître la capacité de gouvernance de l'appareil d'État chinois. Enfin, il examine les systèmes de crédit social émer- gents face au passage à la numérisation et à l'analyse orientée par les données (data-driven analysis), ainsi que l'attention accrue accordée à la cybersécurité qui résulte de la dépendance de l'État chinois vis-à-vis de la technologie
- « Lire la Chine » - Pieter Velghe p. 91-96
Comptes rendus de lecture
- MUEGGLER, Erik. 2017. Songs for Dead Parents: Corpse, Text, and World in Southwest China. Chicago : University of Chicago Press. - Guangtian Ha p. 97-98
- PAN, Yi. 2017. Rural Welfare in China. New York : Springer International Publishing. - Jing Yang p. 98-99
- WANG, Leslie K. 2016. Outsourced Children: Orphanage Care and Adoption in Globalizing China. Stanford : Stanford University Press. - André-Anne Côté p. 99-100
- VIGNERON, Frank. 2018. Hong Kong Soft Power. Art Practices in the Special Administrative Region, 2005-2014.Hong Kong : Chinese University Press. - Judith Pernin p. 101-102