Contenu du sommaire : "Faire école" en linguistique au XXe siècle : l'école de Genève.
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
---|---|
Numéro | Vol. 37, no 2, 2015 |
Titre du numéro | "Faire école" en linguistique au XXe siècle : l'école de Genève. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
"Faire école" en linguistique au XXe siècle : l'école de Genève
- Présentation. La notion d'« école linguistique » : unité, singularité, pluralité - Christian Puech p. 5-15
- Une école à Genève avant l'école de Genève : Saussure et le Xe Congrès des orientalistes (1894) - Dan Savatovsky p. 17-31 La participation des saussuriens au congrès des orientalistes (Genève, 1894) constitue un coup de force, lié à une tentative de légitimation sans véritable lendemain. Saussure a certainement saisi l'occasion du congrès de Genève pour réaliser deux opérations conjointes : (i) faire reconnaître la place de la linguistique indo-européenne, en tant que telle, c'est-à-dire distincte des études indo-européennes à dominante littéraire, mythologique ou archéologique, dans le champ multiforme de l'orientalisme savant et la faire reconnaître comme une linguistique générale, c'est-à-dire distincte des études consacrées à telle langue ou telle branche particulière de la famille ; (ii) imposer la reconnaissance, au sein du dispositif disciplinaire de la linguistique, du groupe, de l'«école » en gestation constituée autour de lui – une école seule à même de défendre les intérêts des linguistes en général au sein d'un domaine pluridisciplinaire tel que l'orientalisme, en l'absence d'autres linguistes plus autorisés.When Saussure took part in the organization of the Tenth International Congress of Orientalists (Geneva, 1894), his goal was (i) to gain recognition for Indo-European Linguistics as an autonomous scholarly discipline in the field of academic Orientalism, distinct as such from literary, mythological and archeological Indo-European studies and – at the same time – as a General Linguistics, distinct from studies dedicated to specific languages or language families ; (ii) to gain recognition of his own group (or “school”) of linguists (the Geneva School), a school able to defend the interests of Linguistics within the multidisciplinary field of Orientalism.
- Aux sources d'une école : notes de maître et cahiers d'étudiants - Giuseppe D'Ottavi p. 33-51 Selon un paradoxe notoire, Bally et Sechehaye n'ont pas suivi les cours de Linguistique générale de Saussure ; ils ont, en revanche, fréquenté les divers cours donnés par Saussure comme professeur d'Histoire et de comparaison des langues indo-européennes. Nous nous proposons tout d'abord de revenir sur les bancs et de tracer les rapports entre les représentants majeurs de l'École de Genève à partir de la salle de classe, pour montrer que les cours de linguistique historique sont la constante qui relie tous nos personnages. Par la suite, nous développerons deux hypothèses : des vues générales sur le langage se diffusent à travers la pratique de l'enseignement des disciplines linguistiques spécialisées, et les notes préparatoires aux cours et les cahiers d'étudiants représentent le précipité de leur transmission ainsi que de leur réception. C'est à travers l'observation d'un tel matériau manuscrit que nous tâchons de fournir un complément à la cartographie de l'École de Genève.According to a notorious paradox, Bally and Sechehaye did not attend Saussure's lectures in General Linguistics. They did, however, attend various courses given by Saussure on the History and comparison of Indo-European languages. In this article, we first take into account the context of the academic setting and trace the relationships between the major exponents of the School of Geneva. We shall show how historical linguistics courses are a constant that connects all the characters in question. We then develop two hypotheses : general views on language spread through the practice of teaching specific linguistic subjects, and draft papers and students' notebooks represent the precipitate of their transmission and reception. The examination of this manuscript material leads us to attempt to provide a complement to the mapping of the School of Geneva.
- L'école de Genève vue de la Société de Linguistique de Paris - Pierre-Yves Testenoire p. 53-70 Cet article entend contribuer à la réflexion sur les caractéristiques de l'école linguistique de Genève, par le biais d'un regard extérieur : celui de la Société de linguistique de Paris. L'école dite «de Genève » et la Société de linguistique de Paris ont évidemment partie liée. Les points de contact et les passerelles entre les deux ne manquent pas. Elles partagent également de nombreux postulats et un héritage commun, quoique plurivoque : l'enseignement saussurien. Reconnait-on pour autant, au sein de la Société de linguistique de Paris, une spécificité ou une cohérence propre à l'approche linguistique développée à Genève ? Y a-t-il entre les élèves directs et indirects de Saussure à Paris et ses disciples genevois le constat de différences, de désaccords ? Pour répondre à ces questions, l'article se fonde sur le dépouillement des Bulletins de la Société de linguistique de Paris, et tout particulièrement de sa section de comptes-rendus, entre 1900 et 1940.The aim of this article is to contribute an outside perspective, that of the Société de linguistique de Paris, to the study of the characteristics of the Geneva school of linguistics, The School of Geneva and the Société de linguistique de Paris are linked, with numerous areas of contact and connections between them. They also share the postulates and common heritage of Saussurian teaching. Does the Société linguistique de Paris acknowledge the specificity of the linguistic approach developed in Geneva ? Is difference and disagreement accepted between direct and indirect students of Saussure in Paris and his disciples in Geneva ? This article is based on the analysis of the Bulletins de la Société de linguistique de Paris, and particularly on the section on reports, between 1900 and 1940.
- La problématique linguistique de l'expression à Genève entre 1900 et 1940 : Charles Bally, Albert Sechehaye et Henri Frei - Anamaria Neag Curea p. 71-91 À partir d'une analyse de la composante théorique des productions scientifiques de Charles Bally, Albert Sechehaye et Henri Frei entre 1900 et 1940, nous nous proposons de relever et d'analyser l'effet d'homogénéité, possible trait identitaire de l'école, qui se dégage autour de la catégorie de l'expression (comportant deux volets, expressivité et exprimabilité). Cette problématique développée par les trois linguistes genevois permet d'identifier quelques points de convergence significatifs, liés principalement à trois domaines de représentation communs : le statut de la psychologie, l'approche de l'affectivité et les modes de représentation du sujet parlant. Dans la seconde partie de notre article, en évoquant les notions de conformité et de variation (Schlanger 2008), nous examinons les modes d'articulation entre ces points de convergence et un autre trait identitaire commun, qualifié de «saussurisme minimal » (Godel 1961 et Amacker 1975).This article takes as its starting point an analysis of the theoretical component of the scientific programs conceived by Charles Bally, Albert Sechehaye and Henri Frei between 1900 and 1940. Our purpose is to point out and examine the homogeneity effect, possibly an identifying trait of the school, which comes to light when dealing with the expression category. This linguistic issue, which is treated by the three linguists from Geneva, brings to the fore some significant points of convergence, linked primarily to three common domains of representation : the status of psychology, the approach to affectivity and the ways in which the speaking subject may be envisaged. In the second part of the article, by bringing forward the notions of conformity and variation (Schlanger 2008), we discuss the links between these points of convergence and another common identifying trait, described as “ minimal Saussureanism” (Godel 1961 et Amacker 1975).
- L. J. Prieto, ou de la solitude du penseur - Emanuele Fadda p. 93-111 L. J. Prieto (1926-1996) avait un rapport caractéristique avec l'héritage saussurien et structuraliste, qui n'était pas conditionné par une adhésion personnelle à une école (pas même par l'amitié avec A. Martinet) – mais seulement par son effort constant de cohérence, indépendamment de toute exigence de confrontation aux autres. Il est néanmoins possible de découvrir des analogies entre les théories priétiennes et d'autres formes, non structuralistes, de sémiotique et de philosophie du langage (principalement le pragmatisme et la philosophie analytique). La pensée de Prieto, arrivée à maturité et telle qu'elle apparaît dans les Saggi di Semiotica, témoigne de cette élaboration personnelle, à la fois pour sa vision anthropo-sémiotique globale et pour la façon dont ce penseur réexamine, dans un cadre saussurien, certains problèmes qui ont été souvent ignorés par la tradition structuraliste (par exemple, la théorie des institutions – ce qui semble être utile par rapport au débat actuel sur l'ontologie sociale).The relation of L. J. Prieto (1926-1996) to the Saussurean legacy and the structuralist network particular enough that the word “ school” cannot be used to describe it. Prieto's research was solely guided by constantly straining towards consistency, ignoring mainstream ideas. Notwithstanding, it is possible to sketch the network connecting Prieto to other giants of structuralist semiolinguistic thought, and to draw strong analogies between his theories and other, non-structural, forms of semiotics and philosophy of language (mainly pragmatism and analytical philosophy). The final – and less known – result of Prieto's studies is cto be found in the volumes of Saggi di semiotica, revealing a comprehensive anthroposemiotic vision, dealing in a genuinely Saussurean fashion with problems often ignored by the mainstream structuralist tradition (e. g. a theory of institutions, which could play a role in the current debate in social ontology).
Varia
- Genèse et développement du concept de grammaticalité dans la pensée de Chomsky (1951-1965) - Jacqueline Léon, Nick Riemer p. 115-152 Cet article a pour objectif d'étudier la genèse et l'évolution de la notion de grammaticalité dans l'oeuvre de Chomsky, de 1951 jusqu'à Aspects en 1965. Cette périodisation correspond au développement de la grammaticalité et des notions connexes, intuition du locuteur natif, compétence vs performance et acceptabilité. Nous examinerons les points suivants : l'impact de l'évolution de la notion de grammaticalité sur le traitement des données par la grammaire ; la façon dont Chomsky oscille entre une conception binaire de la grammaticalité en termes d'opposition entre phrases grammaticales et phrases non grammaticales, et une conception plus continuiste en termes de degrees of grammaticalness. On se demandera si la couverture des données est constante et dans quelle mesure l'objectif de Chomsky est de construire une grammaire partielle ou bien exhaustive.This article aims to study the origin and evolution of the concept of grammaticality in Chomsky's work from 1951 until Aspects in 1965. This timeframe corresponds to the development of grammaticality and of related concepts – native speaker's intuition, competence vs performance, acceptability. We explore the following points : the effect of the evolution of the notion of grammaticality on the grammar's treatment of data ; and the way Chomsky fluctuates between a binary contrast between grammatical and ungrammatical sentences, and a more continuist conception in terms of degrees of grammaticality. We will ask if the coverage of data is constant, and how far Chomsky's goal is to construct a partial grammar or an exhaustive one.
- Sapir et le sentiment de la forme - Jean-Michel Fortis p. 153-174 Cet article traite de la conception esthétique de la langue chez Edward Sapir et de ses sources possibles. Cette conception est particulièrement visible dans l'usage que fait Sapir de la notion de sentiment de la forme, notion qui apparaît de façon répétée dans Language et dans d'autres textes. Cette notion, comme Sapir nous l'apprend, a pour origine la théorie de l'art. La première partie de l'article place le sentiment de la forme dans son contexte théorique, c'est-à-dire les notions de forme et de configuration (pattern), et leur rapport aux facteurs fonctionnels et à l'évolution du langage. La seconde partie aborde les origines possibles de la notion de sentiment de la forme. L'hypothèse défendue est qu'il faut chercher ces origines dans l'esthétique de langue allemande, plus précisément dans la notion de Formgefühl, développée dans le cadre d'une esthétique psychologique qui mettait particulièrement en exergue le concept d'empathie. Ce courant fut illustré notamment par R. Vischer, Wölfflin, Lipps et Dessoir. Toutefois, l'interprétation par Sapir du Formgefühl lui est propre, et témoigne d'une réorientation «intellectualiste » du concept.This paper discusses Edward Sapir's aesthetic conception of language and its possible sources. This conception surfaces most conspicuously in the notion of formfeeling, which is mentioned time and again in Language and other texts. Form-feeling, as Sapir tells us, takes its origin from art theory. In the first part of the paper, this notion is set against the background of Sapir's views about form and pattern and their relation to function and language evolution. The second part of the paper is about the possible origins of the notion of form-feeling. It is argued that these origins are to be found in German-speaking art theory, specifically the notion of Formgefühl. This notion was fleshed out in a strand of aesthetic theory whose psychological orientation was characterized by the great importance it laid on the notion of empathy. To this strand belongs the work of R. Vischer, Wölfflin, Lipps and Dessoir. However, Sapir's interpretation of the Formgefühl was his own, and reoriented this notion by giving it an “intellectualist” twist.
- Genèse et développement du concept de grammaticalité dans la pensée de Chomsky (1951-1965) - Jacqueline Léon, Nick Riemer p. 115-152
Lectures et critiques
- Guichard, Éric, éd., Écritures : sur les traces de Jack Goody, 2012 - Sylvain Auroux p. 177-179
- Ducos, Joëlle, éd., Encyclopédie médiévale et langues européennes, réception et diffusion du De proprietabus rerum de Barthélémy l'Anglais dans les langues vernaculaires, 2014 - Anne Grondeux p. 179-180
- Marcotte, Stéphane & Christine Silvi, éds., Latinum cedens. Le français et le latin langues de spécialité au moyen-âge, 2014 - Anne Grondeux p. 180-184
- Le retour d'un « génie ordinaire », compte-rendu de : Evgenij Polivanov. Pour une linguistique marxiste. Articles choisis, édités et présentés par Elena Simonato, traductions d'Elena Simonato et Patrick Sériot, 2014 - Sergueï Tchougounnikov p. 185-187
- Ekaterina Vel'mezova [Velmezova], Istorija lingvistiki v istorii literatury [L'histoire de la linguistique dans l'histoire de la littérature], 2014 - Sébastien Moret p. 188-189
- Nissille, Christel, « Grammaire floue » et enseignement du français en Angleterre au XVe siècle. Les leçons du manuscrit Oxford Magdalen 188 (Romanica Helvetica, 133), 2014 - Danielle Trudeau p. 189-193
- Anne-Marie Chabrolle-Cerretini (éd.), Romania. Réalité(s) et concepts, 2013 - Gilles Siouffi p. 194-197
- Bédouret-Larraburu, Sandrine & Chloé Laplantine (éds), Émile Benveniste : vers une poétique générale, 2015 - p. 199
- Benveniste, Émile, Langues, cultures, religions, Édition et introduction de Chloé Laplantine et Georges-Jean Pinault, 2015 - p. 199
- Barton, Johan, Donait françois, édition de Bernard Colombat, 2014 - p. 200
- Aussant, Émilie (dir.), La Traduction dans l'histoire des idées linguistiques. Représentations et pratiques – Préface de Sylvain Auroux, 2015 - p. 200
- Mauger, Claude, Grammaire françoise. French Grammar, édition de Valérie Raby, 2014 - p. 200