Contenu du sommaire : Les espaces du travail social
Revue | Espaces et Sociétés |
---|---|
Numéro | no 176-177, 2019/1-2 |
Titre du numéro | Les espaces du travail social |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Hommage à Jean Remy - p. 7
I – Les espaces du travail social
- Éditorial - Florence Bouillon, Tristana Pimor, Thomas Sauvadet p. 8-14
- L'observation socio-territoriale par les acteurs du secteur social : catégories d'analyse et choix méthodologiques - Eugénie Terrier p. 15-32 La territorialisation de l'action sociale en France a favorisé le développement de l'analyse spatiale des réalités sociales locales. Cet article s'intéresse à la manière dont l'observation des territoires est actuellement abordée au sein des institutions de l'action sociale. Il s'agit de mieux comprendre les approches théoriques et méthodologiques qui sont actuellement privilégiées par différents acteurs du secteur social : qu'ils soient spécialistes de l'observation sociale locale, cadres de l'action sociale ou travailleurs sociaux. Cette réflexion s'appuie sur les résultats de plusieurs recherches-actions menées avec des départements. L'évaluation des travaux existants au sein des collectivités et au niveau national montre une prédominance de l'approche statistique et cartographique des données socio-économiques.Territorialisation of social work in France has promoted the development of the spatial analysis of local social realities. This article deals with the way the observation of territories is currently addressed within social work institutions. The aim is to better understand the theoretical and methodological approaches that are now favored by different actors of the social sector, be they specialists in local social observation, social action managers or social workers. The analysis is based on the results of several action-research projects led with départements (counties). Evaluation of existing studies within local authorities and at national level shows a prevalence of a statistical and cartographic approach of socio-economic data.
- Frontières spatiales, temporelles et professionnelles dans l'accompagnement social et médical des personnes sans abri. Une étude de cas - Anne Petiau p. 33-51 La qualification du sans-abrisme comme problème relevant à la fois du social et de la santé, notamment mentale, appelle un développement du partenariat entre la médecine, la psychiatrie et l'urgence sociale. Une expérimentation sociale de « maraude interdisciplinaire » a été menée dans ce contexte par une association caritative. Composée d'un intervenant social et d'une infirmière spécialisée en psychiatrie, l'équipe mobile est chargée de développer le partenariat entre les acteurs des champs médical et social sur un territoire. Les définitions des espaces et des temporalités d'intervention, les négociations des périmètres d'intervention et les remises en question des professionnalités constituent des difficultés de ce travail partenarial que nous évoquerons. Si l'expérimentation de maraude contribue, in fine, à éviter que les personnes sans abri se sédentarisent dans l'espace des gares et alentour, les modalités organisationnelles et partenariales tendent à les faire circuler aussi bien dans l'espace géographique du territoire qu'entre les trois secteurs de prise en charge, au risque d'un retour probable à la rue.Homelessness is characterized both as a social and a health problem, including mental health, calling the development of the partnership between medicine, psychiatry and emergency social work. The article focuses on an interdisciplinary cruising experiment, led in this context by a non-profit organization. Composed of a social worker and a nurse specialized in psychiatry, the mobile team is in charge of partnering medical and social professionals of the area. This partnership development challenges each profession by moving boundaries between skills and sectors. Social, medical and psychiatric fields each have their own territorial organization and their own spatial and temporal references, leading to difficulties to work together: professionals have to negotiate their scope of responsibility and expertise. The social cruise experiment contributes to reduce the homeless people's trend to settle in train stations and around, but tend to move them around the urban space and between de three sectors, with the probability for them to return to the street.
- Être hébergé en famille dans une structure sociale : des interventions qui varient selon les espaces de vie - Claire Ganne, Nathalie Thiery p. 53-68 Les établissements sociaux qui hébergent des familles sans logement proposent des conditions d'hébergement très variées, de l'institution collective à l'hébergement en appartement autonome. De plus, ils relèvent de différents secteurs des politiques sociales. Si les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, qu'ils soient collectifs ou « diffus », visent prioritairement l'accès au logement, les centres maternels (souvent collectifs) et les centres parentaux, de création plus récente et fonctionnant davantage en logement diffus, s'inscrivent dans le dispositif de la protection de l'enfance. En se basant sur trois recherches menées auprès de personnes hébergées dans ces différentes structures, cet article a pour objectif d'explorer l'articulation entre l'agencement spatial des espaces de vie et les pratiques d'interventions sociales en direction des familles, en fonction des missions de l'institution.Social institutions putting up homeless families provide very different housing conditions, from collective accommodations to individual apartments. Moreover, they are segmented among different social policy sectors. Social rehabilitation centres provide collective or individual accommodation and focus on access to housing, while collective mother-and-child centers and recently established family centers are part of child protection services. Based upon three different investigations conducted with parents who have been housed in these different institutions, this paper explores the articulation between the spatial arrangement of living spaces and the intervention practices on families, depending on institutions' missions.
- Enquêter dans les hébergements et logements assistés. Émergence d'une théorie ancrée du chez-soi - Pascale Pichon p. 69-85 Cet article repose sur deux enquêtes sociologiques conduites entre 2009 et 2016 dans diverses villes françaises. Il propose une analyse compréhensive de l'expérience sociale du « chez-soi », là où on l'attend le moins : au sein des institutions d'hébergement et de logement assisté. Il propose une description analytique des significations de ce que recouvre, au regard des contextes situationnels observés, les quatre composantes d'une théorie ancrée du chez-soi : aménagements, attachements, appropriations et ancrages. La présentation de situations typiques documentées par l'observation ethnographique et par des entretiens croisés auprès des résidents et des intervenants sociaux met en évidence les restrictions des possibilités d'action hors de la sphère de l'assistance ainsi que l'éloignement de l'accès au droit au logement. L'analyse conduit in fine à penser plus largement le droit à habiter dans un milieu qui offre des appuis inconditionnels pour agir et investir l'espace d'un chez-soi.This article is based on two sociological field investigations led between 2009 and 2016 in various French cities. A comprehensive analysis of the social experience of “home” (“chez-soi”) in shelters is proposed. Using a grounded theory approach, the article explores the four components, or properties, of “home” in the various situational contexts studied, based on the experience of individuals: arrangements, attachments, appropriations, spatial inscriptions. The presentation of typical situations documented by ethnographic observation and by crossed interviews with residents and social workers highlights the constraints to acting outside the sphere of assistance schemes as well as limited access to the right to housing. More generally, the analysis invites to think an environment that provides unconditional support for individuals to act and emotionally invest a space as “home”.
- Interpréter le domicile, évaluer le danger. Les visites à domicile dans le champ de la protection de l'enfance - Stéphane Léon, Claudie Rey p. 87-101 Le domicile constitue à la fois le refuge de la vie privée et une catégorie de l'action sociale. Espace ambivalent, il situe les travailleurs sociaux entre le contrôle et l'aide, entre la contrainte légale et l'accompagnement. Ces notions posent la question de leur mise en œuvre dans un contexte législatif qui oscille entre respect de la vie privée et obligation légale de protection de l'enfance. Le domicile est un support à l'évaluation des travailleurs sociaux dans le cadre de la protection de l'enfance : il permet de mesurer le danger et d'envisager les réponses possibles dans un cadre juridique. Cependant, ce cadre ne suffit pas à construire la relation avec les familles. Les travailleurs sociaux sont amenés à négocier leur place au sein du domicile des familles, la lecture de cet espace de l'intime étant indispensable à l'évaluation du danger que les enfants rencontrent ou peuvent rencontrer.Home is both a privacy place and a category of social action. Due to this ambivalence, social workers are between control and help, between legal enforcement and support. This raises an implementation issue in the dual legal context of privacy respect and child protection obligation. Home is a privileged locus for social workers' evaluation of children situation. It allows monitoring the level of danger and considering the appropriate legal answers. But this legal framework doesn't help social workers to build trust and relationships with the families. Indeed they have to be accepted and welcomed by families: analysis of this private space is indeed essential for evaluating the danger that children face or may face.
- Salles d'attente : (faire) patienter dans l'univers du travail social - Jean-François Gaspar p. 103-115 Prenant appui sur une enquête ethnographique de longue durée entreprise dans les lieux où se déploie le travail social dans une ville de moyenne importance, dans l'ancien bassin minier wallon, l'article décrit deux lieux d'attente pour les usagers du travail social : l'un dans un service social de première ligne, et l'autre, dans le service social d'un hôpital (pour le service psychiatrique). Il met en évidence comment ces usagers occupent et/ou sont confrontés à ces lieux et comment les travailleurs sociaux tentent de réguler « au mieux » les flux et de « gérer » l'attente. Une comparaison entre ces lieux permet de mettre en lumière l'attente comme une des modalités de préparation de l'entretien avec le travailleur social. La fréquentation de ces lieux et l'attente ne sont en effet pas sans conséquence. Elles sont constitutives de l'économie de la relation dans l'univers du travail social et, plus particulièrement, des rapports entre usagers et professionnels.Based on a long-term ethnographic survey in the places where social work is carried out in a medium-sized town in the former Walloon mining basin, the article describes two waiting rooms for social work beneficiaries: one in a front-line social service and the other in the social service of a hospital (in psychiatry). It highlights how they occupy and/or are confronted with these rooms and how social workers try to regulate flows and “manage” the waiting line. A comparison between these rooms makes it possible to highlight the waiting time as one of the modalities of preparation of the interview with the social worker. Attendance and waiting are not without consequences. They constitute the economy of the relationship in the world of social work and, more particularly, the relationships between users and professionals.
II - Varia
- Malaise dans le quartier. De quoi le sentiment d'insécurité est-il le symptôme ? - Pascal Vallet p. 117-136 L'article traite de l'interprétation de situations quotidiennes du point de vue peu étudié d'habitants qui éprouvent un sentiment d'insécurité. En s'appuyant sur les résultats d'une enquête réalisée à Montreynaud, un quartier de Saint-Étienne classé en zone de sécurité prioritaire, il présente trois profils d'habitants anxieux (c'est-à-dire éprouvant une anxiété sécuritaire) : celui des propriétaires qui se sentent « piégés », celui des locataires exaspérés par les incivilités, et celui des femmes inquiètes pour leurs enfants. Ces inquiétudes correspondent à trois expressions d'un malaise plus général, et l'article montre aussi que ce malaise, qui s'objective dans des ressentiments, dans l'ethnicisation des rapports entre groupes sociaux ou dans des inquiétudes quant à l'avenir familial, est aussi traversé par le sentiment d'abandon.How are everyday situations considered, from the original point of view of inhabitants who experience the feeling of insecurity? Based on the results of a survey made in Montreynaud, a neighborhood in the city of Saint-Etienne, the paper presents three profiles of anxious inhabitants (i.e. inhabitants experiencing anxiety linked to insecurity): home owners who feel “trapped”, renters who are infuriated by incivilities, and women who are worried for their children. Those worries correspond to three expressions of a more general discomfort, and the paper also shows that this discomfort, which is objectified into resentment, the ethnicisation of relationships between social groups or into worrying about the family's future, is also linked to a feeling of abandonment.
- Mobilité parentale en Belgique : question de genre, question de classe - Yoann Demoli, Marie K. Gilow p. 137-154
- Malaise dans le quartier. De quoi le sentiment d'insécurité est-il le symptôme ? - Pascal Vallet p. 117-136
III - Rétrospective
- Travail social, politique et monde universitaire : réflexions sur une histoire complexe - Denis Bocquet p. 155-163
Notes de lecture
- Claire Lévy-Vroelant, L'incendie de l'hôtel Paris-Opéra. 15 avril 2005. Enquête sur un drame social, Grane, Créaphis (Format passeport), 2018, 480 p. - Clara Piolatto p. 165-168
- Maud Simonet, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel, 2018, 152 p. - Alicia Jacquot p. 169-171
- Francis Lebon et Emmanuel de Lescure éd., L'éducation populaire au tournant du XXIe siècle, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2016, 310 p. - Nicolas Brusadelli p. 173-176
- Lydie Laigle et Sophie Moreau, Justice et environnement. Les citoyens interpellent le politique, Gollion, Infolio éditions (Archigraphy poche – Futurs urbains), 2018, 240 p. - Philippe Hamman p. 177-180
- Francesco Curci, Enrico Formato et Federico Zanfi éd., Territori dell'abusivismo. Un progetto per uscire dall'Italia dei condoni, Rome, Donzelli, 2017, 378 p. - Denis Bocquet p. 181-184
Témoignage
- Avant-propos - Maurice Blanc p. 185-188
- La sociologie urbaine et le marxisme des années 1970, entretien avec Francis Godard - Antonio Delfini, Janoé Vulbeau p. 189-202