Contenu du sommaire : Classes populaires d'aujourd'hui
Revue | Sociétés contemporaines |
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Numéro | no 114, 2019/2 |
Titre du numéro | Classes populaires d'aujourd'hui |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Classes populaires d'aujourd'hui. Questions de morphologie et de styles de vie
- Introduction. Classes populaires d'aujourd'hui : Questions de morphologie et de styles de vie - Lise Bernard, Olivier Masclet, Olivier Schwartz p. 5-21
- Quelle définition statistique des classes populaires ? : Propositions d'agrégation des situations socioprofessionnelles des ménages - Thomas Amossé p. 23-57 Les catégories (ou classes) populaires constituent une notion désormais solidement installée dans la sociologie française. Au cours des dernières années, l'analyse statistique de leur diversité interne a connu un regain d'intérêt. Cette contribution poursuit dans cette direction en proposant plusieurs délimitations statistiques des ménages populaires, prises au niveau des groupes puis des catégories socioprofessionnelles. Ces délimitations s'appuient sur l'analyse de diverses formes de ressources (économiques, mais aussi scolaires, professionnelles ou d'origines) dont ils disposent. Selon la perspective envisagée, la situation des couples d'employé·e·s (et dans une moindre mesure des ménages de petit·e·s indépendant ·e·s) apparaît ambigüe puisque ceux-ci peuvent tout aussi bien être rattachés aux classes moyennes, ou constituer la fraction supérieure des classes populaires. La fraction médiane se décompose quant à elle en deux pôles de couples uniquement composés d'employé·e·s et d'ouvri·er·ère·s : l'un à dominante rurale et marqué par la présence des emplois agricoles, industriels et publics ; l'autre davantage urbain, qui renvoie aux univers de l'artisanat, du commerce et des services aux particuliers. De façon transversale, la situation professionnelle d'un·e éventuel·le conjoint·e (et tout particulièrement des femmes) apparaît décisive pour la position sociale des ménages populaires, ce qui se traduit, en creux, par une fraction basse principalement composée d'employé·e·s, d'ouvri·er·ère·s ou inacti·f·ve·s n'ayant pas de conjoint.What Statistical Definition of the Working Classes? Proposals for Aggregating the Socioprofessional Situations of HouseholdsThe classes populaires (working class) constitute a notion that is now firmly established inFrench sociology. In recent years, there has been a renewed interest in statistical analyses of their internal diversity. This contribution digs further in this direction by designing a series of statistical classifications of working class households, built at the level of socioprofessional groups and then of socioprofessional categories (which are more detailed). These classifications are based on an analysis of the various forms of the resources (economic, but also educational, professional or linked to origins) owned by households. Depending on the perspective considered, the situation of couples with solely employés (clerical, sales and services employees), and to a lesser extent small self-employed couples, appears ambiguous since they can be included in middle classes as well as constitute the upper fraction of composed solely of employés and ouvriers (blue collar workers) : one predominantly rural and marked by the presence of agricultural, industrial and public occupations; the other more urban, which refers to the milieu of craft, trade and personal service. Transversely, the professional situation of a possible spouse (and especially women) appears decisive for the social position of working class households. As a consequence, the lowest fraction of working classes is mainly composed of employés and ouvriers or inactive people without a spouse.
- Changer d'emploi, est-ce changer de position sociale ? : La structure des classes populaires au prisme des mobilités professionnelles des ouvriers et des employés - Claire-Lise Dubost, Lucas Tranchant p. 59-88 Les mobilités professionnelles sont peu étudiées en tant que telles, alors qu'elles représentent une dimension importante de l'expérience du travail dans les classes populaires et qu'elles sont au centre des politiques de l'emploi. À partir des données de l'enquête « Formation et qualification professionnelle » de 2014, qui offrent un suivi complet des trajectoires individuelles sur cinq ans, cet article propose une analyse synthétique de ces mobilités chez les ouvriers et les employés. De cette analyse ressortent cinq types de mobilité. Entre 2009 et 2014, près de la moitié des mobilités des ouvriers et employés sont des sorties longues voire définitives de l'emploi, soit six fois plus que les promotions internes et les mises à son compte. En plus de ces trois situations classiques, l'article met en lumière deux types de mobilités discrètes, les mobilités sur place et les mobilités sectorielles. Ces mobilités internes aux classes populaires sont généralement invisibilisées par l'étude des grands déplacements sociaux. Pourtant leur poids est majeur dans le salariat d'exécution, puisqu'il est équivalent à celui des sorties de l'emploi. À partir de cette typologie de mobilités, l'article contribue également à l'étude de la stratification interne des classes populaires grâce à cette vision dynamique des trajectoires et perspectives de déplacement professionnel.Is Changing Jobs a Change of Social Position? The Structure of Popular Classes in the Light of the Occupational Mobility of Workers and EmployeesOccupational mobility is little studied as such, whereas it represents an important dimension of the work experience in the working class and is at the center of employment policies. Based on data from the 2014 Formation et qualification professionnelle Survey, which provides a comprehensive follow-up of individual trajectories over five years, this article provides an extensive overview of these mobilities among routine workers. This analysis identifies five types of mobility. Between 2009 and 2014, almost half of workers' mobility and self-employment. In addition to these three classic situations, the article highlights two types of discrete occupational mobilities, on-site mobility and sectoral mobility. These mobilities within the working classes are generally invisible through the study of large social displacements. Yet they represent a great share of the working class mobilities, since it is equivalent to that of the job losses. Drawing on this typology of occupational mobilities, the article also contributes to the study of the inner stratification of the working classes thanks to a dynamic approach of occupational trajectories and mobility chances.
- « Si je travaille, c'est pas pour acheter du premier prix ! » : Modes de consommation des classes populaires depuis leurs ménages stabilisés - Thomas Amossé, Marie Cartier p. 89-122 Le développement de la précarité dans l'ensemble des ménages populaires, et non seulement pour les plus pauvres, est susceptible d'avoir modifié leur rapport à la consommation. En centrant l'analyse sur ceux qui ont acquis (même temporairement) une forme de stabilité, et à partir d'un double matériau quantitatif et qualitatif, nous rendons compte à la fois des aspirations qu'ils partagent avec les ménages situés plus haut socialement et des comportements ou stratégies économiques qu'ils doivent déployer pour les réaliser. Leurs dépenses sont particulièrement marquées par les « nouveaux » besoins sociaux que sont la voiture et le numérique, mais comprennent également des biens d'agrément et services coûteux (vêtements de marques, équipements technologiques, restaurants, vacances à l'étranger) qui en étaient pratiquement exclus auparavant. Le niveau de vie de ces ménages restant limité, et surtout fluctuant, ces dépenses ne peuvent souvent être réalisées que grâce au salaire des femmes (une condition pour se faire plaisir), à une organisation rigoureuse dans la manière de faire les courses ou dans la constitution d'une épargne pour consommer. C'est à ce prix seulement que ces ménages ouvriers et employés peuvent consommer « comme tout le monde ».“If I Work, It's not to Buy First Price!”. Consumption of the Working Classes from their Stabilized HouseholdsThe increase in precariousness in all working class households, and not only for the poorest, is likely to have changed the way they consume. By focusing the analysis on those who have acquired (even temporarily) a form of socio-economic stability, and using a dual quantitative and qualitative material, we report both on the aspirations they share with higher social households and the economic behaviours or strategies they must deploy to achieve them. Their spending is particularly marked by the “new” social needs of the car and digital, but also includes expensive amenities (branded clothing, technological equipment) and services (restaurants, holidays abroad) that were previously almost excluded. As the standard of living of these households remains limited, and above all fluctuating, these expenses can often only be achieved thanks to women's wages (a condition for indulgence), to tight control in the way they shop or save for consumption. It is only at this price that these working class households can consume “like everyone else.”
- Regrets d'école : Le report des aspirations scolaires dans les familles populaires - Tristan Poullaouec p. 123-150 L'inquiétude scolaire est devenue, on le sait, très présente dans la vie des familles populaires, contrairement au cliché bien démenti d'une « démission parentale » face à l'avenir scolaire et professionnel des enfants. La variété et les formes de la préoccupation scolaire sont cependant moins documentées, et surtout rarement étudiées à l'échelle des ménages. C'est l'objectif de cet article, sur la base d'enquêtes par questionnaire (enquête « Emploi » de l'Insee en 2014, Panel du second degré du ministère de l'Éducation nationale en 2007) et d'entretiens auprès de 28 ménages, menés entre 2013 et 2017. L'enquête auprès des fractions non démunies des classes populaires confirme une forte aspiration à la réussite scolaire des enfants, qui s'exprime aussi bien dans les voeux d'orientation scolaire, les choix d'établissement ou de classe que dans le suivi des devoirs. Sans être à la hauteur des investissements scolaires des familles les plus instruites, les efforts éducatifs des parents de cette partie médiane des classes populaires contemporaines, et tout particulièrement des mères, ont partie liée avec leur capital scolaire modeste mais non nul. Les monographies de ménage montrent aussi comment cette mobilisation inquiète prend racine dans l'expérience scolaire et professionnelle des parents, qui pour beaucoup tentent de rattraper par la formation post-scolaire une scolarité en demi-teinte.School Regrets. Aspirations Transfer in Working Class Families
Despite the cliché of a supposed parental resignation regarding the academic and professional future of children, the matter of school has become, as we know, a major concern within working class families. Only a few studies, however, have documented the range and forms of this school concern, especially on the household scale. Such is the aim of this study based on quantitative surveys (Labour Force Survey conducted by the French national institute for statistics and economics in 2014; Longitudinal Study of students who entered Collège in 2007, conducted by the Ministry of Education) and qualitative interviews conducted within 28 families between 2013 and 2017. This inquiry into the un-deprived fractions of working classes confirms an overall large aspiration to academic achievement. This aspiration is notable in academic choices (school career paths, school institutions, classes) as well as in homework monitoring. The educational investment of parents from this median section of contemporary working classes—mothers especially—can be explained by their modest, albeit not valueless, school capital. Household monographs show how school investments are deeply rooted in the academic and professional experience of those parents who, for the most part, strive to catch up on a second-rate education with continuing training.
Varia
- Parler politique en classe : Ethnographie de la socialisation politique en contexte scolaire - Thomas Douniès p. 151-179 Cet article porte sur le traitement de la politique dans les classes d'éducation civique au niveau du lycée. En allant au-delà du curriculum officiel et de la mesure a posteriori des « effets », la démarche ethnographique ici employée montre comment s'opère au concret le mouvement d'enveloppement de la socialisation politique par la forme scolaire dans ses dimensions à la fois cognitives et pratiques. Les implications empiriques de la conformation au principe de « neutralité » limitent la familiarisation avec la politique que les élèves pourraient tirer de ce cours et favorisent une déconflictualisation des interactions. Les processus complexes de conversion d'attentes scolaires en attentes politiques participent par ailleurs à confirmer l'incompétence statutaire que les élèves trouvent l'occasion d'exprimer dans cet enseignement. En contribuant avec l'exemple de l'École à éclairer, plus généralement, les manières dont le travail de socialisation politique s'opère dans des univers de pratiques et de sens différenciés, cette enquête montre in fine comment l'institution scolaire peut paradoxalement contribuer à entretenir la distance entre les jeunes et la politique au travers d'un dispositif qui prétend les préparer à l'exercice de leur citoyenneté.Talking Politics in Classroom. Ethnography of Political Socialization in School Context
This paper analyzes how we talk politics in high schools civic education class. Beyond formal curriculum and the measure of the “effets,” the ethnographic enquiry shows how concretely political socialization is shaped by the cognitive and practical features of school framework. The empirical effects of the neutrality principle limits the familiarization with politics and favors the de-conflictualization of the interactions. Moreover, the complex conversion of school expectations into political expectations tends to confirm the statutory incompetency expressed by pupils in this class. Eventually, this survey shows how paradoxically school can contribute to maintain the gap between young people and politics through a teaching officially aimed at preparing them to exercize their citizenship ; thus, from the example of school, it highlighs more generally how political socialization is realised within practical and symbolic differentiated spaces.
- Parler politique en classe : Ethnographie de la socialisation politique en contexte scolaire - Thomas Douniès p. 151-179