Contenu du sommaire : Politiques sociales locales
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | Hors-série, no 1, 2019 |
Titre du numéro | Politiques sociales locales |
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- Avant-propos - Robert Lafore, Jean-Luc Outin p. 7-22
- L'aide et l'action sociales des collectivités locales - Isabelle Leroux p. 23-39 L'aide et l'action sociales des collectivités locales en France reposent en premier lieu sur l'aide sociale départementale, qui représente la moitié des dépenses d'aide et d'action sociales nationales et 64 % des dépenses de fonctionnement des départements en 2017. Celle-ci comprend 4,2 millions de prestations ou mesures d'aide sociale à destination des personnes âgées, des personnes handicapées, des enfants ou jeunes majeurs en danger ou en risque de l'être, et pour l'insertion. Les départements ont, à ce titre, dépensé 37 milliards d'euros (nets des recouvrements ou remboursements). La répartition géographique des bénéficiaires et des dépenses d'aide sociale par habitant est hétérogène et diffère selon le secteur d'aide considéré. En matière de dépenses par bénéficiaire, celles liées au revenu de solidarité active (RSA) et celles liées aux personnes âgées sont moins variables d'un département à l'autre que celles liées à l'aide sociale aux personnes handicapées ou à l'aide sociale à l'enfance (ASE).Outre certaines actions sociales obligatoires, les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) mettent en œuvre des actions sociales dans divers secteurs. En 2014, plus de huit communes françaises sur dix, représentant 98 % de la population française et plus de 80 % des intercommunalités développaient au moins une forme d'action sociale. Les communes interviennent principalement dans les domaines de l'aide aux personnes âgées, de la lutte contre la pauvreté et les exclusions, de la jeunesse et la famille, de l'hébergement et du logement ou encore de la petite enfance et de l'aide aux personnes handicapées.
- Penser global, agir local ? Désectorisation des politiques sociales et échelles d'action publique - Elisabetta Bucolo, Anne Eydoux, Laurent Fraisse, Alexandra Garabige, Léa Lima, Jules Simha, Loïc Trabut, Claire Vivés p. 41-61 Cet article interroge les recompositions de l'intervention sociale territoriale ou territorialisée à partir de l'analyse de dispositifs mettant en place des formes d'accompagnement global pour des publics dont les besoins, identifiés comme complexes, sont réputés nécessiter une approche transversale, mobilisant plusieurs secteurs d'intervention. Il s'appuie sur une enquête à caractère monographique portant sur des dispositifs destinés à trois catégories de publics : personnes âgées dépendantes, demandeurs d'emploi en difficulté d'insertion et mères isolées précaires. L'article examine ces dispositifs en soulignant leur caractère souvent multiniveau ainsi que la variété des modèles de transversalité dont ils relèvent. Il analyse ensuite les difficultés de leur mise en œuvre, en montrant que ces dispositifs transversaux interrogent les compétences territoriales, la géographie des interventions auprès des publics et les compétences professionnelles des acteurs. Enfin, il explore les défis que pose leur gouvernance.This article examines recompositions of territorial or territorialised social intervention based on an analysis of global support schemes for populations whose needs, identified as complex, are thought to require a cross-cutting approach calling on several intervention sectors. It draws on a monographic survey addressing measures targeting three categories : dependent seniors, job seekers considered as “remote from employment”, and lone mothers in a precarious situation. The article stresses the often multi-level nature of these measures, as well as the variety of cross-cutting models involved. It then considers the difficulties in implementing these measures, which raise questions as regards territorial competencies, the geographies of intervention and the professional skills of the operators. Lastly, it considers the challenges posed by the governance of these systems.
- L'émergence de « politiques de l'autonomie » à l'échelle locale : entre innovations et prégnance des filières d'action sociale - Philippe Martin, Marie-Laure Pouchadon p. 63-86 Un nouveau vocable est apparu pour désigner l'action sociale et médico-sociale en direction des personnes âgées et des personnes handicapées : on parle aujourd'hui de « politiques de l'autonomie ». Il s'agit non seulement d'embrasser de manière plus large les traditionnelles filières, mais aussi de situer l'action dans sa dimension locale, territoriale et, par-là, de la référer au paradigme de la société inclusive. Assiste-on pour autant à une véritable transformation cognitive du côté des acteurs de terrain ? Sur la base d'une étude empirique des politiques, des dispositifs et des pratiques d'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées dans deux départements français, le présent article propose une réponse nuancée : les politiques locales envers ces publics semblent bien mues par des volontés d'innovation et de transformation des modes traditionnels de prise en charge. Les organisations et les services se décloisonnent, se rapprochent des usagers ; les territoires se mobilisent. Ces dynamiques se heurtent toutefois aux logiques de filières spécialisées, toujours prégnantes, et il s'avère difficile en pratique de construire une action en partant de l'individu, de ses besoins propres et de son projet de vie.A new term has been coined to refer to social and medico-social work with seniors and people with disabilities : “autonomy policies”. The idea is not simply to more broadly encompass traditional sectors but to situate action in its local and territorial dimension and thus connect it to the paradigm of the inclusive society. But are we witnessing a true cognitive transformation among players in the field ? On the basis of an empirical study of policies, systems and support practices for seniors and people with disabilities in two French departments, this article provides a nuanced response to that question. Local policies towards these populations do indeed appear to be informed by the desire to innovate and transform conventional care approaches. Organisation structures and services are being decompartmentalised and growing closer to users, and territories are mobilising. These evolutions are nevertheless hindered by the approaches of specialised sectors – which continue to dominate – and it is proving difficult in practice to build action on the basis of individuals and their particular needs and life projects
- Disparités départementales dans l'accompagnement des personnes âgées fragiles : un état des lieux - Quitterie Roquebert p. 87-103 Si l'accompagnement des personnes âgées fragiles par l'action publique est dessiné au niveau national, sa mise en œuvre repose sur les conseils départementaux. Cet accompagnement repose sur deux volets : le financement de la demande d'aide qui s'adresse aux aidants professionnels et la régulation de ces producteurs d'aide sur le marché. Cet article propose un état des lieux des connaissances documentant l'ampleur des variations des pratiques départementales sur ces deux volets et leurs effets sur les propriétés des dispositifs tournés vers les personnes âgées fragiles. Si le cadre national s'annonce a priori contraignant, les missions confiées explicitement aux conseils départementaux et les zones d'incertitude que laisse le cadre légal permettent la construction de politiques locales hétérogènes. On montre comment cette construction se décline dans les trois dimensions de la politique – l'ouverture des droits, le choix du producteur et le prix de l'aide – et affecte in fine les propriétés du dispositif qui s'adresse aux personnes âgées fragiles.Support for frail seniors in France is engineered at national level, but it is implemented by departmental councils. The support is based on two components : the funding of the demand for professional caregivers and the regulation of these “care providers” on the market. This article reviews current knowledge on the scale of the disparities between the practices of French departments relative to these components and their effects on the properties of the systems devised for frail seniors. While the national framework appears in theory to be restrictive, the tasks entrusted explicitly to departmental councils and the areas of uncertainty engendered by the legal framework enable the construction of heterogeneous local policies. The article shows how this construction applies to three dimensions of the policy – the granting of rights, the choice of a care provider and the price of care – and how it ultimately affects the aspects of the policy targetting frail seniors.
- L'accompagnement global des demandeurs d'emploi : entre renouvellement du service public de l'emploi et normalisation des politiques locales d'insertion - Anne Eydoux, Jules Simha, Claire Vivés p. 105-128 L'accompagnement global qui fait l'objet de cet article est un dispositif qui mobilise, pour l'insertion des demandeurs d'emploi réputés « éloignés de l'emploi », le travail conjoint de conseillers de Pôle emploi et de travailleurs sociaux des départements. Instauré en 2014 par un protocole national, il constitue un point d'entrée privilégié pour questionner les évolutions de la gouvernance du service public de l'emploi et des politiques d'insertion. Ce dispositif à la fois transversal (il s'appuie sur des acteurs de l'emploi et de l'insertion) et multiniveau (défini au niveau national, il est déployé dans les départements et doté d'un financement européen) entend renouveler le service public de l'emploi. Mais il s'avère délicat à mettre en œuvre dans les territoires. En s'appuyant sur des enquêtes monographiques réalisées dans deux départements, l'article part des outils du dispositif pour interroger les processus de normalisation des politiques locales d'insertion dont ils sont porteurs. Il met en évidence les décalages entre la définition nationale de l'accompagnement global et ses déclinaisons locales, entre les normes d'intervention portées par les outils du travail conjoint et la réalité du travail d'accompagnement. Enfin, il se penche sur cet outil particulier qu'est le financement via le Fonds social européen (FSE), en montrant qu'il porte des normes de gestion problématiques, incompatibles avec la transversalité.The global support focused on in this article is a measure that works towards the socio-professional integration of job seekers considered as “remote from employment” through the joint efforts of advisers from the Pôle Emploi employment agency and social workers in France's departments. Implemented in 2014 via a national protocol, this global support scheme constitutes a prime focal point for investigating changes in public employment service governance and integration policies. Both cross-functional (involving employment and social inclusion operators) and multi-level (established nationally, implemented in departments and endowed with European funding), the measure aims to renew the public employment service, but is proving difficult to roll out locally and regionally. Drawing on monographic studies carried out in two French departments, the article focuses on the tools of the scheme with a view to examining normalisation processes in the corresponding local integration policies. It sheds light on differences between the national definition of global support and local variants, as well as the differences between the intervention standards forged by joint work tools and the reality of support work. Lastly, it takes a close look at funding via the European Social Fund (ESF), the management standards of which are shown to be problematic and incompatible with a cross-functional approach.
- Territoires d'intervention, parcours de prise en charge, mobilités - Christophe Trombert p. 129-151 L'idéal d'une prise en charge globale, transversale, de proximité, reposant sur des interventions partenariales et ajustées aux difficultés des territoires et de leurs habitants caractérise les politiques sociales territorialisées issues de la décentralisation et de la politique de la ville. Pour autant, les publics de ces territoires sont aussi inscrits dans des « parcours » (d'insertion, de soins, de peine, etc.) qui supposent que des structures d'aide orientent des usagers sur d'autres structures pour la poursuite d'une prise en charge. D'autres publics sont dépourvus de rattachement administratif à un territoire leur permettant d'engager un parcours d'insertion. D'autres encore hésitent à s'engager dans une mobilité territoriale faute de savoir s'ils conserveront sans rupture leurs droits sociaux et les prises en charge de proximité dont ils bénéficient. Entrer dans un parcours de prise en charge ou poursuivre un parcours de prise en charge peut être source de tension entre services sociaux et d'insertion locaux et théoriquement partenaires, lorsque les moyens d'aide et d'intervention sont rares et lorsque les services sociaux ou d'insertion sont évalués séparément sur leur performance propre (ce qui est contradictoire avec l'idée d'une prise en charge globale, qui suppose une efficacité globale et indissociable des acteurs professionnels et des services). Nous montrerons dans cet article qu'il existe entre certains services d'aide des situations de « concurrence inversée », des pratiques de délestage d'usagers, de rétention d'information et, plus généralement, des tentatives de contrôle des entrées en suivi et des réorientations sur d'autres services, afin de préserver à la fois des ressources d'aide, une charge de travail tolérable, une crédibilité professionnelle envers certains partenaires et la réalisation des objectifs d'activité et de « sorties positives » de prise en charge attendus par les financeurs des politiques sociales territorialisées. En somme, accorder de l'attention aux parcours de prise en charge et aux trajectoires de mobilité est une façon d'interroger les politiques sociales territorialisées, et plus précisément les limites du partenariat entre services sociaux ou d'insertion locaux en vue d'une prise en charge globale et de proximité des usagers.The territorialised social policies resulting from the decentralisation of urban policy are characterised by the ideal of global, cross-cutting and local care based on partner intervention and adjusted to the difficulties of the territories and their inhabitants. Yet the populations concerned are also enrolled as part of “journeys” (in terms of insertion, care, sentences, and so on) requiring aid structures to orient users to other structures for the continuation of support. Other populations lack an administrative connection to a territory enabling the initiation of a pathway to integration. Still others continue to hesitate over a transfer to another part of the country because they are not sure that their current social rights and local support will be maintained without disruption. Entering a care and support journey or pursuing an existing one may cause tensions between the social services and local insertion services – theoretically partners – where aid and intervention resources are scarce and the social or insertion services are assessed separately on their performance (running counter to the idea of global support, which is predicated on global and indissociable efficiency from professionals and services). In this article, we show that situations of “inversed competition” exist between some aid services, together with user offloading, information retention and, more generally, attempts to control inflows and reorientations to other services. The aim of these practices is to safeguard aid resources, maintain a tolerable work load, preserve professional credibility with regards to partners, and meet the objectives on activity and “positive support outflows” expected by the entities funding territorialised social policies. In short, focusing closely on support journeys and occupational mobility trajectories is a way of examining territorialised social policies, and, more specifically, the limits of the partnership between the social services or local insertion services aimed at global support for users at local level.
- Que faire des enfants des « autres » ? Reconfigurations institutionnelles de la protection de l'enfance à Mayotte - Élise Lemercier p. 153-172 À Mayotte, devenue département français en 2011, les politiques sociales ont été institutionnalisées en même temps que décentralisées, notamment la protection de l'enfance. En effet, longtemps décidée par ordonnance, cette politique publique a été implantée à Mayotte à la fin des années 1990, sans s'inscrire dans une histoire locale de mobilisation d'acteurs publics et privés, comme ce fut le cas en Métropole. Depuis la décentralisation de l'Aide sociale à l'enfance au sein du conseil départemental au cours des années 2000, la protection de l'enfance est au cœur des tensions entre l'État et le département, notamment quant à la pertinence de l'ouverture d'une maison d'enfants à caractère social (MECS), communément appelée « foyer ». En 2019, deux « foyers » ouvriront finalement leurs portes avec le soutien financier du département. Après avoir éclairé les enjeux du blocage d'un tel projet au nom d'une résistance à la normalisation des politiques sociales, cet article retracera les étapes du retournement partiel et progressif du conseil départemental vers l'ouverture d'un tel hébergement collectif.Social policies in Mayotte, a French department since 2011, have been both institutionalised and decentralised, and child protection in particular. Long ruled on by order, this public policy was implemented in Mayotte at the end of the 1990s but with no connection to the long-standing work of public and private players, as was the case in Metropolitan France. Since social child aid was decentralised in the 2000s, child protection has been a heated source of tensions between the state and departments, notably as concerns the relevance of opening maisons d'enfants à caractère social (MECS, children's homes of a social nature), commonly referred to as “homes”. Two such “homes” will finally be opened in 2019 with the financial support of the Mayotte department. This article begins with an overview of the issues involved in blocking such a project for reasons of resistance to the normalisation of social policies. It then goes on to document the phases in the departmental council's partial and gradual turnaround towards the opening of this form of collective accommodation.
- Le GPS (Groupe de prévention du suicide de la communauté de communes Sèvre et Loire) - Daniel Coutant p. 173-181
- Une politique sociale locale consolidée par « la mobilisation territoriale ». Le cas du projet « Territoire zéro chômeur de longue durée » - Marc Godefroy, Florence Jany-Catrice, Laura Nirello p. 183-191
- Les politiques sociales locales : ondements, dispositifs, acteurs et régulations : Texte de l'appel à projets de recherche - Jean-Luc Outin, Sandrine Dauphin p. 194-208
- Politiques sociales locales : notes de synthèse - Philippe Martin, Jérôme Wittwer, Christophe Nosbonne, Anne Eydoux, Léa Lima, Loïc Trabut, Christophe Trombert, Élise Lemercier, Élise Palomares p. 209-273
- Politiques sociales locales : Lecture transversale - Robert Lafore, Jean-Luc Outin p. 274-280