Contenu du sommaire : Prix du jeune auteur 2018
Revue | Sociologie du travail |
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Numéro | vol. 61, no 4, octobre-décembre 2019 |
Titre du numéro | Prix du jeune auteur 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Actualité de la revue
- Renouvellements et continuité - Arnaud Mias, Laure de Verdalle
Prix du jeune auteur
- Le Prix du jeune auteur 2018 - La rédaction
- Profession : tiers employeur. Quand les entreprises de portage salarial vendent du salaire - Alexis Louvion À partir d'une enquête consacrée au portage salarial et à l'activité des entreprises de ce secteur, cet article entend interroger les transformations contemporaines de la figure de l'employeur. L'émergence de ces entreprises à but lucratif, qui proposent à des travailleurs indépendants de les salarier contre une partie de leur chiffre d'affaires, s'inscrit dans un mouvement qui voit les entités mobilisant la main-d'œuvre mettre au point des stratégies de mise à distance des obligations et responsabilités qui s'imposent à l'employeur. En convertissant une relation commerciale en un rapport salarial dont elles constituent le centre, les entreprises de portage salarial proposent de commercialiser la fonction d'employeur, et l'exercent de façon concurrentielle. Basé sur des entretiens, des observations et l'exploitation de documents (contrats de travail, conventions d'adhésion), cet article appréhende les différentes dimensions du travail quotidien d'entreprises qui n'ont d'autre fonction que celle d'employer leurs clients : le travail de légitimation d'un rôle perçu par des acteurs juridiques et publics comme frauduleux ; le travail technique de transformation du chiffre d'affaires en salaire au terme d'opérations de traduction permettant de reconstituer le rapport salarial ; le travail de captation et de mise en confiance d'une clientèle afin de leur vendre ses services.Based on a sociological survey of wage portage and the activities of umbrella companies, this article investigates changes in the employer's role and responsibilities. These for-profit companies offer to hire independent workers as salaried employees, converting their revenues into wages. The emergence of this activity can be seen as the consequence of companies seeking to avoid the traditional obligations and responsibilities of employers. Umbrella companies take on the role of employer as a commercial activity and become part of a competitive employer's market. Based on interviews, ethnographic observations and the use of contractual documents, this article attempts to decipher the day-to-day work of such companies. It identifies three main dimensions: the work to legitimise umbrella companies as institutions that are recognised by the authorities as legal employers; the technical work of converting revenues into wages; the work of attracting and retaining customers in order to increase market share.
- Des motivations au travail. Fabrique et usages du bilan de compétences comme dispositif de revalorisation individuelle - Aurélie Gonnet Premier dispositif public d'orientation professionnelle des adultes introduit dans le Code du travail en 1991, le bilan de compétences a été construit à l'origine pour répondre à des enjeux de développement professionnel et de promotion sociale des travailleurs. Usant des outils de l'ethnographie combinés à une approche socio-historique des politiques publiques, cet article propose de retracer la dynamique d'un dispositif, de sa construction à ses usages. Procédant à une relecture des expériences personnelles et professionnelles à l'aune des motivations individuelles systématiquement mises en exergue, le bilan a pour objectif de permettre à l'individu d'élaborer, à l'abri du travail et de son « marché », un projet professionnel motivant et motivé, c'est-à-dire conforme aux envies du travailleur et cohérent avec ses compétences et son parcours. Cette personnalisation de la démarche conduit cependant à faire de la connaissance de soi un préalable à tout projet éclipsant les déterminants socio-économiques des rapports de travail et d'emploi. Le travail mené en bilan s'avère ainsi moins procéder à une valorisation économique — qui pourrait sembler l'objectif premier d'un projet professionnel — qu'à une mise en valeur symbolique des compétences et expériences individuelles. En creux, se dessine le développement d'une focale motivationnelle porteuse d'activation et véhiculant l'idée que les problèmes d'emploi et de travail relèvent d'abord d'un manque de motivation.Created in 1991 as the first public adult career guidance tool, the “skill assessment” is a right introduced with the aim of responding to the issues of professional development and career progress for workers. Using ethnographic tools combined with a socio-historical approach to public policies, this article aims to trace the dynamics of this instrument, from its construction to its uses and implementations. Rereading personal and professional experiences in the light of and with a focus on individual aspirations, the assessment is intended to provide a space separate from work and the “market” where individuals can develop a motivating and motivated career plan, i.e. one that is consistent both with their wishes and with their skills and background. However, this personalisation of the approach makes self-knowledge a prerequisite for any career plan, eclipsing the socio-economic determinants of labour and employment relations. In consequence, the work carried out in the assessment turns out to consist less of an economic valuation — which might seem the primary objective of a career plan — than a symbolic valuation of individual skills and experiences. Implicit in this process is the emergence of a focus on motivation as a source of activation, conveying the idea that employment and work problems are primarily attributable to a lack of motivation.
- Anarcho-syndicalisme et nettoyage : l'improbable politisation de la lutte par le recours juridique - Saphia Doumenc L'un des enjeux contemporains du syndicalisme est celui de la syndicalisation de secteurs d'activité précarisés. La CNT-Solidarité Ouvrière s'est spécialisée dans le secteur du nettoyage afin de se maintenir dans le champ syndical. Pourtant héritées d'une tradition anarcho-syndicaliste, les pratiques de ce syndicat se sont transformées au gré des différentes scissions qu'il a connues, se dotant désormais de plusieurs leviers d'action. Ce syndicat se développe notamment à travers ses permanences juridiques et son recours aux Prud'hommes tout en accordant une place majeure à la poursuite de grèves. Cette évolution marque une véritable capacité d'adaptation mais elle constitue également un aveu de compromis idéologique. Cet article revient sur une opposition entre deux facettes du travail syndical : le suivi individuel et l'organisation de luttes collectives. Le propos est de nuancer la contradiction souvent invoquée entre luttes juridiques et luttes sociales pour concevoir le recours au droit et le recours à la grève comme un véritable continuum de pratiques individuelles et collectives. Ce faisant, deux niveaux de politisation dans l'activité syndicale de la CNT-SO peuvent être identifiés. Il s'agit dans un premier temps d'une politisation « par le haut », opérée par le biais des campagnes juridiques coordonnées par le syndicat, et, dans un second temps, d'une socialisation politique et syndicale « par le bas », opérée indistinctement par le recours au droit et à la grève.One of the main challenges of contemporary trade unionism lies in the organisation of the most precarious job sectors. The “CNT Solidarité Ouvrière” trade union chose to focus on the cleaning industry in order to maintain its union activity. Notwithstanding its anarcho-syndicalist heritage, as a result of several splits, the union's practices have evolved over time and it has therefore come to master various instruments of action. Today, this union mainly operates through its free legal counselling activities as well as its pivotal role in employment tribunals/labour relations boards. However, it still perceives strikes as a tool of choice. This shift demonstrates the union's capacity to adapt to new realities, while at the same time representing an acknowledgment of ideological compromise. This paper focuses on the purported contradiction between legal and industrial struggles. It argues that both are part of a continuum of individual and collective means of action. In doing so, this paper pinpoints two levels of politicisation within the CNT-SO. On the one hand, “top-down” politicisation through legal work and legal awareness campaigns launched by the union. On the other hand, a “bottom up” politicisation process, operating indistinctly through the use of law and through strike action.
Varia
- De la manifestation au procès : la mobilisation pour les cheminots marocains de la SNCF - Narguesse Keyhani, Vincent-Arnaud Chappe Le 31 janvier 2018, plus de huit cents cheminots retraités et originaires du Maroc gagnaient leur procès devant la cour d'appel de Paris, au terme d'une action judiciaire contre la SNCF afin de faire reconnaître le caractère discriminatoire de leur statut. « Auxiliaires permanents » parce qu'étrangers, ils demandaient une indemnisation pour le manque à gagner lié à des carrières plates et des retraites diminuées par rapport à leurs collègues français du « cadre permanent ». La condamnation de la SNCF marque l'issue d'un combat judiciaire dans lequel les syndicats semblent en retrait après avoir été l'un des acteurs principaux de la mobilisation. Cette évolution correspond à la supplantation d'un cadrage « statutaire » de la mobilisation, défendu par Sud-Rail à travers des actions « coup-de-poing », par un référentiel en termes de non-discrimination associé à l'arme du droit. On peut y voir une opposition structurelle entre, d'un côté, un modèle « traditionnel » de l'action contestataire porté par des syndicats offensifs et, de l'autre, un modèle dépolitisé, porté par une association fondée sur une identité communautaire. Cette opposition doit néanmoins être relativisée pour laisser place à une description plus nuancée des articulations et tensions entre deux pôles de mobilisation au sein du monde du travail.On 31 January 2018, more than 800 retired Moroccan railway workers won their case in the Court of Appeal of Paris, following legal proceedings against the so-called SNCF (the French national railway company), to have their status recognised as discriminatory. Classified as “permanent auxiliaries” because they were foreign, they were demanding compensation for loss of earnings due to lack of career prospects and reduced pensions compared with their French colleagues on the “permanent staff”. The conviction of the SNCF marks the outcome of a legal battle in which the role of the trade unions seems to have been eclipsed, after they had been central in the mobilisation. This change reflects the replacement of a “statutory” framework for the mobilisation defended by Sud-Rail through spectacular events, by a system focusing on non-discrimination and dependent on law. This shift can be construed as a structural opposition between, on the one hand, a “traditional” model of protest based on aggressive union action and, on the other hand, a depoliticised model led by a community-based organisation. This difference should nevertheless be qualified by a more nuanced depiction of the connections and tensions between two focal points of mobilisation in the world of work.
- Une économie raciale de l'obligation : loan sharks et travailleurs afro-américains au début du XXe siècle - Simon Bittmann Cet article analyse la relation de crédit comme une séquence de trois moments — la transaction initiale, le recouvrement des créances et le recours à une procédure judiciaire pour impayés — à partir de l'étude de prêts octroyés par des entreprises blanches à des travailleurs afro-américains du Sud des États-Unis au début du XXe siècle. Ces moments ne mobilisent pas uniquement la dyade prêteur-débiteur mais un ensemble d'intermédiaires et d'institutions économiques ou judiciaires : l'agent de recouvrement, le juge, l'huissier de justice et l'employeur. La relation de crédit donne lieu à de multiples interactions marchandes, qui diffèrent selon leur distance par rapport aux lieux de vie et de travail des emprunteurs et selon leur degré d'institutionnalisation. L'article montre la manière dont l'encastrement du crédit participe d'une économie raciale de l'obligation : les prêteurs inscrivent ces relations dans des formes extérieures de domination, qui s'exercent par la ségrégation résidentielle, le système de justice et le procès de travail.This article analyses the credit relationship as a three-step process — the initial transaction, debt collection mechanisms and judicial procedures of garnishment — drawing on a study of small loans made by white companies to African-American workers in cities in the U. S. South in the early twentieth century. These interactions were not restricted to the lender-borrower dyad but include various economic and judicial intermediaries: the debt collector, the judge, the bailiff and the employer. The credit relationship creates various economic interactions which differ in terms of their distance, with respect to the home and workplace and their degrees of institutionalisation. The article shows how the embeddedness of credit contributes to a racial economy of obligation: lenders rely on external forms of domination to ensure debt repayment, which operate through residential segregation, the judicial system and the labour process.
- De la manifestation au procès : la mobilisation pour les cheminots marocains de la SNCF - Narguesse Keyhani, Vincent-Arnaud Chappe
Comptes rendus
- Sabine Rudischhauser, Geregelte Verhältnisse. Eine Geschichte des Tarifvertragsrechts in Deutschland und Frankreich (1890-1918/19) - Bénédicte Zimmermann
- Jean-Marie Pillon, Pôle emploi. Gérer le chômage de masse - Hugo Bertillot
- Valérie Cohen et Xavier Dunézat, Quand des chômeurs se mobilisent - Pierre Blavier
- Sébastien Stenger, Au cœur des cabinets d'audit et de conseil. De la distinction à la soumission - Isabel Boni-Le Goff
- Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau et Michel Lallement, Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social - Gabriel Alcaras
- Ivan Chupin, Les écoles du journalisme. Les enjeux de la scolarisation d'une profession (1899-2018) - Jérémie Vandenbunder
- Alexis Spire, Résistances à l'impôt, attachement à l'État. Enquête sur les contribuables français - Alexandre Diallo
- Jean-Marc Weller, Fabriquer des actes d'État. Une ethnographie du travail bureaucratique - Tonya Tartour
- Peter Wagner, Sauver le progrès. Comment rendre l'avenir à nouveau désirable - Michèle Dupré
- Ronan Le Velly, Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence - Jean-Baptiste Paranthoën
- Delphine Berdah, Abattre ou vacciner. La France et le Royaume-Uni en lutte contre la tuberculose et la fièvre aphteuse (1900-1960) - Laure Bonnaud
- François de Singly, Double Je. Identité personnelle et identité statutaire - Rébecca Ndour
- Akiko Takeyama, Staged Seduction: Selling Dreams in a Tokyo Host Club - Hélène Le Bail
- Angie Y. Chung, Saving Face. The Emotional Costs of the Asian Immigrant Family Myth - Anna Perraudin
- Mélanie Gourarier, Alpha mâle. Séduire les femmes pour s'apprécier entre hommes - Dominique Pasquier
- Claire Ducournau, La fabrique des classiques africains. Écrivains d'Afrique subsaharienne francophone - Thomas Brisson