Contenu du sommaire : 40 ans de libéralisation financière
Revue | Revue d'économie financière |
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Numéro | no 137, 1er trimestre 2020 |
Titre du numéro | 40 ans de libéralisation financière |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Christian de Boissieu, Jean-Paul Pollin p. 9-20
- La conversion de la France au libéralisme financier - Michel Castel p. 23-34 Comment deux ans après l'élection du président Mitterrand en 1983, élu sur un programme de gauche, la France est-elle passée à une politique d'inspiration monétariste ? Deux grands types de raisons l'ont amenée à faire ce basculement. Le premier est commun à tous les pays de l'OCDE à partir de 1973, le second lui est spécifique. Outre une très forte dégradation de la conjoncture économique dans tout l'OCDE, il y a eu le constat de l'inefficacité croissante des politiques keynésiennes et l'idée que des politiques monétaristes seraient plus efficaces.Pour sa part, la France avait, plus que d'autres, sacrifié à une économie d'endettement avec toujours plus d'inflation et de chômage. De plus en 1981, elle a été prise à contre-pied par la conjoncture internationale et les politiques monétaristes développées dans les pays anglo-saxons. Cela plus son engagement de faire baisser fortement l'inflation l'ont très vite amenée à choisir une politique d'inspiration monétariste.Classification JEL : E61, E63, G21, G23, G28.How did France switch to a policy of monetarist inspiration only two years after the election of President Mitterrand in 1981, elected on a left-wing program? Two main types of reasons led her to make this switch. The first is common to all OECD countries from 1973, the second is specific to France.In addition to a very serious deterioration in the economic situation throughout the OECD, there has been the observation of the growing ineffectiveness of Keynesian policies and the idea that monetarist policies would be more effective. For its part, France had, more than others, sacrificed to a debt economy with ever more inflation and unemployment.Furthermore, in 1981, France economic policy was at the opposite of the international economic situation and the monetarist policies developed in the Anglo-Saxon countries. This, plus the commitment to sharply lowering inflation, very quickly led her to choose a policy of monetarist inspiration.Classification JEL : E61, E63, G21, G23, G28.
- Quarante ans de libéralisation financière au Royaume-Uni, ou l'américanisation malheureuse d'un club de gentlemen capitalistes - Raphaël Bousquet, Jean-Christophe Donnellier, Thomas Ernoult p. 35-48 Cet article retrace les grandes étapes du processus de libéralisation financière au Royaume-Uni, qui s'accompagne au cours des quatre dernières décennies d'un mouvement de formalisation de la réglementation. Jusqu'aux années 1980, la place financière londonienne se caractérise en effet par une forte fragmentation des agents financiers et un cadre régulatoire léger et, pour une large part, informel. Sous l'impulsion libérale de Margaret Thatcher, la City se réforme avec le Big Bang qui, en ouvrant les activités de négoce à la bourse de Londres aux banques britanniques et étrangères, encourage l'émergence de larges conglomérats financiers. Malgré la mise en place d'un corpus réglementaire plus robuste, cette nouvelle City est marquée par les crises et les scandales dans les années 1990. Elle connaît ensuite un nouvel âge d'or avec la mobilisation du superviseur financier notamment et ce jusqu'à la crise financière, où les excès de la dernière décennie apparaissent au grand jour. Si la crise de 2008 a pu marquer un coup d'arrêt au processus de libéralisation financière, avec notamment l'instauration de barrières entre les activités de détail et d'investissement des banques, le mouvement connexe vers davantage de formalisation des règles financières semble, lui, difficilement résistible.Classification JEL : F30, G28.This article examines the main stages of the liberalisation of the financial sector in the United Kingdom (UK) over the past forty years. Perhaps counterintuitively, this period is also characterised by the increasing formalisation of financial regulation in the UK. Until the 1980s, the London financial marketplace was indeed composed of diverse but fragmented players governed by a light and largely informal framework. By opening up the London Stock Exchange to new actors such as foreign and domestic banks in 1986, Margaret Thatcher's Big Bang led to the emergence of large financial conglomerates and transformed the City. Yet, despite the introduction of a more formal regulatory regime under Thatcher, the UK financial sector was ridden by crises and scandals during the 1990. The 2000s saw the City undergo another period of intense growth and development – partly driven by the liberal tendencies of its new regulator – before crashing down during the global financial crisis of 2008. To a certain extent, the process of financial liberalisation that began under Thatcher came to a halt after the crisis with the recent introduction of ring-fencing, a set of rules requiring UK banks to separate their retail and investment activities. The parallel trend towards the increasing formalisation of the financial regulatory framework, however, endures to this day.Classification JEL : F30, G28.
- Ce que l'histoire économique nous enseigne sur la réglementation financière : l'exemple des États-Unis - Esther Jeffers, Sarah Goldman p. 49-64 La déréglementation du système financier qui démarre aux États-Unis à la fin des années 1970 avant de se répandre à l'échelle mondiale va profondément transformer les institutions et les marchés financiers, ainsi que les investisseurs institutionnels. Des marchés des services financiers de plus en plus intégrés, une concurrence de plus en plus intense entre institutions financières, entraînent une profusion de nouveaux produits et techniques, y compris la titrisation. La crise de 2007 est l'aboutissement des politiques de déréglementation et de libéralisation financières pratiquées depuis les années 1980. Sa violence a justifié l'adoption d'une nouvelle réglementation sous la forme du Dodd-Frank Act en 2010. L'histoire économique de la réglementation aux États-Unis nous apprend qu'en période de prospérité, naît une euphorie financière en même temps que l'aversion pour le risque baisse sur les marchés. Des techniques de contournement de la réglementation naissent, se répandent et, progressivement, amènent le détricotage de la réglementation en place. Ainsi naît l'enchaînement euphorie-déréglementation-crise- réglementation. La régulation financière, c'est-à-dire les règles qui s'imposent aux acteurs du système financier et les mesures de supervision qui vérifient l'application de ces règles, n'est pas une option, mais une nécessité si l'on considère que la stabilité financière est un bien commun qu'il faut préserver.Classification JEL : G01, G28.The deregulation of the financial system that began in the United States in the late 1970s and then spread across the world profoundly transformed financial markets, financial institutions and institutional investors. Financial services markets became increasingly integrated, leading to competition among financial institutions and producing a profusion of new products and processes, including securitization. The 2007 crisis was the product of financial deregulation and liberalization policies practiced since the 1980s. Its fierceness justified the adoption of new regulations in the form of the Dodd-Frank Act of 21 July 2010. The economic history of regulation in the United States teaches us that in times of prosperity, financial euphoria is born at the same time as risk aversion declines in markets. Techniques for circumventing regulation emerge, spread and gradually lead to the unraveling of existing regulations. The euphoria-deregulation-crisis-regulation chain appears. Financial regulation, the rules that are imposed on the actors of the financial system, and the supervisory measures that verify the application of these rules, is not an option but a necessity if we appreciate that financial stability is a common good that must be preserved.Classification JEL : G01, G28.
- La transformation des `ibbusiness models`/ib des banques - Olivier de Bandt, Sébastien Frappa p. 67-88 L'article analyse l'évolution des business models bancaires des pays développés au cours des quarante dernières années et montre qu'après une phase de forte croissance de l'activité bancaire à la suite de la déréglementation qui a débuté dans les années 1980, la crise de 2008-2009 les a profondément modifiés au profit de modèles plus traditionnels et moins orientés vers les activités de marché. En parallèle, après une croissance des expositions transfrontières avant 2008-2009, les business models tournés vers l'international ont aussi été fortement pénalisés par la crise et la réponse réglementaire a renforcé leur convergence. Mais on observe toutefois des différences en leur sein avec certaines institutions systémiques (GSIB ou global systemically important institutions) qui ont poursuivi leur internationalisation. Au total, on observe que la rentabilité relative des modèles universels ou plus spécialisés a varié dans le temps : les résultats des modèles de banque de détail et de banque universelle ont été mieux orientés après-crise, mais elles doivent affronter certains défis.Classification JEL : F23, F30, G21, G28.The article analyses the evolution of banking business models in developed countries over the last 40 years and shows that after the rapid growth of banking activities induced by the deregulation starting in the 80s, the 2008-9 crisis has triggered significant changes in favour of more traditional and less market-oriented models. At the same time, after the increase in cross border exposures before the 2008-9 crisis, internationally oriented business models have been adversely affected by the crisis and the regulatory response has increased convergence. But some differences remain among banks, with some systemic institutions (GSIB or Global Systemically Important Institutions) that have continued their internationalisation. Overall, the relative profitability of universal or more specialised models has varied over time: the performance of retail and universal banking models has improved in the aftermath of the crisis, but they still face some challenges.Classification JEL : F30, F23, G21, G28.
- La libéralisation des assurances - Pierre-Charles Pradier p. 89-108 Les récits de la libéralisation font la part belle à la « marchandisation » de la protection sociale, mais le phénomène a surtout conduit à résoudre des échecs de marché pour permettre la prise en charge par les assureurs de risques qui n'étaient pas couverts jusque-là. En matière d'assurance vie, l'évolution de la collecte semble avoir suivi celle des taux de rendement instantanés, que les politiques monétaires expansionnistes ont amenés à zéro. La concurrence a conduit à une concentration, souvent importante à l'échelle des nations, mais qui bute encore sur la nature de certains opérateurs et plus généralement sur l'importance des particularités locales, même si l'harmonisation réglementaire régionale et internationale a progressé.Classification JEL : F30, G22, G28.Narratives of liberalization focus on the "commodification" of the Welfare State, but the phenomenon has mainly led to the resolution of market failures. Insurers were thus able to underwrite risks that were not previously covered. In the life insurance sector, the variation of inflows seems to have been determined by instantaneous rates of return, which were driven to zero by quantitative easing policies. Competition has led to concentration, which may appear quite high at the national level, but is still hampered by the nature of certain operators and, more generally, by the importance of local characteristics, even though regional and international regulatory harmonization made significant progress.Classification JEL : F30, G22, G28.
- Industrie de la gestion d'actifs : de l'émergence à l'apparition de nouveaux risques - Sébastien Galanti, Françoise Le Quéré p. 109-128 Au début des années 1980, différents rapports et analyses promeuvent l'émergence des fonds d'investissement d'épargne collective. L'objectif est d'attirer l'épargne vers les marchés financiers, afin de concurrencer le financement bancaire, et ainsi diminuer le coût de financement et favoriser l'investissement. D'un côté, la taille de l'industrie de la gestion d'actifs aujourd'hui atteste du succès de cette ambition. Les placements des ménages comme des investisseurs institutionnels sont mieux diversifiés qu'il y a quarante ans. D'un autre côté, de nouveaux risques pesant sur les marchés et un impact ambivalent sur le financement et l'investissement tempèrent ce succès et inquiètent les régulateurs.Classification JEL : G11, G23, G28.In the early 1980s, various reports and analyses promoted the emergence of investment funds. The objective was to attract savings to the financial markets, in order to compete with bank financing, thus reducing the cost of financing and encouraging investment. On the one hand, the size of the asset management industry today illustrates the success of this ambition. Both household and institutional investors' savings are more diversified than they were forty years ago. On the other hand, new market risks and an ambivalent impact on financing and investment are dampening this success and currently worrying regulators.Classification JEL : G11, G23, G28.
- La modernisation de la politique d'émission et de gestion de la dette publique entre 1985 et 1990 - Jean-François Pons p. 131-139 La gestion de la dette publique a été profondément réformée à partir de 1985 sous l'impulsion de Pierre Bérégovoy, ministre de l'Économie et des Finances de juillet 1984 à avril 1986. Les réformes ont été poursuivies sous son successeur Édouard Balladur, puis de nouveau sous Pierre Bérégovoy. Elles visaient un double objectif : d'une part, la maîtrise de la charge de la dette publique, en forte croissance depuis 1981, et, d'autre part, l'inscription de la gestion de la dette publique dans une grande réforme du marché monétaire et du marché financier pour améliorer le financement de l'économie française. Trente ans plus tard, la plupart de ces réformes entreprises à partir de 1985 continuent à exister et la dette publique française continue toujours à attirer les investisseurs, notamment étrangers. Cet héritage confirme leur succès.Classification JEL : G28, H62, H63.Public debt management was deeply reformed from 1985 under the impetus of Pierre Bérégovoy, Minister of the Economy and Finance from July 1984 to April 1986. The reforms were continued under his successor Édouard Balladur, then again under Pierre Bérégovoy. These reforms aimed at a double objective, on the one hand the control of the load of the public debt, in strong growth since 1981, and on the other hand, the inclusion of public debt management in a great reform of money and financial markets to improve the financing of the French economy. Thirty years later, most of these reforms undertaken from 1985 continue to exist and French public debt still continues to attract investors, especially foreign ones. This legacy confirms their success.Classification JEL : G28, H62, H63.
- Dans les pays avancés, la « libéralisation financière » n'a guère rapproché les comportements des ménages - André Babeau p. 141-158 En matière de comportements financiers des ménages dans les pays avancés, la libéralisation initiée dans les années 1980 a apporté moins de changements qu'on aurait pu le penser. Certes elle a favorisé le recours au crédit, encouragé la détention de titres de fonds propres et contribué à réduire la part des liquidités. Mais, en présence de certains excès et des crises de 2001 et 2008, les autorités de contrôle ont renforcé leur surveillance dès la fin du siècle dernier. En fin de période, les comportements des ménages se sont un peu rapprochés, notamment en ce qui a trait à l'endettement, mais d'importantes spécificités demeurent parmi lesquelles le mode de gestion des retraites est la principale. La gestion en capitalisation, là où elle existe de façon significative, constitue en effet un apport important au montant du patrimoine financier.Classification JEL : E21, F30, G11.In terms of financial behaviour of households in advanced countries, the financial liberalization initiated in the 1980s brought less changes than one would have thought. Admittedly, it has favored the use of credit, encouraged the holding of equity securities and helped to reduce the share of liquidity. But, because of some excesses and of the crises of 2001 and 2008, the supervisory authorities strengthened their surveillance from the end of the last century. At the end of the period, household behaviours got a little closer, especially with regard to debt, but important specificities remain, among which pensions management is the main one. Capitalization management, in countries where it is significant, indeed is an important contributor to the amount of financial assets.Classification JEL : E21, F30, G11.
- Le financement externe des sociétés non financières depuis la déréglementation financière de 1984 - Michel Boutillier, Pierre Sicsic p. 159-172 A la veille des années 1980, le financement des entreprises françaises est assuré par un recours important à la dette au travers des banques et de nombreuses institutions financières spécialisées, segmentées et cloisonnées. Au cours la décennie suivante, des réformes sont engagées pour sortir de cette « économie de financements administrés ».Après avoir présenté les propositions de réformes du début des années 1980, cet article analyse l'évolution du financement et du gouvernement des entreprises non financières qui recourent davantage aux marchés financiers. Toutefois il apparaît que les mutations des structures de financement ont été plus modestes qu'envisagé.Classification JEL : G21, G28, G30, G32, G38.On the eve of the 1980s, French companies were financed by significant debt through banks and numerous specialized, segmented and compartmentalized financial institutions. During the following decade, reforms were undertaken to get out of this "economy of administered funding".After presenting the reform proposals of the early 1980s, this article analyzes the evolution of the financing and governance of non-financial companies that rely more on financial markets. However, it appears that the changes in funding structures were more modest than considered.Classification JEL : G21, G28, G30, G32, G38.
- Gouvernance d'entreprise : quarante ans d'évolution - Thibault Darcillon, Antoine Rebérioux p. 173-185 Cet article retrace les évolutions de la gouvernance d'entreprise, en Europe et aux États-Unis, à partir de la fin des années 1970 jusqu'à aujourd'hui. Le mouvement de libéralisation et de globalisation financière s'accompagne d'une montée en puissance des fonds d'investissement dans le capital des grandes entreprises cotées, au cours des années 1980 et 1990. Parallèlement, des réformes juridiques sont entreprises, visant à accroître les droits de ces actionnaires minoritaires. Il s'ensuit une évolution significative des pratiques de gouvernance (composition des conseils d'administration, rémunération des dirigeants, distribution du profit, etc.). Dans les années 2000, on assiste à un infléchissement, au profit d'une gouvernance moins centrée sur le retour sur investissements des actionnaires minoritaires. On observe ainsi la multiplication de règles visant à limiter les effets court-termistes d'une certaine finance de marché, et à mieux inscrire les entreprises dans le temps long du développement durable.Classification JEL : G32, G38.This article examines changes in corporate governance, in Europe and in the U.S.
A, from the late 1970s to the present. The financial liberalisation and globalisation movements have been associated with a rise of investment funds in the equity capital of large listed companies, in the 1980s and 1990s. At the same time, legal reforms have enhanced the rights of these minority shareholders. As a result, significant changes in corporate governance practices have taken place (composition of company boards, executive compensation, profit distribution, etc.). In the 2000s, we observe a shift towards a governance less focused on the return on investment for minority shareholders. A number of rules and practices have developed, aimed at limiting the short-term effects of market finance and at fostering the ecological and social transition.Classification JEL : G32, G38. - Des crises à répétition : des caisses d'épargne américaines aux subprimes - Dominique Plihon p. 189-199 Les crises financières se sont multipliées depuis les débuts du processus de globalisation financière, il y a quatre décennies. Ces crises successives ont concerné des systèmes financiers très divers, situés dans les pays en développement et émergents, ainsi que dans les pays les plus développés. Les crises financières récentes ont pris des formes différentes : crises boursières, crises immobilières, crises bancaires, crises de change, crises des dettes souveraines. Au-delà de leur diversité, les crises financières obéissent à un petit nombre de mécanismes fondamentaux. La plupart des économistes ont mis en avant la libéralisation financière intervenue à partir des années 1970 comme principal facteur explicatif de l'accélération des crises financières, en accroissant la vulnérabilité des banques, en contribuant à une plus grande interdépendance des marchés financiers, à l'amplification des cycles financiers, aux processus de contagion et à la formation de bulles financières.Classification JEL : F30, G01, G10, G18, G21, G28.Financial crises have multiplied since the beginning of the process of financial globalisation four decades ago. These successive crises have affected very diverse financial systems, located in developing and emerging countries, as well as in the most developed countries. Recent financial crises have taken different forms: stock market crises, real estate crises, banking crises, currency crises, sovereign debt crises. Beyond their diversity, financial crises obey a small number of fundamental mechanisms. Most economists have put forward financial liberalisation since the 1970s as the main factor explaining the acceleration of financial crises, increasing the vulnerability of banks, contributing to greater interdependence of financial markets, amplification of financial cycles, contagion processes and the formation of financial bubbles.Classification JEL : F30, G01, G18, G10, G21, G28.
- Mesures des risques et arbitrages réglementaires dans l'odyssée bâloise - Adrian Pop, Oana Toader p. 201-218 Au cours de l'histoire, la construction de la réglementation et de la supervision coordonnée des établissements bancaires internationaux est souvent apparue comme une réponse aux nombreux chocs financiers et économiques qui ont suivi les épisodes de libéralisation financière. Tandis que la définition des fonds propres est restée plutôt inchangée depuis l'accord initial de Bâle I, la mesure des risques a quant à elle subi des mutations importantes. En particulier, la sensibilité aux risques, notion clé au cœur même de la réglementation de la solvabilité bancaire, a été refondue en profondeur dans le cadre dit de Bâle II. Avec la liberté accrue conférée aux établissements bancaires, celle de pouvoir évaluer eux-mêmes le risque perçu, le régulateur a involontairement introduit des incitations adverses et laissé place à l'arbitrage réglementaire, ce qui a dès lors nuit à l'efficacité des normes de solvabilité. L'arbitrage réglementaire joue ainsi un rôle central dans la conception de la régulation prudentielle et constitue la force motrice de la dialectique réglementaire.Classification JEL : G18, G28, M48.Over time, the shaping of financial regulations and coordinated supervision of internationally active banks has appeared as a regulatory response to financial and economic shocks that have followed episodes of financial liberalisation. While the definition of regulatory capital has remained stable since the initial Basel I agreement, the measurement of risk has undergone radical changes. In particular, the key concept in international solvency regulations – the risk sensitivity – has been profoundly revised under the Basel II framework. By providing the financial institutions with the ability to assess the risks internally, by themselves, the regulator has unintendedly introduced adverse incentives and paved the way for regulatory arbitrage. This, in turn, has challenged the effectiveness of the solvency standards.Classification JEL : G18, G28, M48.
- Les politiques monétaires à l'épreuve de la libéralisation financière - Jean-Paul Pollin p. 219-244 Cet article se propose de retracer brièvement l'histoire des politiques monétaires depuis l'après-guerre pour mettre en perspective et faire ressortir l'incidence du processus de libéralisation financière sur ces politiques. On observe en effet qu'à partir des années 1980 la plupart des pays avancés ont adopté un même modèle de « central banking » concentrant l'action des autorités monétaires sur l'objectif de stabilité des prix et réduisant leur domaine et leurs instruments d'intervention. On montre que la négligence de l'objectif de stabilité financière a remis en cause, après la crise de 2007, le modèle en question et peut-être aussi le processus de libéralisation.Classification JEL : E50, E52, E58, G01.This article aims to briefly retrace the history of monetary policies since the post-war period in order to put into perspective and highlight the impact of the financial liberalization process on these policies. We observe that from the 1980s onwards most advanced countries adopted the same model of “Central Banking” focusing the action of the monetary authorities on the objective of price stability and reducing their scope and instruments of intervention. . It is shown that the neglect of the objective of financial stability called into question, after the crisis of 2007, this model and perhaps also the process of liberalization.Classification JEL : E50, E52, E58, G01.
- La libéralisation des mouvements de capitaux : entre transformations structurelles, débats circulaires et cadres multilatéraux - Étienne Lepers p. 247-268 À l'heure où la question de la gestion des flux de capitaux et de l'utilité des contrôles est de nouveau à l'ordre du jour, cet article se propose de revenir sur les origines des choix politiques relatifs à la libéralisation des mouvements de capitaux. Le mouvement structurel de libéralisation des décennies 1980 et 1990 et les différentes séquences par pays ne peuvent être uniquement expliqués par un consensus scientifique clair sur les bienfaits de la libéralisation, ni par les transformations structurelles du système financier mondial. Cet article relève notamment le rôle d'influence crucial joué par les cadres multilatéraux tels que ceux de l'UE, de l'OCDE et du FMI sur ces choix politiques. Il souligne aussi la circularité des débats sur les coûts et les bénéfices de la libéralisation au fil du temps et soutient qu'une telle perspective historique fournit une grille de lecture critique utile pour les débats actuels.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.At a time when the question of the management of capital flows and the usefulness of controls is once again on the agenda, this article revisits the key drivers of capital account policy since 1970. The structural push towards liberalisation in the 1980's and 90's and the different timing across countries cannot be solely explained by a clear-cut scientific consensus on the benefits of free capital movements, nor by structural transformations in the global financial system. This article points notably to the crucial role of multilateral frameworks on capital flow management such as those of the EU, the OECD and the IMF in influencing countries' courses. It also emphasizes the cyclicality of debates about the costs and benefits of liberalisation over time and argues that a long-run historical perspective provides a useful critical background to on-going debates.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.
- De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux - Bruno Cabrillac, Clément Marsilli, Sophie Rivaud p. 269-298 Après l'effondrement du système de Bretton Woods, le régime de changes flottants accompagné d'une libéralisation des flux de capitaux a été adopté par la quasi-totalité des pays avancés, dès les années 1980. En revanche, cette mutation est encore en cours dans les pays émergents. Les importantes disruptions financières liées la volatilité et la procyclicité persistante des flux ont entretenu la peur du flottement et les réticences à mener à son terme ce processus de libéralisation. En outre, les deux dernières crises mondiales, de 2008-2009 et de 2020, ont montré que les sorties massives et soudaines de capitaux pouvaient être davantage liées aux cycles mondiaux qu'aux fondamentaux des pays récipiendaires. Les recommandations des organisations internationales, et notamment du FMI, se sont progressivement adaptées, gardant comme objectif de long terme une libéralisation du compte financier, mais acceptant que celle-ci puisse être réversible et intégrant, dans la boîte à outils, des politiques économiques, des mesures visant à la gestion des flux de capitaux.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.After the collapse of the Bretton-Woods system, almost all advanced economies had, by the end of 80s implemented the floating exchange rate regime combined with capital flows liberalization. In emerging market economies, this mutation is still ongoing. Major financial disruptions due to both volatility and persistent procyclicality of flows have fueled the fear of floating and the reluctance to pursue the liberalization process. In addition, the two last global crises, namely 2008/09 and 2020, showed that sudden stops are related more to the global financial cycle than to country-specific fundamentals. International organizations, in particular the IMF, have adapted their recommendations: keeping financial account liberalization as the long-term objective but allowing for reversibility and integrating capital flows management measures in the economic policy toolbox.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.
- Libéralisation financière et déséquilibres globaux - André Cartapanis p. 299-327 Doit-on encore se préoccuper des déséquilibres des balances courantes, dénommés déséquilibres globaux, dans le contexte de la libéralisation financière internationale ? Car la libéralisation financière transforme les contraintes externes qui pèsent sur les policy makers, et tel est l'objet de cet article. Tout d'abord, on revient sur la caractérisation théorique et empirique des « bons » et des « mauvais » déséquilibres courants. Ensuite, quelques faits stylisés permettent d'évaluer l'ampleur des déséquilibres globaux et des positions financières extérieures. La troisième partie analyse l'impact de la libéralisation financière sur la composante financière des déséquilibres globaux et la dynamique des positions financières extérieures. Enfin, dans la quatrième partie, on examine la thèse du découplage entre les déséquilibres courants et les transferts internationaux d'épargne et de liquidités.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.Should we still be concerned with current account imbalances, known as global imbalances, in the context of international financial liberalization? Because financial liberalization transforms the external constraints that weigh on policy makers, and this is the purpose of this article. In section 1, we examine the theoretical and empirical characterization of good and bad current imbalances. In section 2, some stylized facts allow us to assess the magnitude of global imbalances and external financial positions. Section 3 analyzes the impact of financial liberalization on the financial component of global imbalances and the dynamics of external financial positions. Finally, in section 4, we examine the thesis of the decoupling between current imbalances and international transfers of savings and liquidity.Classification JEL : F20, F21, F30, F32.
- Les crises bancaires en France pendant la Grande Dépression : une histoire renouvelée - Patrice Baubeau, Éric Monnet, Angelo Riva, Stefano Ungaro p. 329-336
- Le retour des déficits jumeaux américains - Michel Dupuy, Sylvie Lacueille p. 339-357 En adoptant à la fin de 2017 une politique budgétaire expansionniste, les États-Unis ont renoué avec les déficits jumeaux (budgétaire et courant). En 2019, le déficit du budget fédéral devrait atteindre 5 % du PIB, tandis que le déficit courant devrait s'établir à près de 3 % du PIB. Après avoir établi l'existence d'une relation positive de long terme entre le déficit budgétaire et le déficit courant aux États-Unis, cet article met en exergue les spécificités des déficits jumeaux actuels. Ces déficits se différencient en effet des déficits passés, tout d'abord, par le contexte d'apparition des déficits et ensuite par leur financement. Alors que les déficits jumeaux précédents sont apparus dans une économie américaine en sous-emploi, l'épisode actuel de double déficit est survenu dans un contexte de plein-emploi. Par ailleurs, les sources de financement des déficits jumeaux proviennent aujourd'hui pour l'essentiel d'investisseurs privés non résidents, alors que jusqu'en 2014, c'étaient les banques centrales non américaines qui, en plaçant leurs réserves de change en Treasuries, assuraient le plus gros du financement de ces déficits. En l'absence de concurrents sérieux du dollar comme monnaie de réserve internationale, les déficits jumeaux américains sont aujourd'hui financés sans difficulté. Cette situation pourrait cependant ne pas durer. L'augmentation de la dette externe américaine pourrait en effet conduire, à terme, à une augmentation des taux longs et/ou à une dépréciation du dollar.Classification JEL : E62, F31, F32, H62.By adopting an expansionary fiscal policy at the end of 2017, the United States returned to twin deficits (fiscal and current). In 2019, the federal budget deficit is projected to reach 5% of GDP, while the current account deficit is projected to be close to 3% of GDP. Having established the existence of a positive long-term relationship between the budget deficit and the current account deficit in the United States, this article highlights the specificities of the current twin deficits. These deficits differ from past deficits, first of all in the context of the emergence of deficits and then in their financing. While previous twin deficits appeared in an underemployment economy, the current episode of double deficit occurred in a context of full employment. On the other hand, the sources of financing of the twin deficits now come mainly from non-resident private investors, whereas until 2014 it was the non-US central banks that, by placing their foreign exchange reserves in Treasuries, ensured the bulk of the financing of these deficits. In the absence of serious rivals of the dollar as international reserve currency, the twin US deficits are now financed without difficulty. However, this situation may not last. The increase in US external debt could eventually lead to an increase in US long-term interest rates and/or a depreciation of the dollar.Classification JEL : E62, F31, F32, H62.