Contenu du sommaire : Retour sur l'entreprise.
Revue | Sociologie du travail |
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Numéro | vol. 28, no 3, juillet-septembre 1986 |
Titre du numéro | Retour sur l'entreprise. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Anni Borzeix p. 5 pages
- Vers un syndicalisme d'entreprise. D'une définition de l'entreprise à celle du syndicalisme - Jean-François Amadieu p. 14 pages Le centre de gravité du système français de relations industrielles se déplacerait vers l'entreprise. Face à ce recentrage que devient le syndicalisme ? Telle est la question traitée ici. Pour rendre compte des réticences syndicales à s'engager dans la voie d'un véritable syndicalisme d'entreprise, l'auteur propose d'identifier trois images de l'entreprise. Trois images qui font problème car chacune d'elles engage, au-delà du simple réajustement des structures, une certaine conception du syndicat, de sa raison d'être et de sa légitimité. Derrière les trois figures esquissées — l'entreprise comme communauté sociale, comme espace d'une intervention dans la gestion ou encore comme lieu de marchandage de la force de travail — se profilent des questions fondamentales pour l'avenir du mouvement ouvrier. Entre le risque d'un repli corporatiste et le spectre d'une intégration aux finalités économiques de la firme, le chemin d'un syndicalisme d'entreprise paraît, pour l'heure, bien étroit.J. F. Amadieu Toward Company-Oriented Unions : From the Definition of the Firm to That of the Labor Union The center of gravity of the French system of industrial relations seems to be moving toward the firm. What are the consequences upon the labor movement ? Three images of the firm — as a social community, as a space for intervening in management and as a place for bargaining about labor — are described so as to explain unions'hesitations about committing themselves to a form of what we might call «company unions». Each of these images raises fundamental questions about the future of the labor movement, for beyond readjusting structures, each image involves a certain conception of the union, of its justification and legitimacy. Between the risk of taking a narrow self-interested stance and the illusion of being integrated into the firm's economic finalities, the choices open to a company-oriented union movement seem, at present, to be very narrow.
- Le réenchantement de l'entreprise - Jean Bunel p. 14 pages L'expérimentation patronale, la crise de la productivité et la conflictualité sociale ont joué un rôle décisif dans le recul du taylorisme. Le syndicalisme, dont le modèle d'action reste fondé sur une représentation «marxo-taylorienne» de l'entreprise, a cherché dans les années soixante-dix à renouveler ses objectifs. Les lois Auroux semblent constituer l'aboutissement de la revendication syndicale pour une participation à l'organisation du travail. Mais le renouvellement de la maîtrise, qui devient le recours prioritaire pour le salarié, rend moins utile le rôle d'intercesseur, auprès de la hiérarchie, du délégué syndical. Pourtant le travailleur n'est pas mieux informé par la maîtrise que par le syndicat, d'où la désaffection pour les groupes d'expression et les problèmes d'adaptation posés au syndicalisme.Jean Bunel Re-Enchanting the Firm Social experimentation by employers, the crisis of productivity, and social strife have played a decisive role in the retreat of Taylorism. The labor union movement, whose model of action is still founded upon a Marxist-Taylorist conception of the firm, sought to change its objectives during the 1970 s. The Auroux Laws have apparently crowned union efforts for employee participation in organizing work ; but the renewal of the supervisory staff, to whom employees have prior recourse, reduces the union steward's role as intercessor with the hierarchy. However workers are not better informed by this staff than by unions, and they have therefore turned away from «direct expression» groups.
- Le «moment lois Auroux» ou la désublimation de l'économie - Elie Cohen p. 21 pages Les lois Auroux apparaissent comme une décision «par le haut» prise par l'Etat pour institutionnaliser un espace où puisse se développer l'expression des salariés ; cette décision apparaît aussi comme un débouché aux revendications syndicales sur la participation. Ces lois viennent en application au moment où le syndicalisme traverse une crise, où l'Etat cherche à redéfinir les contours de son intervention, où le patronat se réorganise autour de l'entreprise.Elie Cohen The «Auroux Laws Moment», or the Desublimation of the Economy The Auroux Laws seem to have been decided from above, by the State, in order to institutionalize a space wherein employees may have a voice. This decision also seems to be the outcome of union demands about worker participation. These laws have come into effect at a time when the labor union movement is undergoing a crisis, when the government is seeking to redefine the limits of its interventions and when employers are reorganizing around the firm.
- Le conseil de discipline : une juridiction à la charnière de l'ordre domestique et de l'ordre juridique - Yves Dezalay p. 18 pages L'observation du règlement des affaires disciplinaires dans l'entreprise met en évidence l'ambiguïté de l'institution qui en a la charge : le conseil de discipline. Cette juridiction bâtarde, tombée en relative désuétude, est pourtant intéressante à bien des égards. Elle révèle notamment la coexistence, au sein de l'entreprise, de deux modèles de justice. Le premier appartient à l'ordre politico-juridique de la société civile : il s'intéresse à l'individu, sujet exclusif du droit, niant du même coup l'existence des corps intermédiaires comme systèmes de solidarité et de contrôle social. Le second relève de l'ordre domestique : il assure le traitement des affaires communautaires par le jeu subtil d'une négociation directe entre parties, assurant par des voies informelles le traitement des multiples conflits nés des relations complexes entre membres d'une même communauté. C'est à la charnière de ces deux systèmes, qui d'ordinaire se côtoient sans se rencontrer, que se situe le conseil de discipline. Entre ces deux formes juridiques qui se complètent tout en s'opposant, l'auteur propose de voir une «structure de couple dialectique» dont les rapports internes seraient, selon lui, l'enjeu d'une redéfinition permanente.Yves Dezalay Disciplinary Committees : A Pivotal Jurisdiction between the Domestic and Judicial Orders Observations of how disciplinary cases are settled within firms shed light upon the ambiguity of disciplinary committees. This bastard jurisdiction, which has more or less fallen into disuse, is of interest in many ways. It reveals the coexistence within the firm of two models of justice. The first has to do with the political, legal order of civilian society ; it recognizes the individual as the exclusive subject of law and thus denies the existence of intermediary groups as systems of solidarity and social control. The second model has to do with the inhouse, domestic order : community matters are handled through direct negotiations among parties,. The disciplinary committee is the pivot between these two models. The author proposes to see these two opposite but complementary legal forms as a «dialectic couple» whose internal relations are ceaselessly redefined.
- Les syndicats et la politique industrielle - Claude Durand p. 12 pages Les nouvelles formes de management participatif portent atteinte aux prérogatives syndicales. L'article retrace quelle a été historiquement, avec le syndicalisme de classe, la tradition de refus de la participation de la part des syndicats en France. Cependant, contraints par la crise, les syndicalistes abandonnent cette rigidité et formulent des contre-plans économiques, pour sauver les entreprises en péril : plusieurs de ces contre-plans sont évoqués. Mais, paradoxalement, malgré l'ouverture du gouvernement socialiste à une plus grande participation institutionnelle des syndicats et l'ouverture du patronat à de nouvelles formes de coopération à la base, ces tentatives d'intervention syndicale dans la politique industrielle n'ont pas reçu grand écho.Claude Durand Unions and Industrial Policy New forms of «participative management» infringe on union prerogatives. The history of the refusal by the class-based labor movement in France to participate in management is outlined. Under pressure from the recession however, unionists are abandoning this rigid position and are formulating economic counterplans (several of which are discussed) to save threatened firms. Paradoxically, in spite of the openness of the Socialist government toward greater institutional participation by the unions and in spite of the openness of employers toward new forms of rank-and-file participation, union attempts to intervene in industrial policy have not had much effect.
- Organisation et gestion de la production dans une unité d'emboutissage. De la sociologie du travail à celle de l'entreprise - Christian Mahieu p. 19 pages Détaché pendant deux mois dans une unité d'emboutissage, l'auteur retrace, de l'intérieur, les effets induits par l'introduction de nouvelles presses-transferts. A l'élargissement réel des tâches de fabrication directe, confiées à un groupe d'opérateurs correspond, à l'entretien et à l'outillage, une soumission accrue au rythme de la fabrication. Derrière ces bouleversements dans la division du travail, c'est à l'éclatement des systèmes d'évaluation de l'efficacité économique que l'on assiste. Le paramètre gestion, de simple outil d'évaluation, devient l'enjeu des relations entre services.Christian Mahieu The Organization and Management of Production in a Stamping Workshop : From the Sociology of Work to the Sociology of the Firm Assigned for two months to a stamping workshop, the author recounts from within the effects of new «transfer presses». Although the tasks of direct production assigned to a group of operatives were broadened, the maintenance and tool personnel were more subjected to the rhytm of production. Underlying these changes in the division of labor was the «explosion» of the systems for evaluating economic efficiency. From being a means of evaluation, the management parameter became a major issue in relations between services.
- Vers une théorie sociologique de l'entreprise - Renaud Sainsaulieu, Denis Segrestin p. 18 pages A l'appui d'une réflexion collective engagée depuis un an, les auteurs proposent de dégager quelques prémisses de la théorie sociologique de l'entreprise qu'il convient aujourd'hui, selon eux, de se donner. Le contexte incite désormais à considérer l'entreprise comme un lieu social central, où se cherche un nouvel état de la régulation des rapports sociaux. Des hypothèses sont avancées sur les dimensions identitaires et culturelles de ce phénomène. Elles débouchent sur une invitation à développer la recherche sur l'entreprise dans une perspective délibérément institutionnelle, et à s'intéresser aux voies par lesquelles les acteurs de l'entreprise trouvent la force de promouvoir le changement.Renaud Sainsaulieu and Denis Segrestin Toward a Sociological Theory of the Firm Some of the premises are pointed out of a sociological theory of the firm that fits presentday conditions. Accordingly, the firm should be a central social «place» where there is the quest for a new state of regulating social relations. Hypotheses are advanced about the dimensions of this phenomenon in terms of identity and culture. These hypotheses call for developing, from an institutional perspective, research about firms and for studying the ways that actors in the firm find the force to advocate change.
- Management participatif et syndicalisme - Pierre Eric Tixier p. 20 pages Le management participatif ne met un terme ni à l'aliénation ni à la domination sociale. Il en renouvelle simplement les formes. De l'exclusion de l'acteur social — propre au modèle taylorien — on passe, avec un nouveau mode d'organisation de l'entreprise, à la manipulation de la subjectivité et de la créativité des salariés. L'avènement de microcollectifs de travail fondés sur une culture du face-à-face et du projet, sur l'intériorisation des conflits et l'adhésion au système, porte atteinte aux racines mêmes de l'action collective de masse. Entre le schéma cogestionnaire et l'hypothèse autogestionnaire intégrant cette nouvelle donne le syndicalisme se cherche.Pierre-Eric Tixier Participative Management and Labor Unions Participative management ends neither alinenation nor social domination ; it merely renews their forms. Although social actors are no longer excluded as under Taylorism, this new way of organizing firms leads to manipulating the subjectivity and creativity of employees. The sources of mass, collective, actions are seriously threatened by the formation of very small work groups based upon a face-to-face culture, the internalization of conflict and adhesion to the system. The labor union movement is seeking a way between joint management and self-management, a way that takes into account this new situation.
- Culture ouvrière et culture d'entreprise - Maryse Tripier p. 14 pages Au-delà des effets de mode ou de conjoncture, qu'est-ce qui se cache sous le regain d'intérêt pour l'entreprise — y compris chez les sociologues du travail ? Comment comprendre le recours, aujourd'hui fréquent, à la notion séduisante mais controversée de culture d'entreprise pour rendre compte de la réflexion ? C'est par une analyse monographique centrée sur le cas d'une PME de province que l'auteur s'attaque à ces questions. On nous décrit une situation où identité ouvrière — que symbolise ici la figure du croquant, simple travailleur, méprisé, exploité mais façonneur d'histoire — et culture d'entreprise, loin de s'opposer, tendent à se rejoindre. Mais ce processus d'identification à la norme n'exclut pas le conflit. La singularité, mais aussi l'intérêt de l'exemple choisi tiennent au fait qu'on y retrouve, exacerbées à l'extrême, les bases de l'intégration industrielle, telles que décrites par Marx et Durkheim : cette tension contradictoire entre coopération et conflit.Maryse Tripier Working People's Culture and Company Culture : About the Disappearance of a Small Company in a Rural Area Beyond factors having to do with intellectual fashions or with the presentday conjuncture, why is there now so much talk, even among sociologists, about the firm ? How to understand the so frequent utilization of the seductive but controversial notion of «company culture» ? A monographic analysis of a small firm in the provinces is used to answer these questions. In this company, far from being opposed, the company culture and workers' identity (symbolized by the «clodhopper», the simple worker who is scorned and exploited but who shapes history) tend to converge. However this process of identification with the norm does not avoid conflict. This example is of special interest because the bases of industrial integration, as described by Marx and Durkheim, are exacerbated to the utmost : contradictory tension between cooperation and conflict.
- Résumés de recherche - p. 27 pages
- English summaries - p. 4 pages