Contenu du sommaire : Clergé et politique en France (XVIe-XIXe siècles)
Revue | Parlement[s] |
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Numéro | Hors-Série no 6, 2010 |
Titre du numéro | Clergé et politique en France (XVIe-XIXe siècles) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
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- Introduction - Gaël Rideau p. 6-13
- Le cardinal-conseiller Charles de Lorraine, le roi et sa cour au temps des premières guerres de Religion - Benoist Pierre p. 14-28 Le cardinal Charles de Lorraine fut l'un des chefs de l'Église gallicane dans les années 1550-1560. Mais il fut moins en vu sous le règne de Charles IX. Cet article vise à analyser ce déclin politique relatif d'un prélat de cour et à le mettre en rapport avec son engagement en faveur d'un retour à l'unité chrétienne. D'abord partisan de la concorde pour ramener les hérétiques sous le giron de l'Église, le cardinal envisagea progressivement le recours à la violence légale contre les huguenots. Il exposa également son idéal de monarchie ecclésiale encadrée par les prélats de cour, dont il entendait prendre la tête. Il se proposait ainsi de devenir aux côtés du roi le principal agent de la parousie. Mais le cardinal ne retrouva jamais sa position d'antan au sein de la cour, même quand la politique royale semblait lui donner raison.The cardinal Charles of Lorraine was one of the Gallican Church's chief during the 1550's and the 1560's. But he was less in the public eye during the reign of Charles IX. This article aims at analyzing the relative political decline of a court prelate and to link it to his commitment in favor of a return to the Christian unity. At first supporter of the concord to bring back heretics within the Church, the cardinal considered gradually the use of legal violence against the Huguenots. He also stated his ideal of ecclesiastical monarchy framed by the court prelates, of which he would take the lead. He proposed thus to become with the King the main agent of the Christ's return on earth. But the cardinal never found again his previous position in the framework of the court, even when the royal politics seem to prove him right.
- Clergé protestant et clergé catholique face à la « souveraineté de Béarn » (XVIe-XVIIe siècles) - Véronique Castagnet-Lars p. 29-43 Entre le XVIe et le XVIIIe siècles, la principauté de Béarn connut une évolution politique et religieuse exemplaire. En effet, la diffusion de la réforme protestante dans les terres méridionales des Albret-Bourbon aboutit, en 1569-1571, à l'établissement d'un calvinisme exclusif sur la volonté de Jeanne d'Albret, vicomtesse de Béarn et reine de Navarre depuis 1555. Le règlement de la question successorale au sein du royaume de France modifia le devenir du Béarn, son prince devenant également roi de France. En 1599, l'édit de Fontainebleau reconnut l'existence du culte catholique et rétablit la hiérarchie. En 1617, l'édit de mainlevée permit la restitution des biens à l'Église catholique, même si son application en 1620 par les commissaires royaux témoigne davantage de la recherche d'une coexistence confessionnelle. En 1620, le Béarn devient province du royaume de France, les clergés, protestants et catholiques, continuant de formuler d'importantes revendications politiques durant tout le XVIIe siècle. Ainsi les rapports entre clergés (protestant et catholique, régulier et séculier) et politique dans le cas béarnais furent d'une grande complexité entre les XVIe et XVIIe siècles, associant problématiques politiques (comme la question de la supposée indépendance du Béarn) et affrontements religieux entre calvinistes et catholiques au sein des institutions provinciales (États de Béarn, Conseil souverain, puis Parlement de Navarre, sans oublier les corps de ville ayant pour co-seigneurs évêques et chanoines) jusqu'à une certaine uniformité au XVIIIe siècle.Between XVIth and XVIIIth century, the princedom of Béarn developed an exemplified political and religious evolution. Indeed, the diffusion of protestant reformation in the Albret-Bourbon southern estates, in 1569-1571, lead to establishing an exclusive Calvinism. It was the will of Jeanne d'Albret, viscountess of Béarn and Queen of Navarra since 1555. The settlement of the successional issues within the French kingdom deeply modified the future of Béarn, its Prince also becoming King of France. In 1599, the Fontainebleau Edict acknowledged the existence of the catholic cult and reestablished the hierarchy. In 1617, the Mainlevée Edict allowed the return of its possessions to the catholic Church, even if in 1620, the application of the edict by the royal commissioners rather shows a taste for confessional coexistence. In 1620, Béarn became a French province, catholic and protestant clergies continuing to formulate important political claims throughout the all XVIIth century. So, in Béarn's case, the relationship between the diverse clergies (protestant and catholic, regular and secular) and political affairs were of tremendous complexity between XVIth and XVIIth century, combining political issues (such as the issue of the would-be independence of Béarn) with religious issues between Calvinists and Catholics within the provincial constitutions (États de Béarn, Privy Council, Navarre Parliament, together with the municipal institutions and their Lord-bishops and canons). This leads to some kind of uniformity in the XVIIIth century.
- Au service du prince : le chapitre métropolitain de Notre-Dame de Cambrai de la fin du Moyen-Âge au XVIIIe siècle - Gilles Deregnaucourt, Christophe Leduc p. 44-59 À Cambrai, aux XVIe et XVIIe siècles, les chanoines de Notre-Dame furent des acteurs politiques importants. Le service religieux du prince en est une première voie, rassemblant chapelains et confesseurs, autant de commensaux du prince. Au-delà de ces fonctions religieuses, les chanoines remplissent des tâches plus proprement politiques, que des portraits individuels permettent de saisir dans leur ensemble. Antoine Perrenot, cardinal de Granvelle, n'en est que l'exemple le plus illustre. Dans ces parcours, les chanoines sont conseillers, membres du Parlement. Enfin, le chapitre fournit des diplomates qui peuvent tomber dans l'espionnage. Le doyen François de Carondelet l'illustre entre Richelieu et les archiducs, sur fond de guerre franco-espagnole. La conquête française met un terme à cette dimension politique du clergé et ouvre la période d'une professionnalisation qui avantage les laïcs au service de la province, plus du prince.In sixteenth and seventeenth centuries Cambrai, Notre-Dame's canons had political functions. One is the religious service of the prince, with confessors and preachers. Beyond these politico-religious parts, canons hold properly political ones. Individual portraits show us these parts, as for Antoine Perrenot of Granvelle, which is the most famous. In this model, canons are councillors, Parlement's members. Last way is diplomacy which sometimes leads to spying. Dean François of Carondelet shows this between Richelieu and archduchess Isabelle in the Franco-Spanish war. French conquest put an end to this political part, toward a provincial administration leaded by laymen and officers.
- La définition d'une frontière politique : clergé et municipalité à Orléans au XVIIIe siècle - Gaël Rideau p. 60-75 Au XVIIIe siècle, les relations entre la municipalité d'Orléans et le clergé de la ville sont nombreuses et diverses. Les processions dessinent une étroite collaboration, image d'unanimisme. La question fiscale dresse un autre portrait, où le clergé défend ses privilèges et s'exclut de la fiscalité ordinaire. Le clergé est vu ici comme ordre social. Les tensions les plus importantes entre ville et clergé se situent sur un autre plan. Le XVIIIe siècle voit les compétences municipales se développer dans les domaines de la charité et de l'enseignement, source d'une remise en cause pratique de la place du clergé. Ceci s'accompagne d'un discours laïc qui définit une vision politique du clergé : nettement séparé et limité au spirituel. Ainsi, au travers de ces relations, se dessine une frontière politique. Les cahiers de doléances donnent corps à cette conception et proposent une réforme du clergé, image d'un nouvel équilibre entre clercs et autorité politique.In the eighteenth-century Orleans, relations between the clergy and the town council are various. Processions draw a close collaboration, reflection of the unanimity. Tax system offers an other picture. Clergy defends its privileges, outside of the ordinary system. In this way, clergymen are a social group. The toughest tensions between clergy and town council are different. In eighteenth century, the place of the latter grows up in charity and teaching, against clergy. This calling into question lies on a secular discourse, support of a political view of the clergy: separate and restricted to the religious area. Therefore, these relations draw a political border within local society between laymen and clergymen. The cahiers de doléances embodie this, proposing a reform which builts a new balance between clergy and political authority.
- Les municipalités entre le Clergé et l'État dans les départements de la Loire moyenne au XIXe siècle - Pierre Allorant p. 76-92 Si le clergé catholique perd son statut de premier ordre de France, il demeure un acteur essentiel de la vie sociale française tout au long du XIXe siècle. La redéfinition des circonscriptions administratives par la Révolution française puis leur incarnation par le préfet, le sous-préfet et le maire placent le clergé concordataire au centre des tensions et des conflits administratifs et politiques, du Consulat à la Séparation des Églises et de l'État : la Restauration provoque un rejet du cléricalisme, puis la Monarchie de Juillet exacerbe la rivalité entre les élus municipaux et le desservant. La collusion des intérêts entre le clergé catholique et le Second Empire entretient une suspicion des Républicains que renforce la politique réactionnaire du maréchal de Mac-Mahon. Ces tensions s'inscrivent dans le cadre municipal du fait de la généralisation de l'élection des maires et des difficultés d'application de la liberté de culte, des lois scolaires et de la Séparation.If catholic clergy loosed its privileged statute, it remains one of the most important social institution in 19th century France. The administrative territories new definition by French Revolution and the installation of Napoleonic prefects set clergy at the middle of tensions and conflicts during the century of “Concordat”, from Bonaparte's Consulate to the legal separation between the Third Republic State and Church. The royalist Restauration provokes clericalism's throwing out, before Orleanism exacerbates elected mayors and clergymen's political competition. Interested complicity between catholic clergy and Bonapartism enforces republican suspicion, one more time made worse by reactionary marechalism ideology and practice. These political tensions take place in municipal framework in relation with mayoral election and difficulties in religious freedom's apply, Ferry's school laws and Separation.
- Du sacré au profane : la politisation d'un prêtre pendant les guerres de Religion - Laurent Bourquin p. 93-106 La culture politique du bas clergé dans la seconde moitié du XVIe siècle peut être entrevue grâce aux Mémoires de Claude Haton. Ce prêtre de Provins écrivit en effet un volumineux manuscrit de 2 000 pages où il raconta en particulier le déferlement des troubles civils dans le royaume et dans sa région. Il indiqua l'origine de ses informations, les hiérarchisa, évoqua les débats qui agitaient les élites urbaines, donna son avis et ne se contenta donc pas d'en appeler simplement à l'éradication de l'hérésie, même s'il ne cachait pas son hostilité viscérale envers la Réformation. Grâce à la qualité de son texte, il est possible d'appréhender la culture politique de Claude Haton, et plus précisément son degré de politisation. Il s'intéressait, en effet, à toutes les facettes du politique : les intrigues au sein du conseil royal, les manifestes des aristocrates rebelles, les dysfonctionnements de l'administration locale, les interventions du monarque dans la justice et, bien sûr, dans la sphère religieuse. Comme son manuscrit fut rédigé sur une longue période (une trentaine d'années, de 1553 à 1582), il est également possible de suivre et de périodiser l'évolution de sa pensée, les inflexions de son discours et l'émergence progressive d'une pensée politique. Après avoir utilisé, dans un premier temps, une grille de lecture religieuse et manichéenne, il construisit dans les années 1570 un discours de plus en plus élaboré, et se révéla finalement capable de distinguer des enjeux et des pratiques proprement politiques.The political culture of the lower clergy, in the second half of the sixteenth century, can be glimpsed through Claude Haton's Memoirs. This priest, who lived in Provins, wrote a voluminous manuscript, where he especially related the stream of civils troubles in the kingdom and in his region. He noticed the origin of his informations, classified them, evocated the debates in the urban élites and gave his opinion. So he did not appealed simply to an eradication of the heresy, although he was very hostile to Reformation. Thanks to the quality of his text, it is possible to understand the political culture of Claude Haton, and more specifically his degree of politicization. He was interested, in fact, by all facets of politics : the intrigues within the royal council, the manifestos of aristocratic rebels, the malfunctions of the local government, the monarch's intervention in justice and, of course, in the religious sphere. As the manuscript was written over a long period (thirty years, from 1553 to 1582), it is also possible to follow the evolution of his reasoning year after year, the inflections of his discourse and the gradual emergence of political thought. At first, he interpreted the events in a religious and manichean way. But in the 1570's, he built a more elaborated discourse, and finally was able to distinguish specifically political strakes and practices.
- La justification catholique du tyrannicide - Monique Cottret p. 107-117 De 1570 – date à laquelle le pape Pie V fulmine une bulle pour appeler au renversement d'Élisabeth d'Angleterre – jusqu'en 1610, le tyrannicide est essentiellement une pratique catholique, dont sont victimes Guillaume le Taciturne, Henri III et Henri IV et à laquelle Élisabeth et Jacques Ier échappent de justesse. Pourtant une tradition historiographique dominante attribue aux protestants (après 1572) la paternité de cette doctrine. Pourquoi ? Telle est la question soulevée ici.From 1570 onwards, when Pius V called for the deposition of queen Elizabeth, tyrannicide has been mainly a Catholic concern leading up to the assassination of Henri IV in 1610. William the Silent, Henri III had in turn been its victims. Elizabeth I and James I were also targeted. In spite of all evidence, the prevailing historiography has attributed to Protestants the origin of that tradition. These assumptions should in turn be critically examined.
- La prise de parole des évêques-députés à l'Assemblée législative (1791-1792) - Caroline Chopelin-Blanc p. 118-134 Deuxième assemblée nationale de la Révolution, l'Assemblée législative siège d'octobre 1791 à septembre 1792. Parmi les 745 députés qui la composent, dix cumulent leur fonction législative avec une fonction épiscopale. Dans le cadre de cet article, l'implication de ces dix évêques-députés a été mesurée à l'aune des interventions recensées dans les Archives parlementaires. Il s'agit de savoir s'ils forment un corps homogène à l'Assemblée et de questionner l'imbrication de leurs fonctions : parviennent-ils à préserver la qualité gémellaire de prêtre et de citoyen, ou bien tendent-ils à privilégier l'une ou l'autre fonction ? Un portrait collectif permet tout d'abord de se familiariser avec ces évêques-députés, de dégager les figures éminentes ou au contraire les personnalités plus en retrait, voire absentes. L'analyse du positionnement de chacun lors des débats provoqués par la montée en puissance du clergé réfractaire aide à mettre au jour les contradictions inhérentes à la fonction d'évêque-député. Le discours prononcé par Claude Fauchet le 26 octobre 1791 et les réactions qu'il suscite parmi ses confrères permettent d'affiner l'étude, en révélant les divisions internes d'un épiscopat constitutionnel partagé entre la voie de la tolérance et celle de la répression.The second national assembly of the Revolution, the Legislative Assembly sits from oct. 1791 till sept. 1792. Among its 745 members, ten hold simultaneously both legislative and episcopal functions. Within the framework of this article, the implication of these ten bishops-deputies has been measured in terms of their interventions as they are listed in the Archives parlementaires. What is to be established is whether they form a homogeneous body within the Assembly and how their two functions overlap and interweave: do they succeed in maintaining their dual role of priest and citizen or do they tend to favour one position to the other? First of all, a collective portrait allows to get acquainted with those ten bishops-deputies, revealing the most eminent figures or those staying in the background or even the absent ones. The analysis of the position taken by each of them during the debates induced by the increase in importance of the non-juring clergy, helps to bring to light the contradictions inherent to the function of bishop-deputy. The speech delivered by Claude Fauchet, October 26th 1791, and the reactions it arouses among his colleagues allow to refine the study by revealing the internal divisions of a constitutional episcopate torn between the path of tolerance and that of repression.
- L'invention d'une expertise électorale catholique : discours et pratiques politiques du bas clergé français sous la IIIe République - Yves Déloye p. 135-146 Consacré à la politisation de la pastorale catholique sous la IIIe République, cet article propose de déplacer de deux manières le regard habituellement porté sur les relations du clergé catholique français au pouvoir et aux pratiques politiques modernes. Le premier déplacement proposé tend à nuancer l'importance traditionnellement accordée à la nature idéologique des « régimes politiques » pour lui préférer une approche globale des transformations sociales mais aussi culturelles qui permettent de comprendre les configurations historiques dans lesquelles cette politisation de la foi catholique s'opère. Le second déplacement concerne la nature des figures ecclésiastiques que l'analyse privilégie. Si la tradition historiographique accorde aux autorités ecclésiales, notamment aux évêques et archevêques, une place prioritaire, notre article se consacre aux figures ordinaires du cléricalisme politique. L'exemple de l'abbé Charles Marcault permet d'illustrer la fécondité de cette approche par le bas.This paper studies the politicization of Catholic pastoral practice under the Third Republic. I suggest two departures from the usual perception of the relationships of the French catholic clergy to government and to modern political practices. The first departure consists in downgrading the importance traditionally granted to the ideological nature of “political regimes” and introducing a global approach of the social and cultural transformations that allow us to understand the historical configurations in which this politicization of Catholic faith has developed. The second departure is a focus on different ecclesiastical figures. Whereas historiographical tradition tends to focus on ecclesiastic authorities such as bishops and archbishops, this paper deals with the ordinary figures of political clericalism. The example of Abbé Charles Marcault illustrates the relevance of this bottom-up approach.
Sources
- La fiscalité, facteur de politisation dans les Mémoires de Claude Haton - Laurent Bourquin p. 150-157
- Cahier des catholiques présenté en 1611 au roi de France - Véronique Castagnet-Lars p. 158-164
- Discours de Fauchet contre les prêtres insermentés (26 octobre 1791) - Caroline Chopelin-Blanc p. 165-173
Lectures
- Lectures - p. 174-181