Contenu du sommaire : Luttes sociales

A contrario de son apparente vocation ironique ou dégradante, l'image satirique a contribué à sa façon à forger une mémoire visuelle des cortèges ouvriers. On peut citer les compositions devenues familières de Steinlen, Delannoy pour le journal L'Assiette au beurre. Dans le contexte des années 1880, on passe ainsi d'un régime de représentation à un autre : la Marianne inspirée de Delacroix délaisse peu à peu la barricade, puis s'éclipse des cortèges que ne mène désormais plus « le peuple » (souvent parisien) mais une catégorie socioprofessionnelle identifiée comme telle, les ouvriers. Ce basculement iconographique est contemporain des grandes grèves des années 1890-1910 dans le sillage desquelles il s'inscrit. Mais il existe également une imagerie hostile qui ne voit dans ces manifestations que désordre et sauvagerie collective.

Durant ses trois années à Matignon, Michel Rocard va faire face à plusieurs conflits sociaux d'importance, aux formes plus horizontales et fortement médiatisés. Il parvient à apaiser les tensions et à maintenir sa cote de popularité. Il privilégie une stratégie de faible médiatisation des négociations et de technicisation des problèmes. Plutôt qu'une revalorisation salariale massive qui aurait menacé les équilibres budgétaires, il préfère une reconnaissance des catégories professionnelles mobilisées. Ces différents mouvements ne seront pourtant pas sans conséquence sur le bilan social du gouvernement jugé négativement les années suivantes et sur la rupture entre l'électorat populaire et Michel Rocard.

Cet article analyse la manière dont la bande dessinée a été utilisée durant le « Printemps érable », mobilisation sociale majeure ayant eu lieu de février à septembre 2012 au Québec. L'article présente différents types d'usages de la BD durant le conflit : popularisation et pédagogie des luttes, témoignages directs et parodies politiques. Une dernière partie met en exergue le rôle mobilisateur de la production de fanzines et des ateliers collectifs.

Créée en 2002, la fondation Polémia consacre une partie de son action à la critique de la « tyrannie médiatique » et à la promotion de la réinformation. Par l'analyse des archives et productions de la fondation entre 2003 et 2013, nous étudions la manière dont la réinformation s'est imposée comme une étiquette revendiquée par des acteurs issus de différentes tendances des extrêmes droites françaises.

Au Brésil, la critique des médias traditionnels n'est pas nouvelle. La vague de protestation de 2013 a cependant réactivé cette pratique en raison de la généralisation de l'usage des réseaux sociaux numériques. Dans cet article nous analysons un corpus de 6 256 tweets avec le hashtag #vemprarua et faisant référence à l'un des 12 médias traditionnels brésiliens. Nos résultats montrent que les médias sociaux sont utilisés pour confronter, démasquer et dénoncer les médias traditionnels et que ces critiques peuvent provenir de pôles opposés du spectre idéologique.

Centré sur la figure de l'automédia, cet article ambitionne de questionner la réalité sociale que recouvre cette fonction du point de vue des acteurs qui s'en réclament, mais également en termes de perception chez les journalistes qui les côtoient. Situé sur le terrain de la médiatisation mais également sur celui du militantisme, l'automédia doit être resitué dans les dynamiques sociales qui lui permettent d'advenir. Pour ce faire, l'article propose de revenir sur les transformations historiques du champ journalistique et les mutations du militantisme qui permettent l'apparition puis la persistance de cette figure originale. Il se penche ensuite sur les représentations en vigueur au sujet de l'automédia, en se basant empiriquement sur le travail que nous avons mené au sujet de la production médiatique de l'opposition au barrage de Sivens sur Internet. L'article permet ainsi d'étayer l'idée selon laquelle « être automédia » revient à occuper un rôle complexe, entre position dominée au sein du champ journalistique et identité militante contrariée.

L'archivage du Web depuis 1996, d'abord par Internet Archive, avant que se multiplient les initiatives institutionnelles, notamment européennes, a créé un vaste patrimoine nativement numérique des luttes sociales. Évolutif dans le temps, dans l'espace et selon les plateformes, il invite à penser la notion d'archive vivante, les relations entre mémoire et histoire, les écritures de l'histoire des luttes sociales, les potentialités mais aussi les risques (méthodologiques, éthiques) qu'il pose.

Produit promotionnel des éditeurs très peu commenté, les bulletins d'informations constituent toutefois un support représenté dans les stratégies marketing du monde livre. Les publications des éditeurs clubs (1945-1970) captent de nouvelles approches rédactionnelles qui annoncent les magazines spécialisés, tout en informant sur la chaîne du livre. En proposant une approche créative et graphique, misant sur des effets propres à la dépublicitarisation, les bulletins d'information s'imposent comme un outil essentiel de médiation et de médiatisation de l'édition littéraire. 

Cet article analyse le travail des membres de l'agence Magnum Photos en Israël et en Palestine de la proclamation de l'Etat hébreu en 1948 aux opérations militaires de 2014. Leur production accompagne l'évolution des récits médiatiques : les premières icônes reflétant l'épopée sioniste laissent place à un regard plus critique témoignant de la cause palestinienne. Ce changement de focale ne doit néanmoins pas masquer la permanence de l'espoir placé dans le reportage engagé, fondé sur des idéaux coopératifs et cosmopolites.

Le Minitel est une d'une grande modernité dans les années 1980, premier média numérique grand public. Il connaît alors son âge d'or. Mais, à cette même époque, émerge un enjeu essentiel des TIC : la transmission d'images. Malheureusement, la télématique française n'a pas fait le saut technologique décisif la permettant. Ainsi, pendant la décennie suivante, le Minitel va perdre la compétition face à l'ordinateur personnel et à Internet.

En mai 1995, Les Inrockuptibles, titre de la presse musicale, publient leur premier long entretien avec un homme politique : Michel Rocard. Ce numéro marque leur métamorphose en news magazine ainsi que le passage vers le post-mitterrandisme des étudiants qui l'ont fondé. Paradoxalement, ce glissement vers le politique ne remet pas en cause leur approche de l'actualité. Au contraire, il permet de saisir comment Les Inrockuptibles ont inventé une forme singulière de news magazine.

La médiatisation et la gestion publique de l'islam ont connu une forte poussée depuis l'affaire de Creil en 1989. Celle-ci a entraîné un fort intérêt de la presse, de la radio et de la télévision, qui a déstabilisé l'action des administrations, tant localement que nationalement. Cet article, liant approche quantitative et dépouillement d'archives (pour certaines inédites), étudie la manière dont cette première crise médiatique sur l'islam a pesé sur les pouvoirs publics.