Contenu du sommaire : Le Maghreb
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 180, 1er trimestre 2021 |
Titre du numéro | Le Maghreb |
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- Éditorial. Le Maghreb - Béatrice Giblin p. 3-6 Dans ce numéro sont abordés les problèmes géopolitiques graves et complexes de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie. L'un des problèmes les plus graves auquel ces trois pays, et plus particulièrement l'Algérie, ont dû faire face est l'islamisme politique à partir des années 1990. Qu'en est-il vingt-cinq ans plus tard ? Dans aucun de ces pays la mouvance islamiste n'a totalement disparu, mais elle est plus ou moins sous contrôle selon des moyens spécifiques à chacun d'eux. Ils affrontent dans des situations économiques difficiles la pandémie de la Covid-19 qui a imposé un contrôle sanitaire strict, donnant l'occasion de renforcer un contrôle politique tout aussi strict. Par exemple le gouvernement algérien en a profité pour interdire les manifestations du Hirak espérant ainsi y mettre un terme, mais au vu de la profondeur de la contestation, il est possible que celle-ci reprenne.Dans un numéro sur le Maghreb, il va de soi que les relations avec la France y ont toute leur place, d'autant plus qu'elles sont ô combien plus intenses et étroites qu'elles ne l'étaient pendant la colonisation.Serious and complex geopolitical problems experienced by Algeria, Morocco and Tunisia are treated in this issue. Starting in the 1990s, one of these serious problems faced by the three of them, in particular by Algeria, is political Islamism. What about it 25 years later ? In one of those countries the Islamic movement totally disappeared, even though it is more or less under control due to specific means in each of them. They face difficult economic situations due to the strict health measures imposed by the Covid-19 crisis – thus giving an opportunity to reinforce an equally strict political control. For example, the Algerian government took advantage of the situation to ban the Hirak protests, hoping to end the contestation. However, it is so deep that it is plausible that it starts over.It goes without saying that in an issue on Maghreb, relations with France have a place, even more so since they are more intense and closer than they were during colonization.
- Prélude au soulèvement citoyen du 22 février : la montée des contestations dans les espaces de loyauté du régime - Ali Bensaâd p. 7-31 Avant que n'éclatent les gigantesques manifestations qui ont secoué le 22 février 2019 les principales villes algériennes, marquant le début du mouvement citoyen appelé Hirak, celles-ci avaient été précédées par des manifestations qui leur serviront de détonateur dans trois villes enclavées de l'intérieur du pays : Ouargla, Kherrata et Khenchela. Les trois villes, malgré le paradoxe apparent de leur enclavement, occupent une position stratégique dans le maillage spatial clientélaire du régime. Chacune d'elles constitue un réservoir de clientèle et un relais avancé pour le régime dans des régions stratégiques, comme composantes à la fois essentielles et particulières de la structuration territoriale de l'État-nation : la Kabylie, les Aurès et le Sahara.Cet article aborde la place clé de ces villes, les rivalités de conceptions et les ambiguïtés de la place qui leur a été assignée dans les constructions territoriales et identitaires de l'État-nation indépendant, les modalités de leur intégration dans le dispositif clientélaire et autoritaire du régime puis le processus de délitement, de subversion et de fissuration de ce dispositif qui a marqué l'effondrement du régime dans ses bases lointaines et la voie ouverte à sa contestation en son centre.Before the start of gigantic protests that shook the main Algerian cities on February 22, 2019, marking the beginning of the movement called Hirak, it was launched by other protests that took place in three enclaved cities in the center of the country : Ouargla, Kherrata and Khenchela. These three cities, despite their paradoxical physical isolation, occupy a strategic position in the spatial organization of the clientelist system of the regime. Each of them represents a clientele reservoir and an advanced relay for the regime in strategic regions, as essential and particular parts, of the territorial structuration of the Nation-State : Kabylia, Aurès and Sahara.This article deals with the key dimension of these cities, the rival conceptions and ambiguities of the place that was assigned to them in the territorial and identity construction of the independent Nation-State, the terms of their integration in the clientelist and authoritarian system of the regime, the process of this system's disintegration that marked the fall of the regime in its distant positions and the open way to contestation in its center.
- La Kabylie dans le Hirak algérien. Enjeux et perspectives - Mohand Tilmatine p. 32-56 L'apparition de groupes politiques réclamant l'autonomie politique puis l'indépendance de la Kabylie est un phénomène qui change la donne dans la région et induit une réflexion sur le modèle même de gouvernance du pays. Cette évolution conditionne également le débat sur la participation de la Kabylie dans le Hirak ainsi que les récentes initiatives pour la relance du mouvement populaire pour en finir avec le régime.Une alliance entre discours autonomiste kabyle et aspirations du camp démocrate est-elle possible face au courant conservateur néo-islamiste ou bien s'achemine-t-on davantage vers une collusion militaires/islamistes pour contrer les aspirations à une démocratie participative et laïque dans laquelle disparaîtrait l'islam comme religion de l'État ? La réussite ou l'échec du Hirak semblent passer inévitablement par le dépassement de fractures idéologiques, identitaires et territoriales qui traversent le pays depuis l'indépendance et qui se reflètent aujourd'hui au sein du Hirak.The emergence of political groups claiming political autonomy and then independence for Kabylia is a phenomenon that is changing the situation in the region and prompting reflection on the very model of governance of the country. This evolution also conditions the debate on Kabylia's participation in Hirak as well as in the recent initiatives for the revival of the popular movement to put an end to the regime.Is an alliance between the Kabyle autonomist discourse and the aspirations of the democratic camp to face the conservative neo-Islamist current possible, or are we moving more towards a military/Islamist collusion to counter the aspirations for a participatory and secular democracy in which Islam as the state religion would disappear ? The success or failure of Hirak seems inevitably to involve the overcoming of ideological, identity and territorial demarcation lines that have been running through the country since independence and which are now reflected within Hirak.
- Al-Qaïda au Maghreb islamique : entre transmutations d'une insurrection djihadiste et géopolitique évolutive de sa « vengeance de sang » - Myriam Benraad p. 57-71 De longue date, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a fait de la « vengeance de sang » une signature fondamentale sur les divers théâtres de combat où l'insurrection djihadiste opère. Du Maghreb, où ce mouvement trouve ses origines historiques, jusqu'au Sahel, ses membres n'ont eu de cesse de démultiplier les cycles meurtriers de représailles que ni les interventions étrangères et locales, ni l'élimination méthodique des principaux commandants n'ont permis de tarir. La vengeance de sang a en effet pour caractéristique essentielle d'asseoir solidement la détermination des insurgés, leurs convictions et motivations à en découdre avec l'adversaire, de même que leur identification commune à la cause. Elle éclaire la durabilité de la violence djihadiste et de sa force d'attraction. AQMI n'ayant finalement plus d'autre objectif que le seul horizon d'une vengeance couplée à la désillusion d'être un jour en capacité de s'emparer du pouvoir, le désir vengeur de ses partisans pourrait encore décupler, augurant d'une contagion dramatique de la violence.For a long time, Al-Qaeda in the Islamic Maghreb (AQIM) has made “blood vengeance” a fundamental signature in the various theatres of combat where the jihadist insurgency operates. From the Maghreb, where this movement finds its historical origins, to the Sahel, its members have not ceased to multiply the murderous cycles of reprisals, which neither foreign and local armed interventions, nor the methodical elimination of the main commanders, has allowed to dry up. The driving characteristic of blood vengeance is indeed that it firmly establishes the insurgents' determination, their beliefs, and motivations to fight the enemy, as well as their common identification with the cause. It thus sheds light on the durability of jihadist violence and its power of attraction. With AQIM's sole objective now being revenge, combined with the disillusion of being able to seize power one day, the vengeful desire of its supporters could increase tenfold and thereby herald a dramatic contagion of violence.
- Maroc, Algérie : nouvelles tensions sur fond de rivalités de pouvoir entre les deux voisins - Kamal Kajja p. 72-86 Les relations entre le Maroc et l'Algérie connaissent de nouvelles tensions à cause de la vidéo du consul marocain. Ces nouvelles tensions mettent la lumière sur la rivalité historique entre les deux pays, qui remonte à leur indépendance. Des tensions qui ont été exacerbées par le dossier du Sahara et la question des frontières, qui sont fermées depuis 1994. Deux questions qui constituent deux points d'achoppement des relations entre Rabat et Alger. Les récentes tensions interviennent ainsi sur fond d'une rivalité régionale et continentale, poussant les deux pays vers une course aux armements. Des tensions qui bloquent tout espoir de dialogue et de coopération entre les deux pays, qui font face à d'énormes enjeux économiques et sécuritaires.Relations between Morocco and Algeria are experiencing new tensions because of the video of the Moroccan consul. These new tensions shed light on the historic rivalry between the two countries, which dates back to their independence. Tensions which have been exacerbated by the Sahara issue and the border issue, which have been closed since 1994. Two issues which constitute two stumbling blocks in relations between Rabat and Algiers. The recent tensions thus intervene against the backdrop of regional and continental rivalry, pushing the two countries towards an arms race. Tensions which block any hope of dialogue and cooperation between the two countries, which face enormous economic and security challenges.
- La coopération universitaire et scientifique française au Maroc : d'une diplomatie d'influence à l'autre - Sonia Jedidi p. 87-97 Le Maroc, indépendant depuis soixante ans, a conservé un système de formation supérieure à la française, tout en conservant son identité et en développant des relations vers l'Afrique francophone. La langue française demeure le trait d'union principal entre les deux pays. La France entretient avec le Maroc une coopération universitaire et scientifique d'exception fondée sur le développement de partenariats entre les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, ainsi que sur l'accompagnement de la mobilité étudiante. Celle-ci conforte son soft power et les ambitions marocaines de puissance régionale. Fort d'une attractivité universitaire croissante, le Royaume chérifien ambitionne de devenir un pôle émergent de l'enseignement supérieur francophone en Afrique. Pour la France, l'enjeu consiste à conserver ses positions, en favorisant la mobilité des étudiants marocains, mais également au niveau académique et scientifique. De surcroît, à travers la préservation de l'attractivité du système universitaire français, l'avenir du modèle européen est en jeu face au modèle américain qui séduit un nombre croissant de pays africains.Morocco, independent for 60 years, has preserved a French-style higher education system, while maintaining its identity and developing relations with French-speaking Africa. The French language remains the main link between the two countries. France maintains exceptional academic and scientific cooperation with Morocco based on the development of partnerships between higher education establishments and research organizations, as well as support for student mobility. This reinforces its soft power and Moroccan ambitions as a regional power. With growing academic attractiveness, the cherifian Kingdom aims to become an emerging pole of French-speaking higher education in Africa. For France, the challenge is to maintain its positions, by promoting the mobility of Moroccan students, but also at the academic and scientific level. In addition, through the preservation of the attractiveness of the French university system, the future of the European model is at stake against the American model, which is attracting a growing number of African countries.
- Tunisie : un processus démocratique sur le fil du rasoir - Kamel Jendoubi, Béatrice Giblin p. 98-114 La Tunisie commémore en 2021 les dix ans d'un processus démocratique ayant nourri de grands espoirs. Le lieu pour Kamel Jendoubi, ex-président de l'instance électorale ayant organisé les premières élections libres et démocratiques en octobre 2011, de s'interroger sur les blocages institutionnels et politiques menaçant aujourd'hui ce processus. Une enceinte parlementaire, otage d'affrontements entre extrêmes, l'obstination d'Ennahda à demeurer maîtresse du jeu en dépit d'une nette désaffection de son électorat et un environnement régional instable, sinon hostile concourent à un détricotage insidieux des acquis de l'après-2011. L'imprévisibilité d'un chef de l'État peu sensible à l'équilibre des pouvoirs finit de compromettre une dynamique restée à mi-chemin. Le dégoût des citoyens pour la chose publique, harassés par les difficultés du quotidien et les inégalités croissantes, les expose d'autant aux dérives populistes de tous bords voire, pour certains jeunes privés d'avenir, aux appels au djihad. La forte implication des femmes – notamment pour une égalité dans l'héritage toujours refusée –, une liberté d'expression indéniable et la sauvegarde de l'État de droit viennent nuancer une situation bel et bien alarmante.In 2021, Tunisia commemorates ten years of a democratic process that has nurtured great hopes. The time for Kamel Jendoubi, former president of the electoral body that organised the first free and democratic elections in October 2011, to question the institutional and political blockages threatening this process today. A parliamentary forum, hostage to clashes between extremes, Ennahda's obstinacy to remain in control of the game despite a clear disaffection of its electorate and an unstable, if not hostile regional environment contributes to an insidious unravelling of the gains of the post-2011. The unpredictability of a Head of State who is not very sensitive to the balance of power further compromises this already halfway dynamic. The citizens' disgust for public affairs, overwhelmed by daily life difficulties and growing inequalities, exposes them to populist excesses and even, for some young people, deprived of a future, to calls for jihad. The strong involvement of women – particularly in the fight for equality in inheritance, which is still denied –, undeniable freedom of expression and the safeguarding of the rule of law, all add to the alarming situation/a resolutely alarmist assessment.
- Conditions sociales des femmes dans la Tunisie contemporaine : entre symbolisme féministe et justice spatiale - Bochra Manaï p. 115-130 Dans l'ensemble des pays musulmans la Tunisie est souvent présentée comme un pays avant-gardiste en matière de droits des femmes, et ce depuis les premières années de la décolonisation. Malgré la visibilité politique des femmes élues sous diverses bannières politiques, ou leur accession à diverses instances de gouvernance, dans les institutions ou les entreprises, on peut se demander si les conditions socio-économiques des femmes tunisiennes ont changé depuis 2010. Un féminisme symbolique n'a-t-il pas caché l'absence de redistribution sociale ? Dans cet article, nous évoquerons certains enjeux reliés à la place des femmes dans la société, notamment entre les diverses zones du pays où le littoral urbanisé domine économiquement l'arrière-pays.Among Muslim nations Tunisia is often presented as a country at the forefront in terms of women's rights, this, ever since the beginning of decolonization. However, even though there is a visible presence of women as elected officials under various political banners or in government positions, and while others hold key position in institutions and businesses, there is still a doubt about whether the socioeconomic conditions of Tunisian women have changed since 2010. Did a “symbolic” feminism hide the absence of social redistribution ? In this article we evoke certain issues linked to the place of women in Tunisian society, among women from different areas and where the urban coastal areas economically dominate the rest of the country.
- Racisme anti-Noirs au Maghreb : dévoilement(s) d'un tabou - Célia Sadai p. 131-148 Au Maghreb, l'héritage de la traite arabo-musulmane explique l'existence contemporaine d'un racisme anti-Noirs systémique. Mais dans un cas comme dans l'autre, le tabou persiste sous la forme d'un déni collectif à la fois inconscient, programmé et institutionnalisé. Cela, même si le langage formule exactement ce qui a été refoulé, à l'image des termes 3abed/abid ou oussif (esclave) qui désignent la personne noire dans la langue arabe. C'est une des nombreuses contradictions qui se manifestent quand on interroge le racisme anti-Noirs au Maghreb.Cet article observe l'agencement, au cours de la dernière décennie, de dispositifs qui ont dévoilé ce tabou pourtant fondateur des sociétés du Maghreb. Et puisqu'il s'agit d'examiner l'émergence d'une parole antiraciste et la circulation de contre-discours, on a opté pour une approche largement communicationnelle, qui s'intéresse en particulier au dispositif des réseaux sociaux. Viralité, polémique, bashing sont des procédés analysés ici pour leur capacité exceptionnelle à dévoiler ce qui fait tabou.In Maghreb, the legacy of the Arab-Muslim slave trade explains the contemporary existence of systemic anti-Black racism. But in both cases, the taboo persists in the form of a collective denial that is unconscious, programmed and institutionalized. This, even if the language expresses exactly what was repressed, like the terms 3abed/abid or oussif (slave) which designate the black person in the Arabic language. This is one of the many contradictions that arise when we question anti-Black racism in Maghreb.This article observes the arrangement of mechanisms that have exposed this taboo over the past decade, which is the founding of Maghreb societies. And since it is a question of examining the emergence of anti-racist speech and the circulation of counter-speech, we opted for a largely communicational approach, which is particularly interested in social networks. Virality, controversy, bashing are processes analyzed here for their exceptional ability to reveal what is taboo.
- Afrique du Nord : l'État à l'épreuve des révoltes - Luis Martinez p. 149-164 Historiquement les nations d'Afrique du Nord ont trouvé dans la contestation de l'oppression coloniale les liens qui les unissent : dans les États postcoloniaux, quels sont les liens qui unissent encore les individus, les groupes et les communautés ? Qu'est-ce qui fait encore « tenir ensemble » ces États-nations ? Si l'intérêt général n'est pas au cœur de l'action de l'État, comment maintenir les liens de loyauté ? Depuis les indépendances, des révoltes et des émeutes structurent les relations entre la société et ces États, qui parviennent à chaque fois à restaurer l'ordre. Ces États sont alors perçus et analysés comme « robustes » tant ils semblent maîtriser ce désordre. L'irruption inattendue et imprévisible des révoltes arabes est un véritable défi pour les États d'Afrique du Nord. Cet article analyse les réponses des États à ces questions et souligne la difficulté des dirigeants de l'Afrique du Nord face à la fragilité des communautés politiques et à la faiblesse des instruments étatiques pour arriver à faire vivre, en paix, la nation dans sa diversité et sa pluralité.National cohesion has been a major concern for north African post-colonial leaders who aim to build strong states capable of controlling the population. Historically, North African nations found colonial oppression to be the very bond that united them, but what continues to hold these communities and nation-states together after independence ? If public interest is not at the heart of the state's actions, how can national loyalties be maintained ? While the state has always managed to restore order, the unexpected outbreak of the Arab Spring revolts has presented a real challenge to state stability. This article highlights the challenges posed by fragile political communities and weak state instruments, and the response of leaders striving to build peaceful pluralistic nations in North Africa.
- Le Maghreb assiégé par la crise du coronavirus - Pierre Vermeren p. 165-179 Le Maghreb est entré dans la crise de la Covid-19 en état de faiblesse politique et économique ; le Hirak algérien était encore en cours. À la mi-mars 2020, le Maghreb s'est coupé du monde. Le virus a tardé à se diffuser au Maghreb pour demeurer à un très faible niveau jusqu'à l'été ; pourtant, la gestion sécuritaire de la crise a été si musclée qu'elle a contribué à étouffer les débats politiques, Tunisie exceptée. Un à un, les moteurs de la croissance économique se sont arrêtés. En 2020, le Maghreb central traverse une crise économique inédite, car la crise pétrolière, la sécheresse, la fermeture des frontières et l'arrêt ou la réduction drastique des flux commerciaux, humains et financiers se cumulent. Alors que le Maghreb redémarrait, la crise a rebondi de manière un peu plus forte à la rentrée, intensifiant le contrôle sanitaire et politique. Or, ces États n'ont pas les moyens de protéger sanitairement leur population, ni d'affronter seuls la crise qui vient. Plus que jamais, un nouveau partenariat de reconstruction économique avec l'Europe paraît devoir s'imposer.The Maghreb entered the Covid-19 crisis in a state of political and economic weakness ; the Algerian Hirak was still in progress. In mid-March 2020, the Maghreb cut itself off from the world. The virus was slow to spread in the Maghreb to remain at a very low level until the summer ; however, the security management of the crisis was so muscular that it helped to stifle political debates, Tunisia excepted. One by one, the engines of economic growth have stopped. In 2020, the central Maghreb is going through an unprecedented economic crisis, as the oil crisis, the drought, the closure of borders and the stopping or drastic reduction of trade, human and financial flows are cumulative. As the Maghreb restarted, the crisis rebounded a little more strongly in September, intensifying health and political control. However, these states do not have the means to protect their populations from a health standpoint, nor to face the coming crisis on their own. More than ever, a new partnership for economic reconstruction with Europe seems to be needed.
- Retour géopolitique sur la situation postcoloniale et l'histoire coloniale de l'Algérie et du Maroc - Yves Lacoste, Béatrice Giblin p. 180-202 Les rapports actuels entre les pays du Maghreb – Tunisie, Algérie, Maroc – et la France sont la conséquence géopolitique des colonisations et des décolonisations, pluriel qui indique que celles-ci furent spécifiques à chacun de ces trois États. Pourtant, nombre de discours parlent encore de colonisation et de décolonisation au singulier sans se préoccuper plus que ça de leurs différences, sans doute parce que de leur point de vue les ravages de la colonisation et de la décolonisation ont été tels que les différences en deviennent négligeables. Pour certains intellectuels et militants, il est urgent de décoloniser les mentalités françaises, le passif colonial continuant à structurer les représentations des Français blancs qui voient toujours les minorités noires et arabes comme des « indigènes » et non comme des Français à part entière.Sans toutefois s'interroger sur ce paradoxe que représente leur installation volontaire dans l'ancien pays colonisateur. C'est pourquoi, il nous est apparu utile de revenir sur les histoires coloniales de l'Algérie et du Maroc dans un entretien avec Yves Lacoste pour mieux comprendre la complexité des situations postcoloniales française, algérienne et marocaine.Nowadays, the relationships between France and the three different Nations of the Maghreb – Tunisia, Algeria, Morocco – ate the geopolitical consequences of the French colonizations and decolonizations, We can use the plural to demonstrate that these events were different for each of these three countries. Yet, many people talk about colonization and decolonization by using the singular without thinking about the differences, maybe because from their point of view, the consequences of the colonization and decolonization were so catastrophic that the differences don't really matter. According to some intellectuals and militants, decolonizing the French mentalities is an emergency, the colonial past still being the source of a white French perception : Black and Arab minorities living in France are still considered as indigenous people and not as French people.Without thinking about the paradoxical fact that they moved to the country which colonized them. That is why it appeared to us that coming back on the colonial history of Algeria and Morocco was useful in an interview with Yves Lacoste in order to better understand the complexity of the postcolonial situations in France, Algeria and Morocco.
- Hérodote a lu - p. 203-208