Contenu du sommaire : Intersectionnalité au travail

Revue Travail, genres et société Mir@bel
Numéro no 44, 2020
Titre du numéro Intersectionnalité au travail
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Parcours

  • Dossier : Intersectionnalité au travail

    • L'intersectionnalité au travail - Fanny Gallot, Sophie Pochic, Djaouida Séhili p. 25-30 accès libre
    • Domesticité blanche et politiques raciales en France métropolitaine (1850-1930) - Margot Beal p. 31-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article explore les processus de racialisation à l'œuvre dans le monde du travail domestique entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, dans la région de Saint-Etienne (France). Quelle est la politique raciale en matière de recrutement et de traitement des domestiques dans le contexte français métropolitain ? En utilisant des sources judiciaires et administratives, cet article examine comment l'État français préfère qu'en métropole la main-d'œuvre domestique reste blanche, puis comment la minorité des domestiques racisé·e·s sont traité·e·s, à la fois par les institutions étatiques ; le patronat et, de manière plus labile, par leurs pairs de classe. La classe, le genre et la nationalité des protagonistes participent de cette racialisation, qui débouche sur la construction d'un privilège de blanchité pour les travailleurs/ses blanc·he·s dans un contexte où le patronat domestique est uniformément blanc.
      This article explores the racialization process in the world of domestic work between the end of the 19th century and the beginning of the 20th century, around the city of Saint-Etienne (France). What was the racial policy for hiring and treating servants in metropolitan France? Based on judicial and administrative sources, the article examines how the French state preferred the domestic workforce to remain white in metropolitan France, and how the minority of racialized servants were treated by state institutions, employers, and, in a more labile way, by their class peers. The class, gender, and nationality of the protagonists participated in this racialization, leading to the construction of white privilege for white workers in a context where domestic employers were uniformly white.
    • Citoyenneté refusée : les employées domestiques face à la régulation du travail à La Réunion (1945-1960) - Myriam Paris p. 49-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1945, des employées domestiques créent, à La Réunion, le Syndicat des bonnes et des blanchisseuses et prennent part à un large mouvement anticolonial réclamant l'égalité des droits politiques et sociaux entre Français·es et Réunionnais·es. Appuyé sur des sources militantes et administratives, cet article a l'ambition de montrer que l'analyse des mobilisations, de ces employées d'une part et celle des réponses institutionnelles qui y sont apportées entre 1945 et 1960 d'autre part, constituent un angle privilégié pour saisir les modalités du maintien et du renouvellement d'un régime colonial appuyé sur les clivages sociaux de genre, de classe et de race, et ce, au moment même où, dans le cadre de la départementalisation amorcée en 1946, une citoyenneté politique et sociale française se construit localement.
      In 1945, domestic workers in Réunion created the Union of Maids and Laundresses and took part in a broad anti-colonial movement demanding equal political and social rights for French citizens and Réunion Islanders. Based on activist and administrative sources, this article aims to show that the analysis of the mobilization of these employees on the one hand and of the institutional responses between 1945 and 1960 on the other hand provides a privileged prism to grasp how a colonial regime based on gender, class, and race social divisions was maintained and renewed, at the very moment when a French political and social citizenship was being established locally, following the 1946 law granting the status of département.
    • L'intersectionnalité comme stratégie de mobilisation sociale : Les défenseures des immigrées asiatiques aux États-Unis - Jennifer Jihye Chun, George Lipsitz, Young Shin, Hélène Tronc, Sophie Pochic p. 67-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire des Asian Immigrant Women Advocates (aiwa ou Défenseures des immigrées asiatiques) à Oakland et à San Jose en Californie, sur près de trois décennies, offre un exemple éloquent de l'intersectionnalité mise en œuvre dans un mouvement social et de son utilité pour révéler la dimension diffuse et différentielle des formes imbriquées d'oppression. L'article revient sur les origines du concept d'intersectionnalité, à la fois dans les milieux universitaires et dans la longue histoire des luttes sociales aux États-Unis. S'appuyant sur des travaux ethnographiques et des documents d'archives, il montre comment cette organisation communautaire a placé l'intersectionnalité au cœur du travail quotidien de mobilisation : comme grille d'analyse pour comprendre l'imbrication du genre, de la famille, du travail et de la nation dans l'expérience des travailleuses immigrées ; comme outil réflexif pour combiner théorie et pratique des mouvements sociaux ; et enfin comme structure favorisant un « leadership par les pairs » et de nouvelles formes de mobilisation plus inclusives.
      The history of Asian Immigrant Women Advocates (AIWA) in Oakland and San Jose, California, over nearly three decades provides a vivid illustration of social movement intersectionality in action, of the logic of intersectionality inside an organized movement for social change, and of the utility of intersectionality to expose the diffuse and differential nature of interlocking forms of oppression. The article discusses the origins of the concept of intersectionality, both in scholarly circles and as part of a long history of social movement struggle in the United States. Drawing on ethnographic work and archival documents, it illuminates how this community-based organization has embraced intersectionality as a vital part of the everyday work of social movement mobilizations: as a framework for analyzing the interlocking arenas of gender, family, work, and nation in the experience of immigrant women workers; as a reflexive approach for linking social movement theory and practice; and finally as a guiding structure for promoting “peer leadership” and new, more inclusive forms of democratic activity.
    • Approche intersectionnelle et postcoloniale d'un privilège : Occidentalité et blanchité sur le marché du travail de Dubaï - Amélie Le Renard p. 87-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une enquête sociologique sur le privilège occidental tel qu'il se déploie entre Dubaï et la France, cet article intervient dans deux débats au sein du champ de l'intersectionnalité : comment cette notion peut-elle se combiner avec les approches transnationales et postcoloniales ? Est-il pertinent d'utiliser l'intersectionnalité pour travailler sur des personnes en position dominante ? L'article montre qu'à Dubaï, tou·te·s les titulaires de passeports occidentaux bénéficient d'avantages, mais pas des mêmes avantages : les contrats d'expatriation et packages famille suravantagent des hommes blancs. Le fossé entre les expériences se creuse à moyen terme. Certain·e·s sont mobiles, tandis que d'autres se sentent contraint·e·s de rester à Dubaï. Certaines carrières, notamment de femmes non-blanches, tournent court. L'expérience d'un privilège est alors précaire et éphémère. Enfin, les projections en France sur le Golfe n'affectent pas tou·te·s les personnes qui en reviennent de la même manière.
      Based on a sociological survey on the way Western privilege plays out between Dubai and France, this article takes part in two debates within the field of intersectionality: how can this notion be combined with transnational and postcolonial approaches? Is it relevant to use intersectionality to study people who are in a dominant position? The article shows that, in Dubai, all Western passport holders have advantages, but not the same ones: expatriation contracts and family packages disproportionately advantage white men. The gap between people's experiences is widening in the medium run. Some individuals can easily move, while others feel compelled to stay in Dubai. Some careers come to an end, especially those of non-white women. The experience of this privilege is thus precarious and fleeting. Lastly, French people's projections on Gulf states do not affect all people who return from Dubai in the same way.
    • Des musulmanes entrepreneuses en réseau en France : Faire face aux discriminations multiples - Hanane Karimi p. 107-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse les effets indirects de discriminations structurelles et intersectionnelles sur le travail de femmes musulmanes qui portent le hijab en France. On constate que l'imbrication des catégories de race, de classe, de genre et de religion, dans le cas du port du hijab, pénalise fortement les perspectives professionnelles de ces femmes. En interrogeant à la fois le continuum de l'école au travail qui construit l'apprentissage par corps et les enquêtes sur les conséquences directes du port du hijab au travail, nous nous proposons de décrire et analyser deux réseaux d'autoentrepreneuses musulmanes qui s'organisent en réponse aux discriminations dans l'accès à l'emploi. Les entrepreneuses rencontrées n'ont aucune disposition héritée à l'entrepreneuriat. Elles trouvent une manière de compenser ce manque de ressources entrepreneuriales à l'aide du networking et du coworking. La ressource religieuse islamique est analysée afin de préciser sa fonction en termes de capital symbolique et de retournement du stigmate. Il apparaît que leur engagement religieux tout comme leurs responsabilités familiales font de l'indépendance professionnelle la seule manière acceptable de travailler sans avoir à négocier leur religiosité. Elle constitue une activité économique périphérique qui rapporte de faibles bénéfices.
      This article analyzes the indirect effects of structural and intersectional discriminations on the work of Muslim women who wear the hijab in France. The overlapping categories of race, class, gender, and religion, for hijab wearers, strongly hamper these women's job prospects. By examining both the school-to-work continuum, which builds bodily knowledge, and surveys on the direct consequences of wearing the hijab at work, this article describes and analyzes two networks of Muslim women micro-entrepreneurs created in response to discrimination in access to employment. The respondents had no inherited predisposition to entrepreneurship. They have found a way to compensate for this lack of entrepreneurial know-how through networking and coworking. The Islamic religious resource is analyzed to clarify its function in terms of symbolic capital and stigma reversal. It appears that these women's religious commitment, as well as their family responsibilities, makes professional independence the only acceptable way to work without having to compromise their religious beliefs. Their entrepreneurship remains a peripheral economic activity bringing in low profits.
  • Mutations

    • La division sexuée du travail revisitée en Chine rurale aujourd'hui : (Re)valorisation de l'emploi féminin et subordination familiale persistante - Renyou Hou p. 125-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années 1980, la contribution grandissante des femmes chinoises aux activités productives de par la valorisation sociale et économique de la main d'œuvre féminin, ainsi que leur participation non négligeable aux activités sociales et communautaires pourraient donner l'impression, a priori, que l'idéologie confucéenne de la séparation des sexes dans la société chinoise, connue sous l'expression de « l'homme se charge des affaires extérieures, la femme des affaires intérieures » (nanzhuwai, nüzhunei), tendrait à s'atténuer. À partir d'une étude ethnographique réalisée au village de Zhang (province du Henan) entre 2013 et 2016, cet article démontre que la division sexuée du travail dans les activités productives et sociales reconfigure et redéfinit ce qui est « intérieur » et ce qui est « extérieur » dans un contexte migratoire important, mais dont la valeur d'homme-extérieur/femme-intérieur perdure et continue de réguler l'organisation de la vie des villageois·es.
      Since the 1980s, as female labor has come to be valued socially and economically, the growing contribution of Chinese women to productive activities, as well as their not insignificant participation in social and community activities, may give the impression of a decline in the Confucian ideology of separation of the sexes in Chinese society, encapsulated in the expression “men are breadwinners and women homemakers” (nanzhuwai, nüzhunei). Based on an ethnographic study carried out in the village of Zhang (Henan province) between 2013 and 2016, this article shows that the gendered division of labor in productive and social activities has been reconfigured, redefining what “inside” and “outside” are in the context of significant migration flows. Yet, the value of man-outside/woman-inside endures and continues to regulate the organization of villagers' lives.
  • Controverse

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