Contenu du sommaire : L'État plurinational de Bolivie
Revue | Cahiers des Amériques Latines |
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Numéro | no 96, 2021 |
Titre du numéro | L'État plurinational de Bolivie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique
- Maîtriser ses ressources. Les enjeux de l'industrialisation du lithium bolivien - Maëlle Mariette p. 7-20
Dossier. L'État plurinational de Bolivie
- Introduction. « La Bolivie d'Evo Morales » : éléments pour une socio-histoire immédiate - Françoise Martinez, Franck Poupeau p. 23-46
- Pachakuti: un análisis revisitado de las transformaciones del imaginario de nación - Vincent Nicolas, Pablo Quisbert p. 47-66 Certaines questions soulevées dans l'ouvrage Pachakuti : el retorno de la nación [2014], relatives aux transformations symboliques opérées par le gouvernement du MAS (Movimiento al Socialismo), autour de la construction d'un culte de la personnalité, de l'adoption de certains symboles nationaux et de la transformation du modèle étatique, font ici l'objet d'une nouvelle analyse à la lumière des événements qui ont conduit à la chute du président Evo Morales en novembre 2019 et à la mise en place d'un gouvernement de transition en Bolivie.Some of the issues raised in the book entitled Pachakuti: el retorno de la nación [2014] about the symbolic transformations introduced by the Movimiento al Socialismo (MAS) government (2006-2019) concerning the construction of a personality cult, the adoption and use of certain national symbols, and the change of the state mode, are analysed in light of the events leading to fall of President Evo Morales in November 2019 and the establishment of a transitional government in Bolivia.
- L'interprétation présidentialiste de la Constitution bolivienne au cœur de la crise post-électorale de 2019 - Victor Audubert p. 67-84 La crise post-électorale de 2019 peut être analysée comme la conséquence d'une certaine interprétation de la Constitution bolivienne de 2009. Une interprétation présidentialiste, fondée sur le continuisme des mandats présidentiels, a prévalu dans la compréhension et l'application des normes constitutionnelles, que ce soit à travers le juge constitutionnel ou à travers l'organe électoral. Cette interprétation présidentialiste, en remettant en cause la volonté populaire exprimée lors du référendum de 2016, a débouché sur un processus de déconstitutionnalisation qui peut en partie expliquer la crise institutionnelle ayant suivi les élections générales du 20 octobre 2019 et la présidence de facto de Jeanine Áñez.The post-electoral crisis of 2019 can be seen as a consequence of a certain interpretation of the Bolivian Constitution of 2009. A presidentialist interpretation, based on the continuities of presidential mandates, has prevailed in the understanding and application of constitutional norms, whether through the constitutional judge or the electoral organ. This presidentialist interpretation, by challenging the popular will expressed in the referendum of 2016, has led to a process of deconstitutionalization that may partly explain the institutional crisis that followed the general elections of 20 October 2019 and the de facto presidency of Jeanine Áñez.
- La plurinationalité en Bolivie : vers une nouvelle conception de l'indianité ? - Élise Gadea p. 85-103 Cet article propose d'analyser la place des indigènes andins dans l'une des politiques de l'État plurinational : la justice indigène originaire paysanne. Au-delà des discours laudatifs sur les indigènes, certains aspects du système pluriel de justice établi par la Constitution politique de l'État de 2009 mettent en exergue des relations complexes entre le gouvernement et les instances de représentation des peuples indigènes. La reconnaissance symbolique de ces peuples, longtemps marginalisés du pouvoir, éclipse une grande fragmentation du monde indigène dans ce pays, ainsi qu'une vision fantasmée de l'indianité par les instances étatiques, qui contribue à déstabiliser la résolution quotidienne des conflits locaux au sein des communautés andines rurales.This article proposes to analyse the place of Andean indigenous peoples in one of the policies of the Plurinational State: indigenous native peasant justice. Beyond the laudatory discourse regarding the indigenous population, some aspects of the plural justice system established by the 2009 Political State Constitution highlight a complex relationship between the government and indigenous representative bodies. The symbolic recognition of these peoples, long marginalized and excluded from power, overshadows a major fragmentation of the indigenous world in this country as well as a fantasized vision of indigenous people by state authorities, which contributes to destabilizing the daily resolution of local conflicts in rural Andean communities.
- “Una pata en la chacra y una en el mercado”. La reconfiguración de la economía campesina en La Paz - María Elena Canedo, Nico Tassi p. 105-127 Cet article analyse certaines transformations des économies paysannes boliviennes au cours des dernières années du « proceso de cambio ». La recherche révèle la complexification des modes de fonctionnement de ces économies, ainsi que l'incursion des organismes ruraux dans les réseaux de transport et les marchés urbains, ce qui a façonné des formes paysannes d'accès et de contrôle des sphères économiques stratégiques. Ces dynamiques, qui vont dans certains cas au-delà des intentions transformatrices de l'État plurinational dans la sphère rurale, remettent en question les récits qui soulignent une érosion progressive du surplus paysan.The article broaches some of the main transformations of the peasant economies in Bolivia during the last years of the “proceso de cambio”. We argue that peasant economies have undergone a complex array of changes, such as the penetration of peasant organizations into the networks of commercial transportation and the urban markets outlining specific peasant modalities of access and control of strategic economic domains. Such transformations call into question the established narrative of a gradual erosion of the peasant surplus and go further than the state policies aimed at reshaping the countryside.
- L'extractivisme organique en Bolivie. De la lutte contre le néo-libéralisme aux luttes pour l'accès aux ressources naturelles - Claude Le Gouill p. 129-147 En Bolivie, le « retour de l'État » sous la présidence d'Evo Morales s'est heurté aux formes d'auto-organisation des ressources naturelles, notamment minières et hydriques. Celles-ci reposent sur un ensemble de savoirs, de pratiques et d'infrastructures à l'origine de l'« extractivisme organique », que nous définissons comme les revendications souverainistes portées par les organisations sociales sur les ressources naturelles. Par l'introduction de ce concept, nous souhaitons montrer que les difficultés de gestion du gouvernement sur le thème des ressources naturelles ne proviennent pas tant des incohérences du gouvernement que des dynamiques et stratégies de résistance des organisations sociales aux projets étatiques. Le principal changement qu'a connu la société bolivienne avec la victoire d'Evo Morales est ainsi le passage d'un front commun des organisations sociales contre le dénommé « néolibéralisme » à une lutte interne entre celles-ci pour le contrôle des ressources naturelles.In Bolivia, the «return of the state» under the presidency of Evo Morales was confronted with forms of self-organization of natural resources, notably mining and water. They were based on a body of knowledge, practices and infrastructure at the origin of «organic extractivism» which we define as the sovereignist claims made by social organizations over natural resources. By introducing this concept, we wish to show that the difficulties of government management with regard to natural resources do not so much arise from inconsistencies in government as from the dynamics and strategies of resistance of social organizations to state projects. The main change that Bolivian society experienced with the victory of Evo Morales was thus the shift from a common front of social organizations against so-called «neoliberalism» to an internal struggle between them for the control of natural resources.
- Affronter « les sorciers » de l'État plurinational. La dimension occulte du conflit entre Potosí et le gouvernement de Morales (2015-2019) - Pascale Absi p. 149-173 En juillet 2015, la ville de Potosí entame le plus long blocus général de son histoire pour dénoncer le manque récurrent d'investissement public. Alors que les discussions stagnent avec le gouvernement, une rumeur annonce l'arrivée de sorciers à la solde du président Morales pour dissiper l'ardeur des mécontents. Emmené par trois femmes guérisseuses, un groupe d'habitant.e.s décide alors de livrer une autre bataille, depuis le sommet des montagnes et le cimetière, pour contrer l'attaque des sorciers du Président. Il reprit du service lors des élections présidentielles d'octobre 2019 qui débouchèrent sur l'exil d'Evo Morales. La proposition de cet article est que l'attribution de pratiques sorcières au président bolivien et les réponses rituelles qu'elles ont suscitées peuvent s'analyser comme un discours politique et moral sur l'État, dans un contexte d'effritement de la popularité et de la légitimité d'Evo Morales.In July 2015, the town of Potosi began the longest blockade in its history to denounce the recurrent lack of public investment. While discussions with the Morales government had been broken off, the rumour spread of the arrival in Potosi of witches hired by the authorities to temper the zeal of the dissatisfied population. Under the leadership of three women healers, a group of inhabitants decided to launch an attack from the top of the surrounding mountains and the cemetery to counter the attack by the president's witches. They resumed their hostilities in October 2019 after the controversial presidential elections. The purpose of this article is to show that the recourse to witchcraft attributed to the Bolivian President and the ritual responses could be analysed as a political and moral commentary on the state, in the context of the erosion of Evo Morales's popularity and legitimacy.
Études
- Le VIH au Chili. Usages politiques de la vérité technique - Eduardo Carrasco-Rahal p. 177-194 La vérité technique est ici définie comme une vérité scientifiquement déterminée, validée par une communauté épistémique avant d'être entérinée par des instances politiques. Pour illustrer les usages politiques de la vérité technique, nous avons choisi l'exemple chilien de deux lignes d'argumentation en matière de prévention du VIH qui se posent toutes deux en argumentations scientifiques. La première, séculière, est inspirée par les organismes internationaux à vocation médicale et repose sur la promotion du préservatif, alors que la deuxième, d'inspiration catholique, promeut l'abstinence et la fidélité. Ces deux vérités techniques s'opposent dans une controverse publique dont le but n'est pas la suprématie scientifique, mais l'influence sur les décideurs et l'opinion publique. Nous verrons, à l'issue d'une analyse dont l'intérêt est tout aussi bien scientifique qu'épistémologique, que les hésitations du monde politique autour de ces deux vérités se sont traduites par une explosion du nombre de nouveaux cas de sida au Chili.The technical truth is defined here as a scientifically determined truth, validated by an epistemic community prior to ratification by political authorities. To illustrate the political uses of technical truth we have chosen the Chilean example of two lines of argument in the area of HIV prevention, both using scientific arguments. The first, which is secular, is inspired by international medical organizations and advocates the use of condoms, while the second, of Catholic inspiration, promotes abstinence and fidelity. These two technical truths clash in a public controversy, the aim of which is not to establish scientific supremacy but to exert influence on public opinion and decision makers. We will see, after an analysis that is as much of scientific as of epistemological interest, that the hesitations of the political world around these two truths resulted in a dramatic increase of new cases of AIDS in Chile.
- Souverainetés et espaces maritimes : le rôle de la pêche en Atlantique sud-ouest - Yvanne Bouvet p. 195-220 Les rapports de force s'intensifient entre les États pour s'approprier les mers, leurs ressources biologiques, leurs sols et leurs sous-sols. L'Atlantique sud-ouest, qui borde les littoraux du cône sud de l'Amérique, est un exemple des revendications de souverainetés maritimes. Après des années de revendications, l'Argentine espère étendre sa ZEE (Zone économique exclusive) à la largeur du plateau continental. Cela lui confère de nouveaux droits mais aussi des responsabilités sur l'utilisation des écosystèmes marins. L'article pose la question de l'accès à la ressource halieutique, entre flottes nationales et droits de pêche concédés à des flottes étrangères. Il présente l'affirmation des souverainetés dans la mer Argentine, entre l'Argentine, l'Uruguay et les Malouines, à travers les acteurs de la pêche industrielle. Le rôle que doit jouer l'Argentine dans une coopération régionale de gestion durable des ressources marines est ici mis en avant.The balance of power between nations for sea control takes on a new form for the appropriation of natural resources, in water, on land and underground. The southwest Atlantic is an example of claims to maritime sovereignty. After years of waiting, Argentina expects to extend its EEZ (Exclusive Economic Zone) to the continental shelf. This will give Argentina new rights and new responsibilities in marine ecosystem use. This article requests access to marine resources for domestic and foreign fishing fleets. It presents sovereignty affirmation in the Argentine Sea between Argentina, Uruguay and the Falkland Islands around the issues of fishing management and the weight of fishing industries. It presents regional cooperation and the role of Argentina in the conservation, protection and management of marine biological resources.
- Le VIH au Chili. Usages politiques de la vérité technique - Eduardo Carrasco-Rahal p. 177-194
Lectures
- Camilo Trumper, Ephemeral Histories. Public Art, Politics and the Struggle for the Streets in Chile - Ignacio Albornoz Fariña p. 223-226
- R. Aída Hernández Castillo, Suzi Hutchings & Brian Noble (dir.), Transcontinental Dialogues. Activist Alliances with Indigenous Peoples of Canada, Mexico, and Australia - Karla J. Avilés González p. 226-229
- Julien Joly, Patricio Guzmán, Une histoire chilienne. Le cinéma au cœur du monde - Nancy Berthier p. 229-231
- François-Michel Le Tourneau, L'Amazonie : histoire, géographie, environnement - Nataly Jollant p. 232-236
- Irène Favier, Le Pérou et ses confins amazoniens. Le cas du Haut-Marañón, 1946-2009 - Ombelyne Dagicour p. 236-239
- Josep M. Fradera & Christopher Schmidt-Nowara (dir.), Slavery and Antislavery in Spain's Atlantic Empire - Sylvie Taussig p. 239-242