Contenu du sommaire : Les marques dans l'entreprise de communication
Revue |
Légipresse. Hors-séries Titre à cette date : Légicom : revue du droit de la communication des entreprises et de la communication publique |
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Numéro | no 44, 2010/1 |
Titre du numéro | Les marques dans l'entreprise de communication |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I – Les fonctions de la marque
- L'arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2009 : L'Oréal-Bellure : comment résister à la rançon de la gloire ! - Yves Reboul p. 5-16 L'arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2009 (affaire c-487/07) qui opposait des sociétés du groupe français L'Oréal (L'Oréal SA, Lancôme parfums et beauté, Laboratoire Garnier) à des sociétés au Royaume-Uni (Bellure NV, Investiments ltd et Starion International ltd) a fait l'objet de nombreux commentaires en raison des problématiques soulevées inhérentes à la vie des affaires. En l'espèce, le litige se rapporte à l'usage de la marque d'autrui dans la vie des affaires, dans un contexte de publicité pouvant être qualifiée de comparative et dont l'acteur principal mis en cause n'était autre que le numéro 1 mondial des produits cosmétiques de parfums, titulaire de marques de renommée planétaire. La Cour a recherché un équilibre en procédant à une interprétation large de la publicité comparative et à une application stricte des droits conférés par la marque. La Cour a également procédé à une appréciation de ses fonctions. Ce dernier point est ici largement commenté. S'agissant de l'usage de la marque renommée à des fins de publicité, la Cour a conclu qu'un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ne présuppose ni l'existence d'un risque de confusion, ni celle d'un risque de préjudice porté au titulaire de celle-ci. ■
- La fonction patrimoniale de la marque - Yann Basire p. 17-26 Le droit communautaire s'est emparé des fonctions de la marque. C'est la « fonction de garantie d'identité d'origine » qui va s'affirmer comme étant essentielle sans fermer la porte à d'autres fonctions dont on peut aujourd'hui se demander si elles sont juridiques. Économiquement, la marque est au contraire plus souvent envisagée sous l'angle du titulaire. Il se voit reconnaître un droit privatif lui permettant d'utiliser sa marque de manière exclusive dans sa spécialité. C'est un élément de richesse. Même dans cette perspective, la marque a une fonction qui démontre son utilité. Elle a vocation à intégrer une catégorie plus large : la fonction patrimoniale, que l'on peut définir comme une utilité donnant sa valeur à la chose. La marque est un signe dit distinctif ayant pour trait commun d'identifier. Elle permet d'identifier des produits ou des services afin de pouvoir les distinguer de ceux des concurrents. Il s'agit là de la fonction essentielle de la marque sans laquelle les autres fonctions, économique, juridique ou même sociale ne pourraient exister. Ces fonctions ne seraient que des fonctions déduites. ■
- L'appréciation de la distinctivité des marques verbales évocatrices - Adrien Bouvel p. 27-35 La validité d'une marque suppose notamment sa distinctivité. Pourtant l'appréciation de la distinctivité des marques verbales est peu étudiée. La doctrine s'intéresse essentiellement aux marques figuratives. Longtemps unique critère de distinctivité, l'exigence de caractère arbitraire a toujours gêné les déposants de marques qui ont majoritairement tendance à préférer un signe « parlant ». C'est pourquoi la marque évocatrice a eu les faveurs de l'INPI puis du juge alors que l'élément d'arbitraire lui est peu ou prou étranger. Elle ne devrait pas être valable dès lors qu'elle fait référence à la spécialité. Pour ce faire, elle doit se borner à suggérer le produit ou service dans l'esprit des consommateurs afin de ne pas porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie en laissant à la disposition des concurrents les signes nécessaires à la description de la spécialité. Reste que l'exigence d'arbitraire en devient relative car subjective et subtile. C'est la raison pour laquelle le droit communautaire minimise la portée de l'exigence de caractère arbitraire et place le débat de la validité des marques sur le seul terrain de la distinctivité, comme indicateur d'origine, signe d'identification. ■
- L'arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2009 : L'Oréal-Bellure : comment résister à la rançon de la gloire ! - Yves Reboul p. 5-16
II – Marque notoire et marque renommée
- Quelle marque notoire ou renommée au XXIe siècle ? - Thibault Lachacinski, Fabienne Fajgenbaum p. 39-50 La célébrité d'une marque est incarnée par les notions de notoriété et de renommée. La marque notoire n'a jamais été définie par un texte en droit français. Dans le cadre communautaire, il en va de même pour la notion de renommée. C'est la méthode du faisceau d'indice qui permet d'en préciser les contours afin de pallier l'absence d'enregistrement sur un territoire concerné et d'écarter le principe de spécialité. La reconnaissance du caractère notoire ou de renommée d'une marque est particulièrement intéressante pour son titulaire. Elle lui confère une protection spéciale et complémentaire de l'action en contrefaçon qui, si elle ne permet pas de s'affranchir totalement du principe de la spécialité, en rend toutefois possible certains aménagements. La protection ainsi conférée n'est toutefois pas absolue. La jurisprudence communautaire a incontestablement permis de structurer le régime de protection de la marque notoire/renommée et d'en définir les contours, aussi bien que les conditions d'application. Il apparaît ainsi que, volontairement libéraux sur le terrain de la preuve de la notoriété/renommée, les juges communautaires se montrent beaucoup moins flexibles quant au régime qui en découle. ■
- La marque communautaire renommée - Thibault Lancrenon p. 51-63 La directive communautaire du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, puis le règlement communautaire du 26 février 2009 sur la marque communautaire et les lois transposant ces textes en droit français, offrent une protection aux titulaires de marques dites « renommées » contre l'enregistrement ou l'usage d'un signe identique ou similaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque connue est enregistrée. La marque renommée s'étend et jouit d'une interprétation évolutive, ce qui rend nécessaire l'étude de la jurisprudence. L'enjeu est important pour l'entreprise de communication, puisque le titulaire d'une marque communautaire renommée dispose du droit exclusif d'en interdire l'usage à tout tiers s'il y porte atteinte. Dès lors que la protection de la marque communautaire renommée s'étend non seulement aux produits et services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée, mais également aux produits et services identiques ou similaires, il convient de rechercher l'éventail des actes attentatoires commis par les tiers. ■
- Quelle marque notoire ou renommée au XXIe siècle ? - Thibault Lachacinski, Fabienne Fajgenbaum p. 39-50
III – Marque et indications géographiques
- Noms géographiques et marques - Aurélie Le Blaye p. 67-77 En droit interne et communautaire, un nom géographique peut constituer une marque valable sous réserve de respecter la libre concurrence et de protéger le consommateur. Certains noms géographiques bénéficient d'une protection particulière au titre des indications géographiques, appellations d'origine, indications de provenance, nom des collectivités territoriales, et ne peuvent donc faire l'objet d'une appropriation privative par le biais de la marque. Enfin, certains signes sont indisponibles. Encore faut-il savoir ce que l'on entend par nom géographique afin de pouvoir considérer une marque comme valable. Ainsi, si l'on considère la protection au titre du droit des marques, une marque géographique doit être distinctive et ne pas être trompeuse sous peine de sanctions. En outre, son dépôt ne doit pas revêtir un caractère frauduleux. Cette protection ne confère pas un droit absolu et ne permet pas d'interdire à ses concurrents son usage, si ce n'est pas un usage à titre de marque. ■
- Marques et indications géographiques dans la communication sur les boissons alcoolisées - Norbert Olszak p. 79-87 Les marques et indications géographiques ont pour objectif de protéger le statut spécifique des signes collectifs contre les appropriations par les marques privées utilisant les référencements géographiques. Il ne s'agit pas forcément de mettre ces deux régimes de protection en contradiction mais plutôt de les rendre complémentaires. La marque permet de garantir l'origine économique d'un produit en identifiant l'opérateur responsable, producteur ou distributeur, tandis que l'indication géographique sert à identifier un produit originaire d'un lieu dans les cas où une qualité, une caractéristique ou une réputation peut être attribuée essentiellement à cette origine. Il est parfois possible de renoncer à une appellation au profit de la marque jugée plus attractive. Cela étant, ces choix doivent prendre en considération la réglementation hygiéniste liée à la publicité des produits alcoolisés, parfois contraignante ou celle liée à l'organisation du marché de l'Union européenne. La segmentation du marché peut avoir des incidences sur la présentation des vins et la communication à leur propos. Dès lors la qualification des signes peut s'imposer aux exploitants. ■
- Noms géographiques et marques - Aurélie Le Blaye p. 67-77
IV – Marque et Internet
- La marque face au nom de domaine - Fabien Honorat p. 91-96 Les tribunaux sont souvent amenés à résoudre un certain nombre d'équations juridiques mêlant marques et noms de domaine, lesquels constituent deux éléments d'identification construits sur des modèles totalement antinomiques. Les extensions des noms de domaine (ex : .com, .biz, .net) auraient pu être un moyen de sectoriser le nom de domaine à l'instar des marques. Il n'en est rien en réalité puisqu'aucun contrôle sérieux n'est réalisé à ce titre. Les extensions constituent un outil marketing plus que juridique. Le principe de territorialité de la marque est indifférent à la protection des noms de domaine. Le dépôt et l'enregistrement ne respectent pas non plus les mêmes règles. La marque est protégée alors que les mécanismes de réservation des noms de domaine sont complexes. Les distinctions sont donc nombreuses alors que la marque peut se retrouver dans le nom de domaine du tiers. Il faut reconnaître que le processus technique de réservation des noms de domaine a permis de nombreux abus par des tiers peu scrupuleux au détriment des titulaires de marque. ■
- La marque face au nom de domaine - Fabien Honorat p. 91-96
V – Répression et mode alternatif de règlement des conflits
- Nouvelle répression : la loi sur la contrefaçon - Alexis Guillemin p. 99-105 La loi n? 2007-1549 du 29 octobre 2007 dite « de lutte contre la contrefaçon » transpose la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 et ajoute au droit en vigueur en proposant une définition unique de la contrefaçon pour tous les droits définis par le Code de propriété intellectuelle. Cette loi se place sous le signe de la simplification dès lors qu'elle harmonise les règles procédurales. Des juridictions spécialisées sont désignées afin de régler les questions de contrefaçon. La constitution de la preuve en ressort facilitée puisque la faculté est offerte au saisissant de procéder à la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer les objets prétendus contrefaisants. De façon générale, des procédures d'information sont ouvertes au justiciable afin qu'il puisse établir la preuve de la contrefaçon. Enfin, la loi a instauré la possibilité d'obtenir, au besoin sous astreinte, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente ou à empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon. Le législateur aménage également un dispositif répressif reposant sur une meilleure évaluation du préjudice. Le principe de réparation intégrale était acquis. Il en ressort harmonisé pour les droits de propriété intellectuelle. ■
- L'usage dans la vie des affaires, condition nécessaire de la contrefaçon des marques - Julien Canlorbe p. 107-115 L'usage de la marque « dans la vie des affaires » est un élément constitutif de la contrefaçon dont l'importance trouve sa source dans la fonction économique de la marque. Il faut attendre cependant le processus d'harmonisation communautaire pour que cette condition commence à être réellement prise en considération par la doctrine et par la jurisprudence comme une condition de la contrefaçon des marques. La jurisprudence reste néanmoins difficile à synthétiser et procède schématiquement de l'idée selon laquelle l'exercice du droit du titulaire est réservé aux situations dans lesquelles une atteinte est susceptible d'être portée aux fonctions de la marque. Dès lors que la marque se borne à distinguer des produits et services sur un marché, il faut bien admettre que ses fonctions ne seront altérées que si elle est utilisée dans ce cadre. Cette nouvelle condition apporte un principe de limitation du droit de marque appréciable pour résoudre certains types de difficultés notamment lorsque l'exercice de l'action en contrefaçon se heurte au principe de territorialité du droit privatif ou au principe de la liberté d'expression. Sa mise en œuvre n'en demeure pas mois délicate. La réalité de l'usage dans la vie des affaires pourra faire débat. ■
- Liens commerciaux sur Internet et contrefaçon de marque - François Corone p. 117-132 Rentrer des mots-clés sur un moteur de recherche Internet est un acte de la vie quotidienne, banalisé mais pas neutre... Les résultats sont souvent pertinents, fournissant notamment des sites et liens hypertextes. Ils renvoient vers des entreprises qui payent le bon référencement sur la première page : il s'agit des « liens commerciaux sponsorisés » ou « promotionnels ». Les entreprises exploitant les moteurs de recherche commercialisent donc des mots ou signes qui deviennent ainsi des mots-clés mis à la disposition des annonceurs. Logiquement, différents litiges ont opposé les titulaires de marques enregistrées aux moteurs de recherche et aux entreprises qui réservent des mots-clés correspondant à de telles marques. La nouvelle économie issue de l'Internet soulève ainsi la question de savoir si la mise à disposition, l'aide à la sélection ainsi que la réservation de ces mots-clés, constituent ou non des actes de contrefaçon de marque et, dans l'affirmative, quels sont les responsables. Cette épineuse question suppose que l'on s'intéresse aux rôles joués par les hébergeurs de contenus, et de se demander si l'exonération de responsabilité prévue en leur faveur peut bénéficier aux moteurs de recherche. ■
- Procédures UDRP : la reconsidération de la condition de « mauvaise foi » : Ou la fraude sanctionnée - Thibault Lachacinski, Fabienne Fajgenbaum p. 133-137 L'action en contrefaçon sanctionne l'usage non autorisé d'un signe enregistré sur un territoire donné, pour désigner des produits et/ ou services visés par cet enregistrement. En matière d'Internet, il est difficile de faire prévaloir le principe de territorialité. Dès lors, l'ICANN a mis en place en 1999 une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges – dite UDRP – permettant aux titulaires de marque de saisir un Centre d'arbitrage officiel, afin de s'opposer à la réservation frauduleuse de leur signe sous forme de nom de domaine. Il est ainsi possible de lutter contre les actes de cybersquatting par lesquels des entités tentent de bénéficier de l'attractivité, de la notoriété et de l'image de qualité attachées à la marque, en tirant profit de la croyance légitime du consommateur de se rendre sur le site officiel de la marque. Afin qu'une plainte UDRP aboutisse, il faut que le Registrant utilise le nom de domaine de mauvaise foi, ce qui peut se révéler difficile à prouver. Cet élément intentionnel cristallise la procédure notamment si l'enregistrement de la marque s'est effectué de bonne foi. Pour autant, l'action UDRP ne doit pas échouer dès lors que la marque est exploitée de mauvaise foi. ■
- CJUE, Grande Chambre, 23 mars 2010, Google France SARL, Google Inc. c/ Louis Vuitton Malletier SA (C-236/08), Google France SARL c/ Viaticum SA, Luteciel SARL (C-237/08) et Google France SARL c/ Centre national de recherche en relations humaines (CNRRH) S - p. 140-158
- Nouvelle répression : la loi sur la contrefaçon - Alexis Guillemin p. 99-105