Contenu du sommaire : Lien social, anomie, désaffiliation, exclusion… Sens et usages de quelques concepts

Revue Pensée Plurielle Mir@bel
Numéro no 29, 2012
Titre du numéro Lien social, anomie, désaffiliation, exclusion… Sens et usages de quelques concepts
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial. Lien social : anomie, désaffiliation, exclusion... - Jean Foucart p. 7-9 accès libre
  • Anomie, exclusion, désaffiliation : dissolution de la cohésion sociale ou du lien social ? - Caroline Guibet Lafaye p. 11-35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Anomie, exclusion, désaffiliation, fracture sociale, autant de notions qui peuplent le discours politique et social et qui prétendent exprimer un affaiblissement des liens sociaux, voire de la cohésion sociale. Notre propos vise, d'une part, à cerner les conditions théoriques de pertinence d'emploi de ces notions et, d'autre part, à montrer que, bien qu'étant utiles pour décrire des situations individuelles, elles ne permettent aucunement, comme telles, de conclure à un état de la cohésion macrosociale, en l'occurrence à sa dissolution. Anomie et exclusion ne sont opératoires, dans cette dernière perspective, que lorsqu'elles sont explicitées et associées à des évolutions structurelles. Nos analyses permettront ainsi d'opérer une dissociation précise des champs de pertinence des notions de lien social et de cohésion sociale.
    Anomy, exclusion, disaffiliation: dissolution of social cohesion or dissolution of social link?
    The political and social debates often allude to exclusion, disaffiliation, anomy. These notions are used to express a weakening of social ties or social cohesion. This paper aims, firstly, to identify the pertinent theoretical framework of use of these concepts. Although useful for describing individual situations, these concepts do not immediately lead to conclusions about a state of macro-social cohesion and, in this case, to conclusions about its dissolution. Anomie and exclusion are relevant to deduce a lack of social cohesion only when they concern and are related to structural changes. Thus this paper will help make a clear distinction between the fields of relevance of the two concepts: social link and social cohesion.
  • La qualification sociologique du lien social. Des orientations concurrentes - Cédric Frétigné p. 37-49 accès réservé avec résumé en anglais
    Qualification sociological social ties. Competing orientations
    This article reports on operations sociological qualification of social ties. He stresses that his seizure occurs most commonly in a private corner. The emphasis on the gaps which characterizes approaches to the social bond is mainly captured by its opposite: the disaffiliation, social devaluation. This text proposes, in its last part, a “positive” orientation in the social sciences to define open and non-depressed the constitutive dimensions of social ties.
  • Repenser le lien social : de Georg Simmel à Jean Gagnepain et à la sociologie clinique - Jean-Yves Dartiguenave, Jean-Michel Le Bot, Jean-François Garnier p. 51-60 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La question du lien social est au cœur du projet sociologique depuis l'époque des « pères fondateurs ». Cela est particulièrement net chez Auguste Comte aussi bien que chez Émile Durkheim, très inquiet de la montée de l'anomie qu'il croyait percevoir dans les sociétés industrialisées. Cette inquiétude se retrouve de nos jours dans des sociétés occidentales où le chômage et le sous-emploi se maintiennent à des niveaux élevés, conduisant à multiplier les appels à « créer », « restaurer », « maintenir » ou « développer » le lien social. Mais ces appels, très souvent, ne dépassent guère l'idée d'un lien social résultant de rencontres ou d'échanges, si possibles « conviviaux », entre les « individus ». Pour aller au-delà de cette vision naïve et quelque peu superficielle, cet article s'appuie sur la tradition sociologique, notamment simmelienne, ainsi que sur l'anthropologie clinique pour montrer que le lien social ne résulte jamais de la seule rencontre ou de la seule coexistence des individus. Il est construit par les personnes à travers un double processus : de différenciation et d'identification d'une part, de séparation et d'unification de l'autre.
    Rethinking Social Ties: from Georg Simmel to Jean Gagnepain and Clinical Sociology
    The question of the social tie lies at the heart of the sociological project since the time of its “founding fathers”. This is particularly clear in Auguste Comte, who feared social disintegration, as well as in Emile Dukheim, who was worried about the consequences of the lack of social integration (anomie) in industrial societies. Worries about the weakness of the social tie are still easy to find nowadays in occidental societies, where unemployment and underemployment rates remain at a high level : there are many calls to “build”, “safeguard”, “restore” or “develop” social ties. But these calls, most often, don't go beyond the idea of social ties consisting in encounters or interactions between “individuals”. To go beyond such a naive and superficial vision, this paper relies on the sociological tradition, especially the simmelian one, as well as on the clinical anthropology, to show that social ties never result only from interaction between individuals. It is constructed by persons through a process of differentiation and identification on one hand, separation and unification on the other hand.
  • Lien social émancipateur et modèles de justice  - Fernando Carvajal Sánchez p. 61-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cette contribution aborde le lien social à travers trois références analogiques?: guerrière, du marché et de l'apprentissage. Elles semblent s'opposer sous certains aspects mais se présentent souvent comme entremêlées dans les représentations et les pratiques du «?vivre ensemble?». Décrites et problématisées, ces analogies sont rapportées à deux modèles de justice – punitif et réparateur, dont le dernier possède un potentiel émancipateur du lien qu'il s'agit de développer en favorisant l'éducation, mais qui représente déjà un germe de changement au niveau épistémologique, éthique et politique, par rapport aux pratiques gouvernées par la logique pénale. Le modèle réparateur revendique une perspective holiste et utopique de la justice dont la finalité est de favoriser et de promouvoir l'accroissement et la qualité de la démocratie ou, autrement dit, de mieux vivre ensemble. Par ailleurs, cet article est l'occasion d'interroger la notion de communauté, tout en explorant la nécessité d'une nouvelle définition.
    Social emancipating link and models of justice
    This contribution tackles the social link through three analogical references?: warlike, maket-like and training-like. They seem opposed through sevreal aspects but are often met intermingled within the representations and the practice of «?living together?». Described and put into problematics, these analogies are reported into two models of justice – punishable and repairable, for which the latter possesses an emancipating link potential which needs to be developped focussing and favourishing the education, knowing that it already represent a germ of changeat the epistemological, ethical and political level, regarding the practice governed by the penal logic. The repairing model claims an holistical and utopical perspective of justice whose purpose is to favor and promote the increase and the quality of democracy or, in other words, live happily together. Furthermore, this article is an opportunity to question the notiob if community while exploring the necessity of a new definition.
  • Le travail social face aux familles populaires : la « nébuleuse » de la parentalité en question - Manuel Boucher p. 75-98 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis plusieurs décennies, la responsabilisation éducative des familles des classes populaires est devenue une préoccupation forte, non seulement pour les instances soucieuses de l'intérêt et de la protection des enfants mais aussi pour celles qui sont directement préoccupées par la gestion des « turbulences urbaines ». En effet, le réinvestissement politique de la « gestion des risques » mobilise de nombreux acteurs sociaux de la protection de l'enfance et de la prévention de la délinquance impliqués dans une pluralité de dispositifs spécifiques (cellules de veille éducative, programmes de réussite éducative, cellules prévention-sécurité, conseils pour les droits et devoirs des familles, etc.). Dans ce contexte, cet article décrit et analyse ce que représente la « nébuleuse de la parentalité » destinée à encadrer les familles issues des classes populaires. Pour autant, ce texte souligne également que des acteurs sociaux, tant du côté des familles que des intervenants sociaux, ont des capacités de réactions et développent des « contre-conduites » pour faire face aux logiques « social-sécuritaires » qui bousculent profondément les valeurs émancipatrices de l'action sociale.
    The social work facing popular families: the question of the nebulous parenthood
    For several decades, the educational responsibility of the families of the popular classes became a strong preoccupation, not only for authorities anxious about interest and about protection of the children but also for those who are directly preoccupied by management of “urban turbulence”. In effect, the political reinvestment of the “management of risks” mobilizes a lot of social actors of the protection of childhood and prevention of delinquency implicated in a multiplicity of specific implements (educational watch cells, programs of educational success, preventions-securities cells, advices for rights and duties of families, etc.). In this context, this article represents and analyses what represents the “loose conglomeration of the parenthood” intended to supervise the families of the popular classes. Therefore, this text also that social actors, both on the side of the families and on the social actors, have capacities of reactions and develop “bypassing” to face up “social security” logics which profoundly shake up the liberating values of social welfare.
  • Gestion publique et culture : la politique culturelle du New Labour en Angleterre (1997-2010) et l'extension du champ de l'intervention sociale - Jonathan Paquette p. 99-110 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Les réformes inspirées par la nouvelle gestion publique et par l'institutionnalisation du paradigme économique de l'innovation ont favorisé le développement de nouveaux référentiels et de nouveaux savoirs hybrides de l'action publique. En s'appuyant sur le cas de la politique culturelle britannique développée sous le mandat du New Labour (1997-2010), cet article met en évidence une conséquence de ces réformes, soit l'extension des pratiques de l'intervention sociale et communautaire à de nouveaux secteurs et à de nouveaux acteurs. Cet article insiste notamment sur le potentiel de valorisation des savoirs de l'intervention, mais aussi sur les limites et les enjeux éthiques de ce décloisonnement de la sphère des pratiques de l'intervention sociale et communautaire.
    Public Management and Culture: The New Labour's Cultural Policy in Britain (1997-2010) and the Expansion of Social Intervention PracticesReforms inspired by new public management and by the institutionalisation of the paradigm of economic innovation have facilitated the development of new policy referentials and the rise of a new kind of hybrid knowledge. Looking back at the New Labour's cultural policy in Britain (1997-2010), this article portrays a consequence of the reforms, namely the extension of the practices of social and community intervention to new fields and new actors. This article sheds light on some of the positive prospects that have emerged from this trend, as well as on some of its limitations and ethical consequences in light of social work and social intervention practices.
  • Quelle conception du lien social dans le cadre de l'intégration européenne ? Interrogations et défis  - Maximos Aligisakis p. 111-122 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'interroge sur l'apport des théories et des pratiques de l'intégration européenne par rapport à la question du lien social. Avons-nous un « acte de naissance » certifiant l'existence d'une société au niveau de l'Union européenne ? Y a-t-il un bloc institutionnel-étatique garantissant un lien social potentiel, un processus d'identification continental, une forme de citoyenneté post-nationale ? Sur ces problématiques, une conclusion semble s'imposer, du moins provisoirement : il y a des « moments » durant lesquels un éventuel lien social européen est repéré, mais ce n'est pas un phénomène permanent. La faiblesse d'espace-temps public autour du processus d'intégration communautaire ne peut que confirmer notre hypothèse. La conflictualité, organisée toujours au niveau national, tout comme la faiblesse d'une Europe sociale distributrice, vont dans la même direction.
    “What conception of the social link in the frame of European integration ? Questions and challenges”This article questions the contributions of theories and practices of European integration in relation to the issue of the social link. Do we have a “birth certificate” that certifies the existence of a society in the Union? Is there an institutional-state union that guarantees a potential social link, a process of continental identification, a kind of post-national citizenship? On these issues, a conclusion seems to emerge, at least for the time being: there are some “moments” during which a potential social link can be seen, but it is not a permanent phenomenon. The weakness of the public time-space about the process of the communautarian integration can just confirm our hypothesis. The conflictual situations, always organised at the national level, as the weakness of a social distributing Europe, go towards the same direction.
  • Mécontentement social et négociation collective - Khosro Maleki p. 123-142 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'approche principale de la recherche « mécontentement et négociation » est constituée de l'étude des différences caractérisant les négociations des deux parties opposées. Le passage du sentiment de mécontentement à la réaction par rapport à celui-ci envisage une activité qui se développe sous l'influence des modalités de recours à la négociation collective. Dans cette perspective, une étude comparative analysant les différents types de mécontentement en fonction des différentes formes de négociation sociale, apparaît utile. Dans une situation de menace où la pratique de la négociation dépend des rapports de force aboutissant aux solutions gagnant-perdant, les mécontentements sociaux sont susceptibles de s'orienter vers le défi. Une approche alternative consiste à montrer comment dans une situation problématique où les parties opposées apprécieraient la négociation coopérative avec les solutions gagnant-gagnant, les mécontentements sociaux peuvent être basculés vers le compromis.
    Social Discontent and Collective Negotiation
    The main objective of this article is to present the role of social negotiation in the transformation of social discontents. The passage of feeling of disagreement to social protestation is based to the modes of social decision making and appeal to the social negotiation. In fact, the discontent will put in relation the collective expectations and legitimate means, in order to modify the situation appeared unjust. In this perspective, a comparative analysis of the different types of formation of discontent in relation with the different forms of social negotiation appears necessary. The historical approach is on the imbalance of power between dominated and dominant in the practice of negotiation, at this perspective, the discontents are directed towards the challenge. A different approach looks at how in a society structured organically by the interdependence of intermediary institutions, the discontents take a model directed towards the compromise that is formulated in the political system.
  • Migration : langue, identité et pouvoir - Abdelkader Benarab p. 143-148 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le pouvoir s'appuie souvent sur des éléments à partir desquels il tire sa légitimité en confortant son assise. La langue de par sa fonction et sa formation dans la société devient un enjeu constant pour l'exercice du pouvoir qui l'utilise, en fonction des finalités qu'il s'assigne, soit pour faire perdurer son autorité soit pour accentuer des conflits,desquels il tire en partie son équilibre et assure sa survie. C'est le cas des régimes caractérisés par l'autoritarisme et l'absence d'alternative dans les choix idéologiques. Dans l'espace migratoire le rapport du pouvoir et de la langue est de nature à imposer légitimement la langue de la majorité, mais en évitant toute forme d'émergence des langues vernaculaires. D'où un certain nombre de difficultés liées à l'espace où évoluent les enfants d'immigrés. Impulsivité, agressivité, brouillage des repères spatio-temporels caractérisent l'acte qui marque cet isolement linguistique. L'identité même de chacun de nous est une exigence incontournable et un élément structurant qui participe à l'unité sémantique de toute individualité dans son cachet particulier face à l'altérité.
    Language, identity and power
    Power often relies on elements to justify its legitimacy to consolidate its foundation. Language, by its role, function and formation in society becomes a constant stake to power practice which uses it, according to finalities pertaining to authority lasting and duration, be it for reasons related to conflict exacerbation upon which its balance depends and survival preserved. It is the case of regimes characterized by authoritarianism and absence of alternatives as concerns ideological choices. In the migratory space, the relationship between power and language is that naturally it is the language of the majority that should be legitimately imposed, while preventing emergence of vernacular languages. Hence, the existence of a certain number of difficulties related to the space where the children of immigrants evolve. Impulsiveness, blurring of spatial-temporal benchmarks characterize the act of linguistic seclusion. Even the identity of each one of us is an unavoidable exigency as well as a structuring element which take part into the making of the semantic unity of any individuality in its particular stamp in front of otherness.
  • Le combat d'Omar Frantz Fanon - Abdelkader Benarab p. 149-152 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La France coloniale n'a pas connu que des partisans du maintien de l'ordre répressif contre les indigènes. Des voix se sont élevées en France métropolitaine et ailleurs, des humanistes et des universitaires ont appelé à la fin de l'hostilité et dénoncé les exactions et l'occupation française en Algérie. Parmi ces grandes voix figure le psychiatre et écrivain martiniquais qui a mené un combat acharné, jusqu'à sa mort, contre les formes d'exploitation et de dépersonnalisation pratiquées sur les indigènes par le colonialisme. A travers son expérience de psychiatre à Blida, dans les environs d'Alger, Frantz, O. Fanon nous décrit les formes d'aliénation constatées sur les malades algériens suite aux mauvais traitements qu'ils subissaient de la part de l'armée coloniale.
    Omar Frantz FANON's battle
    Colonial France did not have only tenets in favor of the repressive order against the indigenous. Many voices arouse in metropolitan France and elsewhere, some humanists and scholars have called for the end of hostilities as well as denouncing exactions and French occupation in Algeria. Amongst the most prominent voices, we have the Martiniquan psychiatric and writer who led a tenacious and obstinate fight, till his death against the exploitation forms and depersonalization practices on the indigenous by colonialism. Through his experience as a psychiatrist in Blida, in Algiers outskirts, Frantz, O. Fanon depicts alienation forms observed on Algerian patients as implications of the bad treatments to which they were submitted by the colonial army.