Contenu du sommaire : Les échanges culturels Chine/Occident au prisme du qiaoyi
Revue | Monde Chinois |
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Numéro | no 66-67, 2021/2-3 |
Titre du numéro | Les échanges culturels Chine/Occident au prisme du qiaoyi |
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- Éditorial. Les échanges culturels entre Chine et Occident moderne au prisme du qiaoyi - Jean-Yves Heurtebise, Ye Jun p. 5-10
Dossier. Les échanges culturels Chine/Occident au prisme du qiaoyi
- The Reception of Rainer Maria Rilke, and Modernism in Feng Zhi's Sonnet: A Qiaoyi Study Case - Karl Kuan Zhang p. 12-34 À la lumière de la théorie et des pratiques Qiao Yi, l'article examine l'influence littéraire du poète allemand Rainer Maria Rilke sur le poète chinois moderne Feng Zhi (1905-1993). L'article retrace comment le sonnet européen s'est développé dans le cadre culturel européen, puis discute de la façon dont Rilke a brisé, developpé et finalement « sauvé » ce genre grâce à son expérimentation poétique, et montre enfin comment la culture du sonnet européen a été réappropriée en chinois par l'imitation créative de Feng et ce qui s'y est adjoint au cours de la transformation translinguistique. L'article présente la survivance de divers motifs orphiques tels que perçus par Rilke et le rôle du poète moderne en tant que messager divin, et identifie les manifestations des motifs apparentés dans la collection des Sonnets de Feng. Cet article soutient que le jeune Feng Zhi, bien que nourri dans la culture traditionnelle chinoise, avait déjà développé une sorte de compréhension poétique de l'allemand qui était analogue à celle acquise par Rilke, et qu'après avoir été exposé aux œuvres de Rilke, sa compréhension latente est devenue parfaitement consciente. La tradition chinoise, même si Feng ne mentionne pas explicitement sa conscience de ce fait, a fonctionné partout et continuellement comme fondement littéraire inconscient de toute l'œuvre de Feng.In light of Qiao Yi theory and practices, the article examines the literary influence of German poet Rainer Maria Rilke on the modern Chinese poet Feng Zhi (1905-1993). The article traces how the European sonnet developed within the European cultural framework, then turns to discussing how Rilke broke and lifted and ultimately “saved” this genre with his experiment, and finally shows how the European sonnet culture was expropriated into Chinese through Feng's creative imitation and what was subjoined to it in the course of translingual practice. The article presents various Orphic motives as perceived by Rilke and the role of the modern poet as a divine messenger, and identifies the manifestations of the kindred motives in Feng's Sonnets Collection. This article argues that the younger Feng Zhi, though nurtured in traditional Chinese culture, had already developed a kind of poetic comprehension of German which was analogous to that acquired by Rilke, and that after having been exposed to Rilke's works his latent comprehension became vividly conscious. The Chinese tradition, even if Feng makes no explicit mention of his awareness of the fact, has nevertheless functioned everywhere and continuously as an unconscious literary foundation in Feng's entire body of work.
- Connaître la beauté d'une chose dans une autre : Notes d'une traductrice de François Cheng - Weiqun Tu p. 35-49 Dans cet article, j'analyserai en premier lieu quelques notions corrélatives chez François Cheng : l'opposition et la complémentarité, le Vide médian et le « Trois », le rapport ternaire de l'Homme-Terre-Ciel et le destin humain. Je passerai ensuite au thème fondamental pour lui – la beauté, en montrant que la connaissance approfondie d'une beauté sûre (révélée par la tradition poétique et picturale chinoise) ouvre les yeux et inspire à apprécier une autre beauté (incarnée dans la tradition occidentale, en particulier française), et qu'en rapprochant la beauté née des deux cultures ou mieux en découvrant des lieux de jonction de ces deux traditions poétiques et artistiques, on s'aperçoit une sorte de génie humain qui aspire à l'élévation spirituelle et à la transcendance divine. J'essaierai de conclure que le « Trois authentique », c'est le fruit d'une symbiose heureuse que Cheng a réalisée de ces deux traditions littéraires et artistiques, et que sa quête du sens de la vie à travers la langue française trace une voie de Retour renouvelé à la source de la vie.In this article, I first discuss the related notions of opposition and complementarity, median Void and the «authentic Three», the Man-Earth-Heaven relationship and human destiny, which I submit play an important role in François Cheng's Chinese Poetic Writing and Empty and Full. The Language of Chinese Painting. On the basis of this discussion, I then argue that the rich aesthetic experience cultivated by the Chinese poetic and artistic traditions profoundly helps cross cultural wanderers such as Cheng to appreciate the beauty as conceived in the French tradition and Western tradition generally. Cheng's work invites us to bring together the aesthetic experiences that have developed in different cultures and discover how they can illuminate each other, whereby we come to the recognition of the deep-rooted aspiration in our shared nature for spiritual elevation and transcendence.
- À la recherche des émotions fugitives, subtiles et délicates : Acculturation du « Ci » en France sous la perspective de la Qiao-yiologie - Yuping Peng, Lina Guo p. 51-67 La Qiao-yiologie propose d'observer l'hybridité et l'ambivalence des phénomènes culturels en déplacement dans une espace tri-dimensionnelle. Le « Ci », poème chanté propre aux belles-lettres chinoises, est entré dans la vision des sinologues français dès le début du XXe siècle. De l'apparition du Ci dans les écrits et traductions de George Soulié de Morant, à celle des Poèmes chinois de l'époque Song, pour chant et piano, l'acculturation du Ci en France fut réalisée par la métamorphose de l'art idéogrammatique en art acoustique et ensuite de l'art idéogrammatique en art total et polyphonique. Le binôme idéogramme/phonogramme, par l'intermédiaire de la musique, langage sans frontière, permet d'exprimer les émotions fugitives, subtiles et délicates des êtres humains, ce qui confirmerait les rapports étudiés par la qiao-yiologie entre le « Qi » (« le déplacement ») et le « Yi » (« les échanges ») tant au niveau géographique qu'au niveau idéologique.Qiao-yiology proposes to observe the hybridity and ambivalence of cultural phenomena moving in a three-dimensional space. The “Ci”, a sung poem specific to Chinese belles-lettres, entered the vision of French sinologists from the beginning of the 20th century. From the appearance of the Ci in the writings and translations of George Soulié de Morant, to that of the Chinese Poems of the Song period, for voice and piano, the acculturation of the Ci in France was achieved by the metamorphosis of ideogrammatic art. in acoustic art and then from ideogrammatic art to total and polyphonic art. The ideogram/phonogram binomial, through music, a language without borders, makes it possible to express the fugitive, subtle and delicate emotions of human beings, which would confirm the relationships studied by qiao-yiology between “Qi” (“displacement”) and “Yi” (“exchanges”) both geographically and ideologically.
- From the Yijing to the I Ching: Traveling Classic and its Qiaoyi Networks - Lijing Wu p. 69-92 Cet article examine le voyage métaphorique et signifiant du Yijing du contexte canonique chinois à l'environnementalisme de la contre-culture des années 1960 aux États-Unis. Plus précisément, il traite des éléments impliqués dans l'établissement du I Ching en tant qu'icône contre-culturelle dans le monde anglophone. L'auteur soutient que trois paramètres ont travaillé ensemble pour former les réseaux « qiaoyi » qui ont permis le voyage réussi du Yijing vers un nouveau contexte culturel. Le premier paramètre sont les émetteurs « qiaoyi » qui ont entrepris la traduction et l'interprétation spécifiques du Yijing, parmi lesquels Lao Naixuan劳乃宣 (1843-1921), Richard Wilhelm (1873-1930), Cary F. Baynes (1883-1977) et Hellmut Wilhelm (1905-1990). Le second est le patronage « qiaoyi » soutenant la publication et promouvant l'influence du I Ging et du I Ching, qui comprend des organisations telles que la zunkong wenshe 尊孔文社 (Société Confucius) à Qingdao, l'École de la Sagesse à Darmstadt, la Fondation Bollingen à Princeton et les Eranos à Ascona, avec des intellectuels comme Hermann Keyserling (1880-1946), Carl Gustav Jung (1875-1961), Bob Dylan (1941-) et Philip K. Dick (1928-1982), etc. Le troisième est l'environnement « qiaoyi » préparant et mettant en œuvre la circulation et la popularité du I Ging et du I Ching, qui comprend la Révolution de 1911, la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, etc. Ce sont ces réseaux complexes qui permettent l'apparition de phénomènes « qiaoyi » spécifiques, c'est-à-dire le transfert de connaissances et l'échange d'idées.This paper examines the traveling process of the Yijing from the disintegrated canonical context of China to the 1960s counter-cultural environment of the United States. More specifically, it discusses the interacting agents involved in the establishment of the I Ching as a counter-cultural icon in the English-speaking world. The author argues that three parameters worked together to form the qiaoyi networks which enabled the successful traveling of the Yijing to a new culture. The first parameter is the qiaoyi transmitters who undertook the specific translation and interpretation of the Yijing, among whom were Lao Naixuan劳乃宣 (1843-1921), Richard Wilhelm (1873-1930), Cary F. Baynes (1883-1977) and Hellmut Wilhelm (1905-1990). The second one is the qiaoyi patronage supporting the publication and promoting the influence of the I Ging and the I Ching, which includes organizations such as the zunkong wenshe尊孔文社 (Confucius Society) in Qingdao, the School of Wisdom in Darmstadt, the Bollingen Foundation in Princeton and the Eranos in Ascona, and intellectuals such as Hermann Keyserling (1880-1946), Carl Gustav Jung (1875-1961), Bob Dylan (1941-) and Philip K. Dick (1928-1982) etc. The third one is the qiaoyi environment preparing and implementing the circulation and popularity of the I Ging and the I Ching, which includes the 1911 Revolution, the First World War, the Second World War and the Cold War etc. It is these complex networks that make it possible for the happening of specific qiaoyi phenomena, that is, the transfer of knowledge and exchange of ideas.
- The Reception of Rainer Maria Rilke, and Modernism in Feng Zhi's Sonnet: A Qiaoyi Study Case - Karl Kuan Zhang p. 12-34
Varia
- Lost in Time: Memory, Repetition, and Representations in Wong Kar-wai's Trilogy - Yu-Min Claire Chen p. 94-110 La trilogie cinématographique comprenant Days of Being Wild (1990), In the Mood of Love (2000) et 2046 (2004), réalisée par Wong Kar-Wai, apporte une nouvelle perspective au récit du voyage dans le temps tel qu'il est représenté en Asie de l'Est en remettant en question le concept linéaire du temps. 2046 de Wong Kar-Wai est l'aboutissement de sa trilogie. 2046 lui permet de réimaginer le temps tel qu'intégré dans un espace spécifique, la chambre 2046. Wong Kar-Wai utilise le contexte historique de Hong Kong en 1966 et 1967 comme intrigue secondaire pour ses histoires de désespoir et de trahison. L'espace de la chambre 2046 devient la plate-forme d'un passé non résolu. Grâce à leur quête sans fin, les personnages du film voyagent dans le temps pour récupérer leurs souvenirs perdus et trouver des remplaçants pour leurs amants perdus. Ils rencontrent une série d'échecs avant de conclure que ce qu'ils ont découvert n'étaient que des doublons. En 2046, certaines rumeurs suggèrent que rien ne change, malgré le fait que personne n'est jamais revenu du passé. La chambre est un espace dans lequel le passé consomme le futur. 2046 devient un nombre associé à un traumatisme perpétuel et répétitif. Le film incarne un sentiment de déconnexion de la réalité et de l'existence actuelles, ainsi qu'une obsession à l'égard de la perte imaginaire. La chambre 2046 embourbe les personnages dans la quête non résolue d'un amour passé. Les personnages du film se lancent dans une recherche sans fin ; personne ne revient jamais de 2046 car il n'y a qu'une seule origine irremplaçable pour le temps perdu, et on ne peut que s'attarder sur sa mémoire.The film trilogy Days of Being Wild (1990), In the Mood of Love (2000), and 2046 (2004), directed by Wong Kar-Wai, brings new perspective to East Asian time travel drama by challenging the linear concept of time. Wong Kar-Wai's 2046 is the culmination of his trilogy. He uses 2046 to reimagine time as embedded within a specific space, the room 2046. Wong Kar-Wai uses the historical backdrop of Hong Kong in 1966 and 1967 as a subplot for his tales of heartbreak and betrayal. The space of the room becomes a platform for the unresolved past. Through endless searching, the film's characters travel back in time to reclaim their lost memories and find replacements for their lost lovers. They encounter a series of setbacks before concluding that what they have discovered are mere duplicates. In 2046, some rumors suggest that nothing changes, despite the fact that no one has ever returned from the past. The room is a space in which the past consumes the future. 2046 becomes a number associated with perpetual, repetitive trauma. The film embodies a sense of disconnection from current reality and existence, as well as an obsession with imaginative loss. Room 2046 mires the characters in an unresolved quest for past love. The characters in the film embark in an endless search; no one ever returns from 2046 because there is only one irreplaceable origin for lost time, and one can only dwell in one's memory.
- Lost in Time: Memory, Repetition, and Representations in Wong Kar-wai's Trilogy - Yu-Min Claire Chen p. 94-110
Note de lecture
- Note de lecture - Jean-Yves Heurtebise p. 111-132