Contenu du sommaire : Les terrains de la géographie

Revue Bulletin de l'Association de Géographes Français Mir@bel
Numéro no 99/2, juin 2022
Titre du numéro Les terrains de la géographie
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les terrains de la géographie

    • Les terrains de la géographie - Marc Galochet, Éric Masson p. 179-182 accès libre
    • Les terrains premiers : fondation, construction, validation des savoirs géographiques par l'épreuve de terrain - Éric Masson accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les terrains premiers précèdent la formalisation des savoirs géographiques mais pas seulement. Ils renvoient aussi à une notion un peu floue qui pose la question de l'antécédence du terrain dans le rapport du chercheur aux connaissances qu'il développe. Le terrain est un terme polysémique qui revêt une multitude de définitions selon les disciplines scientifiques et les méthodologies, les thématiques ou les objets/sujets étudiés. Le terrain d'étude n'est pas seulement une portion de la surface terrestre mais un contexte spatial, un environnement, une intrication entre ses dimensions physiques, sociétales, culturelles, sensorielles, etc. Cet article est une contribution (auto)réflexive sur l'importance du terrain pour la Géographie. Il aborde la multitude des terrains scientifiques, le concept de terrain premier et une réflexion sur l'interdépendance entre méthodologie et terrain d'application pour la production des savoirs géographiques.
      Primary fieldworks precede the formalisation of geographical knowledges, but not only. It also refers to a somewhat vague notion that raises the question of the antecedence of fieldwork in the researcher's relationship to the knowledge he or she develops. Fieldwork is a polysemous term that has a multitude of definitions depending on the scientific disciplines and methodologies, the themes or the objects/subjects studied. The fieldwork is therefore not only a portion of the earth's surface under study, but a spatial context, an environment, an interplay between its physical, societal, cultural and sensory dimensions, etc. This article is a (self)reflective contribution on the importance of fieldwork for Geography. It addresses the multitude of scientific fieldworks, the concept of primary fieldwork and a reflection on the interdependence between methodology and fieldwork for the production of geographical knowledge.
    • Le terrain en géographie physique, réflexions sur quatre décennies de pratique au Népal - Monique Fort p. 199-216 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Durant ma carrière, mes terrains de recherche himalayens (Népal et NW de l'Inde) ont porté sur les relations Hommes/milieux. Des hautes vallées glaciaires où l'histoire de leur passé quaternaire fut l'objet de ma thèse de doctorat, mon regard s'est peu à peu déplacé vers les vallées plus chaudes et habitées, aux versants couverts de cultures en terrasse : la cartographie des processus actifs (glissements de terrain, crues et autres aléas naturels) et leur processus déclenchants (pluies de mousson, séismes), et l'évolution rapide des paysages, observée d'une mission à l'autre, m'ont progressivement permis d'analyser les véritables « risques » pour les populations de ce pays en plein développement. L'ouverture des routes et une urbanisation plus dense ont aussi changé mon regard, élargi mes approches, et m'ont amenée à échanger avec des universitaires, Népalais ou étrangers, et les responsables locaux sur de nouvelles pratiques plus durables pour diminuer les risques.
      During my career, my research fields in the Himalayas (Nepal and NW India) addressed human/environment relations. From the high glacial valleys where the story of their Quaternary past was the subject of my doctoral thesis, my focus has gradually shifted towards the warmer and more inhabited valleys, with slopes covered with terraced crops. The mapping of active processes (landslides, floods and other natural hazards) and their triggering processes (monsoon rains, earthquakes), and the rapid evolution of landscapes, observed from one mission to the next, gradually enabled me to analyze the real "risks" for the populations of this rapidly developing country. The opening of roads and a denser urbanization have also changed my perspective, broadened my approaches, and led me to discuss with academics, Nepalese or foreign, and local officials on new, more sustainable practices to reduce risks.
    • De la Thaïlande aux Grecs pontiques : deux « terrains fondamentaux », deux thématiques de recherche différentes - Michel Bruneau p. 217-232 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'itinéraire de géographe de Michel Bruneau s'est organisé autour de deux « terrains fondamentaux » entre 1966 et 2020, situés dans deux aires culturelles différentes, réclamant des méthodes de recherche différentes. En Thaïlande et Asie du Sud-Est, une analyse de données d'enquêtes villageoises et de télédétection ont été utilisées pour étudier la dynamique des paysages et l'évolution des inégalités en zone rurale. En Grèce, Turquie et dans la diaspora grecque, des enquêtes auprès de descendants de réfugiés grecs pontiques ont été nécessaires. Dans l'étude d'une diaspora et de ses lieux de mémoire, la thématique relevait d'une géographie culturelle et politique évoluant vers une géohistoire. Pour comprendre un tel « grand écart », il faut faire appel à des éléments autobiographiques, à l'environnement institutionnel, aux liens personnels indispensables pour construire chacun de ces deux « terrains » avant d'envisager les liens qui peuvent exister entre eux.
      Michel Bruneau's itinerary as a geographer was organized around two "fundamental fieldworks" between 1966 and 2020, located in two different cultural areas, calling for different research methods. In Thailand and South-East Asia, analysis of village survey and remote sensing data was used to study landscape dynamics and changing inequalities in rural areas. In Greece, Turkey and in the Greek diaspora, surveys of descendants of Pontic Greek refugees were necessary. In this study of a diaspora and its places of memory, the theme was a cultural and political geography evolving towards a geohistory. To understand such a "big gap", we must use autobiographical elements, the institutional environment, the personal links essential to build each of these two "fieldworks" before considering the links that may exist between them.
    • Sur les chemins de Max.Sorre, pionnier de l'écologie humaine - Marc Galochet p. 233-250 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Toute l'œuvre de Max. Sorre (1880-1962) est consacrée à la géographie biologique et humaine dont la posture scientifique l'a conduit à développer très tôt une pensée d'écologie humaine fondée sur les interactions homme-milieu, dans la perspective vidalienne, en étudiant l'espace humanisé et en s'appuyant sur des concepts de complexes pathogènes, d'œkoumène et de genres de vie. Malgré de lourdes responsabilités académiques et ministérielles durant près de dix ans (1931-1940) l'éloignant de l'enseignement universitaire, Max. Sorre a poursuivi néanmoins ses travaux pionniers et précurseurs de la pensée écologique qu'il a formalisés lorsqu'il a réintégré l'université et occupé la chaire de géographie humaine de la Sorbonne à partir de 1940. Son œuvre scientifique foisonnante et singulière, n'a pourtant pas reçu l'écho mérité auprès des géographes français malgré les nombreuses pistes de réflexion originales.
      All the work of Max. Sorre (1880-1962) is consecrated to biological and human geography with scientific posture encouraged him to develop early on a thought of human ecology based on human-environment interactions. In the vidalian perspective, he's studying humanized space and using concepts of pathogenic complexes, the œkoumene and kinds of life. Despite heavy academic and ministerial responsibilities lasting nearly ten years (1931-1940) away from university teaching, Max. Sorre nonetheless continued his pioneering work of the ecological thought, which he formalized when he returned to the university and occupied the chair of human geography at the Sorbonne from 1940. His abundant and singular scientific work, however, did not receive the echo deserved from French geographers despite the many original lines of thought.
    • La pratique du terrain par les étudiants, objet de recherche en didactique du paysage - Claire Fonticelli p. 251-268 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie sur le suivi d'un groupe d'étudiants paysagistes de l'École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles sur leur terrain d'étude, durant 5 jours. En immersion avec eux, la chercheuse les a observés se confronter à leur terrain d'étude, afin de comprendre comment ils mobilisent les dimensions sensibles, politiques et complexes du paysage. Qu'est-ce que cette observation révèle des pratiques de terrain des étudiants ? Comment le terrain transforme-t-il leurs manières d'apprendre et de convoquer les sciences humaines ? Comment cette mise en abyme et la méthodologie qu'elle implique – le terrain des étudiants devenant terrain d'enquête de la chercheuse – interroge-t-elle la posture de recherche du géographe et son propre rapport au terrain ?
      This article is based on the follow-up of a group of landscape students from the École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles on their field of study, for 5 days. In immersion with them, the researcher observed them confronting their field of study, in order to understand how they mobilize the sensitive, political and complex dimensions of the landscape. What does this observation reveal about the students' field practices? How does the field transform their ways of learning and using the human sciences? How does this mise en abyme and the methodology it implies – the field of the students becoming a field of investigation for the researcher – question the research posture of the geographer and his own relationship to the field?
    • Terrains numériques : la datasphère, nouveau(x) terrain(s) exploratoire(s) de la géographie ? - Amaël Cattaruzza, Kévin Limonier p. 269-288 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la manière dont des « terrains numériques » pourraient devenir de nouveaux outils d'analyse en géographie et en géopolitique. Dans ce domaine encore en friche, nous présentons différentes recherches expérimentales abordant le champ du numérique, dans son caractère matériel (infrastructures) et informationnel (données sous différentes formes), et mettant en lumière de nouvelles formes d'interactions et de rivalités émergeant dans la datasphère. Ces travaux amènent à confronter des expériences de terrains en Russie et dans les Balkans avec ce que les technologies numériques permettent aujourd'hui d'observer. Le nouveau regard porté sur ces terrains au travers de leurs dimensions numériques inspire une réflexion plus générale sur les multiples formes que pourraient prendre des « terrains numériques » en géopolitique.
      This paper investigates how "digital fieldwork" could become new tools of analysis in geography and geopolitics. In this still undeveloped research field, we present various experimental researches, allowing us to approach the digital fieldwork, in its both material (infrastructures) and informational (data under different forms) characters, and to highlight new forms of interactions and rivalries emerging in the datasphere. These research works lead to confront our experiences from fieldworks in Russia and in the Balkans with what digital technologies allow to observe today. The new look at these fieldworks through their digital dimensions inspires to think more generally about the multiple forms that "digital fieldworks" could take from a geopolitical point of view.
  • Articles Varia

    • Caractérisation intra-annuelle de la variabilité climatique en Côte d'Ivoire - Amani Michel Kouassi, Jean-Muller Kouao, Koffi Eugène Kouakou p. 289-306 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif de ce travail est d'analyser les impacts des changements climatiques sur les régimes climatiques saisonniers en Côte d'Ivoire. L'étude s'est appuyée sur une base de données pluviométriques et thermométriques mensuelles enregistrées dans neuf stations synoptiques représentant les principaux régimes climatiques de la Côte d'Ivoire. Ces données s'étendent sur la période 1941-2016. La méthodologie adoptée est basée sur l'utilisation des indices climatiques (indice d'Angot, indice de Péguy, Indice UNEP, indice de Moral) pour l'étude de la dynamique du climat à l'échelle intra-annuelle. Les résultats de l'étude ont montré que le climat saisonnier et intra-annuel en Côte d'Ivoire a subi des modifications en passant de la période avant 1970 à la période après 1970. En effet, le caractère « le semestre froid est plus arrosé que le semestre chaud » est plus prononcé sur la période avant 1970 que sur la période après 1970 avec une tendance des semestres les plus chauds à être relativement plus arrosés après 1970 dans certaines localités. La période avant 1970 enregistre les trois mois consécutifs les plus pluvieux avec un basculement du trimestre le plus pluvieux qui est constaté sur la période après 1970 dans certaines stations étudiées. Sur l'ensemble du territoire ivoirien, certaines zones climatiques ont connu une modification de la saison pluvieuse après 1970 en termes de mois de début, de fin et de durée. Toutefois, le bouleversement observé n'a pas affecté le type de climat en Côte d'Ivoire. Il est demeuré subhumide et humide, malgré la diminution du caractère humide après 1970.
      The objective of this work to analyze the impacts of climate change on seasonal weather patterns in Ivory Coast. The study was based on a monthly rainfall and thermometric database recorded at nine synoptic stations representing the main climatic regimes of the Ivory Coast. These data cover the period 1941-2016. The methodology adopted is based on the use of climatic indices (Angot index, Péguy index, Moral index, UNEP index) for the study of climate dynamics on an intra-annual scale. The results of the study showed that the seasonal and intra-annual climate in Ivory Coast underwent changes from the period before 1970 to the period after 1970. Indeed, the character "the cold semester is more watered that the hot semester” is more pronounced in the period before 1970 than in the period after 1970 with a tendency for the hottest semesters to be relatively more watered after 1970 in some localities. The period before 1970 records the three consecutive rainiest months with a change in the wettest quarter, that is observed over the period after 1970 in certain stations studied. Across the Ivorian territory, certain climatic zones experienced a change in the rainy season after 1970 in terms of the start, end and duration months. However, the upheaval observed did not affect the type of climate in Ivory Coast. It remained subhumid and humid, despite the decrease in wetness after 1970.
    • Voyageuse suspecte. L'expérience d'une chercheuse porteuse de stigmates - Anissa Habane p. 307-326 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article aborde ma condition de chercheuse porteuse de stigmates et mes difficultés à pouvoir entrer dans mon terrain de recherche doctorale, mené en Cisjordanie entre 2011 et 2014, et consacré à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine urbain palestinien. A travers une analyse du franchissement de l'aéroport Ben-Gourion en Israël, passage redouté où se jouent l'arbitraire et l'incertitude, pouvant déboucher sur des interrogatoires avec des agents de sécurité israélienne, je présenterai d'abord les micro-stratégies anticipées ou spontanées que j'ai mises en place dans le but d'échapper aux catégorisations à l'aéroport. Puis je développerai deux passages au cours desquels j'ai été interrogée, avec la crainte que mon engagement militant passé soit découvert et que je sois expulsée. Le risque d'une interruption de ma recherche si je ne devais plus y avoir accès, m'a conduit à des choix méthodologiques, entre précaution et résignation, veillant à la fois à me protéger et à ne pas porter préjudice aux enquêtés.
      This article deals with my condition as a researcher with stigmata and my difficulties in entering my doctoral research field, conducted in the West Bank between 2011 and 2014, and dedicated to the preservation and the enhancement of Palestinian urban heritage. Through an analysis of the crossing of Ben-Gurion airport, a dreaded passage where arbitrariness and uncertainty are at stake, which can lead to interrogations with Israeli security agents, I will first present the anticipated or spontaneous micro-strategies that I set up in order to escape categorizations at the airport. Then I will develop two passages about the interview I had to undergo, with the fear that my past activist involvement would be discovered and that I would be expelled. The risk of my research being interrupted if I no longer had access to it, led me to make methodological choices, between precaution and resignation, taking care both to protect myself and not to harm the respondents.
  • In Memoriam