Contenu du sommaire : Égalité et Discrimination

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 49, juin 2005
Titre du numéro Égalité et Discrimination
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Égalité et Discrimination

    • Quelques réflexions sur l'universalité de la règle de droit dans ses rapports avec l'égalité - Danièle Lochak p. 15-19 accès libre
    • Common Sense, Common Census: Should America Follow France and Abolish Race Questions on the Census? - Jamin B. Raskin p. 21-40 accès libre
    • Accès à la justice : égalité et qualité de la représentation aux États-Unis - Anne Deysine p. 41-54 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article est consacré à l'accès à la Justice aux États dans une optique implicitement comparatiste avec le cas français. Compte tenu de la complexité du système aux États-Unis, le terme est pris dans le sens d'accès à un avocat en matière pénale. Nous présentons les garanties (contenues dans les Ve, VIe et XIVe amendements) et mécanismes en place aux États-Unis, et en récapitulant les étapes du renforcement de ce droit par les juridictions, et la Cour suprême en particulier. Puis nous montrons le décalage entre le droit tel qu'il est reconnu par la Constitution et sa mise en œuvre au niveau local, en détaillant les différentes raisons de ce décalage qui a pour conséquence une inégalité dans l'accès à la justice et à une défense efficace. Pourtant les juges, pour des raisons explicitées dans l'article, répugnent à casser ou infirmer au motif de défense inefficace.
      This article presents the system of access to Justice in the US with a comparative perspective and explains the guarantees deriving from the VIth, Vth and XIVth amendments to the US Constitution. It then proceeds to explain the various mechanisms in the States and at the federal level (court-appointed lawyers, Public Defender) and shows that the lack of financial resources results in violations of defendants' rights. And yet for reasons explained in the text, courts are very reluctant to reverse (in 3.9 % of cases) decisions based on ineffective counsel defences.
    • The Power and Discretion of the American Prosecutor - Angela J. Davis p. 55-66 accès libre avec résumé en anglais
      Prosecutors are the most powerful officials in the American criminal justice system. The decisions they make, particularly the charging and plea-bargaining decisions, control the operation of the system and often predetermine the outcome of criminal cases. Prosecutorial power is vast and unrestrained, and the mechanisms that purport to hold prosecutors accountable are weak and often totally ineffective. In addition, the most important prosecutorial decisions are made behind closed doors – away from public scrutiny and thus immune from public accountability. The most remarkable feature of these important, sometimes life-and-death decisions is that they are totally discretionary. The deficiency of prosecutorial discretion lies not in its existence, but in the randomness and arbitrariness of its application. Even in prosecution offices that promulgate general policies for the prosecution of criminal cases, there is no effective mechanism for enforcement or public accountability. Self-regulation by prosecution offices is largely nonexistent or ineffective, and the United States Supreme Court has protected prosecutors from both public and judicial scrutiny. In this article, Professor Davis focuses on the exercise of prosecutorial discretion in charging and plea bargaining. She demonstrates how prosecutors bear the brunt of the responsibility for the race and class disparities in the American criminal justice system. She also discusses why the current mechanisms of accountability for prosecutors in the American democratic system are ineffective. Finally, she suggests measures for reform.
    • Plessy contre Lochner : libéralisme et racisme dans la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis à l'ère ségrégationniste - Daniel Sabbagh p. 67-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'aval donné par la Cour suprême dans l'arrêt Plessy v. Ferguson (1896)à la ségrégation raciale des transports ferroviaires – et donc à la limitation par les autorités gouvernementales de la liberté d'association des individus au nom d'une certaine conception du bien public – offre un contraste frappant avec le versant de sa jurisprudence consacré au droit du travail et caractérisé, jusqu'en 1937, par l'invalidation quasi-systématique des réglementations imposées par le législateur – pourtant également justifiées en référence au bien public. L'adhésion des juges à une conception maximaliste de la liberté des individus d'engager avec d'autres un échange sur des bases communément admises que l'on constate alors ne vaut que dans les cas où celle-ci se traduirait par un contrat conclu entre deux individus de même race. Ainsi la prédominance dans la culture publique américaine de la dichotomie raciale – conçue comme faisant partie d'un « ordre des choses » indépassable – se trouve-t-elle indirectement attestée par l'institution implicite d'un régime dérogatoire la concernant, qui tranche on ne peut plus nettement avec l'absolutisation de la liberté contractuelle simultanément consacrée dans de nombreux autres arrêts.
      The 1954 Supreme Court decision Brown v. Board of Education of Topeka striking down segregated schools as unconstitutional is sometimes presented as a side effect of the New Deal. Yet, this description does not capture the perceptions of those who were involved in the political and legal debates of that time, since the issues of how much government intervention in the fields of market regulation and race relations ought to be considered as legitimate were then conceived as being separate from one another. Until the New Deal and beyond, the Supreme Court case law on the Fourteen Amendment's Equal Protection Clause remained divided as to how much protection individual freedom from government intervention deserved, depending on whether race was part of the equation.
    • L'Affirmative Action et l'ancienneté : rencontre des deux ‘Amériques sociales' - Donna Kesselman p. 81-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article traite de l'introduction de l'affirmative action dans l'entreprise américaine grâce au droit jurisprudentiel créé par la Cour suprême. Ce nouveau droit constitué sur la base du groupe ethnique entre d'emblée en conflit avec les structures mises en place par les syndicats à travers les négociations collectives, notamment les dispositifs de valorisation de l'ancienneté, seniority systems. Nous analysons le rôle de la Cour suprême qui a procédé à une véritable réécriture de la loi sur les droits civiques de 1964 et qui a tenté, dans le même temps, de préserver l'essentiel des acquis du syndicalisme dans l'entreprise. Au-delà de la doctrine traditionnelle de l'équilibrage des intérêts, son rôle actif a consisté à formuler des compromis successifs adaptés à l'évolution du consensus sur les politiques de traitement préférentiel fondé sur le critère de race (affirmative action plans). La Cour servait ainsi d'instrument à des acteurs sociaux cherchant à s'exprimer et qui devaient tenir compte à la fois des interactions complexes entre les institutions et de l'autorité de la Constitution, notamment son XIVe amendement avec sa clause d'égale protection des lois. L'étude des arrêts majeurs sur le traitement préférentiel dans l'emploi fait ressortir le motif de l'« intention », que la Cour interprète sous différentes lumières. C'est ce qui lui permet de baliser les volontés politiques et résistances qui formaient les contours du consensus sur le traitement préférentiel. Nous nous intéressons aussi à la place particulière occupée par les organisations syndicales qui doivent faire face à leur propre Histoire, marquée par le racisme : leur dilemme, et surtout la façon de s'en sortir influèrent sur la constitution de cette nouvelle forme de droits sociaux collectifs aux Etats-Unis, en fonction du groupe ethnique.
      The article explores how Affirmative Action plans were introduced into the American workplace in relation to Supreme Court jurisprudence. The new group-based rights conflicted with existing shopfloor institutions set up by trade unions through collective bargaining, most notably seniority systems. The Supreme Court endeavored to achieve equal rights in the workplace while preserving the essential gains of labor. Beyond the traditional doctrine of balancing of interests, its active role was one of coining a series of compromises, progressively adapted to the changing degree of consensus around affirmative action. The Court served as the intermediary for political forces searching for a means of expression while having to confront at once the complex interactions of state institutions and the authority of the Constitution, notably the 14th Amendment with its equal protection clause. Our study of the major Supreme Court decisions involving affirmative action labor law specifically brings out the motive of “intent”, which the Court regularly invokes but interprets from different angles. This becomes its litmus test to measure the degree of political support or resistance which formed the consensus around affirmative action at any given moment. We also discuss the important role played by trade unions, who are brought to confront their own History of racism: their dilemma, and how they resolve it, directly impact the constitution of this new form of collective, for group-based, social rights in the United States.
    • Evaluating the U.S. Policy of Using Private Lawsuits to Remedy Employment Discrimination - David Benjamin Oppenheimer accès libre avec résumé en anglais
      The primary mechanism for addressing employment discrimination in the United States is complaint-based, through private law suits seeking tort-like damages awards. No other nation relies so heavily on a private bar of employment discrimination lawyers, relying on fee-shifting statutes and contingent fees, to enforce its civil rights policies. This paper relies on US census data and empirical studies of discrimination litigation to argue that the mechanism is ineffective in addressing the problem of racial discrimination in employment.
    • La lutte contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle en droit européen et français - Daniel Borrillo p. 129-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 1999, l'article 13 du Traité constitutive de l'Union Européenne permet l'adoption de règles juridiques appropriées afin de lutter contre les discriminations dans un certain nombre de situations y compris celles fondées sur l'orientation sexuelle. A partir d'une étude historique sur l'évolution de la protection des différentes minorités, l'auteur analyse l'inclusion de l'orientation sexuelle dans le champ d'interdiction des traitements discriminatoires. Les règles permettant la mise en place effective du principe d'égalité indépendamment du sexe et de l'orientation sexuelle des personnes ne constituent que le prolongement du dispositif plus général de la garantie universelle des droits de l'homme. Toutefois, la perspective critique choisie par l'auteur montre clairement les limites du droit français et européen en matière de protection des homosexuels.
      Since 1999, article 13 of the Treaty establishing the European Communities authorized the adoption of Anti-discrimination legislation in a number of areas, including sexual orientation. After a historical survey of the evolution of the legal protection of various minorities, the author analyses the inclusion of sexual orientation in the legal domain prohibiting discriminatory treatment. The rules ensuring the principle of equality regardless of gender and sexual orientation are only an extension of the more general protective measures guaranteeing human rights. However the critical perspective chosen by the author shows the limits of French and European law regarding the protection of the homosexuals.
    • Fédéralisme et dialogue sur l'égalité : Une comparaison des droits des Etats-Unis et de l'Union européenne - Sophie Robin-Olivier, Charles Baron p. 147-166 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse le dialogue entre les juges et les droits au sein d'une fédération (les Etats-Unis) et d'une union d'Etats qui présente certains traits du système fédéral (l'Union européenne). Il examine la manière dont cet échange fait évoluer la conception du principe d'égalité ou de non-discrimination, en s'appuyant sur l'exemple des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Aux Etats-Unis, au-delà de l'importance des décisions de la Cour suprême des Etats-Unis, les Cours suprêmes des Etats sont à l'origine d'un dialogue qui s'instaure entre elles et avec la Cour suprême des Etats-Unis. La Cour suprême des Etats-Unis participe pleinement à ce « dialogue sur l'égalité » en utilisant les décisions des Cours suprêmes des Etats pour développer de nouveaux principes de droit constitutionnel fédéral, illustrant ainsi le rôle joué par les Etats comme « laboratoires du droit ». Au sein de l'Union européenne, l'analyse est rendue plus complexe par la pluralité des cours européennes assurant la protection de l'égalité (la Cour de Justice et la Cour européenne des droits de l'homme) et l'hétérogénéité des systèmes juridiques et judicaires nationaux. Néanmoins, il apparaît que les droits nationaux et le droit communautaire communiquent dans un dialogue très direct dans le cadre de la procédure des questions préjudicielles posées par les cours nationales à la Cour de Justice. Comme aux Etats-Unis, les cours nationales et européennes s'observent et se répondent, contribuant ensemble à l'évolution de la conception de l'égalité. Plus qu'aux Etats-Unis, ces échanges sont favorisés par la mise en relations des systèmes juridiques qu'implique la liberté de circulation des personnes à l'intérieur de l'Union. Au terme de l'analyse, le dialogue sur l'égalité donne à voir ce qui fait la richesse du fédéralisme américain, la singularité de l'Union européenne et la part d'invisible de chacun des systèmes qui ne vient au jour que par la comparaison.
      The article analyses the dialogue between the laws and the courts in a federation (the United States) and a Union of states, which presents some features of a federation (the European Union). It considers the way this exchange triggers an evolution of the notion of Equality or Non-Discrimination through the example of discriminations grounded on sexual orientation. In the United States, there exist various types of relationships between State courts and the US Supreme court, which cannot be limited to the authority of the US Supreme court's decisions. State supreme courts initiate a dialogue with one another and with the US Supreme Court. The US Supreme court fully participate in this « dialogue on Equality » as it uses State supreme courts opinions as persuasive authority in support of the development of new principles of federal constitutional law. This illustrates the role of the States as « laboratories of jurisprudence ». In the European Union, the situation is more complex because there are different European courts in charge with the issue of Equality (the European Court of Justice and the European Court of Human Rights) and national legal systems and national courts are heterogeneous. However, national laws and EU law communicate in a very direct dialogue when national courts refer to the ECJ for preliminary ruling. Just as in the United States, national courts and European courts look at one another and contribute together in the evolution of the conception of Equality. More than in the United States, these exchanges are fostered by the fact that free movement of people induces a confrontation between national legal systems. Eventually, the dialogue on Equality throws light on the virtues of US federalism and the singularity of the European Union. It also reveals the invisible part of each system which only comparison can show.
  • Études

    • Pluralisme juridique et pluralisme culturel dans la société réunionnaise - Elise Ralser p. 169-195 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ethnies, religions, langues : la société de l'île de la Réunion est souvent présentée comme un modèle de diversité culturelle. A celle-ci pourrait correspondre une diversité juridique, c'est-à-dire une pluralité de règles : à chacun son droit. La préservation de l'identité des personnes pourrait dépendre de ce pluralisme juridique. Entre négation et affirmation des particularités de chacun, l'étude montrera que le droit peut avoir suffisamment de flexibilité pour s'adapter à la pluralité.
      Ethnos groups, religions, languages: the society of Reunion is often presented like a model of cultural diversity. With this one could correspond a legal diversity, i.e. a plurality of rules : with each one its right. The safeguarding of the identity of the people could depend on this legal pluralism. Between negation and assertion of the characteristics of each one, the study will show that laws can have sufficiently flexibility to adapt to plurality.