Contenu du sommaire : L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de Covid-19 + Varia
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 44, 2021/2 |
Titre du numéro | L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de Covid-19 + Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de Covid-19
- L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de COVID-19. - Serge Loungou, Guy Serge Bignoumba, Marc-Louis Ropivia Introduction du numéro de la revue L'Espace politique, intitulé « L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de COVID-19 : représentations, incidences et réponses »Introduction to the special issue “Africa facing the COVID-19 pandemic: Representations, impacts and responses”
- Le traitement de la pandémie de COVID-19 en Afrique de l'Ouest par les médias internationaux chinois : représentations, pratiques et limites - Selma Mihoubi La catastrophe en Afrique n'a pas eu lieu. Telle est l'idée désormais véhiculée par les médias internationaux français (RFI, France24) dans leurs éditions africaines début 2021. Après avoir largement spéculé sur les effets dévastateurs de la COVID-19 sur le continent africain au commencement de la pandémie, force est de constater que ces représentations relayées par des médias internationaux se sont révélées erronées. Face à ces discours négatifs, les médias internationaux chinois assurent diffuser des voix alternatives qui véhiculeraient des représentations plus justes du continent africain. Comment ces relais informationnels sont-ils utilisés par la Chine pour assurer ses intérêts en Afrique de l'Ouest, dans le cadre de cette crise sanitaire ? Ces médias (RCI, Xinhua et CGTN Afrique) promettent la diffusion d'une image favorable de la région et d'éviter de relayer des discours catastrophistes. Ils sont également des outils utiles pour assurer les intérêts de Pékin, à savoir : la promotion de sa diplomatie sanitaire, et la défense du pouvoir chinois face à diverses accusations. À travers leurs programmes, ces médias utilisent les imaginaires populaires africains pour décrédibiliser les rivaux de la Chine dans la région, comme la France. Ils manipulent également les voix des populations ouest-africaines afin de légitimer la nécessité de leurs actions d'influence et de diplomatie sanitaire. L'étude des contenus diffusés en Afrique de l'Ouest révèle les stratégies d'influence des médias internationaux chinois, entre désinformation et manipulation.Africa has not experienced the catastrophe that many predicted, including French international media (RFI, France24) in their African bulletins at the beginning of 2021. After having widely speculated on the devastating impacts of health crises on the African continent, as the COVID-19 pandemic began to take its toll, it is now clear that these representations have proven to be misleading.Confronted with these negative narratives, Chinese international media ensured the propagation of alternative voices that would convey “fairer” representations of the African continent. How are these information relays' used by China to further its interests in West African countries in the context of the current health crisis? These media (CRI, Xinhua and CGTN Afrique) promised to spread a favorable image of the region and to avoid disseminating catastrophic stories. They are also useful tools to advance Beijing's interests: the promotion of its health diplomacy, and the defense of Chinese power facing various accusations. Through their programmes, these media use African popular imagination to discredit China's rivals in the region, namely France. They also manipulate the voices of West African people in order to legitimize the need for China's actions of influence and health diplomacy. Studying media content disseminated in West Africa reveals the strategies of influence of Chinese international media, between disinformation and manipulation.
- Discours radiophoniques, cartographies épidémiques et représentations locales de la COVID-19 en Guinée - Fanny Attas, Moustapha Keïta-Diop, Marie-Yvonne Curtis, Frédéric Le Marcis Avec la COVID-19, faute de pouvoir mener des ethnographies classiques, les enquêtes réalisées via l'internet, le téléphone ou les réseaux sociaux ont participé à exclure de la production des connaissances un large pan de la population africaine qui souffre de la fracture numérique et/ou d'analphabétisme. Le présent article comble ce vide en analysant les discours populaires sur l'épidémie via les radios émettant en langues nationales en Guinée et au travers de données ethnographiques recueillies dans les régions de Conakry, Mamou et Forécariah par des chercheurs guinéens et français auprès d'agents de santé et de la population, de mars 2020 à décembre 2021. Les discours populaires ont été recueillis en français, sosoxui (Basse-Côte), pulaar (Moyenne Guinée), kissiye et kpɛlɛɛwoo (région forestière), et maninkakan (Haute-Guinée). Ils mettent en avant une crainte initiale de la contamination puis une altérisation et un discrédit de la maladie, témoignant d'un désengagement cognitif et pratique des Guinéens face à la COVID-19 au cours de l'épidémie. La diffusion massive d'informations sur la COVID-19 a conduit la population à d'abord s'approprier les mesures de protection contre l'épidémie, le souvenir d'Ebola jouant un rôle majeur. Mais, lorsque le temps épidémique s'est confondu avec le processus électoral controversé de 2020, la portée politique de la réponse et le nombre réduit de cas enregistrés ont mené à une résistance populaire croissante contre les mesures de restriction (confinement, port du masque). Le virus est apparu comme exogène et ne concernant que les élites nationales et les populations des pays du Nord. L'imaginaire de l'épidémie, alimenté par le traumatisme d'Ebola, s'est nourri du registre de la coercition : désormais « épidémie tournevis », la COVID-19 en Guinée apparaît pour la majorité silencieuse de la population comme la reproduction du rapport inégal qui la lie à ses élites, comme la Guinée au reste du monde.If COVID-19 epidemics confirmed social sciences' interest for the study of social media (Lee Hugues et Pale, 2009) and infodemic (Vosoughi et alii, 2018) in epidemic contexts, it also excluded a large part of the population still important in Africa from the production of knowledge: those who cannot access internet because of lack of connection and/or illiteracy. This paper fills this gap by analyzing local representations of COVID-19, drawing on the longitudinal study of radiophonic discourses in national languages and face-to-face ethnography led by anthropologists among the population. It examines how COVID-19 was appropriated and interpreted by Guinean population through the mobilization of epidemic, political and historic local experiences. It also considers how the evolution of local representations of the pandemics, over time and over political and economic perturbations, illustrates a progressive cognitive and practical lack of public interest in the virus. To do so, radio shows in national languages including participation from the public on COVID-19 topic were systematically recorded, transcribed and translated in French from March to August 2021. National languages included sosoxui for Basse-Côte, pulaar for Moyenne Guinée, kissiye and kpɛlɛɛwoo for the Forest region, and maninkakan for Haute-Guinée. Long-term participant observation and face-to-face interviews were led in the cities of Conakry and Mamou, and in the rural areas of Forécariah from May 2020 to December 2021 among health professionals and general population. These data were analysed thematically and chronologically to examine how the epidemics was discussed and the restriction measures commented by the population through time. From March to May 2020, the massive diffusion of information about COVID-19, both at international and national level, led the Guinean to take ownership of the protection measures against the epidemic – the traumatic memory of Ebola playing a major role. However, as the epidemic event merged with the 2020 controversial electoral process, local populations began to question the relevance of the epidemic management policies and restriction measures. The reduced number of positive cases led to a trivialization of COVID-19 and to a rising popular resistance against restriction measures such as confinement and wearing a mask. The virus appeared exogenous and concerning only national elites and populations of Northern countries. The representation of the epidemic, first powered by the trauma of Ebola, rapidly turned to the register of coercion: now called the “Screwdriver epidemic”, COVID-19 in Guinea appears for the local populations as the reproduction of the unequal relation binding them to their elites, as Guinea is bound to the rest of the world.
- Les effets des mesures barrières contre la Covid-19 sur les perceptions des acteurs de la filière des ordures ménagères à Ouagadougou (Burkina Faso) - Issa Sory Entre le début mars et la fin mai 2020, le Burkina Faso a connu une communication controversée autour de la gestion des malades de la Covid-19. Afin de renforcer la résilience de la population face à la pandémie, des mesures « sociales » ont été ensuite prises. Enfin, des mesures barrières ont été fortement relayées par les médias, parmi lesquels « Mouchons-nous avec un mouchoir à jeter immédiatement dans la poubelle ». Cette mesure a fortement perturbé l'organisation de la gestion des ordures ménagères à Ouagadougou, marquée par un contact permanent entre les acteurs de la filière et les déchets des poubelles à toutes les étapes de la gestion. Cet article a pour objectif de mettre en lumière les effets de la communication autour de la Covid-19 sur les perceptions des risques sanitaires liés aux ordures ménagères à Ouagadougou. Il s'appuie sur des données collectées pendant la période du confinement instaurée au Burkina Faso entre mars et avril 2020. Essentiellement qualitatives, ces données ont été collectées auprès des acteurs de la filière des déchets (leaders d'opinion, pré-collecteurs, conseillers municipaux, etc.). Ces données révèlent que la médiatisation des mesures barrières amplifie les risques sanitaires liés aux déchets et reconfigure les relations entre pré-collecteurs et producteurs des déchets à Ouagadougou. Elles montrent aussi que, au regard des conditions climatiques et du temps mis à chaque étape de la gestion des ordures ménagères, tous les acteurs, de la pré-collecte à l'enfouissement, sont exposés aux risques de contracter la Covid-19 à partir des mouchoirs souillés jetés dans les poubelles.Between the beginning of March and the end of May 2020, Burkina Faso experienced a controversial communication around the management of Covid-19 patients. In order to strengthen the resilience of the population in the face of the pandemic, "social" measures were then taken. Finally, barrier measures were strongly relayed by the media, including "Let's get wet with a handkerchief to throw immediately in the trash". This measure strongly disrupts the organization of household waste management in the capital Ouagadougou, now marked by permanent contact between the actors of the sector and garbage waste at all stages of management. This article aims to highlight the effects of Covid-19 communication on perceptions of health risks related to household waste in Ouagadougou. It is based on data collected during the period of confinement introduced in Burkina Faso between March and April 2020.Mainly qualitative, these data were collected from people from waste sector (opinion leaders, pre-collectors, municipal councillors, etc.). These data reveal that the media coverage of barrier measures amplifies the health risks associated with waste and reconfigures the relationship between pre-collectors and waste producers in Ouagadougou. They also show that, in view of the climatic conditions and the time taken at each stage of household waste management, all actors, from pre-collection to landfill, are exposed to the risks of contracting Covid-19 COVID-19 from soiled tissues thrown in the garbage cans.
- Mobilités et enjeux sanitaires aux confins du Gabon et du Congo à l'heure de la COVID-19 - Christian Wali Wali, Euloge Makita-Ikouaya La parenté ethnique des communautés vivant aux confins du Gabon et du Congo ainsi que leurs besoins socioéconomiques sont les principaux moteurs de la mobilité transfrontalière entre les deux pays. Alors que ces flux transfrontaliers de proximité ont été à l'origine de la propagation du VIH-Sida du territoire moteur congolais vers l'espace périphérique gabonais, les flambées épidémiques de la maladie à virus Ebola n'ont pas connu de diffusion au-delà de leurs foyers originels situés aux confins des deux pays. Après avoir examiné rétrospectivement l'impact des crises sanitaires auxquelles ont été confrontées les marges frontalières gabonaises durant les années 1990-2000, le présent article analyse la manière dont l'expérience tirée de la gestion de ces précédentes épidémies a permis de lutter contre la propagation de la pandémie de COVID-19 au Gabon. Du point de vue méthodologique, il s'appuie sur des publications scientifiques et journalistiques, des documents institutionnels, les données épidémiologiques mises à disposition par le Comité de pilotage du plan de veille et de lutte contre la pandémie à coronavirus au Gabon (COPIL), ainsi que sur les observations de terrain. Sur la base de ces investigations, et après deux années d'activité virale, il ressort que la stratégie de riposte à la pandémie de COVID-19 mise en œuvre par les autorités gabonaises a abouti à des résultats mitigés.The ethnic kinship of communities living on the borders of Gabon and Congo and their socioeconomic needs are the main drivers of cross-border mobility between the two countries. While these proximity cross-border flows have been responsible for the spread of HIV/AIDS from the Congolese driving territory to the Gabonese periphery, Ebola outbreaks have not spread beyond their original foci on the borders of the two countries. After retrospectively examining the impact of the health crises that confronted the Gabonese border margins during the years 1990-2000, this paper analyzes how the experience gained from the management of these previous outbreaks helped to control the spread of the EVD-19 pandemic in Gabon. From a methodological point of view, this paper is based on scientific and journalistic publications, institutional documents, epidemiological data made available by the Steering Committee of the Plan for Surveillance and Control of the Coronavirus Pandemic in Gabon (COPIL), as well as on field observations. Based on these investigations, and after two years of viral activity, it appears that the response strategy to the COVID-19 pandemic implemented by the Gabonese authorities has led to mixed results.
- Les frontières du Togo par temps de COVID-19 : entre affirmation de l'autorité de l'État et développement d'une économie de la fermeture - Kossigari Djolar, Assogba Guézéré La fermeture des frontières s'est imposée à tous les pays comme une des stratégies d'endiguement spatial de la COVID-19. Cette mesure, qui concerne aussi bien les frontières terrestres, aériennes que maritimes, visait précisément à restreindre les mouvements de population, afin de limiter leur effet propagateur de la pandémie. La diversité des contextes sociopolitiques, économiques et culturels interroge la pertinence, l'opérationnalité et les conséquences d'une telle décision d'un pays à l'autre. Le présent article se propose ainsi d'analyser le sens et la spatialité de la fermeture sanitaire des frontières au Togo. Il s'inspire des travaux menés sur le phénomène des fermetures en géographie dont la prise en compte de la complexité des variables est importante avec des retombées à forte charge symbolique, stratégique et politique. La démarche méthodologique adoptée ici repose sur des enquêtes de terrain menées dans sept postes frontaliers, du 4 septembre 2020 au 30 mars 2021, au Togo, dans le cadre d'une thèse de doctorat en géographie. Elle combine corpus documentaire, données observables sur le terrain et entretiens. La fermeture des frontières comme stratégie d'endiguement de la propagation de la pandémie de la COVID-19 est révélatrice de l'étendue de l'autorité de l'État togolais sur son territoire et suggère en filigrane la variabilité et l'intrication des mobiles ayant conduit à la décision nationale de se claquemurer. Quoique son efficacité soit contestée, cette refrontiérisation n'en génère pas moins des retombées politiques et économiques bénéfiques à l'État et à ses préposés aux frontières, ainsi qu'aux populations locales qui tirent avantage de cette économie de la fermeture.The closure of the borders was imposed to all the countries as one of the strategies of spatial containment of the disease related to the new coronavirus (COVID-19). This measure, which concerns land, air, and sea borders, was aimed precisely at restricting the movement of populations, in order to limit their propagating effect of the pandemic. The diversity of socio-political, economic, and cultural contexts raises questions about the relevance, operationality and consequences of such a decision from one country to another. This article thus proposes to analyze the meaning and spatiality of the sanitary closure of borders in Togo in West Africa. It is inspired by the work carried out on the phenomenon of closures in geography, which considers the complexity of the variables with highly symbolic, strategic and political implications. The methodological approach adopted here is based on field surveys conducted in Togo at seven border posts, from 4 September 2020 to 30 March 2021, as part of a PhD thesis in geography. It combines a corpus of documents, observable data in the field, and semi-structured and informal interviews. The closure of borders as a strategy to contain the spread of the COVID-19 pandemic reveals the extent of the Togolese state's authority over its territory and highlights the weight of the regional political and security context in the national decision to close itself off. Although its effectiveness is contested, this refrontization nonetheless generates political and economic benefits for the state and its border officials, as well as for local populations who benefit from this economy of closure.
- Quand les petites îles touristiques se referment. Repenser les vulnérabilités insulaires au temps du COVID-19 : l'exemple de l'île Maurice - Nathalie Bernardie-Tahir Malgré une croissance économique et sociale assez exceptionnelle au regard des autres pays africains, l'État mauricien a longtemps été considéré comme une périphérie du système Monde, définie au travers de deux principaux stéréotypes : une île tropicale paradisiaque pour les touristes internationaux, mais également une île marquée par une grande vulnérabilité liée à son exiguïté, son isolement géographique et son mal-développement. Or entre mars 2020 et mars 2021, la manière singulière dont l'épidémie a été gérée questionne les vulnérabilités territoriales et nous invite à jeter un regard nouveau sur les problématiques de la discontinuité insulaire, de l'exiguïté et de l'insularité qui ont permis à Maurice un contrôle total de son espace et, par là-même, une remarquable maîtrise de la crise sanitaire au cours de la première année de la pandémie. Pour autant, la rigueur des mesures de confinement et de fermeture des frontières a porté un coup rude à l'économie de l'île. Le tourisme en particulier, pilier majeur du développement insulaire, représente l'activité la plus impactée. Toutefois, les autorités mauriciennes, qui menaient déjà depuis 2019 une réflexion sur la nécessité de renouveler leur stratégie touristique face aux signes d'essoufflement de ce secteur, ont tenté de faire de leur situation « Covid free » une opportunité pour repenser l'attractivité de la destination mauricienne et s'engager dans une démarche de « building back better ». Cette proposition de contribution, qui s'appuie sur de nombreuses missions de terrain effectuées dans cette île au cours des dernières années, particulièrement en novembre 2020 et en mars 2021, envisage ainsi de questionner les vulnérabilités insulaires dans cette période totalement inédite de chaos sanitaire, social et économique.Despite exceptional economic and social growth compared to other African states, the Mauritian state has long been considered a periphery of the world system, defined through two main stereotypes: a tropical island paradise for international tourists, but also an island characterized by a great vulnerability linked to its small size, its relative remoteness and its development problems. However, between March 2020 and March 2021, the unique way the COVID-19 pandemic has been managed questions territorial vulnerabilities. Furthermore, it invites us to address the issues of island discontinuity, smallness and islandness that have allowed Mauritian authorities to have a total control of the national space and, thereby, of the health crisis during the first year of the pandemic. However, the stringency of the containment and border closure measures has severely impacted island's economy, particularly tourism that is a major pillar of island development. However, the Mauritian authorities, aware of first signs of decline within tourism activity since 2019, were already thinking on the need to renew their tourism strategy. They have been tending to make this “Covid free” situation an opportunity to rethink the attractiveness of the Mauritian destination and engage in a “building back better” approach. This contribution proposal, which is based on numerous field missions carried out on this island over the past years, particularly in November 2020 and March 2021, intends to question island vulnerabilities in this unprecedented context of health, social and economic chaos.
- L'Afrique à l'épreuve de la pandémie de COVID-19. - Serge Loungou, Guy Serge Bignoumba, Marc-Louis Ropivia
Varia
- La sécurité économique en France et en Europe : du déni au changement de paradigme (1990-2022) - Axelle Degans Cet article est issu d'une intervention aux Journées géopolitiques de Reims (JGR, 2021). La politique de sécurité économique résulte de la prise en compte de la réalité de la guerre économique. Très longtemps ignorée, cette dernière s'impose lentement dans les représentations que nous avons des relations économiques et commerciales mondiales. Il est indispensable de comprendre le contexte géoéconomique et géopolitique mondial pour rendre intelligible le long déni des décideurs français et européens, le dessillement qui amène à la mise en place de mesures de sécurité économique. À l'évidence, l'évolution du contexte géopolitique mondial, le contexte de la crise sanitaire accélère les évolutions, tant à l'échelle des décideurs politiques qui mesurent mieux la dépendance économique et géopolitique à la Chine qu'à celle des entreprises, victimes de cyberattaques toujours plus nombreuses et déstabilisantes depuis le printemps 2020. Nous nous attacherons à montrer, ici, que la sécurité économique est essentielle et non accessoire. Elle devient une grille de lecture et s'applique davantage dans les politiques économiques menées tant à l'échelle française que communautaire. Cet article revient tout d'abord sur l'approche conceptuelle, avant de montrer comment la prise de conscience de la réalité de la guerre économique amène à considérer la sécurité économique comme une réponse à la dégradation du contexte géoéconomique et géopolitique et de constater une accélération de la mise en pratique de la sécurité économique sous l'effet de la pandémie. La nature même du sujet implique l'utilisation de sources universitaires académiques, mais aussi le recours à la presse économique pour une indispensable actualisation des décisions et mises en œuvre dans le domaine de la sécurité économique.This article is the result of an intervention at the Journées géopolitiques de Reims (JGR, 2021). Economic security policy is the result of taking into account the reality of economic warfare. Ignored for a long time, economic warfare is slowly becoming an integral part of our understanding of global economic and trade relations. It is essential to understand the global geo-economic and geopolitical context in order to understand the long denial of French and European decision-makers, and the lack of understanding that led to the implementation of economic security measures. Obviously, the evolution of the global geopolitical context, the context of the health crisis accelerates the evolutions, both at the level of political decision-makers who better measure the economic and geopolitical dependence on China, and at the level of companies, victims of cyberattacks increasingly numerous and destabilizing since spring 2020. We will endeavor to show that economic security is essential and not incidental. It is becoming an important factor in the interpretation of economic policies at both the French and European levels. This article first looks at the conceptual approach, then shows how the awareness of the reality of economic warfare leads to the consideration of economic security as a response to the deterioration of the geo-economic and geopolitical context, and then notes that factors such as the pandemic accelerate the implementation of economic security. The very nature of the subject implies the use of academic sources, but also the recourse to the economic press for an indispensable update of the decisions and implementations in the field of economic security.
- La sécurité économique en France et en Europe : du déni au changement de paradigme (1990-2022) - Axelle Degans