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Revue Participations Mir@bel
Numéro no 33, 2022/2
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • La Convention citoyenne pour le climat dans son écosystème. Entre activisme délibératif et délibération contestatrice - Maxime Gaborit p. 5-29 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Loin d'une opposition frontale entre contestation et délibération, la Convention citoyenne pour le climat qui s'est tenue en France a été le lieu d'échanges multiples entre activistes et citoyen·nes tiré·es au sort. En décrivant ces interactions et les caractéristiques organisationnelles qui les ont rendues possibles, notre objectif est de montrer que, plus qu'un rapport unique entre contestant·es et délibérant·es, une pluralité de positions des militant·es écologistes se sont exprimées sur la Convention citoyenne, traduisant des divisions au sein du mouvement climat liées aux diverses traditions politiques et aux générations militantes. Ces relations diverses ont constitué une dimension fondamentale pour l'élaboration des mesures par les citoyen·nes et la suite de la Convention. Elles font apparaître une relation renouvelée entre militantisme et processus délibératifs, où la contestation s'appuie sur la délibération, et où la délibération se réinscrit dans un horizon contestataire.
    The French Citizens' Convention on Climate was the site of multiple exchanges between activists and citizens chosen by lot. By describing the organizational characteristics that made these interactions possible, our goal is to show that activists expressed a wide array of political positions about the Citizens' Convention. These diverse relationships are a key point in understanding the process in its ecosystem. They reveal a renewed relationship between activism and deliberative processes, in which contestation is based on deliberation, and deliberation reinscribed in conflicts.
  • Une aide alimentaire apolitique ? Formes de (dé)politisation ordinaire au sein d'épiceries sociales en France et en Belgique - Tom Beurois p. 31-57 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une démarche ethnographique menée dans deux épiceries sociales et solidaires implantées en quartier populaire à Molenbeek en Belgique et à Saint-Pierre-des-Corps en France, cet article cherche à analyser les formes de (dé)politisation qui s'y déploient. Ces deux associations proposent une aide sous la forme d'un magasin où des produits alimentaires sont vendus à faible coût. Ces dispositifs reposent sur le travail de salarié·es, de personnes « mises à l'emploi » dans le cadre de contrats « d'insertion » et celui de bénévoles, dont certain·es sont ou ont été catégorisé·es comme « bénéficiaires » par ces associations. Dans un premier temps, l'article montre que les espaces informels constituent des lieux de politisation des échanges et cherche à analyser les ressorts de ce processus. Les personnes rencontrées évoquent des enjeux liés à l'alimentation et à la consommation, aux rapports quotidiens avec les administrations et aux discriminations. La façon dont la mise en place de l'aide alimentaire peut aussi engager des principes ordinaires de justice chez les personnes chargées de la mettre en œuvre est ensuite analysée.
    This article analyzes forms of ordinary politicization based on an ethnographic study carried out in two social grocery stores located in working-class neighborhoods in Molenbeek in Belgium and in Saint-Pierre-des-Corps in France. These two associations offer assistance through stores where food products are sold at a low price. These organizations rely on the work of employees, people "put into employment" under "integration" contracts, and volunteers—some of whom are or have been categorized as "beneficiaries" by these associations. First, the article shows that informal spaces constitute places of politicization of exchanges, and it analyzes the causes of this process. The people we met spoke of issues related to food and consumption, daily relations with administrations, and discrimination. Then, the article shows how implementing food aid can also engage ordinary principles of justice for those responsible for delivering it.
  • « Celui qui porte la chaussure » est-il le meilleur cordonnier ? Une justification épistémique de la démocratie participative à partir de John Dewey - Camille Ferey p. 59-91 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La réponse de John Dewey aux critiques élitistes de la démocratie de la première moitié du xxe siècle se fonde notamment sur une justification épistémique de ce régime, considéré par le philosophe pragmatiste comme le mieux à même de résoudre les problèmes et injustices sociales. Plus encore, J. Dewey montre que seul un approfondissement de la participation démocratique peut permettre de produire la connaissance de la réalité sociale nécessaire à sa transformation. L'article montre en quoi la conception participative de la démocratie ainsi élaborée pose les jalons d'une critique épistémologique des tendances épistocratiques des sociétés modernes. Ce faisant, il identifie dans certains arguments pragmatistes une préfiguration des thèses d'épistémologie radicale qui articuleront, plusieurs décennies plus tard, philosophie du savoir, philosophie sociale et théorie de la démocratie.
    John Dewey's answer to the elitist criticism of democracy developed in the early twentieth century partly relies on an epistemic justification of democracy. Indeed, he considers democracy as the best way to solve social problems of injustice and domination. More precisely, Dewey argues that only a deepening of democratic participation can generate the social knowledge required for social transformations. This paper claims that this participatory account provides very relevant epistemological arguments against the epistocratic tendencies of current democratic theories and practices. Meanwhile, the paper identifies in Dewey's arguments for participatory democracy a prefiguration of current radical epistemologies that elaborate connections between epistemology, social philosophy, and democratic theory.
  • Se positionner sur le marché de la démocratie participative pour trouver sa place dans le champ urbain : la quête de légitimité des professionnel·les de la programmation - Yasmina Dris p. 93-121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article interroge les rapports entre structuration de l'exercice de la programmation urbaine et injonctions à la participation citoyenne. Dans un premier temps, il propose d'éclairer les relations existant entre le développement que connaît aujourd'hui cette activité et l'engouement croissant des pouvoirs publics pour les approches participatives en urbanisme. Il montre ainsi que l'institutionnalisation de la participation citoyenne s'est traduite par l'émergence d'appels à compétences dont s'est saisie une partie des professionnel·les de la programmation pour faire évoluer les représentations associées à leur pratique et conforter leur identité professionnelle. Il examine ensuite les bouleversements que ce positionnement occasionne par rapport aux autres groupes professionnels présents sur le marché de la démocratie participative en urbanisme.
    This article explores the relationship between the structuring of urban programming and the participatory imperative. First, it proposes to link the development that this activity is experiencing today with the growing enthusiasm of public authorities for participatory approaches in urban programming. It thus shows that the institutionalization of citizen participation has contributed to the emergence of calls for skills in the field of urban programming, and that professionals in this field have taken up the participatory issue to assert their place in the urban field. It then examines the upheavals that this positioning causes compared to other professional groups present in the participatory democracy market.
  • La reconfiguration des rapports de pouvoir épistémique au cœur des processus d'apprentissage de la démocratie communicative - Alex Roy p. 123-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans une perspective interactionniste, cet article analyse la reconfiguration des rapports de pouvoir épistémique qui s'exerce dans la méthodologie du « croisement des savoirs » du mouvement de lutte contre la pauvreté ATD Quart Monde. Cette méthodologie favorise un double processus d'apprentissage de la démocratie communicative – l'empowerment des personnes en situation de pauvreté, le disempowerment des fonctionnaires – débouchant sur un empowerment collectif.
    Taking an interactionist approach, this paper examines the epistemic power relations within the “merging of knowledge” methodology of the international anti-poverty organization ATD Fourth World. This communicative methodology encourages a double learning process—the epistemic empowerment of poor people and the epistemic disempowerment of civil servants—toward collective empowerment.
  • Un syndicalisme apolitique ? L'encadrement institutionnel de la participation étudiante à travers le cas de la FAGE - Marion Leboucher, Pascale Dufour p. 151-180 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Entre 2005 et 2016, le visage du mouvement étudiant français s'est transformé. En effet, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) supplante aujourd'hui la prédominance historique de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) comme première organisation nationale étudiante. En nous attardant sur le travail de représentation et de médiation des associations étudiantes vis-à-vis de l'État et de la gouvernance universitaire, nous montrons que certains arrangements institutionnels ont favorisé l'émergence de la FAGE, et que son organisation interne lui a permis de développer et consolider sa position. Au final, il apparaît que l'encadrement formel de la participation étudiante a eu pour effet de déconflictualiser les relations entre les associations nationales étudiantes et les institutions publiques, faisant passer d'un syndicalisme étudiant marqué par une posture de lutte à un syndicalisme tourné vers la gestion de la vie étudiante et universitaire.
    Between 2005 and 2016, the face of the French student movement changed. The Fédération des Associations Générales Étudiantes (FAGE) has now supplanted the historically predominant Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) as the leading national student organization. By focusing on the work of representation and mediation of student associations vis-à-vis the state and university governance, we show that specific institutional arrangements have fostered the emergence of FAGE, and that its internal organization enabled it to develop and consolidate its position. In the end, it appears that the formal framework for student participation has had the effect of de-conflictualizing relations between national student associations and public institutions, marking a shift from a form of student unionism focusing on struggle to one concentrating on the management of student and university life.
  • Le tiers-lieu à l'épreuve de son succès. Vers la formation d'un compromis civico-marchand dans la fabrique de la ville en France - Aurélie Landon p. 181-207 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans cet article, nous interrogeons l'engouement croissant autour des tiers-lieux, issus de mouvements contre-culturels tels que les hackers, auprès d'institutions et collectivités locales ainsi que de grandes entreprises de l'immobilier. Pour comprendre son succès, nous proposons avec la sociologie de la justification d'appréhender le tiers-lieu comme point d'appui à la construction d'un compromis civico-marchand dans la fabrique de la ville. Ce compromis permet ainsi de répondre à deux processus opposés – les difficultés de financement des politiques publiques urbaines et la montée des risques de contestation des grands projets urbains – en transférant ces risques socio-économiques des acteurs publics vers les acteurs privés. Pour notre démonstration, nous nous appuierons sur une enquête réalisée chez des entrepreneur·es de la cause des tiers-lieux qui œuvrent à la construction et à la consolidation de ce compromis civico-marchand.
    In this article, we explore the strong interest in third places—which originated from countercultural movements such as the hacker movement—among institutions and local authorities as well as large real estate companies. In order to understand its success, we propose, based on the sociology of justification, to understand the third place as a support point for the construction of a civic-market compromise in the making of the city. This compromise makes it possible to respond to two opposing processes—the difficulties of financing urban public policies and the rise in the threats of contestation of large urban projects—by transferring these socioeconomic risks from public actors to private actors. For our demonstration, we will rely on a survey of entrepreneurs involved in the construction and consolidation of this civic-market compromise.
  • Du nouveau en sociologie de l'international : une critique du « tournant participatif » des organisations internationales - Romain Lecler p. 211-216 accès libre avec résumé
    Lecture critique de l'ouvrage suivant : Delphine Lagrange, Marieke Louis, Olivier Nay (dir.), 2021, Le tournant social de l'international, Presses universitaires de Rennes, coll. « Res publica ».