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Revue | Futuribles |
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Numéro | no 451, novembre-décembre 2022 |
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- Un automne à haut risque - Hugues de Jouvenel p. 3-4
- L'impact du vieillissement sur les comptes sociaux : Une pression très forte mais pas insoutenable - Pierre-Yves Cusset p. 5-20 Avortée en 2020 suite à la crise de la Covid-19, la réforme des retraites est au programme du deuxième mandat du président Macron depuis la campagne électorale du printemps 2022, et régulièrement confirmée comme figurant à l'agenda du gouvernement, en dépit de l'absence de majorité absolue au Parlement. Réputée indispensable pour faire face aux difficultés de financement à venir du fait du vieillissement démographique, ses modalités font l'objet de nombreux débats et de vives discussions entre partenaires sociaux en France, qui ne manqueront pas de se prolonger dans les mois à venir.Dans ce contexte, les travaux réalisés ce printemps par France Stratégie*, coordonnés par Pierre-Yves Cusset et consistant à mesurer l'impact du vieillissement démographique sur la protection sociale en France, constituent un apport essentiel pour nourrir les débats. Cet article en présente la méthode et les principaux enseignements. Tout d'abord, il importe de rappeler qu'il s'agit bien ici de mesurer la pression que fait peser le vieillissement de la population, et uniquement ce facteur, sur les comptes sociaux, à partir du scénario central des projections démographiques publiées par l'INSEE. Ainsi, à dépenses et recettes par habitant à chaque âge inchangées, le déficit de la protection sociale aurait été de 110 milliards d'euros en 2019, si la France avait eu la pyramide des âges anticipée pour 2040 (versus un excédent de 13 milliards constaté en 2019) : un choc massif, mais dont l'auteur montre qu'il est quasiment du même ordre de grandeur que celui auquel la France a déjà fait face ces deux dernières décennies. Qui plus est, cet impact mécanique du vieillissement est sensiblement moins fort en France que chez ses voisins européens (Allemagne, Espagne notamment), grâce à une population jeune plus nombreuse. Aussi, si le choc démographique à venir dans les 20 années à venir est loin d'être négligeable (estimé autour de cinq points de produit intérieur brut), il pourrait être moins difficilement surmontable qu'on ne le craint — grâce aux effets encore à venir des réformes passées, et sous réserve d'un minimum de croissance économique. S.D.Pension reform, which was aborted in 2020 following the Covid-19 crisis, has been part of President Macron's second-term programme since the electoral campaign of Spring 2022. It has been regularly confirmed as being on the government's agenda, despite the absence of an absolute parliamentary majority. Widely regarded as essential for coping with the future funding difficulties created by an ageing population, the details of that reform are the subject of much debate and lively discussion between the social partners in France and this will inevitably continue over the coming months.In this context, the studies carried out this spring by France Stratégie, under Pierre-Yves Cusset's co-ordination, to gauge the impact of demographic ageing on welfare protection in France, represent an essential contribution to debates. This article presents the method of these studies and the main lessons to be drawn. First of all, it is important to remember that this is about measuring the pressure that an ageing population — and that factor alone — exerts on social accounts, working on the basis of the central scenario of the demographic projections published by INSEE. On this basis, were expenditure and income per inhabitant to remain unchanged in each age group, the social welfare deficit would have been 110 billion euros in 2019 if France had had the age pyramid that is anticipated for 2040 (as opposed to the 13 billion euro surplus actually registered in 2019): a massive shock, though Cusset shows that it is more or less of the same order of magnitude as the shock France has already experienced over the last two decades. Moreover, this mechanical impact of ageing is appreciably less great in France than among its European neighbours (particularly Germany and Spain), thanks to the country having a population with a younger age-profile. Though the demographic shock to be expected over the next 20 years is far from negligible (it is estimated at around 5 percentage points of GDP), it may, then, be less difficult to overcome than is generally feared — thanks to the effects of past reforms that are yet to be felt, and provided that there is a modicum of economic growth.
- Géopolitique de l'espace numérique : Quelles stratégies de sécurité ? - Henri d'Agrain p. 21-37 Après avoir largement traité dans Futuribles du dilemme auquel nous sommes exposés entre la protection de nos libertés individuelles et collectives, et l'essor des mesures adoptées, souvent à l'aide du numérique, à des fins sécuritaires, nous ouvrons ici un nouveau chapitre, celui de la géopolitique du numérique qui, s'il constitue aujourd'hui un instrument de pouvoir, comme beaucoup de technologies, peut être à la fois une opportunité et une menace. Comme l'explique ici Henri d'Agrain, les notions de frontière, d'identité, de durée, de valeur…, qui prévalent dans l'espace physique, prennent un sens différent dans l'espace numérique, le cyberespace, au sein duquel se déploient désormais, sous des formes nouvelles, des confrontations et des conflits entre États, principaux garants de l'ordre international, et organisations supraétatiques susceptibles, par de nombreux moyens, d'être porteuses de cybermenaces.La sécurité dans cet espace numérique devient donc un enjeu majeur, comme en témoignent, par exemple, les attaques visant à s'introduire et à paralyser un système d'information, ou le vol de données. C'est pourquoi il convient d'être vigilant en cette matière, et de mettre en place une stratégie nationale et européenne de sécurité numérique qui, selon l'auteur, doit se développer selon quatre axes : le développement des technologies de cybersécurité, l'adaptation des moyens de police et de justice, le développement de capacités spécialisées, éminemment régaliennes, en matière de cyberdéfense, et l'effacement de la « singularité » de l'industrie du numérique sur le marché européen. H.J.Following our extensive discussion in Futuribles of the dilemma we face in the trade-off between protecting our individual and collective liberties and achieving security, often by digital means, we are opening a new chapter here on the geopolitics of the digital sphere, which, though representing an instrument of power today, may, like many technologies, be both an opportunity and a threat. As Henri d'Agrain explains, the notions of boundary, identity, duration, value etc. that prevail in the physical world assume a different meaning in the digital space, in cyberspace. Within that space are unfolding, in new forms, clashes and conflicts between states — the main guarantors of international order — and supra-state organizations that are likely, in many ways, to carry cyber-threats.Security in this digital space is becoming a major issue, then, as is attested, for example, by attacks intended to breach and paralyse information systems, or by data theft. This is why we need to be vigilant in this regard and implement a national and European digital security strategy which, as d'Agrain argues, must be developed along four axes. These are the development of cybersecurity technologies, the adaptation of policing and judicial-system capacities, the development of specialist capacities in terms of cyber-defence (eminently vested in national governments), and doing away with the “singular status” of the digital industry in the European market.
- Politique industrielle : le retour ? : À propos du livre d'Élie Cohen, Souveraineté industrielle - Pierre Papon p. 39-45 La France, comme bien d'autres pays, est confrontée depuis de nombreuses années à une succession de crises, de nature économique, sanitaire, géopolitique, énergétique…, qui ont montré combien certains secteurs économiques étaient devenus (ou redevenus) stratégiques. Outre les denrées alimentaires qui ont ramené sur le devant de la scène la nécessité d'une certaine souveraineté alimentaire, les difficultés d'approvisionnement en certains minerais, métaux, composants électroniques, produits pharmaceutiques…, ont aussi montré l'importance du secteur industriel. Après des décennies de désindustrialisation, la nécessité de recouvrer une souveraineté dans ce secteur reprend place en haut de l'agenda politique. Est-ce possible ? Comment ? Dans quel délai ? L'économiste Élie Cohen s'est penché sur la question dans un ouvrage sorti en début d'année, juste avant qu'éclate le conflit russo-ukrainien, et ses analyses permettent d'éclairer très utilement le sujet. Pierre Papon en présente ici les grandes lignes et montre combien la question de la souveraineté industrielle de la France est devenue déterminante pour son économie, et combien il est important de déployer une réelle stratégie en la matière. S.D.France, like many other countries, has been confronted for many years with a succession of crises — economic, health-related, geopolitical, energy-related etc. — that have shown the degree to which certain economic sectors had become (or returned to being) strategic. Besides foodstuffs, which have brought the need for a degree of food sovereignty back centre stage, difficulties of supply with regard to certain mineral ores, metals, electronic components, pharmaceutical products etc. have also shown the importance of the industrial sector. After decades of de-industrialization, the need to recover sovereignty in this sector is returning to the top of the political agenda. Is such a thing possible? How? And on what timescale? The economist Élie Cohen examined this question in a book published in the early part of this year, just before the outbreak of the Russo-Ukrainian conflict, and his analyses enable us to throw useful light on the subject. Pierre Papon gives a broad overview of the book here and shows how the question of France's industrial sovereignty has become crucial to its economy and how important it is to set out a genuine strategy in this area.
Repères
- Emploi versus retraite - Hugues de Jouvenel p. 46-51 La rubrique Repères de ce numéro propose un éclairage sur divers indicateurs à prendre en compte lorsqu'on s'intéresse aux questions d'emploi, chômage et retraite, parmi lesquels le taux d'emploi (c'est-à-dire la part des personnes d'âge actif occupant effectivement un emploi), qui varie considérablement d'un pays à l'autre, et selon les groupes d'âge. S.D.The ‘Signposts' column in this issue casts light on various indicators to be considered when we look at questions of employment, unemployment and retirement, among them the employment rate (i.e. the proportion of working-age people actually with a job), which varies considerably between countries and between age-groups.
- Transition écologique : quels projets de société ? : Les scénarios Transition(s) 2050 de l'ADEME au prisme des réactions citoyennes - Sarah Thiriot p. 53-69 Face à l'urgence climatique et à l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 que s'est fixé la France, plusieurs exercices de prospective ont été entrepris ces dernières années pour nourrir le débat relatif à la stratégie de transition écologique à mettre en œuvre, qui ont fait l'objet d'articles dans Futuribles*. Parmi ces exercices, celui de l'ADEME, Transition(s) 2050, qui proposait quatre scénarios contrastés pour parvenir à cette neutralité carbone à l'horizon 2050, a été décliné en plusieurs feuilletons thématiques, destinés à approfondir la réflexion. L'un d'eux portait sur les modes de vie et les choix de société découlant des scénarios, et visait à examiner la façon dont ceux-ci pouvaient être perçus par les citoyens. Correspondent-ils à leurs valeurs et leurs aspirations ? Quelles contraintes expriment-ils pour se projeter dans tel ou tel scénario ? À quelles conditions la transition peut-elle être menée avec l'adhésion des Français ? Dans cet article, tiré du feuilleton « Modes de vie », Sarah Thiriot présente les résultats d'une enquête sociologique qui a étudié la réception des scénarios auprès d'un échantillon qualitatif de 31 Français. L'enquête apporte des éléments de réponse à ces questions et permet de mieux appréhender les notions de désirabilité, de faisabilité, ainsi que les conditions de réalisation de ces scénarios. Elle souligne ainsi l'importance d'inclure les citoyens dans les débats relatifs à la mise en œuvre de la transition écologique, et donne à voir les marges de manœuvre existant dans le pilotage de cette transition. Une donnée essentielle pour la Première ministre française à qui incombe la charge de la planification écologique. S.D.In response to the climate emergency and the goal of carbon neutrality by 2050 that France has set itself, a number of foresight exercises have been undertaken in recent years in order to inform the debate on what ecological strategy is to be implemented. Several of these have been the subject of articles in Futuribles. Among these exercises, ADEME's Transition(s) 2050 study, proposing four contrasting scenarios for reaching this carbon neutrality by 2050, also gave rise to a number of separate instalments, all aimed at enhancing thinking on the subject. One of these was on the lifestyles and societal choices ensuing from the scenarios, and aimed to examine how these might be perceived by citizens.Do they match up to their values and aspirations? What constraints are involved in the projection into a particular scenario? What conditions must be met for the transition to enjoy the support of the French population? In this article, taken from the ‘Lifestyles' document, Sarah Thiriot presents the findings of a sociological survey that studied the reception of the scenarios by a qualitative sample of 31 French people. The survey goes some way to answering these questions and enables us to better grasp the notions of desirability and feasibility, as well as the conditions for realizing these scenarios. It also highlights the importance of including citizens in debates on the implementation of the ecological transition and shows the margins of manœuvre that exist in the management of that transition. This is essential information for the French prime minister, given her role in charge of ecological planning.
- Emploi versus retraite - Hugues de Jouvenel p. 46-51
Chronique européenne
- Élargir ou approfondir l'Union européenne ? : Nouvelles composantes d'un ancien dilemme - Jean-François Drevet p. 71-79 La sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union européenne début 2020 et l'accélération de l'enregistrement de la candidature de l'Ukraine à l'entrée dans l'Union européenne suite au conflit avec la Russie, en 2022, ont relancé les débats sur l'évolution des institutions européennes. Dans le contexte de regain de tensions sur le continent et de mise en lumière des vulnérabilités des États européens dans certains secteurs clefs (énergie en tête), les prises de positions et actions plus solidaires semblent nécessaires, et souhaitées par divers pays membres (dont la France et l'Allemagne). Mais les dispositions institutionnelles actuelles les rendent compliquées, voire impossibles, dans une Union très large, incluant des pays moins conciliants ou des gouvernements ne partageant plus totalement certaines valeurs (y compris démocratiques) de leurs partenaires. Alors faut-il élargir l'Union ou au contraire approfondir son mode d'organisation dans un sens plus fédéraliste ? Jean-François Drevet réexamine ce dilemme qui prévaut depuis la création de la Communauté européenne, à l'aune des évolutions institutionnelles qu'elle a connues et des limites que celles-ci ont mis en lumière au fil du temps. Face aux nombreuses questions soulevées par le conflit russo-ukrainien, en matière de souveraineté énergétique, économique ou de leadership géopolitique, l'Union ne pourra pas faire l'économie de ce débat encore très longtemps. S.D.The UK's official departure from the European Union in early 2020 and the acceleration of Ukraine's EU application process following conflict with Russia in 2022, has revived debate on the development of European institutions. In the context of renewed tensions on the continent and the exposure of the vulnerabilities of European states in some key sectors (energy foremost among them), greater solidarity in stance and action seems necessary and is desired by various member states (including France and Germany). However, current institutional arrangements make this complicated, if not indeed impossible, in a very broad EU that includes some less tractable countries and some governments that no longer totally share certain values (including the democratic values) of their partners. Should we, then, expand the EU or do the opposite and deepen its mode of organization in a more federalist direction? Jean-François Drevet re-examines this dilemma, which has been to the fore since the creation of the European Community, in the light of the institutional developments the Union has undergone and the limits these have exposed over time. Confronted with the many questions raised by the Russo-Ukrainian conflict, with regard to energy independence, economic sovereignty or geopolitical leadership, the EU will not be able to sidestep this debate for much longer.
- Coupler les transitions verte et numérique dans l'Union européenne : Le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne - p. 81-86 En raison de ses conséquences sur les approvisionnements énergétiques, le conflit russo-ukrainien a accéléré les actions en faveur du développement des énergies renouvelables en Europe, contribuant ainsi indirectement à la transition écologique de l'Union européenne. Mais pour garantir la mise en œuvre de cette transition, dans ce nouveau contexte, et la combiner à la transition numérique, deuxième axe majeur de la politique européenne, il importe de développer une stratégie solide et de long terme. C'est ce que préconise le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne, dont nous reprenons ici la présentation officielle. S.D.Because of its effects on energy supplies, the Russo-Ukrainian conflict has speeded up efforts to develop renewable energy sources in Europe, thus indirectly contributing to the EU's ecological transition. However, to secure the implementation of that transition in this new context — and combine it with the digital transition, a second major axis of European policy — it is essential to develop a robust, long-term strategy. This is what is advocated in the EU's 2022 Strategic Foresight Report, the official presentation of which we carry in this issue.
- Élargir ou approfondir l'Union européenne ? : Nouvelles composantes d'un ancien dilemme - Jean-François Drevet p. 71-79
Actualités prospectives
- Idées & faits porteurs d'avenir - p. 87-102
Lu, vu, entendu
- Analyses critiques & comptes rendus - p. 103-116