Contenu du sommaire : Les catégories mobilisées dans l'étude des migrations et des migrants

Revue Migrations société Mir@bel
Numéro vol. 34, no 189, juillet-septembre 2022
Titre du numéro Les catégories mobilisées dans l'étude des migrations et des migrants
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  • Éditorial

  • Dossier. Les catégories mobilisées dans l'étude des migrations et des migrants

    • Comment penser les catégories de la migration : approche réflexive et enjeux méthodologiques - Lucie Lepoutre, Gwendoline Malogne-Fer p. 13-24 accès réservé avec résumé
      La multiplicité des catégories de la migration, mais aussi des acteurs qui les mobilisent et leur donnent sens, met en exergue les difficultés méthodologiques et les enjeux épistémologiques auxquels les chercheurs se trouvent confrontés. Les catégories issues des politiques migratoires, et plus largement des politiques publiques (d'hébergement, d'aide à la parentalité, d'intégration participative, etc.), produisent des processus de catégorisation qui constituent pour le sociologue à la fois une « épreuve » de l'enquête1 et un objet d'étude en soi. Au-delà des mots et des représentations sociales qu'elles véhiculent, les catégories participent de logiques d'intégration et d'exclusion et doivent ainsi faire l'objet d'une vigilance de la part du chercheur pour que ce dernier puisse en rendre compte sans les reproduire ou les renforcer. En croisant les apports des différentes contributions du dossier ainsi que des travaux déjà existants sur cette question, la présente introduction invite à adopter une approche réflexive et propose une analyse attentive aux rapports sociaux de genre, de classe et d'âge ainsi qu'à ce que l'espace et le temps « font » aux processus de catégorisation. La diversité des terrains d'enquête présentés dans le dossier montre que les catégories peuvent constituer des constructions rigides et contraignantes de la réalité sociale et se révéler également l'objet de réinterprétations et d'applications variables en fonction des interlocuteurs, des lieux et des personnes « catégorisées ».
    • Ouvrir la boîte noire des chiffres : étudier les catégories statistiques de la migration irrégulière à l'échelle européenne - Pauline Adam p. 25-39 accès réservé avec résumé
      La migration irrégulière est à la fois difficile à définir et à circonscrire, en raison des situations très différentes qu'elle recouvre, mais aussi à quantifier tant elle est « peu visible » et compliquée à saisir d'un point de vue statistique. Pourtant, différentes données statistiques sur l'évolution des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne et de l'espace Schengen sont régulièrement médiatisées. D'où viennent ces chiffres ? Comment sont-ils construits ? Avec quelles catégories statistiques ? Cet article présente la manière dont une recherche doctorale en cours sur les chiffres de la migration irrégulière au niveau européen interroge les catégories statistiques et ce qu'elles « font » à l'enquête. Il propose notamment de s'appuyer sur les outils de la sociohistoire de la quantification pour étudier le processus de catégorisation des statistiques. La présente contribution explicite ainsi les enjeux méthodologiques et théoriques de l'enquête en interrogeant à la fois les différentes catégories statistiques de la migration irrégulière utilisées au niveau européen et les spécificités d'une telle enquête à l'échelle européenne.
    • Devenir « mineur non accompagné » : Enjeux épistémologiques et effets pratiques d'une catégorie de l'intervention publique - Cléo Marmié p. 41-57 accès réservé avec résumé
      La désignation des enfants et des adolescents engagés seuls dans un parcours migratoire, qui s'inscrit dans un long processus de problématisation publique en cours depuis les années 1990, a été harmonisée à l'échelle européenne sous la dénomination « mineurs non accompagnés — mna ». Pour bénéficier de la protection que confère la minorité d'âge, dans un contexte ambigu de durcissement du contrôle migratoire et d'internationalisation de la reconnaissance des droits de l'enfant, les jeunes migrants doivent donc, à travers une série d'épreuves variables aux échelles locale et nationale, prouver leur qualité de « mna » et être reconnus comme tels par les institutions sociales, administratives et humanitaires. Cette contribution propose d'explorer les enjeux épistémologiques et pratiques de la désignation de ces jeunes comme « mna », devenue une catégorie spécifique d'intervention à l'intérieur du public de l'« enfance en danger ». À partir d'une enquête qualitative multi-sites menée au Maroc, en Espagne et en France, l'article analyse la conflictualité et les circulations locales et transnationales des normes de l'« enfance en danger » et montre comment la désignation catégorielle de ces jeunes, qui révèle les « zones grises » de l'âge et de l'intervention sociale, fait « désordre » au sein de la protection de l'enfance. Enfin, il interroge les enjeux épistémologiques et méthodologiques de la catégorisation « mna » pour les sciences sociales.
    • Mobiliser les catégories administratives : enquête sur la spécialisation associative dans le domaine de l'asile - Lucie Lepoutre p. 59-77 accès réservé avec résumé
      Une enquête exploratoire sur l'accès aux soins des personnes victimes de torture et de violences politiques m'a conduite à redéfinir mon objet de recherche pour m'intéresser aux associations spécialisées dans l'aide sociale et juridique aux demandeurs d'asile. Dans cet article, qui s'appuie sur mes recherches doctorales, j'interroge la façon dont les acteurs associatifs conçoivent et justifient la mobilisation des catégories administratives relatives à la demande l'asile. Cette étude montre, d'une part, l'impact des relations que les associations entretiennent avec l'État sur leur rapport aux catégories administratives et, d'autre part, les différences de représentations et d'usages de ces catégories observées au sein même des dispositifs d'accueil.
    • L'hébergement public et privé des exilés au prisme des catégorisations administratives - Chloé Ollitrault p. 79-96 accès réservé avec résumé
      Cette contribution vise à mettre en lumière l'influence des catégorisations administratives des personnes exilées sur leur accès au logement et à l'hébergement, public d'une part, dans des structures d'accueil institutionnelles et des centres d'hébergement d'urgence, et privé d'autre part, chez des particuliers accueillant bénévolement des exilés à leur domicile. À travers une étude du paysage de l'hébergement dans le département du Calvados, en Normandie, l'article essaie de saisir les processus de classement et de hiérarchisation des exilés à partir de leur statut administratif. Les catégorisations administratives sont un élément central de la structuration du droit au logement et à l'hébergement des étrangers, et il existe, de plus, des écarts entre les règles juridiques et leur mise en pratique. Les collectifs locaux d'hébergement privé, qui élaborent leur action par rapport aux besoins des exilés rencontrés sur le terrain, sont également amenés à faire des choix dans la prise en compte des statuts administratifs. Selon leur positionnement, ils conçoivent l'hébergement privé comme un accueil transitoire, inconditionnel, ou d'urgence, tout en adaptant leur action aux évolutions des politiques publiques et des dispositifs d'accueil institutionnel des exilés. Nous verrons que même lorsque les hébergeurs souhaitent initialement s'écarter des hiérarchisations administratives, leurs pratiques d'accueil finissent par être influencées par le poids de la précarité multiforme et souvent durable subie par les exilés. À l'échelle des collectifs comme à celle de chaque cohabitation, l'hébergement privé des personnes ayant le moins de chances d'obtenir la régularisation de leur situation administrative présente de nombreuses difficultés.
    • Faire participer les « mères immigrées » au « foyer finlandais » : La dialectique d'appartenance et d'exclusion dans les politiques d'intégration participatives à Helsinki - Linda Haapajärvi p. 97-113 accès réservé avec résumé
      L'émergence de la démarche participative constitue une des tendances majeures des politiques d'intégration déployées dans différents pays européens à partir des années 2010. Néanmoins, les résultats des dispositifs participatifs restent peu connus. À partir d'une enquête ethnographique réalisée à Kamppila, un quartier populaire et multiethnique d'Helsinki, cet article appréhende les dynamiques d'appartenance et d'exclusion à l'œuvre lors des rencontres hebdomadaires organisées par les travailleurs sociaux de la maison de quartier à destination des femmes et des mères au foyer, en analysant les catégories qui sont mobilisées dans le cadre de ce dispositif. Il montre que le périmètre des catégories générales « femmes immigrées » et « communautés locales » dépend du contexte institutionnel et évalue les conséquences de ces enjeux catégoriels sur la position des femmes migrantes au sein de la société finlandaise.
    • Regards croisés sur les enfants de migrants : entre catégories savantes, propriétés sociales et points de vue enfantins - Christine Tichit p. 115-133 accès réservé avec résumé
      L'enjeu de cet article est d'explorer les dessous de la catégorie « enfants de mi-grants », rarement étudiée pour elle-même. Il s'appuie sur l'exploitation secondaire des données et observations recueillies dans le cadre de l'étude Coralim, une recherche participative en milieu scolaire d'éducation prioritaire à Paris, qui porte sur la socialisation alimentaire, corporelle et les modes de vie enfantins. Les catégories prédéfinies de l'enquête quantitative permettent d'éclairer l'hétérogénéité du groupe social des « enfants de migrants », tandis que le terrain mené auprès d'eux laisse émerger l'expression d'appartenances non prédéfinies et habituellement non dites à l'école. Les résultats révèlent les tensions enfantines qui se nouent autour de l'assignation culturelle renvoyant à la migration. Les mécanismes de « recyclage » de catégories symboliques viennent légitimer ou contrarier l'expression de la différence culturelle selon le groupe social dominant de la classe. L'ambivalence des signes extérieurs renforce aussi cette assignation qui, dans certains cas, se situe aux antipodes des représentations de soi. Au final, les « enfants de migrants » se définissent par rapport à tous les autres, natifs et migrants, selon leur propre distance vis-à-vis de leur culture d'origine.
    • Analyse des assignations d'une chercheure sereer par les enquêtés en France et au Sénégal - Rébecca Ndour p. 135-152 accès réservé avec résumé
      Cette contribution propose, en adoptant une approche réflexive, d'analyser comment ma position de chercheure et mon ethnicité ont été perçues par les enquêtés, lors des missions de terrain réalisées entre 2011 et 2015 dans le cadre de ma recherche doctorale qui portait sur les conditions d'émergence et de transmission intergénérationnelle de l'ethnicité sereer (Sénégal). L'enquête de terrain qui a démarré dans des associations dites « culturelles », à Paris et à Dakar, a été une occasion privilégiée pour observer l'ambiguïté de ma position et les modes de reconnaissance, à géométrie variable, de mon identification ethnique auprès de mes interlocuteurs. Alors que je me sentais, à titre personnel, appartenir au même groupe ethnique que les enquêtés et me présentais comme telle sur le terrain, je n'étais pas identifiée comme sereer par l'ensemble d'entre eux. À Paris, où je me sentais socialement très distante des enquêtés, j'étais néanmoins considérée comme une « membre exemplaire  ». À Dakar, où la distance sociale me semblait pourtant moindre, mon ethnicité sereer était sérieusement mise en doute. Mes déplacements entre Paris et Dakar soulignent ainsi les changements dans ma relation avec les enquêtés. Ces fluctuations, qui font littéralement de moi un objet d'analyse, révèlent la dimension potentiellement ambivalente et relative de l'ethnicité en même temps que sa fécondité en tant que concept sociologique.
    • Bibliographie sélective - p. 153-157 accès libre
  • Varia

    • Parcours migratoires et d'autonomisation de Chiliennes exilées en France - Yvette Marcela Garcia, Maider Moreno Garcia p. 161-179 accès réservé avec résumé
      Au Chili, le putsch du 11 septembre 1973 met violemment fin au gouvernement de l'Unité populaire (coalition de partis de gauche présidée par Salvador Allende, au pouvoir de 1970 à 1973). Entre 1973 et 1990, des dizaines de milliers de Chiliens et de Chiliennes, persécutés par la junte désormais au pouvoir, sont contraints de s'exiler ; près de 15 000 d'entre eux s'installent alors en France. Cet article analyse les parcours de Chiliennes exilées en France afin de rendre compte de leur processus d'autonomisation à la lumière de leur participation sociale et des reconfigurations des rôles sociaux de genre. Pour ce faire, nous présenterons les cheminements de Chiliennes exilées en France dans le monde du travail, dans leur rapport au politique et dans leur vie conjugale. L'étude de leurs parcours et de leurs expériences en exil révèle des formes de réappropriation du politique.
  • Note de lecture

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