Contenu du sommaire : La santé au centre : politiques publiques, territoires, centres de santé

Revue Sociologies pratiques Mir@bel
Numéro no 45, novembre 2022
Titre du numéro La santé au centre : politiques publiques, territoires, centres de santé
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  • Avant-propos

  • Entretiens

  • Réponses sociologiques

    • Une médecine mutualiste de transformation sociale au service du mouvement ouvrier à l'épreuve du tournant « lucratif » de la mutualité - Benoît Carini-Belloni p. 29-40 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article traite de la transformation de la « médecine mutualiste » exercée dans les centres de santé d'une union mutualiste départementale des Bouches-du-Rhône sous l'effet croisé, dans la tourmente de la libéralisation, de l'injonction à la rentabilité et de la séparation des missions assurantielles et sociales des mutuelles de santé. D'inspiration cégétiste et communiste, cette mutualité ouvrière a créé, dès la fin des années 1950, un réseau de centres de santé dans tout le département à l'initiative de médecins d'orientation marxiste, engagés dans le combat social à la recherche de nouveaux modes d'exercice médical, et de militants syndicaux cgt, alliés à des représentants mutualistes et à des municipalités de gauche souhaitant investir le terrain du droit à la santé et à sa protection. À partir des années 1980, face au recul de la Sécurité sociale et sous l'effet de la réglementation européenne de la concurrence, les impératifs gestionnaires et l'alignement sur la rhétorique entrepreneuriale de la mutualité ont progressivement modifié l'éthique solidaire, la vocation sociale et l'orientation préventive des centres de santé. Cette évolution profonde a poussé la mutualité, fragilisée par une baisse de ses adhérents consécutive à la montée du chômage et de la précarité, à adopter un mode de gouvernance plus opaque et moins démocratique débouchant sur une crise interne en 2012, dont l'élément catalyseur a été le passage à la rémunération à l'acte des médecins des centres.
      The article deals with the transformation of the “mutualist medicine” practiced in the health centers of a departmental mutualist union of the Bouches-du-Rhône under the crossed effect, in the turmoil of liberalization, of the injunction to profitability and of the separation of the insurance and social missions of the mutual health insurance companies. This workers' mutual insurance company, which was inspired by the trade union and communist movements, created a network of health centers throughout the department at the end of the 1950s on the initiative of Marxist-oriented doctors, who were involved in the social struggle in search of new ways of practicing medicine, and cgt union activists, who were allied with mutual insurance company representatives and left-wing municipalities wishing to invest in the field of the right to health and its protection. From the 1980s onwards, in the face of the retreat of the Social Security system and under the effect of European competition regulations, management imperatives and alignment with the entrepreneurial rhetoric of the mutual benefit society gradually modified the solidarity-based ethos, the social vocation and the preventive orientation of the health centers. This profound evolution has pushed the mutuality, weakened by a decline in its membership following the rise of unemployment and precariousness, to adopt a more opaque and less democratic mode of governance, leading to an internal crisis in 2012, the catalyst of which was the switch to fee-for-service remuneration for the centers' doctors.
    • Les centres municipaux de santé : un dispositif au cœur des politiques locales de santé et de leurs tensions - Igor Martinache p. 41-51 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Organisations à mi-chemin entre les secteurs hospitaliers et libéraux, les centres municipaux de santé (cms) constituent un dispositif ancien mais permettant de répondre à certaines problématiques (ré)émergentes en termes de santé publique. S'appuyant sur une enquête menée dans deux municipalités de l'ancienne « banlieue rouge » parisienne, ce texte s'emploie ainsi à montrer comment ces derniers peuvent permettre une territorialisation des actions en même temps qu'une prise en charge globale des patients, dans le double sens d'un suivi dans la durée et d'une attention aux multiples dimensions des déterminants de santé. Ces lieux privilégiés de la coordination des soins et d'initiation d'expérimentations sont cependant également traversés par les contradictions plus générales des politiques de santé actuelles, qui tentent de faire mieux avec moins. Le renforcement et la coordination des équipes et partenariats externes exigent ainsi un travail important mais souvent invisibilisé et donc peu valorisé, qui se heurte du reste aux cultures professionnelles et routines de travail existantes. Le financement des actions passe quant à lui de manière croissante par la réponse à des appels à projets qui peuvent se faire au détriment de dispositifs structurels pourtant impliqués par la volonté de développer la prévention et l'éducation pour la santé au-delà de la seule approche curative.
      Municipal health centers are organizations halfway between the hospital and private sectors. They represent a quite old device that can be used to respond to certain (re)emerging public health issues. Based on an inquiry in two municipalities in the former Parisian “red suburbs”, this text attempts to show how these centers can allow for the territorialisation of actions while at the same time providing comprehensive care for patients, in the dual sense of long-term follow-up and attention to the multiple dimensions of health determinants. However, these privileged places for coordinating care and initiating experiments are also affected by the more general contradictions of current health policies, which attempt to do better with less. Strengthening and coordinating internal teams and external partnerships thus requires a great deal of work, but it is often invisible and therefore little valued, and it often clashes with existing professional cultures and work routines. The funding of actions is increasingly based on responding to calls for projects, which can be to the detriment of structural mechanisms that are nevertheless involved in the desire to develop prevention and health education beyond the curative approach alone.
    • Soigner les « exclus » dans les centres et réseaux de santé : des formes d'institutionnalisation différenciées de l'assistance socio-médicale en médecine de ville - Mauricio Aranda p. 53-62 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La loi de lutte contre les exclusions de 1998 formalise l'existence, au niveau national, des permanences d'accès aux soins de santé (pass) à l'hôpital. Depuis, ses professionnels assurent des consultations médicales, ainsi qu'un travail social d'ouverture des droits sociaux, auprès de la patientèle sans couverture sociale et sans ressources. Ce modèle articulant dimensions sanitaire et sociale dans la prise en charge de personnes éloignées du système de santé a récemment été repris au niveau local. En 2013, l'Agence régionale de santé d'Île-de-France a mis sur pied l'expérimentation des pass ambulatoires. Elle a décidé de les placer dans des institutions de soins primaires situées en dehors de l'hôpital, en l'occurrence des centres municipaux de santé et des réseaux de santé associatifs. Sachant que ces structures ont été choisies en raison de leur mobilisation préexistante sur le sujet et que les pass ambulatoires sont une transposition de ce qui se passe à l'hôpital, cet article s'interroge sur l'institutionnalisation de l'assistance socio-médicale produite par cette expérimentation. Si cette dernière fait apparaître ou renforce la dimension sociale de la prise en charge des patients, en permettant la création de postes qui lui sont dédiés, elle ne contribue pas à l'instauration d'un personnel médical supplémentaire – parfois nécessaire dans ces structures. Ainsi, cette expérimentation dans les centres et réseaux de santé se traduit par des formes d'institutionnalisation différenciées de la prise en charge de leur patientèle.
      The 1998 law against exclusion formalized the existence, at the national level, of health care access offices (pass) in hospitals. Since then, its professionals have been providing medical consultations, as well as social work to open social rights, to patients without social security coverage and without resources. This model, which links the health and social dimensions in the care of people who are far from the health system, has recently been taken up at the local level. In 2013, the Île-de-France Regional Health Agency set up an experiment of ambulatory pass. It decided to place them in primary care institutions located outside the hospital, in this case municipal health centers and associative health networks. Knowing that these structures were chosen because of their preexisting mobilization on the subject and that the ambulatory pass are a transposition of what happens in hospitals, this article questions the institutionalization of socio-medical assistance produced by this experimentation. If the latter brings out or reinforces the social dimension of patient care, by allowing the creation of posts dedicated to it, it does not contribute to the introduction of additional medical staff – sometimes necessary in these structures. Thus, this experimentation in health centers and networks results in different forms of institutionalization of the care of their patients.
    • La lutte contre le tabagisme des jeunes : des associations de prévention aux prises d'un pilotage national cadrant - Caroline Arnal, Capucine Beaumel, Lucie Étienne, Marion Le Tyrant p. 63-73 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le programme Tabado vise à accompagner lycéen·nes professionnel·les et apprenti·es dans l'accès au sevrage tabagique. Jugé probant lors de son expérimentation en 2009, il connaît un déploiement progressif en France métropolitaine et ultra-marine depuis 2018. Sa mise en œuvre, pilotée nationalement par l'inca (Institut national du cancer), est confiée à différentes associations de prévention en santé à l'échelle régionale dans une logique de territorialisation. À la lumière d'une enquête de terrain qualitative menée durant trois ans dans le cadre de l'évaluation du programme, l'article analyse la manière dont les associations se positionnent vis-à-vis du cadrage national relativement balisé du programme – et qui se rigidifie au fil de son déploiement – oscillant entre conformation aux règles édictées par l'inca et négociation de marges de manœuvre. Il souligne plus précisément plusieurs types de résistances déployés par ces dernières allant d'un non-recours aux supports d'animation du programme à des remises en cause plus substantielles des logiques de contrôle ou d'intervention qui l'incarnent. Ce faisant, l'étude de cas montre les ambivalences dans lesquelles sont placées les associations qui, tout en cherchant à valoriser des registres d'actions et des cultures qui leur sont propres et donc leurs spécificités, tendent aussi à se faire reconnaitre comme des acteurs centraux de l'action publique de santé préventive.
      The Tabado program aims to help high school students and apprentices quit smoking. Judged successful when it was first tested in 2009, it has been progressively deployed in metropolitan and overseas France since 2018. Its implementation, steered nationally by the inca (National Cancer Institute), is entrusted to various health prevention associations at the regional level in a logic of territorialization. In the light of a qualitative field survey carried out over three years as part of the evaluation of the program, the article analyzes the way in which the associations position themselves with respect to the relatively well-defined national framework of the program – which becomes more rigid as it is deployed – oscillating between compliance with the rules laid down by inca and negotiation of room for maneuver. More precisely, it highlights several types of resistance deployed by the latter, ranging from non-use of the program's animation supports to more substantial questioning of the control or intervention logics that embody it. In doing so, the case study shows the ambivalences in which the associations are placed. While seeking to enhance their own specific action registers and cultures, they also tend to be recognized as central actors of the public action of preventive health.
    • Politiques de recherche en cancérologie : les personnes âgées, des patients invisibles ? - Annick Tijou-Traoré, Béatrice Jacques p. 75-85 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'État souhaite favoriser le développement de l'innovation thérapeutique et son accès à tous les patients dans le domaine de la cancérologie, il n'en demeure pas moins que les personnes âgées en sont toujours peu bénéficiaires. Ces patients sont sous-représentés dans les essais cliniques. Or, on sait qu'ils représentent la population la plus vulnérable à la survenue d'un cancer. Cette situation paradoxale soulève la question des inégalités de santé selon l'âge. Cet article propose de questionner cette problématique médicale et de mettre en lumière les logiques qui fondent son existence, du point de vue de 12 acteurs institutionnels et associatifs. La manière dont ils pensent l'accès aux soins et à la recherche médicale s'inscrit dans la complexité à définir et à désigner la population des personnes âgées. Les causes qu'ils lui attribuent puisent leur fondement dans des dimensions d'ordre social, politique et médical. Celles-ci traduisent l'intrication entre la représentation de la personne âgée, l'inertie des politiques publiques et des laboratoires pharmaceutiques et l'absence d'activisme thérapeutique par et/ou pour les personnes âgées.
      Although the government wishes to promote the development of therapeutic innovation and its access to all patients in the field of cancer, the fact remains that the elderly are still little beneficiaries. These patients are under-represented in clinical trials. Yet, we know that they represent the population most vulnerable to the occurrence of cancer. This paradoxical situation raises the question of health inequalities by age. This article proposes to question this medical problem and to highlight the logic behind its existence, from the point of view of 12 institutional and associative actors. The way they think about access to care and medical research is part of the complexity of defining and designating the elderly population. The causes they attribute to it are based on social, political and medical dimensions. The causes they attribute to it are based on social, political and medical dimensions, and reflect the interplay between the representation of the elderly, the inertia of public policies and pharmaceutical laboratories, and the lack of therapeutic activism by and/or for the elderly.
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