Contenu du sommaire : Commodities : un nouveau cycle ?

Dans le cadre de la transition énergétique mondiale, le lithium est devenu un élément essentiel. Ainsi, en Argentine, en Bolivie et au Chili, pays aux ressources abondantes, des imaginaires sociotechniques se sont développés autour de la ressource, selon lesquels le lithium pourrait fonctionner comme une plateforme de développement de capacités technologiques et productives locales. Cependant, les stratégies des politiques publiques adoptées par chaque pays diffèrent profondément en matière de promotion des activités productives, et de rôle joué par les acteurs publics et privés. L'article caractérise et compare les politiques de développement des capacités productives et technologiques locales mises en œuvre par chacun des pays de la région et discute leur portée et leurs limites.

Ces dernières années, la légalisation du cannabis a évolué dans plusieurs pays dans le but de générer de nouvelles opportunités commerciales et des recettes fiscales, ainsi que de réduire ou d'éliminer le marché noir. Les gouvernements latino-américains qui ont rejoint cette vague ont également cherché à promouvoir des investissements et des exportations. Toutefois, ces attentes n'ont pas encore été pleinement satisfaites. Bien que des investissements aient été réalisés, presque aucune activité d'exportation n'a encore vu le jour, et les marchés intérieurs restent limités. L'objectif de cet article est de montrer que même lorsque la demande, l'esprit d'entreprise et le savoir-faire nécessaire au développement de l'industrie du cannabis étaient disponibles, la création de l'infrastructure institutionnelle nécessaire pour assurer la transition du marché noir au marché légal s'est avérée lente, par tentatives et erreurs, ce qui a limité le rythme de croissance de cette nouvelle industrie. Même si le cannabis offre l'occasion pour une diversification productive dans la région, la conception de l'environnement institutionnel approprié pour tirer parti de celle-ci nécessite encore du temps et des interactions fortes entre les principaux acteurs du secteur.

Les effets de l'abondance des ressources extractives – principalement du pétrole – ont fait l'objet de nombreux débats en économie et en sciences politiques. Bien que, dans l'administration publique, la littérature soit plus restreinte, il y a un consensus sur la corrélation entre l'augmentation de la taille de l'État et les périodes de boom du pétrole. Notre contribution remet en question ce postulat, en analysant les changements opérés dans la structure de l'État équatorien, au cours des trois mandats présidentiels de Rafael Correa (2007-2017). En utilisant les concepts de croissance et de déclin des organisations proposés par l'écologie des populations et par l'intermédiaire d'une analyse qualitative des textes normatifs pour catégoriser et décrire les changements, nous constatons que la fonction exécutive de l'État n'a pas augmenté au cours des trois années qui ont enregistré la moyenne annuelle la plus élevée du prix du baril de pétrole. Nous ne pouvons pas non plus affirmer que cette fonction aurait diminué avec la baisse des prix, les périodes en question présentant des chiffres très similaires.

Cet article étudie l'évolution des normes chiliennes de qualité de l'eau potable en matière de présence de cuivre. Il analyse plus précisément dans quelle mesure le poids de la production de ce minerai dans l'économie chilienne (entre autres lors de son boom) et la diffusion de standards internationaux ont influencé cette évolution. La reconstitution des processus, à partir d'une revue systématique d'archives, met en évidence non seulement le rôle de l'apprentissage et des groupes d'intérêts dans cette dynamique, mais aussi le fait que des politiques publiques peuvent être adoptées en tenant compte de leur pouvoir de signalisation (c'est-à-dire, de leur possible diffusion subséquente à l'extérieur des frontières). Le mécanisme causal de la signalisation ainsi identifié contribue à la littérature sur la diffusion de politiques publiques.

Cet article analyse les modalités d'étatisation du secteur pétrolier équatorien au cours du boom des commodities afin de comprendre les marges de manœuvre dont dispose actuellement l'Équateur en vue de modifier de manière significative sa structure productive. En effet, si le gouvernement de la révolution Citoyenne souhaite réorienter ces revenus vers l'État pour les réinvestir dans le développement d'industries susceptibles de permettre une diversification de la structure productive, cet objectif est impacté par le contexte économique international, la réorientation diplomatique de l'État équatorien, ainsi que par un certain nombre de contraintes économiques structurelles. Ces éléments permettent de comprendre la politique économique mise en place par le gouvernement équatorien après le choc des commodities.

Les vigognes et les déserts de sel font partie du patrimoine bioculturel des peuples de l'Altiplano depuis des temps immémoriaux. Au cours des dernières décennies, ces deux biens communs ont subi un processus de marchandisation à cause de l'extraction du lithium et de la production de fibres de vigogne destinées aux marchés internationaux. Malgré les prix élevés payés pour ces produits manufacturés sur le marché international, l'intention de « réduire la pauvreté » et l'enjeu de « développement » des projets, l'impact économique local de la production de ces deux produits est assez limité. La marchandisation du lithium et de la fibre de vigogne permet d'analyser les différentes perspectives sur ces ressources naturelles, ainsi que les relations inégales entre les communautés indigènes et le marché international. Cet article propose une comparaison du phénomène dans les pays andins, en tenant compte des trajectoires de production, de consommation, des impacts socio-environnementaux, de l'appropriation des bénéfices tout au long de la chaîne de valeur. Il se propose également de discuter les processus d'action collective mis en place pour la gestion des vigognes et la défense des déserts de sel.

Après une année 2019 riche en mobilisations, la crise sanitaire au début de l'année 2020 a provoqué dans plusieurs pays latino-américains la mise en place de multiples mesures restrictives, limitant ou interdisant les déplacements et les rassemblements dans l'espace public. La sévérité de ces mesures et le choix de désigner les acteurs armés afin de les faire respecter laissaient envisager un important coup d'arrêt aux luttes sociales et politiques. À partir des cas chilien, guatémaltèque et vénézuélien, sélectionnés pour leurs grandes disparités, nous essayons de montrer que la situation sanitaire n'a joué finalement qu'un rôle marginal dans l'évolution des dynamiques de mobilisation. Plus largement, la pandémie ne semble pas avoir impliqué de bouleversements fondamentaux en ce qui concerne les évolutions des mouvements sociaux.

Cet article propose une réflexion sur les mesures instaurées par le Paraguay pour répondre à la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, entre mars et décembre 2020, en problématisant leur impact sur les communautés autochtones. Partant d'une historicisation des origines des inégalités, nous montrons que la marginalisation vécue actuellement par les communautés autochtones paraguayennes s'inscrit dans une continuité historique et institutionnelle qui résulte d'une logique de dépossession des autochtones et de leur territoire. L'interaction entre les conditions structurelles antérieures et les choix politiques émanant de la lutte contre la Covid-19 n'a pas abouti à un changement des rapports au niveau institutionnel. Au Paraguay, la crise sanitaire sans précédent et les réponses gouvernementales ont au contraire accéléré les trajectoires préexistantes affectant les communautés autochtones, renforçant la continuité institutionnelle de la formulation des politiques publiques à leur égard.

L'article aborde la gestion de la pandémie au prisme des actions locales des acteurs violents étatiques et non étatiques au Brésil et au Mexique : les forces armées, les polices et les groupes criminels. Dans quelle mesure la configuration des acteurs violents se pose-t-elle en rupture avec leur rôle habituel dans le contrôle social ? L'approche qualitative de plusieurs cas à l'échelle sous-nationale dans les deux pays concernés s'appuie principalement sur l'analyse des sites web gouvernementaux, rapports d'organisations de défense des droits humains, médias et réseaux sociaux. Les données démontrent la continuité du rôle des acteurs violents dans le maintien de l'ordre à travers la coercition. La pandémie a néanmoins encouragé la publicisation de pratiques coercitives, historiquement liées à la précarité et la marginalisation subies par les groupes sociaux bénéficiaires de ces actions « philanthropiques ».

Cet article exploratoire est le résultat d'une recherche en cours dans une collection d'archives aux États-Unis et prend pour objet l'histoire thématique et biographique entrelacée des études afro-américaines, afro-brésiliennes et africaines menées aux États-Unis et au Brésil sur une période d'environ trois décennies, de 1940 à 1970. Il se concentre sur deux figures emblématiques, Melville J. Herskovits et Eduardo Chivambo Mondlane, et soutient qu'une perspective qui met l'accent à la fois sur l'histoire des institutions et sur les trajectoires ou biographies individuelles peut apporter de nouveaux détails intéressants qui, autrement, resteraient ignorés.