Contenu du sommaire : Philosophie, psychologie, psychanalyse

Revue Archives de philosophie Mir@bel
Numéro tome 86, no1, janvier-mars 2023
Titre du numéro Philosophie, psychologie, psychanalyse
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial - p. 5-6 accès libre
  • Dossier

    • Philosophie, psychologie, psychanalyse : Perspectives sur la transformation sociale. Avant-propos - Katia Genel, Emmanuel Delille p. 7-13 accès libre
    • Psychologie historique et « retour à Freud » : Des compatibilités refoulées - Frédéric Fruteau de Laclos p. 15-31 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La science française a d'abord réservé un mauvais accueil à la psychanalyse. La psychologie historique, objective, comparée s'est notamment insurgée contre la « fixité » de l'inconscient freudien. Mais il paraît difficile de soutenir des positions comparatistes en se fondant sur une complète variabilité du mental. A contrario, les épistémologues et les psychologues qui ont fait des tendances un invariant anthropologique sont parvenus à instaurer des comparaisons historiques pertinentes. L'étude du premier « retour à Freud » prôné par Lacan prouve même que la reconnaissance de principes métapsychologiques, loin d'entraver la pratique du comparatisme, peut aider à la fonder.
      French science initially gave psychoanalysis a poor reception. In particular, historical, objective, and comparative psychology have protested against the “fixity” of the Freudian unconscious. It seems difficult, however, to support comparative positions based on a complete variability of the mind. In contrast, epistemologists and psychologists who have made tendencies an anthropological invariant have managed to establish relevant historical comparisons. The study of the first “return to Freud” initiated by Lacan even proves that the recognition of metapsychological principles, far from hindering the practice of comparatism, can help to establish it.
    • Réflexions croisées sur les destins sociaux des désirs : Freud / Adorno & Horkheimer / Elias - Claire Pagès p. 33-52 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La production désirante se trouve informée par le fait que le sujet affectif est inscrit dans une époque, une culture, un milieu social et tributaire de différentes formes de socialisation qui le disposent ou l'inclinent à désirer telle ou telle chose. Les trois théories que nous proposons de confronter font valoir l'origine principalement sociale des défenses suscitées par la vie pulsionnelle. Cette transformation affective est nommée par Freud refusement culturel ( Kulturversagung), par Adorno et Horkheimer intégration totale ou répression ( Repression) et par Elias également répression et refoulement des pulsions ( Dämfung der Triebe) mais au sens d'une capacité accrue d'autocontrôle ( Selbstkontrolle) ou d'autocontrainte ( Selbstzwänge). Qu'est-ce qui spécifie et distingue chacune de ces trois formes d'intégration de la norme sociale à la personne, pour reprendre une expression d'Elias dans La Société de cour ?
      The production of desire is informed by the fact that the affective subject is inscribed in a time, a culture, a social milieu, and is dependent on different forms of socialization that dispose or incline a person to desire this or that thing. The three theories we propose to compare point to the mainly social origin of the defenses raised by drive nature. This emotional transformation is called cultural frustration ( Kulturversagung) by Freud and total integration or repression by Adorno and Horkheimer, while Elias also calls it repression and suppression of “libidinal valences” ( Dämfung der Triebe), but in the sense of an increased capacity for self-control ( Selbstkontrolle) or self-constraint ( Selbstzwänge). What specifies and distinguishes each of these three forms of integration of the social norm into the person, to borrow an expression from Elias's work, The Court Society?
    • Les besoins : une mise à l'épreuve de la psychanalyse par la Théorie critique - Katia Genel, Agnès Grivaux p. 53-70 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article se propose de revenir sur l'apport de la psychanalyse à l'élaboration de la théorie sociale critique développée par Adorno et Horkheimer. Pour en éclairer la spécificité, il se consacre à l'étude de la théorie des besoins que ces auteurs élaborent dans les années 1940, qui vise à élucider comment il est possible de satisfaire socialement les besoins de tous sans reconduire la domination de la nature. L'article démontre la contribution de la psychanalyse au développement de cette théorie, qui se constitue dans un dialogue avec les notions freudiennes d'autoconservation et d'étayage. Il entend détailler comment la théorie des besoins permet de mettre en lumière la façon dont cette théorie sociale critique met à l'épreuve la théorie freudienne des pulsions : le concept de besoin s'établit dans la théorie sociale par l'intermédiaire d'une confrontation avec la naturalité propre à la pulsion, et permet à la théorie sociale d'élaborer un concept de nature dans lequel nature interne et nature externe sont articulées et différenciées.
      This article revisits the contribution of psychoanalysis to the development of the critical theory of society developed by Adorno and Horkheimer. To shed light on the specificity of this contribution, it focuses on the study of the theory of needs elaborated by these authors in the 1940s, which aimed to elucidate the possibility of satisfying the needs of everybody at a social level, without perpetuating the domination of nature. The article examines the contribution of psychoanalysis to the development of this theory, which was constituted in a dialogue with the Freudian notions of self-preservation and anaclisis (Anlehnung). It shows that their theory of needs allows their critical theory of society to put the Freudian theory of drives to the test: their social theory elaborates its concept of need through a confrontation with the naturalness proper to the drive, which in turn allows it to articulate and differentiate internal and external nature in an ingenious manner.
    • Freud et la logique de l'aveuglement dans les « Éléments de l'antisémitisme » de Horkheimer et Adorno - Pierre-François Noppen p. 71-98 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose un examen de la conception controversée de l'« antisémitisme politique » que développent Horkheimer et Adorno. En l'essence, ma lecture retrace leur appropriation critique de Freud. Je montre d'abord comment ils puisent dans Totem et tabou pour défendre qu'un interdit de la mimèsis, ou de l'imitation, est au cœur du processus des Lumières. Je montre ensuite comment ils s'appuient sur la conception freudienne de l'identification et de la formation du moi pour défendre que l'imitation est néanmoins ce qui permet la formation du sujet et le processus des Lumières. Selon ma lecture, cette tension crée les conditions nécessaires à l'émergence de l'antisémitisme politique.
      This paper examines Horkheimer and Adorno's controversial account of “political anti-Semitism.” In essence, my reading tracks their critical appropriation of Freud. I first show how they draw on Totem and Taboo to show that at the core of the Enlightenment process lies a prohibition on mimesis, or imitation. I then show how they rely on Freud's notion of identification and ego formation to claim that imitation is nevertheless what enables the formation of the rational self and the Enlightenment process. In my reading, this tension creates the conditions for political anti-Semitism to emerge.
    • L'hygiène mentale selon Heinrich Meng : En marge de l'Institut de recherche sociale et de ses réseaux - Emmanuel Delille p. 99-116 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution apporte des éclaircissements sur le rôle du médecin et psychanalyste Heinrich Meng dans les réseaux de l'Institut de recherche sociale, en particulier sur sa perspective hygiéniste en santé mentale. Directeur adjoint de l'Institut de psychanalyse de Francfort au côté de Karl Landauer, Meng fut le porteur d'un programme de réformes sociales et de prévention appelé Psychohygiene, une conception de l'hygiène mentale adossée à la psychanalyse. Ce cadre de référence explique pourquoi et comment Meng a surtout été force de propositions en prophylaxie plutôt qu'en théorie, à l'unisson avec les pédagogues et les associations engagées dans la prévention en santé mentale. Même si Meng fut l'éditeur de nombreux ouvrages de psychanalyse appliquée aux institutions sociales, il est resté en marge de la Théorie critique, à la fois à l'écart des sciences sociales et en dehors des premiers cercles de l'institut en exil.
      This contribution sheds light on the role of the physician and psychoanalyst Heinrich Meng in the networks of the Institute for Social Research, and in particular on his approach to mental hygiene. As deputy director of the Frankfurt Psychoanalytic Institute, working alongside Karl Landauer, Meng was the leader of a program of social reform and prevention called Psychohygiene; the term refers to a conception of mental health based on psychoanalysis. This frame of reference illuminates why and how Meng tended to be a source of proposals for prophylaxis rather than of theory, in unison with educators and associations involved in prevention in the field of mental health. Although Meng was the editor of many books on psychoanalysis applied to social institutions, he remained on the fringe of critical theory, outside both the social sciences and the inner circles of the Institute's members in exile.
    • Introduction aux conférences d'Adorno sur Freud : Los Angeles, 1948 - Marion Maurin, Aurélia Peyrical p. 117-121 accès réservé
    • Psychanalyse et sociologie : [Traduction inédite de deux conférences états-uniennes d'Adorno sur Freud] - Theodor W Adorno, Marion Maurin, Aurélia Peyrical p. 123-138 accès réservé
    • Introduction à « Ernst Simmel et la philosophie freudienne » de Max Horkheimer - Bruno Quelennec p. 139-144 accès réservé
    • Ernst Simmel et la philosophie freudienne : [Traduction inédite] - Max Horkheimer, Benjamin Lévy p. 145-152 accès réservé
  • Varia

    • L'institution imaginaire de la société chez Thomas Hobbes - Odile Tourneux p. 153-165 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La notion d'imagination est centrale dans l'œuvre de Thomas Hobbes et pourtant sous-étudiée. Derrière une apparente homogénéité du corpus, la notion d'imagination subit des évolutions importantes au fil des décennies. Hobbes la comprend peu à peu comme une activité indissociablement cognitive et affective. L'intérêt pour le rôle des affects dans la vie mentale va conduire Hobbes à placer l'imagination au cœur de son anthropologie et de son système politique. Cet article défend l'idée selon laquelle Hobbes fait de l'imagination le fondement de l'institution sociale et politique.
      Although the notion of imagination is central in the work of Thomas Hobbes, it is understudied. Despite the corpus' apparent homogeneity, the notion of imagination changes significantly over the decades. Hobbes gradually comes to understand the imagination as an inseparably cognitive and affective activity. Eventually, his interest in imagination leads him to place it at the heart of his anthropology and his political system. This article argues that Hobbes makes the imagination the foundation of the social and political institution.
    • La peine et la perte chez Adam Smith : Une psychologie morale du deuil - Claire Etchegaray p. 167-188 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Adam Smith qualifie de selfish l'expérience affective du deuil qui prend en anglais le nom de grief. D'après Patrick Frierson, Smith a pourtant bien conscience que nous sommes peinés par la perte d'un être qui avait à nos yeux une valeur intrinsèque et non une simple valeur instrumentale. Mais alors, pourquoi qualifier la peine de selfish ? Pour répondre, nous mettons en regard la conception de Smith et l'approche de Lord Kames sur la peine. Puis nous expliquons pourquoi cette selfishness n'empêche pas la peine d'être moralement approuvée. Enfin, nous montrons que Smith en vient à proposer une délicate psychodynamique du deuil.
      Adam Smith says that grief is a “selfish” passion. Yet according to Patrick Frierson, Smith acknowledges that we experience grief upon losing a person who, in our eyes, has intrinsic value and not simply instrumental value. Why, then, qualify grief as “selfish”? Our answer is drawn from a comparison between two notions of grief, that of Smith and Lord Kames. We then explain why grief, although selfish, may be morally approved. Finally we show that Smith gives an outstanding account of the grieving process and we compare Smith and the Stoics on this matter.
    • Analyse collective et consciousness-raising : Deux techniques de transformation de soi autour de 1968 - Daniel Loick, Lea Gekle, Salima Naït Ahmed p. 189-202 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le contexte des révoltes de Mai 68, certains groupes politiques ont développé des techniques collectives de transformation de soi. On en explore ici deux versions : « l'analyse de groupe », inspirée par la psychanalyse et pratiquée dans le mouvement étudiant ouest-allemand, et le consciousness-raising, utilisé par les féministes radicales étasuniennes. En comparant ces pratiques, on montre que le problème qu'elles posent a concerné un mauvais choix de méthode et non la discussion collective des affects individuels, désormais incriminée par certains récits rétrospectifs sur Mai 68 et critiques libérales. Contre ces dernières, on conclut par une brève défense de la politisation des formes de vie.
      This paper explores two different techniques of self-transformation that emerged in the context of the revolts of 1968, namely “group analysis,” a version of psychoanalytic self-transformation, practiced in the west-German student movement, and “consciousness-raising,” as developed and practiced by radical feminists in the US. By comparing these two practices, I hope to show that the problem with some techniques for socially mediating the individual will arises from a poor choice of methods, and not from the collective discussion of individual affects, as many retrospective accounts of the '68 era now suggest. I conclude with a brief defense of the politicization of forms of life against its liberal critics.
  • Notes de lecture

  • Bulletin