Contenu du sommaire : Histoire économique de la Russie au début de l'époque moderne

Afin de combler les lacunes – dues à l'absence de livres de douane pour un certain nombre de grands marchés – que présentent les sources sur l'histoire du commerce en Russie au XVIIe siècle, l'auteur a procédé à une analyse complexe de livres de comptes de monastères. L'article présente les résultats de cette expérience. L'examen de l'histoire du commerce du sel au sein des monastères de Vologda, Soloveckij, Spaso-Priluckij et Kirillo-Belozerskij, et la comparaison de ces données entre elles et avec les informations livrées par le seul fragment connu du livre de douane de Vologda de 1634-1635 ont permis de démontrer tant le potentiel que les limites d'une telle approche. Certes, celle-ci permet, sous certaines conditions, de rétablir certains indicateurs clés des marchés de matières premières avec un degré de fiabilité suffisant. Toutefois, elle n'autorise pas à juger de l'évolution à long terme des échanges sur le marché d'une ville ou d'une région dans son ensemble, puisqu'elle ne traduit pas la dynamique du chiffre d'affaires des différents groupes de marchandises. Une telle recherche nécessiterait de nouvelles méthodes d'investigation qui restent à élaborer.

Les auteures se basent sur les archives du monastère Kirillo-Belozerskij pour esquisser un parallèle entre les données sur l'approvisionnement et la consommation de céréales et d'autres types d'aliments et la géographie des relations commerciales avant le Temps des Troubles, pendant le siège du monastère Kirillo-Belozerskij et la période qui a suivi ; elles explorent ainsi les caractéristiques de l'économie locale dans le cadre du grand espace économique de l'État moscovite pendant la crise systémique aiguë du début du XVIIe siècle. Une analyse de ce système micro-économique a permis de retrouver les liens les plus forts, la structure d'approvisionnement des points de vente distincts, et aussi de retracer les changements induits par les restrictions externes provoquées par une crise sociopolitique aiguë. Les matériaux de cette communauté locale permettent de révéler la nature transitoire de l'économie de la Moscovie au début du XVIIe siècle.

Cette étude est basée sur les livres de comptes des entreprises productrices de sel du monastère Spaso-Priluckij de Vologda, situées dans trois zones géographiques et climatiques différentes de la grande région du Nord russe. Se fondant sur deux approches théoriques, le concept d'espace imaginaire et l'histoire de l'alimentation, l'article tente d'explorer la formation et les caractéristiques de l'espace économique de la partie nord de l'État de Moscou au début de l'époque moderne à travers l'analyse des marchés locaux de consommation alimentaire. En combinant l'optique de ces approches avec la méthodologie classique de l'analyse des sources, l'auteure cherche à montrer quelles étaient les pratiques d'organisation de l'approvisionnement des unités économiques locales (industries), comment le facteur spatial influençait les processus d'approvisionnement alimentaire de ces unités et, enfin, comment la consommation s'organisait dans les différentes unités économiques locales.

L'article cherche à montrer que l'interprétation des données contenues dans un registre cadastral de la fin du XVe siècle dépend de la capacité du lecteur à comprendre la technique comptable des rédacteurs du registre et les circonstances dans lesquelles les résultats comptables y ont été portés. On constate que les montants des sommes prélevées au titre de l'impôt en grain ont été systématiquement raturés et corrigés dans le cadastre de Šelon du territoire de Novgorod. L'analyse de ces ratures, placée dans le contexte de l'histoire du prélèvement de l'impôt en grain et comparée aux données correspondantes dans les registres des autres, permet de découvrir la cause des corrections. L'impôt en grain comme titre de revenu sur les terres à redevance est apparu grâce au succès du « nouveau cadastrage » : au lieu de reporter les sommes inscrites dans les documents anciens et vérifiées par la pratique, de nouveaux calculs ont été faits pendant la rédaction du registre de Šelon´. On observe ainsi que le « nouveau cadastrage » a augmenté la capacité du gouvernement à estimer plus finement la production du fermage paysan et, partant, contribue aussi à mieux appréhender l'essence de la « réforme administrative de 1500 » sur le territoire de Novgorod.

L'article analyse les pratiques d'emprunts et de prêts privés au début du XVIIIe siècle à Moscou et remet en question toute hypothèse selon laquelle il ne se serait agi principalement que de transactions commerciales entre commerçants et artisans. De fait, ces pratiques ont joué un rôle important pour les Moscovites de toutes les couches sociales dans une économie urbaine en développement. Lors des opérations de prêt ou d'emprunt, chaque groupe de la population avait son propre comportement et l'appartenance à un même statut social a souvent contribué à expliquer le choix des partenaires de ces transactions. Cependant, les hommes et les femmes ont également emprunté et prêté de l'argent à des individus d'autres catégories sociales. En examinant ce type de transactions économiques, l'article révèle certaines pratiques informelles (voire parfois illégales) caractéristiques des prêts et emprunts privés consentis dans la ville de Moscou au début du XVIIIe siècle. Son étude détaillée des transactions en 1702 démontre ainsi la présence d'un marché monétaire actif antérieur à l'existence des banques. Enfin, il retrace également certains liens entre ces arrangements informels et les institutions financières plus formelles apparues ultérieurement avec l'introduction de la première banque au milieu du siècle.

Le modèle d'un État-nation ethniquement homogène propagé à partir du milieu du XIXe siècle s'est accompagné dans toute l'Europe de la « découverte » par les États-nations de leurs enfants comme ressource nationale et politique. L'utilisation des enfants pour la cause nationaliste était un phénomène répandu. À cet égard, les partisans d'un État biélorusse indépendant n'ont pas fait exception. Sous l'occupation allemande, ils ont vu une opportunité de réaliser leur rêve d'un État-nation biélorusse indépendant, un rêve basé sur les enfants en tant que dépositaires de valeurs et en même temps garants de la cohésion nationale. La création d'une communauté nationale linguistiquement homogène a été la première étape cruciale sur la voie de l'État-nation. Les enfants devaient être façonnés en une communauté nationale loyale par l'éducation et par une langue maternelle commune. L'article traite d'une forme de coopération avec les occupants qui visait à exploiter les enfants et les jeunes en tant que capital national et à les élever en tant que membres d'une communauté nationale loyale.

L'article propose une analyse nouvelle et approfondie du Plénum du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique qui se tint en septembre 1989, le premier de l'histoire soviétique à être entièrement consacré aux nationalités. Le plénum, dont les préparatifs durèrent plus d'un an, visait à réviser radicalement la politique soviétique des nationalités pour faire face aux tensions interethniques et aux sentiments nationalistes croissants pendant la perestroïka. Alors que les chercheurs conviennent que le plénum ne sut atteindre ses objectifs ni empêcher la désintégration de l'Union, cet article soutient qu'il mérite d'être examiné à nouveau. Premièrement, la recherche montre comment, pendant la perestroïka, les universitaires, les experts et les membres du parti remirent sérieusement en question les relations fédérales et interethniques existantes. Deuxièmement, l'analyse détaillée des débats du plénum révèle la nette déconnexion entre la phase de préparation – lorsque, à l'aide d'experts, des tentatives furent faites pour trouver des solutions écrites et juridiques à la question nationale – et le plénum lui-même, pendant lequel les débats furent essentiellement de nature politique. Plus généralement, l'article examine les dilemmes auxquels les dirigeants de l'Union faisaient face lors de la recherche d'une solution viable et globale pour traiter la question nationale.L'article s'appuie sur des documents d'archives, notamment le matériel préparatoire du plénum et les lettres adressées au Comité central par des citoyens soviétiques avant l'événement lui-même, récemment mis à disposition aux Archives d'État russes pour l'histoire contemporaine (RGANI). La recherche s'appuie également sur des articles de presse contemporains et la publication officielle du Parti communiste, qui a publié – avec seulement des omissions mineures – les transcriptions sténographiques complètes des discussions des deux jours. Dans sa première partie, l'article suit l'émergence de l'idée de consacrer un plénum du Parti à la politique des nationalités, ainsi que la préparation concrète de celui-ci en 1988-1989. Dans la seconde, il analyse en détail le contenu des débats du plénum. La conclusion rassemble les résultats et esquisse des pistes de recherches futures.