Contenu du sommaire : Écologie populaire dans les périphéries urbaines
Revue | Espaces et Sociétés |
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Numéro | no 188, 2023/1 |
Titre du numéro | Écologie populaire dans les périphéries urbaines |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
I - Écologie populaire dans les périphéries urbaines
- Éditorial. Écologie populaire dans les périphéries urbaines - Philippe Hamman, Laurence Costes p. 11-20
- Quand les grands ensembles deviennent des écoquartiers inégalitaires et normatifs à la périphérie des métropoles - Nadine Roudil p. 21-36 Le registre environnemental et énergétique mobilisé, en France, dans les quartiers du Nouveau programme national de renouvellement urbain ( npnru) apparaît comme un outil de transformation spatiale des grands ensembles en écoquartiers aussi bien que comme un argument de gouvernement des conduites des populations les plus précaires qui y vivent. Les rénovations urbaines engagées à la cité de la Muette, à Garges-lès-Gonesse, et à la cité de la Duchère, à Lyon, soulignent les principes sur lesquels se fonde et s'expérimente une distinction entre « bons » et « mauvais » habitants de la ville durable. Dans les deux écoquartiers étudiés, le repeuplement a été, en vingt ans, générateur d'inégalités sociales alors que le caractère durable de la transformation des grands ensembles prône un modèle d'urbanisme vertueux. Les catégories populaires y connaissent une éviction progressive, chassées par des logiques immobilières auxquelles elles ne peuvent prendre part.The rhetoric on the environment and energy employed in districts covered by France's new national urban renewal programme ( npnru) appear to be a tool for spatially transforming large housing developments into ecodistricts as well as an argument for governing the behaviour of the most precarious populations living there. Taking the cases of the urban renewal projects launched in the Muette housing estate in Garges-lès-Gonesse and the Duchère housing estate in Lyon as examples, this article highlights the principles on which a distinction between good and bad inhabitants of the sustainable city is made and experienced. In the two econeighbourhoods studied, repopulation over the last two decades has become a source of social inequality, despite the fact that the sustainable nature of the changes to the big estates is claimed to be a model of virtuous town planning. The working-class populations there have experienced gradual eviction, driven out by real estate processes from which they are excluded.
- Des écologies sensibles en quartier populaire : Hautepierre, Strasbourg - Laurence Granchamp, Romane Joly p. 37-54 En matière d'écologie, les quartiers périphériques et leurs habitants sont envisagés essentiellement comme contraints par la nécessité, ce qui ne laisserait pas de place à des engagements écologiques propres. Cette invisibilisation tend à être renforcée par les politiques de rénovation urbaine et la politique de la ville, en particulier lorsque des dispositifs urbains tels que les jardins partagés sont mobilisés au service du contrôle de l'espace et des conduites des populations. À rebours de ces approches, nous présentons ici les principaux résultats de la constitution de « cartographies sensibles » réalisées de façon participative, avec des habitants-jardiniers d'un quartier périphérique de Strasbourg, dans le cadre d'un programme de recherche-action sur les expérimentations citoyennes pour la transition écologique. Nous montrons comment les expériences sensorielles fondées sur les rapports quotidiens sont sources d'attachements et supports d'engagements. Nous illustrons, enfin, la diversité des articulations entre écologies sensibles et engagements à travers des portraits de ces habitants-jardiniers.When it comes to ecology, working-class neighborhoods and their inhabitants are seen essentially as constrained by need, leaving no room for specific ecological commitments. This invisibilisation tends to be reinforced by urban rehabilitation policies, especially when urban devices such as shared gardens are used to control space and people's behaviours. We present the main results of a participatory approach consisting in the development of “sensory mappings”, part of a participatory study conducted within the framework of an action-research programme on citizen experiments for ecological transition. We show how sensory experiences founded on everyday gardening activities generate attachments that trigger ecological commitments. Through portraits of these citizen gardeners, we shed light on the diversity of the connections between sensory ecologies and commitments.
- Profils de jardiniers. Pratiques, motivations et représentations du jardinage dans les jardins familiaux - Francesca Di Pietro, Emmanuèle Gardair, Marion Poiré p. 55-74 Les jardins familiaux sont des espaces semi-naturels en milieu urbain et périurbain. À l'heure de l'interdiction des pesticides dans le jardinage amateur, l'étude conduite examine les liens entre la diversité sociospatiale des jardiniers et leurs pratiques horticoles, motivations et représentations du jardinage, avec une attention particulière portée à l'utilisation des pesticides et à la gestion de la flore spontanée. L'analyse d'entretiens semi-directifs réalisés auprès de 30 jardiniers montre des variations corrélées aux profils sociodémographiques de ces derniers. L'examen de leurs discours révèle une différence selon la densité d'urbanisation autour du jardin : la responsabilité de l'utilisation de pesticides est attribuée à l'agriculture commerciale dans les espaces densément urbanisés et aux autres jardiniers dans ceux un peu moins urbanisés. La tolérance de la flore spontanée est plus élevée chez les jardiniers plus aisés, qui semblent avoir moins besoin que les autres de contrôler leur milieu physique.Allotment gardens are semi-natural spaces located in urban or suburban areas. With pesticides banned in hobby gardening, this paper investigates the links between the sociospatial diversity of gardeners and their gardening practices, motivations for gardening and perceptions of gardening, with particular emphasis on the use of pesticides and the management of spontaneous flora. The analysis of semi-structured interviews carried out with 30 gardeners shows a coherent gradient relative to the gardeners' sociodemographic profiles. An analysis of their discourse reveals differences according to the density of urbanisation in the neighbourhood where the garden is located: responsibility for the use of pesticides is attributed to commercial agriculture in densely urbanised areas, and to other gardeners in slightly less urbanised areas. The acceptance of spontaneous flora is greater among wealthier gardeners, who seem to have less need than their more modest counterparts to control their physical environment.
- Les figures du militantisme environnemental périurbain. Un engagement, plusieurs logiques d'action - Elodie Dupuit p. 75-91 L'engagement dans le périurbain est le plus souvent réduit à des causes défensives et est, ce faisant, présenté comme éloigné de l'écologie. Ainsi, les dynamiques collectives en faveur de l'environnement dans ces espaces demeurent un objet peu étudié. En particulier, les logiques d'action des militants écologistes périurbains restent méconnues. Pourtant, ces mobilisations constituent un lieu d'engagement important pour les classes moyennes et populaires résidant dans ces espaces. Cet article s'appuie sur une enquête ethnographique menée au sein de deux associations de défense de l'environnement, situées dans le quadrant sud-est du périurbain lyonnais, et qui se mobilisent, entre autres, pour le développement du transport en vélo au quotidien. Une typologie qui distingue cinq profils de militants rend compte de leurs caractéristiques sociales ainsi que des raisons de leur engagement.In academic research, the study of peri-urban activism is usually restricted to defensive causes and is rarely associated with environmental concerns. As a result, there are relatively few studies on citizen activism around environmental issues in peri-urban areas. In particular, the motivations that drive environmental action are poorly understood. Nevertheless, environmental activism is an important area of public engagement for middle-class and working-class residents of peri-urban neighbourhoods. This paper presents the findings of field research within two environmental organisations in peri-urban Lyon, France. Both organisations aim to develop cycling as a viable transport alternative. Drawing on the findings of the study, a typology of five types of activist was created, each with their own motivations and sociodemographic characteristics.
- La fabrique politique du covoiturage périurbain - Nacima Baron-Yellès p. 93-111 Les territoires périurbains accueillent un nombre croissant d'initiatives citoyennes de partage des trajets en automobile. Parallèlement, la loi d'Orientation des mobilités promeut l'organisation du covoiturage de proximité par des intercommunalités dotées d'une compétence propre. L'article s'appuie sur des enquêtes de terrain et l'analyse des prises de paroles publiques des maires de villes de Bretagne et des Pays de la Loire. Cette zone du Grand Ouest présente un peuplement rural relativement dense et de fortes solidarités entre hameaux, bourgs et villages. Ce travail révèle que, dans ce paysage singulier, la voiture en partage se prête particulièrement à une lecture du système énergétique et politique périurbain depuis les figures de l'abondance et de la rareté. Loin de refléter la prégnance du cadrage normatif, cette étude de terrain tend à montrer combien les parties tentent d'abord de préserver les attachements socio-spatiaux et de pérenniser un style de vie.Suburban areas are home to a growing number of citizen carpooling initiatives. At the same time, French law (Loi d'orientation des mobilités) promotes the organisation of short distance carpooling by intermunicipal bodies endowed with their own powers. This article draws on field surveys and discourse analysis on public statements by the mayors of towns in Brittany and Pays de la Loire, an area of western France where the rural population is relatively dense and there are strong solidarities between hamlets, towns and villages. The article shows that carpooling is particularly well suited to a reading of the periurban energy and political system in terms of levels of abundance and scarcity. Far from reflecting the influence of the normative framework, this study tends to show how the stakeholders first try to preserve socio-spatial attachments and to maintain a lifestyle.
- Coproduire une gestion écologique de l'eau : échanges entre universitaires et habitants en périphérie de Mexico - Amaël Marchand p. 113-128 À la croisée des recherches menées sur les coalitions environnementales et sur la territorialisation des enjeux environnementaux, cet article analyse les ressorts de l'alliance unissant des habitants de quartiers populaires et des universitaires militants autour de l'élaboration d'une gestion écologique de l'eau en périphérie urbaine de Mexico, ainsi que ses effets quant aux (ré)appropriations du territoire. En s'appuyant sur des matériaux qualitatifs (corpus technique, entretiens et observations) issus d'une enquête sociologique de longue durée, il montre comment la planification écologique constitue une interface entre ces deux groupes sociaux, le support d'un système d'échanges de ressources symboliques et matérielles face aux pouvoirs publics, et le fondement d'une convergence cognitive autour de la définition et de l'interprétation de l'espace.At the interface between research on environmental coalitions and on the territorialisation of environmental issues, this article analyses the sources of this alliance between the inhabitants of working-class neighborhoods and activist academics around the development of ecological water management on the urban outskirts of Mexico City, as well as its effects on territorial (re)appropriation. Drawing on qualitative materials (technical content, interviews and observations) arising from a long-term sociological survey, it shows how ecological planning creates an interface between these two social groups, a supportive system of exchanges of symbolic and material resources to counter the public authorities, and the foundation of a cognitive convergence around the definition and interpretation of space.
II - Varia
- Simuler l'ailleurs dans des malls au Maroc : sociabilité et appartenances extraterritoriales - Tarik Harroud p. 131-146 Au cours des deux dernières décennies, le développement de centres commerciaux a été encouragé dans le cadre d'une néolibéralisation de l'économie nationale marocaine et de l'ouverture grandissante sur l'investissement international. Lancés par des promoteurs étrangers en association avec des investisseurs nationaux, ces lieux mondialisés sont conçus sur le modèle des malls américains et de ceux des pays du golfe Persique, et reproduisent les mêmes configurations spatiales et architecturales. Leur fonctionnement repose sur l'usage d'un ensemble de mécanismes de canalisation des flux de clients et de visiteurs, mais aussi de simulation d'univers symboliques faisant référence principalement à un ailleurs fantasmé. Sur la base d'une série d'investigations qualitatives conduites sur plusieurs malls situés dans deux grandes villes du Maroc, Rabat et Casablanca, cette contribution analyse la construction matérielle et symbolique de ces équipements marchands et étudie la signification des dispositifs de modélisation mis en place et leur réception sociale. Elle montre comment ces univers à la mode et occidentalisés participent, particulièrement pour certaines catégories de visiteurs (jeunes et femmes), à de nouvelles formes de sociabilité et d'être ensemble dans la ville.Like most southern countries, Morocco has in the last two decades experienced the arrival of giant shopping centers modelled on malls in the US and Persian Gulf. Initiated by foreign developers in partnership with national investors, these places reproduce the same closed configurations and architectural staging as their models. Their operation relies on a set of mechanisms for channelling flows of customers and visitors, but also on a simulation of symbolic worlds referring mainly to a fantasised elsewhere. Drawing on qualitative investigations conducted on several malls located in two large Moroccan cities, Rabat and Casablanca, this article analyses the material and symbolic construction of these commercial facilities and studies the meaning of the simulation devices they implement and the social response to them. The analysis shows how these fashionable and westernised worlds contribute, particularly for some categories of visitors (young people and women), to new forms of sociability, social interaction and togetherness in the city.
- Les grands ensembles de standing vus par leurs habitants : quand l'ancrage fait l'image - Loïc Bonneval, Aurélien Gentil p. 147-164 Le contexte international de retour de la verticalité dans les formes urbaines conduit à réfléchir aux représentations associées à ce type d'immeubles aujourd'hui. En France, on est alors confronté à deux discours peu comparables : celui des promoteurs et des urbanistes sur les projets en cours, donc sans recul historique ; et celui du grand public sur l'image négative liée aux grands ensembles de logements sociaux. En revanche, en s'intéressant aux grands ensembles haut de gamme, peu analysés jusqu'ici, on peut faire ressortir des représentations s'inscrivant dans le temps long, sur des édifices qui n'ont pas connu de processus de paupérisation. À partir de deux études de cas sur des résidences lyonnaises, cet article montre comment les mécanismes d'ancrage d'une partie des résidents, entendus comme les formes d'attachement et d'implication qui concourent à l'inscription durable dans ces logements de générations successives d'habitants, influencent ces représentations et, en particulier, la requalification symbolique et matérielle des immeubles depuis la fin des années 2000.The international return of verticality in urban forms raises questions about the representations associated with these types of buildings today. In France, moreover, we find ourselves caught between two very different discourses: that of the developers and urban planners around ongoing projects, hence without historical perspective; and the wider public discourse around the negative image associated with big social housing estates. On the other hand, by examining big, high-end residential estates, which have so far received little scholarly attention, one can elicit longer term representations of buildings that have not undergone processes of deterioration. Based on two case studies in Lyon, this article shows that the residential trajectories of some of the inhabitants explain the evolution of the narratives around such large luxury residential estates, relating to successive periods: the period of modernity, the period of deterioration, and the period of reconfiguration and rehabilitation.
- Simuler l'ailleurs dans des malls au Maroc : sociabilité et appartenances extraterritoriales - Tarik Harroud p. 131-146
III - Controverse
- Une écologie « populaire » en périphérie urbaine ? - Laurence Costes, Philippe Hamman p. 167-170
- L'écologie populaire circonscrite à la périphérie urbaine ? Au-delà des marges de l'environnementalisme - Caroline Lejeune p. 171-177
- Périphéries urbaines et écologie populaire - Lionel Rougé p. 179-186
IV - Rétrospective
- Aux racines de l'écologie populaire - Denis Bocquet p. 189-197
Compte rendu thématique
- Vers de nouvelles déclinaisons de l'urbain ? - Maurice Blanc p. 199-208
Notes de lecture
- Sophie Brones, 2020, Beyrouth dans ses ruines, Marseille, Parenthèses, 256 pages. - Gilbert Nicolas p. 209-213
- Jean-François Draperi, 2020, Ruses de riches. Pourquoi les riches veulent maintenant aider les pauvres et sauver le monde, Paris, Payot & Rivages, 335 pages. - Maurice Blanc p. 213-215
- Renaud Epstein, 2022, On est bien arrivés. Un tour de France des grands ensembles, Paris, Le nouvel Attila, 144 pages. - Mickael Chelal p. 215-217
- Nicolas Maisetti, Cesare Mattina (dir.), 2021, Maudire la ville : socio--histoire comparée des dénonciations de la corruption urbaine, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 282 pages. - Denis Bocquet p. 217-220
- Collectif Pop-Art, coordonné par Marie-Hélène Bacqué et Jeanne Demoulin, 2021, Jeunes de quartier. Le pouvoir des mots, Caen, C&F éditions, 240 pages. - Maurice Blanc p. 220-221
- Dylan Simon, 2021, Max Sorre, une écologie humaine. Penser la géographie comme science de l'homme ?, Paris, Éditions de la Sorbonne, 319 pages. - Bernard Barraqué p. 222-225
- Angela Giglia (in memoriam) - Jérôme Monnet, Catherine Bidou-Zachariasen p. 227-229