Contenu du sommaire : Vers une nouvelle pensée visuelle

Forgée par le philosophe Rudolf Arnheim en vue de réconcilier les démarches cognitives et esthétiques, la notion de « pensée visuelle » acquiert aujourd'hui, dans la nouvelle conjoncture technoculturelle, une précieuse valeur épistémologique. En effet, outre les déplacements « géologiques qu'elle enclenche au sein des pratiques sociales de communication et de mémoire, en conférant à l'image une identité et une fonctionnalité logiciennes, l'économie informationnelle fait émerger un nouveau type de praxis : l'expérimentation visuelle-virtuelle de l'objet quelconque (empirique ou théorique). Sur la base d'une telle praxis, la notion de pensée visuelle affirmera: 1/La fécondité conceptuelle de la forme visuelle ; 2/La possibilité d'une pratique sensible des « objets de pensée ». Elle désignera alors : 1/l''exercice d'un autre registre d'intelligence (la pensée en tant qu'art); 2/la nécessité d'un autre concept de l'art (l'art en tant que pensée). Elle appelle ainsi l'ouverture de nouveaux espaces de recherche et d'expérimentation visuelles conjuguant la création artistique et l'exploration scientifique.

With the increasingly complex computerization of images, historic categories of representation and already vague artistic criteria are no longer operative. The result is a certain degree of confusion, particularly between art and technology, and even more so between art and science. This article goes far upstream and considers, from an anthropological point of view, the question of contiguity between figurative, verbal and technical thinking, in other words, between figures, words and tools. These different forms of thinking have the same function - simulation. Linguistic symbols and figurative symbols (required in aesthetic perception), notably, are associated or opposed in a mode of differentiated organization within the brain. We try to show what changes in these relations when technology artificially extends natural simulation by numeric simulation. The introduction of simulation models into modes of representation (visual, voiced, gestural), all products of technoscience, profoundly disturb artistic practices and place artists in a totally unusual position - that of no longer operating on raw material from the real world, but on formalized languages which are already interpretations of it - without however ruling out the possibility of continuity with certain existing aesthetic endeavours. A new state of art and of subjectivity corresponds to this new state of images and technology.

Cet article aborde le rôle de la visualisation pour la conception innovante de l'espace au sein de systèmes informatiques. Il se base essentiellement sur les résultats de l'expérimentation de la conception architecturale, artistique et scénographique au sein des systèmes infographiques de simulation des modèles 3D. Ces résultats démontrent l'influence de la pensée visuelle, mais aussi l'importance pour la création spatiale de cette expérience indescriptible de l'espace qui se situe au-dessus de toute pensée logique.

Le visuel, ou ce que l'on "voit", n'épuise pas le tout de l'image. Cette distance entre le fait visible de l'image, et sa réalité essentielle, intelligible, au-delà du visible ne cesse de croître aujourd'hui. Nous proposons le paradigme du virtuel pour tenter de rendre compte de ce qui n'est pas seulement visuel dans une image, pour désigner d'un mot les multiples liens génératifs, opérationnels, fonctionnels, de l'image avec ce qui n'est pas "image" en elle, et qui, de ce fait, la dépasse et l'enrichit de nouvelles manières. Le développement du régime du virtuel pose plusieurs problèmes : - un problème épistémologique : quel rapport neuf le virtuel introduit-il entre le visible et l'intelligible ? Entre le voir et le savoir ? - un problème éthique : quelle vérité donner aux images virtuelles ? Quelles images de soi donner aux autres ? Que faire de l'image des autres ? - un problème ontologique : quel rapport entre l'être et sa représentation virtuelle ? Entre la présence et l'image de la présence ?

Après avoir rappelé les trois notions essentielles d'ordinateur, d'algorithme et enfin de modèle, cet article définit l'Expérimentation Virtuelle, nouvelle approche de la connaissance scientifique, complémentaire de l'Expérimentation de laboratoire. Ses avantages sont décrits, en particulier à l'aide de quelques exemples empruntés à la relativité générale, à la mécanique quantique et à la géométrie fractale. Ses dangers liés, principalement aux erreurs d'arrondi et aux modes de représentation, sont exposés en détail. Un tour d'horizon de l'état de l'art des techniques de l'informatique permet ensuite de décrire concrètement ce concept. Enfin, quelques indications sur ses développements à venir sont données.

Dans cet article extrêmement foisonnant, Martin Jay s'interroge sur la culture visuelle des temps modernes et se penche sur les moments de malaise qui ponctuent notre histoire et les diverses sous-cultures visuelles en lice. Après avoir analysé le perspectivisme cartésien, qui fut longtemps le régime dominant de la modernité, Martin Jay s'attarde sur l'art de la description cher aux Flamands, puis sur l'exubérance baroque afin, peut-être, de mieux repousser toute tentation de restaurer un ordre de valeur soucieux de définir un voir prétendument vrai. Ainsi pourrions-nous laisser la part belle à une pluralité de régimes sco- piques débordant de possibilités.

Dans Les théories électriques en France 1870-1900 - « La contribution des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs à la construction de la théorie de Maxwell », thèse de doctorat d'histoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales soutenue en septembre 1992, nous nous attachons à analyser la fabrication de la théorie de l'électromagnétisme « classique » en France. Replaçant dans le contexte scientifique, institutionnel et social français de l'époque, les travaux français, les lectures d'articles ou d'ouvrages étrangers, notamment le Traité d'électricité et de magnétisme publié par Maxwell en 1873, l'objectif est de prendre en compte toutes les contributions, tous les acteurs : les mathématiciens (la physique théorique n'existe pas à cette époque), les physiciens expérimentateurs et les ingénieurs (plus particulièrement les spécialistes de la première technique électrique à se développer, la télégraphie). Le rapide aperçu présenté ici met l'accent sur la question, toujours actuelle, des rapports entre science et technique, sur les conceptions de la « science » mises en pratique par les différents acteurs de la France de la deuxième moitié du XIXe siècle

Le statut de l'image a traditionnellement suscité la défiance des intellectuels qui lui dénient souvent toute fonction heuristique, cognitive ou critique. Aussi faut-il rappeler la place que l'image a prise dans les théories de l'Ecole de Francfort. Pour deux hommes de cette époque, Kracauer et Benjamin, la réalité moderne est une construction qui ne se laisse appréhender qu'à l'aide de techniques d'enregistrement et d'écriture qui lui sont appropriées. Dans ce cadre, la photographie ou le cinéma en tant que medium constituent des outils d'investigation de l'expérience moderne, malgré l'hostilité aux images que perpétuent certains philosophes comme Adorno. Quel écho peut encore subsister de ces thèses critiques à l'heure où l'on s'interroge sur les « réalités » virtuelles ?