Contenu du sommaire : Manifeste de philosophie sceptique
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 86, no 3, juillet-septembre 2023 |
Titre du numéro | Manifeste de philosophie sceptique |
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- Éditorial - p. 3-4
Dossier
- Manifeste de philosophie sceptique : Réflexions sur l'Enquête de David Hume. Avant-propos - Benoît Gide p. 5-10
- Structure, cibles et enjeux de la critique humienne du raisonnement causal : La section IV de l'Enquête sur l'entendement humain - Sophie Bergont p. 11-28 Cet article consiste en un commentaire suivi de la section IV de l'Enquête sur l'entendement humain. Il poursuit trois finalités : expliciter la structure de l'argumentation sceptique par laquelle Hume déconstruit la rationalité de l'inférence causale, éclairer le texte par certaines mises en perspectives historiques (en confrontant notamment Hume à Locke) et mettre en évidence le geste d'approfondissement de l'empirisme qui s'y joue : la théorie sceptique du raisonnement causal ne peut être atteinte qu'en dépassant l'expérience courante et immédiate que chacun fait de son entendement.This paper consists of a commentary on Section 4 of An Enquiry Concerning Human Understanding. It has three aims: to explain the structure of the skeptical argument by which Hume deconstructs the rationality of causal inference, to shed light on the text by putting it into historical perspective (by opposing Hume to Locke, in particular), and to highlight the gesture of deepening empiricism that is at work here: the skeptical theory of causal reasoning can only be reached by going beyond the ordinary and immediate experience that one has of one's understanding.
- Hume et la question de la nature de la croyance - Richard Glauser p. 29-46 (1) Alors que Hume distingue plusieurs sortes de propositions, nous expliquons pourquoi il se focalise sur l'inférence causale lorsqu'il examine la nature de la croyance. (2) Après avoir considéré les réponses qu'il écarte concernant la nature de la croyance, nous étudions sa solution. (3) Nous dégageons les implications de sa position, dirigée entre autres contre la théorie cartésienne du jugement. (4) Une interprétation du rôle asymétrique de la croyance par rapport aux passions et à l'action est proposée. (5) La position de Hume au sujet de la nature de la croyance, pensons-nous, rencontre une difficulté : elle est peu apte à rendre compte de la nature de la croyance existentielle négative.(1) Although Hume distinguishes several sorts of propositions, we explain why he focuses on causal inferences when he examines the nature of belief. (2) After considering the answers that Hume rejects concerning the nature of belief, we discuss his solution. (3) We highlight certain implications of Hume's conception of the nature of belief, which is implicitly directed against Descartes's theory of judgment. (4) We suggest an interpretation of the asymmetric role of belief in relation to passions and to action. (5) Hume's position seems to meet with a difficulty: it seems ill-suited to account for the nature of negative existential beliefs.
- Liberté et nécessité chez Hume : Une solution sceptique de réconciliation - Benoît Gide p. 47-70 En quel sens le scepticisme causal de Hume permet-il la solution qu'il revendique au problème de la liberté et de la nécessité ? D'abord, on soutient qu'une interprétation épistémologique (et non sémantique) de ce scepticisme suffit au nécessitarisme proposé. Ensuite, on soutient que, parce qu'il s'accompagne d'une explication naturaliste de l'inférence, ce scepticisme rend raison de l'imputation morale requise par la défense d'un compatibilisme. Le caractère sceptique de ce naturalisme permet de qualifier l'ensemble du propos humien de solution sceptique de réconciliation.How does Hume's skepticism concerning necessary connections allow for his solution to the question of liberty and necessity? First, we claim that an epistemological (rather than semantical) reading of this skepticism is sufficient to allow for the necessitarian element of the solution. Then, we claim that the compatibilist element of it depends on Hume's naturalistic explanation of the inference of the mind from actions to motives. Because this naturalist explanation is itself skeptical in nature, we finally qualify Hume's overall answer to the problem of liberty and necessity as a reconciling skeptical solution.
- Peut-il y avoir devoir moral sans religion ? : Question au fil des deux Enquêtes de David Hume - Catherine Dromelet p. 71-90 Dans son Enquête sur l'entendement humain, Hume démontre que la religion ne possède aucune autorité épistémique et ne devrait donc pas dicter les principes de la morale. Pourtant, il constate qu'elle semble effectivement exercer une influence sur les actions humaines et possède donc une autorité morale. L'Enquête sur les principes de la morale consiste à présenter l'origine séculaire de la morale et donc le fait que la religion n'y joue aucun rôle. En même temps, Hume emploie des métaphores et analogies religieuses lorsqu'il parle de l'autorité morale des institutions sociales. Le présent article tente de déterminer la position de Hume par rapport à l'autorité morale de la religion en clarifiant sa théorie du devoir moral et en interprétant le sens de son vocabulaire religieux dans le cadre de sa philosophie antireligieuse.In An Enquiry Concerning Human Understanding, Hume argues that religion does not possess any epistemic authority; therefore, it should not dictate our moral principles. But Hume also observes that religion has an impact on human behavior, which is why it may indeed have some moral authority. The Enquiry Concerning the Principles of Morals aims to show the secular origin of morality and to emphasize that religion doesn't play any role in it. At the same time, Hume introduces religious metaphors and analogies when addressing the moral authority of social institutions. In this article I discuss Hume's stance toward the moral authority of religion by examining his theory of moral duty and interpreting his use of religious vocabulary in the context of his secular moral philosophy.
- Que faire du scepticisme ? : Une enquête humienne sur son sens et son absurdité - Claire Etchegaray p. 91-112 Dans la section XII de l'Enquête sur l'entendement humain David Hume s'interroge sur le sens et de l'absurdité du scepticisme. Il distingue différentes espèces de scepticisme dont nous examinons, pour chacune d'elles, l'intelligibilité. Celle-ci peut en effet être sémantique, pragmatique ou pratique. Un essai de jeunesse de Hume sur l'idéal chevaleresque, jusqu'ici peu exploité, nous y aide. Nous interprétons alors les deux formes de « scepticisme mitigé » en analysant leurs affections caractéristiques : la modestie intellectuelle et le goût critique. Cela nous permet de répondre à une question débattue du commentaire : le scepticisme mitigé est-il modéré ? Finalement, l'enjeu de la réflexion humienne sur le sens du scepticisme n'est pas de donner une réponse épistémologique au scepticisme mais d'en répondre, en prenant en compte l'expérience de son vertige existentiel.In Section XII of An Enquiry Concerning Human Understanding, Hume examines the meaning and absurdity of skepticism, distinguishing different species of skepticism. In this article, we consider the intelligibility of each species, which may be semantic, pragmatic, or practical in nature, and specify which type of intelligibility is lacking in each species. Hume's early essay on chivalry proves to be unexpectedly helpful. We then offer an interpretation of the two forms of “mitigated skepticism” by analyzing their characteristic features: intellectual modesty and critical taste. This analysis enables us to give our own answer to a question under discussion: Is mitigated skepticism moderate? Though intellectual modesty and critical taste are calm passions, they have radical effects. Thus, we show how Section XII can shine a new light on the question of what to do with skepticism, though it does not provide any epistemological answer to skeptical vertigo.
Varia
- Peut-on seulement savoir ce qu'est le corps ? : Trois divergences entre Leibniz et Huygens (correspondance de 1692 à 1695) - Arthur Caillé p. 113-130 Malgré l'intérêt de Leibniz pour la physique de Huygens, leur correspondance entre 1692 et 1695 renferme plusieurs divergences révélatrices de deux ontologies différentes des corps. Selon Leibniz, les lois de Kepler peuvent être expliquées par une circulation harmonique, alors que Huygens substitue à celle-ci une pesanteur intrinsèque des corps. De plus, pour Huygens, il y a une extension dépourvue de tout corps et pourtant matérielle, ce qui n'est pas compatible avec la métaphysique de Leibniz. Enfin, Huygens explique la cohésion des corps par des atomes extrêmement durs ; Leibniz rejette de telles entités, mais complète les lois du mouvement relatif par un niveau substantiel au-delà de l'étendue.Despite Leibniz's interest in Huygens's physics, their 1692–1695 correspondence contains several disagreements, which reveal two different ontological conceptions of bodies. According to Leibniz, Kepler's laws can be explained by a harmonic circulation, while for Huygens the explanation lies in the intrinsic heaviness of bodies. Moreover, for Huygens, there is an extension that has no body but that is nonetheless material, an opinion incompatible with Leibniz's metaphysics. Finally, Huygens explains bodily cohesion by absolutely hard atoms; Leibniz rejects such entities, but completes the laws of relative motion by a substantial level beyond extension.
- La métaphysique est politique : Nature, liberté et finalité chez Jules Lagneau - Raphaël Ehrsam p. 131-158 Pour Lagneau, la philosophie coïncide avec la métaphysique. Cette thèse, Lagneau la veut solidaire de l'idée selon laquelle le travail philosophique fondamental pourrait et devrait être indépendant de tout engagement politique. À rebours, le présent article vise à promouvoir une lecture matérialiste et critique de l'histoire de la métaphysique ; il étudie les réflexions cosmologiques, psychologiques et théologiques de Lagneau afin de faire apparaître leur solidarité avec le positionnement naturaliste, « libéral-conservateur », paternaliste et antidémocratique de la métaphysique de Lagneau.For Lagneau, philosophy and metaphysics are one and the same. By making such a claim, Lagneau defends the view that fundamental philosophical thinking is, and ought to be, independent of all political commitment. Conversely, this paper argues that there should be room for a critical materialist reading of the history of metaphysics. It therefore construes Lagneau's cosmological, psychological, and theological ideas so as to make explicit their connection with his naturalistic, conservative, paternalistic, and anti-democratic positioning.
- Peut-on seulement savoir ce qu'est le corps ? : Trois divergences entre Leibniz et Huygens (correspondance de 1692 à 1695) - Arthur Caillé p. 113-130
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