Contenu du sommaire : Les essais nucléaires français : enjeux internationaux et transnationaux

Revue Relations internationales Mir@bel
Numéro no 194, juillet-septembre 2023
Titre du numéro Les essais nucléaires français : enjeux internationaux et transnationaux
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  • Pour une histoire globale et comparée des essais nucléaires - Renaud Meltz, Manatea Taiarui, Alexis Vrignon p. 3-10 accès réservé
  • Comment cacher un nuage ? L'organisation du secret des essais atmosphériques français (1957-1974) - Thomas Fraise p. 11-26 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Comment organiser le secret autour d'une activité aussi remarquable, et aussi sensible, que des essais nucléaires atmosphériques ? Comment contrôler l'information quand celle-ci est – littéralement – transportée par le vent ? Basé sur des sources primaires, cet article se penche sur le régime original de secret organisé autour des sites d'essais français entre 1957 et 1974, et sur les enjeux qu'il pose en termes de contrôle de l'information et de la démocratie. Il montre comment le souci de protéger les « secrets stratégiques » de l'arsenal français, pourtant impossibles à garder, se combinait avec celui de dissimuler des « secrets inavouables » – les mesures de radioactivité – rendant ainsi invisible l'étendue de la contamination radioactive.
    How can one organize secrecy around an activity as remarkable, and as sensitive, as atmospheric nuclear testing? How can one control information that is –literally– carried on the wind? Based on primary sources, this article examines the original regime of secrecy organized around the French test sites between 1957 and 1974, and the issues it raises in terms of information control and democracy. It shows how the concern over the protection of “strategic secrets” around the French arsenal, though impossible to keep, was combined with one of concealing “dark secrets” –the measurements of radioactivity– thus rendering the extent of the radioactive contamination invisible.
  • Le soutien britannique aux essais français pendant la décolonisation africaine (1959-1960) : un paradoxe - Chloë Mayoux p. 27-47 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    En 1959, alors que la pression internationale monte contre le projet d'essais nucléaires français au Sahara algérien, la Grande-Bretagne se retrouve face à une situation unique : il lui faut préserver ses relations avec la France sans sacrifier ses perspectives d'amitié avec le Nigeria, qui se prépare à l'indépendance. Tentant de résoudre ce dilemme, les Britanniques produisent, en l'absence d'informations précises sur les projets français, des arguments techniques en garantissant la sûreté . Lorsque les retombées du premier tir, Gerboise Bleue, atteignent le Nigeria en février 1960, les Britanniques consolident a posteriori le récit sur l'innocuité des essais français . En restituant la chronologie serrée des mois qui ont entouré le premier essai français à l'aide d'archives multinationales, cet article en propose une histoire comparée et croisée qui met l'accent sur le contexte de la décolonisation africaine.
    In 1959, as international opposition to planned French nuclear tests in the Algerian Sahara grew, Britain was faced with the unique situation of having to preserve its relationship with France whilst securing post-independence ties with Nigeria, soon to become independent. In its attempt to overcome this dilemma, and in the absence of precise information about French plans, Britain produced technical arguments which suggested that tests in the Sahara would be safe. When fallout from Gerboise Bleue, the first French nuclear test, reached Nigeria in February 1960, Britain consolidated the narrative on the safety of these tests ex post facto. Based on multinational archival documents, this article reconstructs the tight timeline of the months surrounding Gerboise Bleue. In doing so, it offers a comparative and connected history which pays particular attention to the context of African decolonisation.
  • L'Europe occidentale et les essais nucléaires français dans les années 1960 et 1970. : « Preuve d'indépendance » ou « triomphalisme militaire pathétique » ? - Nicolas Badalassi p. 49-63 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La géographie des réactions ouest-européennes aux essais nucléaires français dans le Pacifique procède d'une conjonction de facteurs politiques, stratégiques et culturels exacerbés par les ruptures de la fin des années 1960 et du début des années 1970, tels l'essor de l'environnementalisme, l'émancipation de la jeunesse, la fin des processus de décolonisation, le renouveau du tiers-mondisme, mais aussi la détente Est-Ouest, qui favorise le neutralisme et déplace les tensions vers la Méditerranée, le Moyen-Orient et l'Afrique. Il en résulte une fracture européenne Nord-Sud qui laisse percevoir une Europe méridionale largement acquise à la cause française, tandis que c'est du Nord que proviennent les principales critiques, à deux exceptions près : le Royaume-Uni et la RFA.
    The geography of Western European reactions to French nuclear tests in the Pacific stems from a conjunction of political, strategic and cultural factors exacerbated by the ruptures of the late 1960s and early 1970s, such as the rise of environmentalism, the emancipation of youth, the end of the decolonization process, the revival of Third Worldism, but also East-West detente, which favored neutralism and shifted tensions towards the Mediterranean, the Middle East and Africa. The result was a North-South European divide that suggested a southern Europe largely won over to the French cause, while the main criticisms came from the Northern part of the continent, with two exceptions: the United Kingdom and the FRG.
  • Les essais nucléaires français et la rupture des relations franco-péruviennes (1973-1975). : Contestation nucléaire, tiers-mondisme et Amérique latine - Matthieu Trouvé p. 65-80 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Si l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été les principaux opposants à la réalisation des essais nucléaires français dans le Pacifique, les protestations sont également venues des pays latino-américains, en particulier du Pérou. Le gouvernement du général Juan Velasco Alvarado prend la tête de la campagne anti-nucléaire en Amérique du Sud et rompt ses relations avec la France en juillet 1973. Mais cette rupture (jusqu'en 1975) a surtout une portée politique et diplomatique, Lima maintenant ses relations économiques et commerciales avec Paris et ne parvenant pas à entraîner dans son sillage d'autres nations latino-américaines. L'opposition péruvienne aux essais français a contribué à renforcer la dimension anticolonialiste et tiers-mondiste de la contestation nucléaire. Enfin, cette crise illustre les difficultés pour la France de mener sa politique nucléaire dans le Pacifique tout en préservant son influence auprès des pays d'Amérique latine.
    While Australia and New Zealand were the main opponents of French nuclear testing in the Pacific, protests also came from Latin American countries, particularly Peru. The government of General Juan Velasco Alvarado took the lead in the anti-nuclear campaign in South America and broke off relations with France in July 1973. But this break-up (until 1975) was mainly political and diplomatic, as Lima maintained its economic and commercial relations with Paris and failed to draw other Latin American nations into the fold. The Peruvian opposition to the French tests contributed to reinforcing the anti-colonial and Third World dimension of the nuclear protest. Finally, this crisis illustrates the difficulties for France to conduct its nuclear policy in the Pacific while preserving its influence with Latin American countries.
  • Les essais nucléaires et la fabrique de la notion de « consensus » en France (1973-1988) - Yannick Pincé p. 81-93 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La réflexion proposée montre le caractère très périphérique des essais nucléaires dans le débat stratégique français. Ceci n'empêche pas son irruption à des moments clés : ralliement des oppositions à la bombe dans les années 1970, élections de Valéry Giscard d'Estaing puis de François Mitterrand, scandale du Rainbow Warrior et enfin réflexions d'un Parti socialiste de retour dans l'opposition en 1986. À chaque fois la manifestation médiatique des essais français du Pacifique se clôt par un renforcement de la doctrine de dissuasion, marque une plus forte présidentialisation de sa gestion et contribue à l'idée qu'existe un « consensus » sur le nucléaire militaire.
    The proposed reflection shows the very peripheral character of the nuclear tests in the French strategic debate. This does not prevent its appearance at key moments: the rallying of oppositions to the bomb in the 1970s, the elections of Valéry Giscard d'Estaing and François Mitterrand, the Rainbow Warrior scandal and finally the reflections of a Socialist Party back in opposition in 1986. Each time, the media manifestation of the French tests in the Pacific ends with a reinforcement of the doctrine of deterrence, marks a stronger presidentialization of its management, and contributes to the idea that there is a “consensus” on military nuclear power.
  • L'agneau, le beurre et l'atome. Quand la France invite les affaires européennes dans le débat nucléaire océanien - Sarah Mohamed-Gaillard p. 95-106 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'opposition aux essais nucléaires se développe en Australie et en Nouvelle-Zélande avant même l'implantation du Centre d'expérimentation français en Polynésie. La France fait d'abord peu de cas des protestations émanant d'Océanie, mais la contestation gagne en force et reste peu sensible à l'argumentaire très défensif par lequel Paris affirme l'innocuité de ses essais atomiques. Au tournant des années 1970, la France tente donc de faire de l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne un levier économique pour contraindre la Nouvelle-Zélande à la modération. Cet épisode permet d'illustrer l'importance du nucléaire dans les débats politiques en France comme en Nouvelle-Zélande et pose la question de son dépassement, que ce soit par la diplomatie ou l'économie.
    Opposition to nuclear tests developed in Australia and New Zealand even before the establishment of the French Experimental Centre in Polynesia. At first, France paid little attention to the protests emanating from the Pacific States and Territories, but the protests gained in strength and were not very sensitive to the very defensive argument by which Paris asserted the harmlessness of its atomic tests. At the turn of the 1970s, France tried to use the United Kingdom's entry into the European Economic Community as an economic lever to force New Zealand to moderate its opposition. This episode illustrates the importance of nuclear power in political debates in France and in New Zealand and raises the question of how to overcome it, whether through diplomacy or economics.
  • Être une voix pour les autres : La contestation néo-zélandaise des expérimentations nucléaires françaises dans le Pacifique insulaire (1963-1996) - Noémie Marques-Verhille p. 107-120 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dès l'annonce des premiers essais nucléaires français dans le Pacifique insulaire, c'est un phénomène de « mobilisation générale » qui touche la Nouvelle-Zélande de 1963 à 1996. À travers l'important réseau contestataire qui se met en place, dynamisé par un grand nombre d'acteurs et de multiples actions à différentes échelles, ce pays est devenu le fer de lance de la contestation antinucléaire dans le Pacifique Sud. Mais en réalité, la force de la protestation néo-zélandaise réside dans le fait que ce pays a su se faire le porte-parole des nations insulaires du Pacifique en relayant leurs réprobations auprès du gouvernement français. Aujourd'hui encore, cet engagement de la Nouvelle-Zélande envers sa région, hérité en partie de cette période, reste perceptible au travers de la politique étrangère néo-zélandaise et manifeste sa volonté d'en rester le porte-parole.
    While the announcement of the first nuclear tests in the Insular Pacific induced a phenomenon of “global rallying” in New Zealand from 1963 to 1996, the implementation of a far-reaching network, galvanized by several actors and multiple scales actions, turned New Zealand into a disapproving voice to which people paid attention. As a consequence, New Zealand happened to be the spearhead of the struggle against French nuclear tests, which took place in the South Pacific. Nonetheless, the real strength of the New Zealand's condemnation of the French nuclear experiments is that the country became a voice for the insular nations of the Pacific, while the diplomatic network of New Zealand transmitted their protests to the French government. Henceforth the involvement of this country in its surrounding area, partly inherited from this period of disapproval, can still be seen in New Zealand's current foreign policy. This perhaps underlines the fact that New Zealand hopes to remain as the spokesperson of the area.
  • L'Église évangélique de Polynésie française contre les essais nucléaires : l'influence des réseaux œcuméniques - Clémence Maillochon p. 121-134 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'Église évangélique de Polynésie française (EEPF) prend son autonomie vis-à-vis des missionnaires français en 1963, au moment de la construction du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP). Rapidement, l'Église impose une consigne de silence à propos du nucléaire. Mais au détour des années 1970, de nouvelles théologies ancrées dans un contexte océanien et anticolonial font fléchir ce positionnement. Un engagement contre le nucléaire s'affirme, au miroir d'une autochtonisation de l'institution qui ne manque pas de révéler des tensions intergénérationnelles.
    The Evangelical Church of French Polynesia (EEPF) became autonomous from French missionaries in 1963, when the Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) was built. The church quickly imposed a silence on nuclear energy. However, in the 1970s, new theologies rooted in an Oceanic and anti-colonial context weakened this position. A commitment against nuclear energy was affirmed, in the mirror of an indigenisation of the institution which did not fail to reveal intergenerational tensions.
  • Varia

    • « Ce que Dieu a uni, l'homme ne peut le séparer ». Les catholiques face à la rupture des relations diplomatiques hispano-mexicaines après la Guerre Civile espagnole - Samuel Libeau p. 135-150 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que les relations diplomatiques sont rompues entre le gouvernement mexicain et l'Espagne franquiste à la suite de la Guerre Civile, les catholiques des deux pays réactivent des liens étroits, dont la teneur spirituelle n'empêche pas un fort degré de politisation. Menées par des ecclésiastiques comme des laïcs et favorisées par des acteurs à l'interface des deux nations, ces relations donnent lieu à des circulations plurielles dont la symbolique et les discours dépassent la seule sphère religieuse. Pourfendeurs de la rupture des relations officielles, ces catholiques construisent par leur pratique des liens alternatifs vigoureux et réciproques, s'inscrivant dans un corpus de représentations hérité de l'époque coloniale et pleinement approprié de part et d'autre de l'océan Atlantique.
      While diplomatic relations between the Mexican government and Franco's Spain were broken off following the Civil War, Catholics in both countries reactivated close ties, whose spiritual content did not prevent a high degree of politicization. Led by clergymen as well as laymen, and favoured by actors at the interface of the two nations, these relations gave rise to plural circulations whose symbolism and discourses went beyond the religious sphere alone. Opposed to the rupture of official relations, these Catholics constructed vigorous and reciprocal alternative links through their practice, which were part of a corpus of representations inherited from the colonial period and fully appropriated on both sides of the Atlantic.
    • Hommage à Yves-Henri Nouailhat - Michel Catala p. 151-152 accès libre
  • Note de lecture