Contenu du sommaire : Les parentalités empêchées
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 2, avril-juin 2023 |
Titre du numéro | Les parentalités empêchées |
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- Avant-propos : Désempêcher les parentalités ? - Coline Cardi, Irène-Lucile Hertzog, Lucile Ruault p. 7-41
Qui sont les parents (il)légitimes ?
- Être parent en droit : des parentalités empêchées - Stéphanie Mauclair p. 45-66 La parentalité n'est pas un terme juridique contrairement au terme de parent qui inscrit un enfant dans une lignée généalogique. Pour autant, la parentalité peut être mobilisée pour désigner une fonction, celle en principe dévolue aux parents de l'enfant. Ainsi, il existerait de prime abord une relation de principal à accessoire entre l'attribution de la parenté par le droit et l'exercice juridique de la parentalité. Toutefois, cette logique peut être remise en cause révélant des situations dans lesquelles la parentalité est empêchée. Certains événements vont ainsi faire obstacle à la parenté entraînant corrélativement l'impossibilité d'exercer la parentalité. D'autres situations vont, au contraire, mettre en avant un décalage entre parenté et parentalité, la parenté étant attribuée sans parentalité ou la parentalité s'exerçant sans parenté. Bien souvent ces situations interrogent sur le fait que la compétence attendue du parent ne repose pas nécessairement sur le père ou la mère de l'enfant au sens du lien juridique de filiation.Parenthood is not a legal term, unlike the term parent which places a child in a genealogical line. However, parenthood can be used to describe a function that in principle falls to the child's parents. Furthermore, at first glance there would be an ancillary condition between the attribution of parenting by law and the legal exercise of parenthood. However, this logic can be called into question, revealing situations where parenthood is impeded. Certain events will stand in the way of parenting resulting correlatively in the inability to exercise parenthood. Other situations will, on the contrary, highlight a discrepancy between parenting and parenthood, parenting being attributed without parenthood or parenthood being exercised without parenting. Quite often these situations raise the question of whether the parent's expected competence does not necessarily lie with the child's father or mother in the sense of the legal filial relationship.
- Façonner les intimités. Récit de soi et discours professionnels dans les parcours de candidat·es à l'adoption - Aurélie Aromatario, Louise de Morati p. 67-88 Ces dernières années, le domaine de l'adoption en Belgique a connu une formalisation juridique croissante, à l'instar d'un mouvement international consacrant comme pilier légal la notion d'« intérêt supérieur de l'enfant ». La procédure d'adoption est désormais un processus balisé, sélectif, tandis qu'elle est gérée par un milieu associatif qui s'est professionnalisé. Cet article, au travers d'entretiens menés avec des professionnel·les, des candidat·es et des parents adoptants, tend à observer cette procédure comme un prisme privilégié permettant d'analyser non seulement les mutations des définitions de la parentalité et des configurations familiales mais aussi le rôle des acteur·ices de terrain dans l'établissement et le renforcement de ces notions. Ainsi se dégage de cette entreprise « psycho-technocratique » un modèle normatif de « bonne » parentalité, défendu au nom d'une charge émotionnelle liée à l'intérêt supérieur de l'enfant. Ce modèle est soutenu et renforcé par des outils administratifs et psychologiques de gouvernement des individus, reposant d'une part sur un système de production narrative qui vise au développement de soi et, d'autre part, sur des normes familiales essentialistes et parfois hétéronormatives.In recent years, adoption in Belgium has become increasingly structured by law, like an international movement, with the concept of “the best interests of the child” as the legal corner stone. The adoption procedure is now a selective process with clear rules, managed by associations that have become more and more professional with time. This article, based on interviews with adoption professionals, applicants for adoption and adoptive parents, presents the procedure as a main vector that helps to analyse not only the changes to how we define parenthood and family structures but also the role of people working on the ground to determine and strengthen these concepts. This psychotechnocratic institution therefore creates a normative model of “good” parenthood, defended in the name of emotional demands linked to the best interests of the child. The model is supported and strengthened through administrative and psychological tools used to govern individuals, which rely on the one hand on a system of narrative production designed for self-development, and on the other hand on family norms that are essentialist and sometimes heteronormative.
- Les obstacles à la parenté des couples de femmes - Marie Mesnil p. 89-106 Depuis dix ans, le droit français permet, par au moins cinq voies de droit différentes, l'établissement d'un double lien de filiation maternelle : le bénéfice des procédures d'adoption a été étendu, en 2013, aux couples de personnes de même sexe mariées et de nouveaux dispositifs juridiques ont été créés, en 2021 et 2022, spécifiquement pour les couples de femmes qui ont – ou ont eu – recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. Pour autant, toutes ces règles sont dérogatoires par rapport au droit commun de la filiation : elles se situent toutes en dehors des chapitres Ier à IV du titre VII du livre Ier du Code civil consacrés à la filiation non adoptive et s'accompagnent d'une forme d'explicitation des conditions de conception de l'enfant. Si deux femmes peuvent être reconnues comme les mères d'un enfant, c'est à la condition que son acte de naissance explicite, d'une manière ou d'une autre, qu'elles n'ont pas pu le concevoir. L'ordre symbolique de la différence de sexe est ainsi préservé.For the last decade, French law has allowed, through at least five different legal means, the establishment of a double pattern of maternal descent. In 2013, married couples of the same sex were given the right to adoption, while in 2021 and 2022 the government created the legal tools designed specifically for female couples who are using – or have used – medically assisted procreation with a third-party donor. Nevertheless, all these rules are an exception to laws regarding filiation because they are outside the scope of chapters I to IV and chapter VII of Book I of the French Civil Code, which relate to non-adoptive filiation and are accompanied by a form of specification of the conditions for conceiving a child. Two women can be recognised as the mothers of a child, but only provided that the child's birth certificate specifies, in one way or another, that they were unable to conceive him or her. The symbolic order of the difference in sex is therefore maintained.
- Au tribunal des femmes enceintes. Enquête sur les pratiques d'interruption médicale de grossesse pour détresse psychosociale - Raphaël Perrin p. 107-129 Si jusqu'à 14 semaines de grossesse les femmes enceintes sont – en principe – seules décisionnaires de la poursuite ou de l'interruption d'une grossesse, au-delà de ce terme l'interruption est soumise à une autorisation médicale. Les femmes peuvent alors entrer dans une procédure complexe d'interruption médicale de grossesse (IMG) pour détresse psychosociale, qui leur impose d'objectiver et de défendre les raisons qui rendent la poursuite de leur grossesse impossible lors de consultations obligatoires avec un·e gynécologue, un·e psychologue, un·e assistant·e social·e et souvent un·e psychiatre. Pour le/la sociologue, c'est un contexte privilégié pour étudier les institutions et professionnel·les qui encadrent le devenir parent. Par la pathologisation des vies et des conduites procréatives des femmes en demande d'IMG, ils et elles construisent l'écart à la norme procréative – selon des critères de classe, de race, de santé, d'âge, de déviance par rapport aux normes sexuelles, conjugales et judiciaires – comme un problème médical. Les parentalités déviantes font ainsi l'objet d'un diagnostic justifiant non seulement l'avortement hors du délai de l'IVG, mais aussi la prévention de grossesses futures par l'imposition d'une contraception de longue durée d'action. Reléguant au second plan son rôle thérapeutique, l'institution médicale se fait garante de l'ordre reproductif, dessinant un droit – voire un devoir – différentiel à être mère ou à ne pas l'être.While women are, in theory, the only ones to decide whether to continue or end a pregnancy in the first 14 weeks, beyond this date ending a pregnancy requires a doctor's approval. Women can undergo the complex procedure of a medical termination of pregnancy (MTP) due to psychosocial distress, which requires them to express and defend their reasons why they cannot continue with the pregnancy during mandatory consultations with a gynaecologist, psychologist, social care worker and often a psychiatrist. For sociologists, it is an opportunity to analyse the institutions and professionals that oversee someone's future as a parent. By pathologising the lives and reproductive behaviour of women who want to have an MTP, these institutions and professionals present the deviation from the reproductive norm – which is rooted in criteria relating to social class, race, health, age and to deviations from sexual, marital and legal norms – as a medical problem. As a result, deviant parenthoods are given a diagnosis that justifies not only an abortion beyond the timeframe of a voluntary termination of a pregnancy but also preventing future pregnancies by imposing the norm of using contraception. The institution of medicine therefore relegates its therapeutic role to the sidelines and turns itself into a champion of reproductive order, laying down a differential right – obligation, even – to be or not to be a mother.
- Devenir ou non parent en situation de handicap - Karen Buttin, Hélène Chiron, Marie-Laure Colombier, Étienne Creusevaut, Souad Creusevaut, Frédéric Deborne, Édeline Delanaud, Benoît Eyraud, Jennifer Fournier, Chantal Janin, Marika Lefki, Valérie Lemard, Jacques Lequien p. 131-149
- Parentalités contingentes : s'occuper d'un enfant qui n'est pas le sien, un travail maternel non protégé - Marianne Modak p. 151-165
- Être parent en droit : des parentalités empêchées - Stéphanie Mauclair p. 45-66
Parentalités contrôlées
- La parentalité impensée et empêchée des jeunes mineur·es et majeur·es incarcéré·es : « une punition dans la punition » - Yaëlle Amsellem-Mainguy, Isabelle Lacroix p. 169-187 Cet article questionne ce que l'entrée dans la parentalité précoce au regard des normes sociales révèle des frontières de la parentalité acceptable et de la norme procréative. À partir d'une enquête sociologique menée dans plusieurs prisons de France hexagonale auprès de jeunes incarcéré·es âgé·es de 14 à 24 ans, on verra comment, pour celles et ceux qui ont des enfants, leur parentalité est largement impensée par les institutions présentes en détention. Tandis que leur parcours de vie est marqué par une autonomie et une indépendance économique précoces, on montrera comment la prison tente de replacer les parents de ces jeunes femmes et jeunes hommes dans leur quotidien et les réassigne à leur statut d'« enfant de », en dépit de leur parentalité largement empêchée.This article questions what entering parenthood early – according to social standards – tells us about the borders of acceptable parenthood and the reproductive norm. Based on a sociological survey conducted in several prisons in mainland France with young inmates aged between 14 and 24 years old, we look at how, in the case of those with children, their parenthood is for the most part not considered by detention institutions. Although their life trajectories are marked by early autonomy and financial independence, the article explains how prison tries to reposition the parents of these young men and women in their everyday lives and reassigns them to their “child of” status despite their largely impended parenthood.
- Les frontières de la parentalité. Contrôle migratoire et unité familiale - Camille Gourdeau, Laura Odasso p. 189-208 Protégée par le droit national et international, en France, l'immigration familiale est considérée comme une voie facilitée pour accéder aux droits de séjour et suspectée d'engendrer des chaînes migratoires intracommunautaires à la charge de l'État. Depuis les années 1970, elle a ainsi été l'objet de nombreux changements législatifs restrictifs. À la lumière de ce contexte, cet article explore les empêchements que les politiques d'immigration et leur mise en œuvre posent à la vie familiale des personnes en migration, ou voulant migrer. Par une analyse historico-juridique et sociologique et à l'aide d'études de cas concernant la procédure de regroupement familial et la réunion des couples franco-étrangers, trois dimensions clés émergent dans ces configurations. Il s'agit des incongruences entre les catégories administratives et les situations familiales non envisagées par la loi, les frictions entre les temps biographiques et administratifs et la construction de l'indésirabilité. Affectés par ces dimensions et les blocages administratifs, les enfants et leurs intérêts sont peu pris en compte dans les procédures. Face à l'incertitude administrative, les membres de familles déploient des stratégies variées, parfois illégales, pour se réunir. Ainsi, la parentalité semble un impensé dans le droit de la migration qui s'avère être un « droit d'empêchement » pour des familles immigrées et binationales illégitimes aux yeux de l'administration et soupçonnées de détourner les procédures.Protected under national and international law, in France family migration is considered an easy route to obtain residence rights and is suspected of creating intra-EU migration chains, the cost of which are ultimately borne by the Government. As a result, since the 1970s family migration has undergone several restrictive legislative changes. In light of this background, this article explores the impediments that migration policies and their implementation create for the family lives of people who are in migration or who want to migrate. We carried out a historical, legal and sociological analysis and looked at case studies relating to the family reunification procedure and to reuniting couples consisting of a French citizen and a foreign national. The arrangements reveal three key points: discrepancies between administrative categories and family circumstances not covered by law, frictions between biographic and administrative timeframes, and the construction of undesirability. Children and their interests, which are affected by these aspects and by administrative obstacles, are barely taken into account in the procedures. Faced with administrative uncertainty, family members use various strategies, sometimes illegal ones, to become reunited. Parenthood therefore seems inconceivable in migration law, which has proven to be a “right to impede” for migrant and binational families who are illegitimate in the eyes of the government and suspected of circumventing legal procedures.
- Une parentalité sous contraintes. Les mères face au placement pénal de leur enfant - Manon Veaudor p. 209-226 Le placement pénal des mineur·es conduit à une situation particulière d'empêchement du rôle maternel. Il engage les mères devant les institutions sociojudiciaires et les conduit à réorganiser leur rythme de vie en l'absence de leur enfant. À partir d'entretiens conduits auprès de mères dont l'enfant a fait l'objet d'une mesure de placement, cet article interroge ce que l'éloignement sous la contrainte pénale fait à ces femmes. Il met en évidence les attentes contradictoires que le travail éducatif fait peser sur elles. Ni juges ni protectrices, elles doivent faire face aux injonctions institutionnelles sans mettre en péril la relation avec leur enfant. Elles doivent également procéder à un travail de réorganisation du lien parental et de la vie familiale. Retrouver une vie familiale plus apaisée, mais aussi du temps et de l'énergie pour les autres enfants, s'accompagne de difficultés nouvelles, notamment lorsque l'éloignement judiciaire dure ou se répète. Il s'agit ainsi de comprendre comment les pratiques et les rythmes de vie de ces familles, aux conditions de vie fragiles, se recomposent sous l'effet de la contrainte pénale.Underage individuals being detained due to a criminal offence results in a particular situation of impeding maternal roles. As a result, mothers become involved with proceedings with social and judiciary institutions and they must restructure their life without their child. Based on interviews with mothers whose children were detained, this article explores how women are affected by being separated from their children due to detainment on account of a criminal offence. It emphasises the contradictory expectations that weigh on them as a result of educational work. As they can play the role of neither judge nor protector, they must handle court orders without endangering the relationship with their child. They must also restructure the bond between parent and child and reorganise the life of the family. Regaining some peace in family life and finding time and energy for any other children creates new difficulties, especially if the court order is extended or repeated. The purpose of the article is to understand how the habits and rhythms of life of these families, who have such fragile living conditions, change due to a criminal court order.
- Qui a le droit d'exercer la parenté quotidienne ? Caractéristiques sociales des parents d'enfants placé·es au prisme des catégories pratiques des juges des enfants - Hélène Oehmichen p. 227-243
- Parentalité à distance des exilé·es : une prescription de douleur ? - Laure Wolmark p. 245-259
- La parentalité impensée et empêchée des jeunes mineur·es et majeur·es incarcéré·es : « une punition dans la punition » - Yaëlle Amsellem-Mainguy, Isabelle Lacroix p. 169-187
Devenir parent au-delà des empêchements
- Distribuer l'espoir, préparer le deuil. Réajustements des attentes procréatives face à l'échec de la FIV dans une clinique de fertilité belge - Shana Riethof p. 263-280 À partir d'une enquête ethnographique menée dans une clinique de fertilité belge, cet article examine plusieurs stratégies déployées par le corps médical afin de réajuster les attentes des couples qui multiplient les essais infructueux de fécondation in vitro (FIV). À ce moment du parcours, il est proposé au couple une dernière tentative avec ses propres gamètes avant un éventuel passage vers le don d'ovocytes, celui-ci éliminant le lien génétique maternel. Par l'analyse de scènes ethnographiques où se jouent de tels dilemmes, je situe l'espoir d'être parent et le deuil de la fertilité comme deux outils discursifs complémentaires permettant de réorienter les trajectoires affectives des partenaires. Cette redistribution de l'espoir peut néanmoins se heurter à la résistance des couples dans un contexte d'incertitude inhérent à la prise en charge. Il apparaît alors que le renoncement à la norme de l'enfant biologique permet d'accéder à d'autres formes de maternité et de parentalité qui ne sont pas forcément fondées sur le lien génétique mais sont soumises à condition.Based on an ethnographic study conducted in a Belgian fertility clinic, this article examines several strategies used by healthcare professionals to readjust the expectations of couples who repeatedly and unsuccessfully undergo in vitro fertilisation (IVF). At this point in the process, the couple is offered one last attempt using its own gametes before potentially switching to egg donation, which removes any genetic links to the mother. By analysing ethnographic cases involving such dilemmas, I present the hope of becoming a parent and the grief of losing one's fertility as two complementary discursive devices that help to redirect the trajectory of the burden experienced by the couple. It is possible, however, that redistributing hope is met with resistance from the couple due to feelings of uncertainty that are inherent to the treatment. As a result, renouncing the norm of the biological child makes it possible to access other forms of motherhood and parenthood, ones which are not necessarily based on genetic ties but are subject to certain conditions.
- Sous le régime de l'exception : accéder à la parentalité grâce au diagnostic préimplantatoire en France - Anne-Sophie Giraud p. 281-299 Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est un diagnostic biologique réalisé sur des cellules prélevées sur un embryon obtenu par fécondation in vitro (FIV). Il permet d'éviter le transfert d'embryons atteints d'une maladie génétique. Il est l'une des modalités d'accès à la parentalité offerte en France aux couples porteurs d'une maladie génétique héréditaire sévère qui ne souhaitent pas transmettre cette maladie à leur enfant ou ne peuvent mener à bien une grossesse en raison de cette anomalie génétique.Mais le DPI n'est pas un parcours sans obstacle pour les personnes qui souhaitent y avoir recours : engorgement des centres, temps d'attente long, taux d'échecs élevés, médicalisation de la procréation, quadruple sélection à l'entrée. L'une des raisons qui fonde sa difficulté d'accès est le régime d'exceptionnalité auquel le DPI est soumis dans la loi française afin d'éviter de possibles tentatives eugénistes. Ce sont ces multiples empêchements à la parentalité par le DPI que je questionnerai dans cet article. Je montrerai également que les critères d'accès au DPI et mobilisés par l'institution médicale et le législateur dessinent en creux non seulement les normes d'une « bonne » parentalité mais surtout d'une « bonne vie ».Pre-implantation genetic diagnosis (PIGD) is a biological diagnosis performed on cells of embryos obtained using in vitro fertilisation (IVF). It helps prevent transferring embryos affected by a genetic disorder. PIGD is one of the solutions offered to couples in France who are bearers of a severe hereditary genetic disorder and who do not want to risk passing the disorder on to their child or who cannot become pregnant due to the disorder.Couples who wish to undergo PIGD are faced with many obstacles, however, including inundated fertility centres, long waiting times, high rates of failure, the medicalisation of pregnancy, and a four-stage selection process. One of the reasons why PIGD is restricted is because it is allowed only under specific conditions under French law to prevent any attempts at eugenics. In this article, I will analyse the many impediments to parenthood by PIGD. I will also demonstrate that the criteria to access PIGD are set by medicine and the law, which draw the outlines of not only the standards of “good” parenthood” but especially of a “good life”.
- En quête de conformité. Se faire soigner pour se faire mère - Anne-Sophie Vozari p. 301-319 Les (futures) mères ne se sentent pas nécessairement comblé·es à l'arrivée d'un enfant. Toutes ne s'en estiment pas pour autant troublées ou malades. Qu'est-ce qui amène certaines à souffrir de ne pas vivre la naissance de leur enfant comme un « heureux événement » ? En quoi faut-il croire pour en venir à « se faire soigner » ? Qui faut-il être pour chercher, au prix d'un important travail émotionnel, à devenir une « bonne » mère, aimante et épanouie ? Cet article analyse l'expérience de femmes qui, incertaines quant à leurs affects et leurs capacités maternelles, ont vécu leur parentalité comme empêchée et s'en sont remises à des professionnel·les de santé pour guérir leur « mal de mère ». Il repose sur l'observation de l'activité d'un dispositif de psychiatrie périnatale d'un grand centre hospitalier francilien et sur des entretiens conduits auprès de dix femmes suivies pour une « dépression » au cours de leur grossesse ou après leur accouchement. Ensemble, ces matériaux permettent d'explorer l'une des formes du « désempêchement parental » : le recours volontaire au traitement médico-psychologique. Adoptant le modèle séquentiel interactionniste, l'article propose d'analyser la dépression périnatale comme une carrière de sortie de la déviance émotionnelle et examine les conditions sociales qui rendent possibles sa réalisation.Mothers and future mothers do not necessarily feel fulfilled when thinking about the birth of their child. Yet not all of them think that such feelings mean that they are troubled or unwell. Why do some women suffer on account of the fact that they do not experience the birth of their child as a “happy event”? What makes a woman believe that she needs to “get treatment”? What makes a woman seek, at a high emotional cost, to become a “good” mother who is both loving and fulfilled? This article analyses the experience of women who, doubting their emotions and their skills as mothers, experienced their parenthood as impeded and who turned to healthcare professionals to treat their feelings of discontent at being a mother. The article is based on examining the measures taken at a perinatal psychiatric unit at a large hospital in Île-de-France and on interviews conducted with ten women followed up for “depression” while they were pregnant or after they gave birth. Together, these materials help explore one of the forms of “parental un-impediment”, namely the voluntary seeking of medical and psychological treatment. Using the sequential interaction model, the article analyses perinatal depression as a way of moving away from an emotional disorder and examines the social conditions that make it possible.
- Empêchements à la parentalité au regard de la surdité : le cas des parents entendants d'enfants sourds - Sandrine Burgat p. 321-338
- (S')autoriser la parentalité après un cancer, entre contraintes biologiques et incertitudes médicales - Benjamin Derbez, Karine Roudaut p. 339-355
- Distribuer l'espoir, préparer le deuil. Réajustements des attentes procréatives face à l'échec de la FIV dans une clinique de fertilité belge - Shana Riethof p. 263-280
S'empêcher de devenir parent
- « I am determined to bring no more children to the world » : la paternité questionnée dans les lettres envoyées à Marie Stopes - Lison Huet-Larrieu p. 359-376 Cet article se situe dans le Royaume-Uni de l'entre-deux-guerres. Il s'intéresse aux doutes et aux interrogations exprimés par des hommes ordinaires qui souhaitent retarder ou empêcher l'arrivée d'un enfant. À partir d'un corpus de lettres envoyées à Marie Stopes, autrice du manuel conjugal Married Love, nous verrons quelles sont les raisons mises en avant par les 69 correspondants masculins qui souhaitent limiter la taille de leur famille à une époque où faire des enfants est perçu comme une étape nécessaire de la vie d'un couple marié. Les craintes vis-à-vis de la santé de leur épouse ou de leur enfant, ainsi que les nombreuses responsabilités liées à l'exercice de la parentalité viennent remettre en question des projets familiaux. Enfin, les préoccupations eugénistes et hygiénistes se retrouvent dans les discours de ces hommes, permettant ainsi de percevoir l'influence de la morale de la famille sur les réflexions des couples de cette époque.This article discusses events in the United Kingdom during the interwar period. It focuses on the doubts and questions expressed by ordinary men who wanted to postpone or prevent the birth of a child. Based on a collection of letters sent to Marie Stopes, author of a manual for married couples called Married Love, we examine the reasons given by 69 male correspondents who wanted to limit the size of their family at a time when having children was seen as a necessary step in the life of a married couple. Concerns about the health of their wife or child and about the many responsibilities linked to being a parent made it difficult to follow through with plans to have a family. The men's narratives also contain concerns about eugenics and hygiene, which revealed that couples' musings at the time were influenced by family ethics.
- « Brider mon corps avant que je ne me laisse convaincre par la société. » Élise, 23 ans, un refus d'enfant entre choix et normes sociales intériorisées - Emma Tillich p. 377-396 Le refus d'enfant est souvent pensé comme une déviance par rapport aux normes procréatives. L'analyse d'un cas paradoxal de refus d'enfant, entre choix et normes sociales intériorisées, amène à complexifier cette lecture. Élise a 23 ans et est en couple homosexuel avec une femme. Bien qu'elle n'ait pas le besoin immédiat d'une contraception, elle désire être stérilisée pour « brider son corps avant de se laisser convaincre par la société ». Son discours est structuré par deux réseaux de justification contrastants : le premier est celui de l'individualité et de l'autodétermination, le second celui de l'autocontrainte et des normes sociales intériorisées. Son expérience donne un aperçu condensé du régime normatif contemporain concernant la maternité. Le parcours de vie d'Élise est marqué par une socialisation intensive à la maternité et le vécu d'un trauma. L'analyse de ce parcours, et de sa situation limite en termes de mobilité sociale et de déviance à l'ordre hétérosexuel, révèle la tension entre injonction à procréer et éthique de la responsabilité procréative et parentale. Ces injonctions contradictoires contribuent dans ce cas à empêcher la maternité.The refusal to have children is often seen as a deviation from reproductive norms. An analysis of a paradoxical case of a woman refusing to have children, caught between choice and internalised social norms, makes for a complex interpretation. Élise is a 23-year-old in a homosexual relationship with a woman. Although she has no immediate need for contraception, she wants to be sterilised in order to “curb her body before allowing herself to be influenced by society”. Her narrative is divided into two networks of contrasting justifications, with individuality and self-determination on one hand and self-constraint and internalised social norms on the other. Her experience gives a condensed insight into today's prescriptive rules relating to motherhood. Élise's life journey is marked by intense social pressure to become a mother and the experience of trauma. An analysis of this life journey, and of the woman's limit situation as regards social mobility and deviation from the heterosexual norm, reveals the tensions between the “order” to procreate and the ethics behind reproductive and parental responsibility. In this case, the contradictory imperatives are a factor in the woman's impeded motherhood.
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : « Les parentalités empêchées ». Pour le deuxième numéro de 2023 de la RFAS : Le dossier sera coordonné par Coline Cardi (Université Paris 8, Cresppa-CSU), Irène-Lucile Hertzog (Université de Caen, CERReV) et Lucile Ruault (CNRS, Cermes 3) - p. 397-410
- Sociologie de la famille de Jean-Hugues Déchaux et Marie-Clémence Le Pape : l'émergence de nouvelles formes de parent(alit)é n'entraîne pas de rupture anthropologique majeure, Éditions La Découverte, collection « Repères », 2021, 128 p. - Kevin Diter p. 411-416
- « I am determined to bring no more children to the world » : la paternité questionnée dans les lettres envoyées à Marie Stopes - Lison Huet-Larrieu p. 359-376