Contenu du sommaire : Émotions urbaines

Tous les espaces que nous traversons nous affectent autant que nous les affectons. Certains artistes visuels ou/et sonores, nous offrent des transmorphoses dans la façon de percevoir des atmosphères : images détournées, installations déstabilisantes. Tantôt il s'agit de création de bulles étranges, tantôt a contrario de lignes de fuite. Ces artistes ne font que tracer de façon fort singulière une cartographie des émotions dont nous faisons l'expérience ordinaire, dans des villes ou des lieux alternatifs. L'irruption des affects peut bouleverser la « société d'exposition » parfaite où les devenirs transgenres, ou autres potentialités multi-esthétiques, se déploient de façon incongrue. Une affectologie – ou anthropoétique – du contemporain est envisagée à travers l'enchâssement des métamorphoses de toute nature et le trouble des subjectivités à l'œuvre.

Aujourd'hui, l'objectif de la consommation s'est déplacé de la valeur d'usage pure à la valeur esthétique-expérientielle. Dans ce contexte, le concept de design subit une transformation correspondante - le design ne concerne plus uniquement la fabrication du produit lui-même. Au contraire, la création d'une atmosphère est placée au premier plan du travail de conception, à tel point que le produit devient l'un des éléments de la conception. La focalisation sur la conception de l'atmosphère nous permet de mieux réfléchir à l'interaction entre l'objet, la forme, l'espace, l'environnement et le corps humain, l'émotion et l'action. Notre étude se concentrera sur les questions suivantes : comment pouvons-nous créer une atmosphère qui puisse être ressentie comme bonne et significative ? Pour un designer qui travaille dans un contexte international, une autre question semble encore plus critique : dans quelle mesure une atmosphère significative peut-elle avoir un impact qui transcende les frontières culturelles individuelles ? Pour répondre à ces questions, nous tentons d'introduire le concept de résonance dans une exploration éthique de la conception d'atmosphères. Une relation de résonance peut se produire dans presque toutes les dimensions de la relation entre l'homme et le monde et fournir ainsi une orientation normative pour un bon mode de vie. Il incombe aux concepteurs de renforcer la sensibilité à la résonance des questions écologiques, interpersonnelles, interculturelles et marginales par la création de scénarios atmosphériques.

L'activisme musical a été fondamental pour la resignification de la ville de Conservatória (située dans l'État de Rio de Janeiro) dans l'imaginaire social. Ainsi sont construites des ambiances partagées évoquant des émotions et des souvenirs, transformant ce territoire en un haut lieu. En prenant comme référence les corpus et la cartographie sensible des controverses qui ont été menées dans ce village entre 2010 et 2022, on a pu se rendre compte que la musique en live au ton nostalgique occupant les rues de cette localité a construit de puissantes territorialités soniques et musicales, avec une grande capacité de mobilisation sociale, ayant même considérablement stimulé, avec succès, le tourisme local depuis plusieurs décennies dans la région.

Cet article se propose à démontrer une manière de révéler, à partir des processus de déambulation photographique sensible et créative, de l'élaboration de Carnets de bord, et de montages photographiques, les ambiances qui participent à l'élaboration subjective de la ville pour ses citoyens. L'objectif est de présenter une proposition de pratiques de recherche de terrain qui participent au processus de création dans l'élaboration des espaces urbains. Ces études se déroulent dans le quartier de Santo Antônio, au centre historique de la ville de Recife, au Brésil. Comme principal apport théorique, on retrouve les études sur les ambiances de Thibaud et Augoyard, ainsi que les travaux de Didi-Huberman sur les montages d'Aby Warburg. L'article explique les étapes des processus qui se sont développés, en observant principalement les procédés de montages photographiques, et comment ils contribuent à appréhender et penser les ambiances dans le quartier de Santo Antonio.

Qu'est-ce qui fait la qualité sensible des villes ? Il s'agit, dans cet article, d'explorer les ambiances urbaines de manière cinétique, en considérant leur nature fragile et évanescente qui fait d'elles un phénomène toujours en mouvement. On pourrait penser que ce caractère cinétique des ambiances est accentué et mis en exergue par la mobilité de la caméra qui suit le déroulement des événements, les accompagne et les porte à notre attention en variant les angles de vue. Ce caractère cinétique peut également être accentué par la temporalité diégétique qui nous renvoie à la dimension temporelle des ambiances, composante fondamentale de celles-ci. Dès lors, quelles dimensions sensibles de l'expérience esthétique ordinaire des ambiances de la ville le film révèle-t-il pour nous, en les plaçant, le temps de la projection, à l'avant-plan de notre attention sensible ?

Le champ des expertises urbaines est traversé depuis une quinzaine d'années de questionnements sur la pertinence des études produites pour l'action aménagiste et la fabrique de la ville d'une part, sa capacité à refléter les situations sociales et territoriales dans leurs diversités particulièrement pour les populations les plus fragiles de l'autre. Un renouvellement des démarches méthodologiques s'opère dans lequel la prise en compte des émotions apparaît comme un critère de pertinence et de légitimité. Cet article renseigne les principales formes de ces démarches méthodologiques et la compréhension des émotions qui en découle pour les praticiens.

La ville est créatrice d'images qui stimulent un imaginaire collectif. Le passant la découvre au gré de ses sensations, d'une perception qui lui est propre. La ville est pour lui le théâtre de la rencontre entre le profane et le sacré, le privé et le public, l'intime et l'extime, etc., elle permet une structuration de ces rapports et de ces échanges et offre ainsi une multiplicité de scénarios alimentant plusieurs possibilités narratives à l'origine de la fabrique de ces images. Il en devient pertinent, en posant les sociabilités et les spatialités de la ville comme instituantes de ces imaginaires, de se pencher sur les possibilités qu'offre la production artistique en espace public dans la formation de nouveaux récits collectifs. Cet article étudiera deux exemples très distincts de médiations artistiques appliquées à l'espace public pour observer les modifications qu'elles apportent aux ambiances urbaines et voir si elles favorisent l'émergence de véritable spatialité urbaine en ville.

Cet article est un compte rendu d'une expérience pédagogique qui intéresse le champ des ambiances architecturales et urbaines. Notion transversale et interdisciplinaire, l'ambiance est ce subtil mélange entre les formes construites et leur interaction avec les données physiques engendrant des résonances plurielles dans l'espace. Ces résonances, vécues par les usagers, génèrent à leur tour, des tonalités affectives caractéristiques de ces lieux. Dans le contexte d'un séminaire en école d'architecture, nous développons avec les étudiants l'expérience de l'in situ dans différents contextes urbains à Tunis. Cette expérimentation est introduite par une initiation au champ des ambiances et à ses outils méthodologiques. L'idée est de s'immerger dans les lieux pour éprouver leurs ambiances singulières et caractériser leur ambiance plurielle. Dans une posture d'usager, d'observateur et de chercheur, l'étudiant saisit l'ambiance du lieu, mais aussi la représente et la projette. Le but est de sensibiliser les apprentis-architectes à la complexité de la ville, de ses usagers et de leur vécu sensible et de s'insérer dans une démarche analytique, critique et opérationnelle visant la prise en compte des données immatérielles et émotionnelles de l'espace urbain.