Contenu du sommaire : Mondialisation, migrations, Europe

Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 460, mai-juin 2024
Titre du numéro Mondialisation, migrations, Europe
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Quelques défis européens - Hugues de Jouvenel p. 3-4 accès libre
  • L'immigration : raisons et déraisons - Catherine Wihtol de Wenden p. 5-22 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Quelques mois après la promulgation en France de la loi du 26 janvier 2024 visant à « contrôler l'immigration, améliorer l'intégration », dont la discussion au Parlement, puis la censure par le Conseil constitutionnel d'une partie des mesures votées, a vivement animé les débats, la question de l'immigration demeure au centre des discussions. À l'approche des élections européennes de juin 2024, ce thème de prédilection des extrêmes droites, en France comme dans bien d'autres pays européens, est régulièrement mis en avant et souvent instrumentalisé au mépris des réalités sociales et statistiques. Or, comme le rappelle ici Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste du sujet, les flux migratoires sont un phénomène inhérent aux sociétés mondialisées qui ne pourra être gommé d'une manière ou d'une autre. Elle montre, dans cet article, comment ont évolué les migrations au fil du temps et combien elles sont nettement plus régionalisées qu'intercontinentales. Elle précise également les facteurs structurels qui motivent les migrations en pointant un certain nombre d'idées reçues en la matière, ainsi que les tendances amenées à perdurer (démographie, crises…). Enfin, elle examine le cas spécifique des flux entre l'Europe et les régions méditerranéennes : les facteurs moteurs, les limites des réglementations et accords en vigueur… ; et alerte sur une vision trop clivée et sécuritaire des migrations, ne tenant pas compte des besoins socio-économiques des pays d'accueil et sous-estimant les leviers des politiques d'intégration. S.D.
    Some months after the promulgation of the Law of 26 January 2024 aimed at ‘controlling immigration and improving integration', which prompted lively discussion both during the parliamentary debates and when the Constitutional Council struck down some of its provisions, the immigration issue remains a focus of discussion in France. With the June 2024 European elections approaching, this favourite theme of the Extreme Right parties both in France and in many other European countries is regularly highlighted and often exploited politically, even in defiance of actual social and statistical realities. Yet, as immigration specialist Catherine Wihtol de Wenden reminds us, migratory flows are a phenomenon inherent in globalized societies and one that cannot just somehow be ignored. She shows in this article how migration has changed over time and how it is distinctly more regionalized than intercontinental. She also identifies the underlying structural factors in migration, pointing out a number of popular misconceptions, as well as the (demographic, crisis-related etc.) trends that appear set to endure. Lastly, she examines the specific case of the flows between Europe and the Mediterranean regions — the underlying drivers, and the limitations of the rules and agreements currently in force etc. — and warns against an over-polarized view of this migration that would focus too keenly on security concerns, fail to take account of the host country's socio-economic needs and underestimate the integration-policy tools that are available.
  • Futurs d'antan

    • L'Europe submergée ? - Alain Parant p. 23-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Comme aux États-Unis, les migrations internationales et, plus spécifiquement, le risque de voir le continent « envahi » d'immigrés font l'objet de vives controverses en Europe ; la peur qu'ils suscitent est amplement exploitée à des fins idéologiques. Ce n'est pas très nouveau, comme en témoignent deux textes écrits voici presque 40 ans : un article publié par Jacques Lesourne dans la revue Le Débat, en 1985, et le livre d'Alfred Sauvy L'Europe submergée. Sud-Nord dans 30 ans, publié en 1987. Alain Parant les a relus et en présente ici les principales idées, montrant au passage qu'il était alors possible d'aborder le sujet de manière très pragmatique et néanmoins directe, sans que cela suscite des réactions aussi vives qu'aujourd'hui.Jacques Lesourne, observant la dynamique comparée de la population au nord, et au sud et à l'est de la Méditerranée, ainsi que les disparités entre les deux rives en termes de développement et de culture, anticipait déjà très clairement l'essor « naturel » des migrations Sud-Nord. Ce différentiel s'est depuis confirmé, sinon accentué, comme le montre ce Futur d'antan d'Alain Parant, qui ne va pas jusqu'à se hasarder à de nouvelles projections ou préjuger des vertus et des risques d'un tel afflux d'étrangers. Et qui ne questionne pas non plus leur intégration et celle de leurs descendants dans les sociétés d'accueil, ni n'aborde la question de l'efficacité des politiques visant à réglementer les flux migratoires.  H.J.
      As in the United States, cross-border migration and, more specifically, the risk of seeing the continent ‘invaded' by immigrants are subjects of heated controversy in Europe. The attendant fears are widely exploited for ideological ends. There is nothing very new about this, as is borne out by two texts written almost 40 years ago : an article published in 1985 by Jacques Lesourne in the journal Le Débat and Alfred Sauvy's 1987 book L'Europe submergée. Sud-Nord dans 30 ans [Europe Swamped. South-North in 30 Years' Time]. Alain Parant has reread these for us and presents their main ideas here, showing, as he does so, that it was possible at the time to broach the subject in a highly pragmatic, though nevertheless direct, way, without evoking such strong reactions as we see today.Observing the comparative population dynamics to the North, South and East of the Mediterranean — as well as the disparities between the global North and South in terms of development and culture — Jacques Lesourne was already in his day very clearly forecasting the ‘natural' increase in northward migration. The differential in question has since been consolidated, if not indeed accentuated, as is shown here in Alain Parant's ‘Future of Yesteryear' feature, though Parant stops short of venturing new projections or prejudging the virtues and perils of such an inflow of foreign nationals. Nor does he enquire into their varyingly successful integration and that of their descendants into the host societies or, still less, broach the issue of the effectiveness of the policies aimed at regulating migratory movements.
  • L'impact des immigrés sur leur pays d'accueil : À propos du livre de Garett Jones, The Culture Transplant - Pierre-Yves Cusset p. 33-43 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Bien qu'il suscite toujours d'âpres controverses, l'impact économique de l'immigration est généralement considéré comme plutôt positif, tant pour les pays d'accueil que pour les pays d'origine. Mais qu'en est-il, plus généralement, des effets à long terme des immigrés et de leurs descendants sur les pays d'accueil ? Cette question plus complexe est rarement abordée, mais elle fait l'objet de travaux dont cet article de Pierre-Yves Cusset rend compte, à la lumière du livre de Garett Jones, The Culture Transplant : How Migrants Make the Economies They Move to a Lot like the Ones They Left.Plusieurs enseignements s'en dégagent. D'abord, les spécificités des immigrés, en termes de valeurs et normes sociales, ne disparaissent pas lorsqu'ils traversent la frontière ; de surcroît, ils les transmettent plus ou moins à leurs enfants et petits-enfants, mais les différences s'estompent au fil du temps. Ensuite, la force des liens humains prime sur celle des lieux et la diversité d'ascendance a des effets ambivalents : plutôt positifs sur la prospérité économique lorsqu'il s'agit de talents, d'expérience ou de compétence ; plutôt négatifs sur la confiance et la capacité à coopérer, notamment lorsqu'il s'agit d'attributs hérités (sexe, ethnicité…). Garett Jones conclut que l'apport de millions d'immigrés (il fait référence aux États-Unis), s'il peut être un avantage à court terme, présente aussi des dangers à long terme — en particulier en cas d'accueil massif d'immigrés provenant de pays à bas niveau de confiance et de civisme, et à haut niveau de corruption ou conflictualité. Mais il se garde bien de formuler un jugement péremptoire qui serait vrai quel que soit le pays d'origine ou d'accueil des immigrés. H.J.
    Though it always generates bitter controversy, the economic impact of immigration is seen, by and large, as more positive than negative, both for host countries and countries of origin. But what, more generally, of the long-term effects exerted by immigrants and their descendants on the host countries ? This more complex issue is rarely broached, though there has been research into the topic, which this article by Pierre-Yves Cusset examines here in the light of Garett Jones's book The Culture Transplant : How Migrants Make the Economies They Move to a Lot like the Ones They Left.Several lessons can be drawn. First, the particular social norms and values espoused by immigrants do not disappear when they cross borders ; moreover, as a general rule these are transmitted to their children and grandchildren, though the differences fade over time. Second, human ties exert a stronger pull than ties of place, and diversity of heritage has ambivalent effects. The impact is generally positive on economic prosperity so far as talent, experience and skills are concerned, but it tends toward the negative on questions of trust and the ability to cooperate, particularly where inherited attributes are concerned (sex, ethnicity etc.). Garett Jones concludes that, though the contribution of millions of immigrants (he is referring to the USA) may be an advantage in the short run, it also presents some long-term dangers — particularly where there is a massive inflow of immigrants from countries with low levels of trust and public-spiritedness and high levels of corruption or conflict. But he is careful not to come to peremptory conclusions that would apply equally to any country of origin or host nation.
  • Comment gérer la fin de vie ? : Les dispositions adoptées dans les pays industrialisés - Sergio Perelman, Pierre Pestieau p. 45-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Emmanuel Macron a annoncé, début mars 2024, vouloir présenter un projet de loi sur la fin de vie qui, après un avis favorable du Comité consultatif national d'éthique reconnaissant la possibilité d'une forme d'aide active à mourir, et une mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti (qui, depuis 2016, renforce les droits des patients et des personnes en fin de vie), a fait l'objet d'une Convention citoyenne, dont les conclusions ont été présentées en avril 20231, et enfin d'un rapport sur les soins palliatifs fin 20232. Ce projet de loi sur la fin de vie (dont le président de la République a précisé l'esprit en mars) devrait être présenté au printemps 2024, puis soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat.Dans une telle perspective, l'article de Sergio Perelman et Pierre Pestieau que nous publions ici présente un utile panorama des dispositions et pratiques fort différentes qui sont en vigueur dans les pays industrialisés, caractérisés, comme on le sait, par un vieillissement accéléré en raison de la baisse de la natalité et de l'allongement de la vie. Au préalable, les auteurs soulignent utilement la différence entre les soins de santé, de nature curative, qui visent donc la guérison et à maintenir les patients en vie, et ceux dont l'ambition est plutôt d'améliorer la « qualité de la mort ». Comment et où mourrons-nous demain ? Leur texte révèle combien les disparités sont grandes selon les pays, en ce qui concerne notamment les soins palliatifs, l'euthanasie et le suicide assisté, ainsi d'ailleurs que la prise en charge des coûts, plus ou moins supportés par la Sécurité sociale et les familles. H.J.
    In early March 2024, Emmanuel Macron announced that he intended to introduce an ‘end-of-life' bill which, after receiving a favourable response from the National Ethics Consultative Committee that recognized the possibility of a form of assisted dying and after an Assessment Mission on the Claeys-Leonetti Law (which has, since 2016, bolstered the rights of patients and persons at the end-stage of life), was first submitted to a Citizens' Panel that delivered its conclusions in April 2023, and then made the subject of a report on palliative care in late 2023. This end-of-life bill (the spirit of which was clarified by the President in March) would be introduced in spring 2024, before being submitted to the National Assembly and the Senate.With this in mind, this article by Sergio Perelman and Pierre Pestieau offers a useful overview of the very diverse arrangements and practices in force in the industrialized countries, which, as we know, are all seeing accelerated population-ageing on account of falling birth rates and increased life expectancy. As a preliminary, the authors helpfully underscore the difference between healthcare that is curative in nature and aimed at keeping patients alive and well, and care aimed at improving the ‘quality of death'.How and where will we die in the future ? The article points up the great disparities that exist between countries, particularly in the areas of palliative care, euthanasia and assisted suicide, as well as the differences over who bears the costs, which are variously divided between welfare systems and families.
  • Offensive des plateformes chinoises de vente en ligne : Vers une révolution du e-commerce mondial ? - Henri Isaac p. 61-75 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La fulgurante ascension économique de la Chine en quelques décennies et les inquiétudes géopolitiques que sa relation avec Taiwan ou les États-Unis suscitent font régulièrement la une des médias. Mais cette partie émergée de l'iceberg masque d'autres avancées dans le domaine économique, qui pourraient bien achever de déplacer le centre du monde vers Pékin. C'est en particulier le cas du secteur du e-commerce, dans lequel les Chinois ont bâti un modèle économique très spécifique et très différent des stratégies commerciales des Occidentaux, mais qui aujourd'hui leur permet de maîtriser l'intégralité de la chaîne de valeur des produits qu'ils commercialisent. Longtemps cantonnée au rang d'usine du monde, la Chine serait-elle en passe de maîtriser tous les rouages du e-commerce mondial, de la fabrication à la distribution, et de supplanter les géants américains du secteur (tel Amazon), en Asie, en Europe et même aux États-Unis ?Henri Isaac montre, dans cet article, comment peu à peu la Chine s'est imposée dans ce secteur du commerce électronique, en développant des plateformes qu'elle a patiemment rodées sur son propre territoire avant de partir à la conquête des autres marchés à l'étranger. Il présente les divers acteurs qui occupent ce terrain de jeu, les stratégies et modèles d'affaires qu'ils ont développés, qui recourent largement à l'intelligence artificielle, ainsi que la réaction des acteurs américains et européens face à leur offensive. Une réaction qui arrive peut-être trop tard pour renverser la vapeur…  S.D.
    The dazzling economic ascent of China within just a few decades and the geopolitical concerns raised by its relations with Taiwan or the USA regularly make headlines in the media. However, that visible tip of the iceberg masks some other advances in the economic field that might eventually shift the centre of the world Beijing-wards. This is particularly the case in the e-commerce sector, where the Chinese have built a very specific economic model that is significantly different from the commercial strategies of Western countries but currently enables them to control the whole of the value chain for the products they sell. Might China, long confined to being the world's workshop, be moving now toward controlling all the cogs of global e-commerce from manufacture to distribution, and supplanting the American giants in that sector (such as Amazon) in Asia, Europe and even the USA ?In this article, Henri Isaac shows how China has gradually gained a foothold in the electronic commerce sector, developing platforms it patiently tried and tested on its own territory before setting out to conquer other markets abroad. He describes the various actors who occupy this commercial field and the largely AI-backed business models and strategies they have developed, together with the reactions of the American and European players to the offensive they have mounted. A reaction which may come too late to turn the situation around…
  • Tribune

    • La cartographie au défi de Google Maps - Isabelle Baraud-Serfaty p. 77-83 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La représentation de l'espace géographique a toujours fait l'objet de discussions et controverses : suivant la perspective ou le type de projection adoptée, la carte obtenue varie grandement. De même, suivant la position centrale choisie sur un planisphère pour donner à voir un environnement géographique, on ne met pas en valeur les mêmes lieux et ressources. À ceci s'ajoutent désormais les fonctionnalités offertes par diverses plates-formes et entreprises du numérique, et leur capacité à prendre le pas sur les cartes (routières, de villes…) auxquelles les usagers de l'espace public étaient jusqu'ici habitués. Quels sont aujourd'hui les éléments qui guident la cartographie en ligne qui supplante de plus en plus massivement la cartographie papier, et que révèlent-ils des biais et des évolutions possibles de nos représentations de l'espace ? La prédominance des géants du numérique (en particulier Google) va-t-elle déboucher sur des cartes personnalisées, adaptées à nos préférences exprimées ou espionnées, ne permettant plus de représentation commune, voire largement guidées par des approches marchandes ?Dans cette tribune, Isabelle Baraud-Serfaty montre comment la cartographie, qui est un instrument de pouvoir, est aujourd'hui bouleversée par de nouveaux acteurs privés et leurs applications numériques, et les questions que cela soulève à moyen-long terme.  S.D.
      The representation of geographical space has always been a subject of debate and controversy : the perspective or type of projection adopted can lead to great variations in the eventual map obtained. Similarly, how a map is centred to present a particular geographical environment affects which places and resources are highlighted. To these factors we can now add the functionalities offered by various digital platforms and companies, and their ability to outperform the kinds of road-maps/city-plans which the users of public space were formerly used to. What are the factors steering online mapping today, as it comes increasingly to outstrip paper-based mapmaking ? And what do these tell us about the possible development of — and biases in — our representations of space ? Will the dominance of the digital giants (in particular, Google) lead to personalized maps keyed to our expressed — or surreptitiously observed — preferences, excluding any shared representations, and even maps shaped largely by commercial considerations ?Isabelle Baraud-Serfaty shows in this column how mapping, which is an instrument of power, is today being revolutionized by new private actors with their digital applications and examines the issues this raises in the medium-to-long term.
  • Repères

    • La demande de métaux critiques liés à la mobilité électrique : La sobriété, passage exigé - Véronique Lamblin p. 84-92 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La transition écologique et les objectifs de neutralité climatique ont rendu incontournable l'évolution vers la mobilité électrique — via notamment l'abandon programmé de la vente des véhicules thermiques neufs d'ici 2035 en Europe. Toutefois, deux études récentes soulignent l'impact du basculement vers un parc automobile tout-électrique sur la demande de métaux critiques — des matériaux pour lesquels la France comme l'Europe dépendent largement d'approvisionnements étrangers (principalement chinois). Elles présentent toutes les deux divers scénarios d'évolution de cette demande de métaux critiques, et leurs conclusions convergent : on ne pourra pas réussir une transition soutenable vers la mobilité électrique sans un accroissement de la sobriété, qu'il s'agisse de la taille des véhicules, de la puissance des batteries, de l'intensité d'utilisation des véhicules… S.D.
      Ecological transition and climate-neutrality objectives have made the shift to electric-powered vehicles inescapable — among other things, through the phasing-out of new combustion-driven vehicles in Europe by 2035. However, two recent studies highlight the major impact of a total switchover to electric vehicles on the demand for critical metals, materials for which France and Europe as a whole are largely dependent on foreign (mainly, Chinese) suppliers. Both studies present various scenarios for that demand for critical metals and converge in their finding that a sustainable transition to electrical mobility will not be achievable without greater voluntary restraint on the part of the consumer, whether in terms of vehicle size, battery power or intensity of use.
  • Chronique européenne

    • Le Parlement européen et les Français - Jean-François Drevet p. 93-100 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Du 6 au 9 juin 2024, tous les citoyens de l'Union européenne sont appelés à voter pour élire les 720 députés qui composeront, pour un nouveau mandat de cinq ans, le Parlement européen. Bien que dotés de pouvoirs désormais importants pour élaborer les lois et réglementations européennes, les eurodéputés sont peu visibles et peu mis en valeur à l'échelle nationale. C'est en particulier le cas en France où cette élection (dont le mode de scrutin est mal connu des électeurs) est souvent détournée en match de politique intérieure visant à distribuer les bons et les mauvais points aux élus et dirigeants politiques nationaux. Comme on a pu le constater dès le début de l'année, la cuvée 2024 ne fait pas exception, les mécontents de la politique gouvernementale menée en France appelant à sanctionner l'équipe en place et, inversement, le gouvernement et la majorité parlementaire invitant à rejeter les partis éloignés de leur ligne politique. Or, instrumentaliser l'élection européenne pour régler des comptes nationaux va à l'encontre du bon sens et de l'efficacité politique nécessaire pour peser sur les décisions prises à l'échelle de l'Union, dont on sait aujourd'hui qu'elles orientent pour une grande part les politiques publiques nationales (écologie, agriculture, énergie, technologie…).Pour clarifier les choses, Jean-François Drevet rappelle, dans cette chronique, en quoi consiste le mode de scrutin de cette élection ; il montre comment les élus travaillent et s'organisent pour peser sur les décisions européennes, et pourquoi il est important de bien réfléchir à qui l'on donne sa voix si l'on espère se faire entendre sur tel ou tel sujet à ce niveau de décision. Dans un contexte géopolitique particulièrement tendu en raison du conflit russo-ukrainien, et face à la nécessité de renforcer l'autonomie stratégique européenne sur les plans économique et écologique, cette remise en perspective des enjeux et des leviers d'action des eurodéputés mérite attention… S.D.
      Between 6 and 9 June 2024, all citizens of the European Union will be called on to elect the 720 MEPs for the European Parliament's next five-year term. Though now equipped with significant powers to formulate European laws and regulations, MEPs are not very visible or prominent at the national level. This is particularly the case in France, where the European elections (with a voting system not well understood by the electorate) often gets sidetracked into a domestic political contest in which national political leaders and representatives seek to score points off each other. As has been evident since the turn of the year, 2024 is no exception in this regard, as those discontented with French government policy urge the electorate to penalize the current incumbents, while the government and the parliamentary majority invite the public to reject their political opponents. However, using the European elections to settle national scores both defies common sense and fails to provide politically effective means for influencing the decisions made at EU level — decisions which will, as we know, guide national policies to a large extent (in the fields of ecology, agriculture, energy, technology etc.).To clarify matters, Jean-François Drevet reminds us here of the nature of the voting system in these elections. He shows how MEPs work and organize to influence European decisions and why it is important to weigh your vote carefully if the aim is to make your opinion felt on a particular matter at this level. In a geopolitical context made particularly tense by the Russia-Ukraine conflict and with crucial questions of strategic autonomy looming on both the economic and ecological levels, this fresh perspective on the issues facing MEPs and the levers of action available to them is a sobering read.
  • Actualités prospectives

  • Lu, vu, entendu