Contenu du sommaire : Mixité de genre en institutions

Revue Droit et société Mir@bel
Numéro no 116, 2024/1
Titre du numéro Mixité de genre en institutions
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier - Mixité de genre en institutions

    • Mixité de genre en institutions : une contrainte, un choix, une opportunité ? - Diane Bernard, Marie-Sophie Devresse, Olivia Nederlandt p. 7-16 accès libre
    • La mixité de genre au Parlement : garantie d'une démocratie représentative ? - Sophie Mercier p. 17-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Chambre des représentants, malgré une composition de plus en plus paritaire grâce à la mise en place de quotas sexués, reste un espace encore très masculin. La présente contribution cherche à comprendre comment les freins institutionnels entravent les potentiels effets de la mixité et empêchent dès lors une représentation complète : tant descriptive que substantielle. L'outil « mixité » a peut-être montré son incapacité à améliorer, seul, la représentation substantielle des femmes et le cadre de travail des parlementaires. L'article envisage alors des pistes pour penser la représentation au sein des Parlements en dehors de la mixité.
      Although the composition of the Belgian federal Parliament is nearly equal thanks to the introduction of gender quotas, it remains a very male-dominated body. This essay seeks to understand how institutional obstacles hinder the potential effects of gender diversity and, therefore, prevent full representation, both descriptive and substantive. The “gender balance” tool alone has perhaps proved incapable of improving the substantial representation of women and parliamentarians' working environment. The article provides possible solutions for discussing representation in parliaments apart from gender balance.
    • La mixité choisie : usages, enjeux et objectifs pour les luttes féministes - Mona Gérardin-Laverge p. 35-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore les contours, les usages, les enjeux et les objectifs des pratiques de « non-mixité » ou de « mixité choisie » dans les luttes féministes, pour interroger les critiques d'essentialisme, de séparatisme et de discrimination dont elles ont pu faire l'objet. Après un rapide aperçu historique de pratiques de non-mixité permettant de comprendre l'héritage dans lequel s'inscrit aujourd'hui la mixité choisie, nous montrons que cette pratique, plus qu'un simple mode d'organisation, constitue un outil de politisation qui requiert débat et apprentissage et met les luttes féministes en mouvement.
      This text explores the contours, uses, issues, and objectives of “non-mixing” or “chosen mixing” practices in feminist struggles, to question the criticisms of essentialism, separatism, and discrimination to which they may be subjected. After a brief historical overview of non-mixing practices, enabling us to overcome preconceived ideas and to understand the legacy of today's “chosen mixing,” we show that this practice, more than a simple mode of organization, constitutes a tool for politicization that requires debate and learning, and sets feminist struggles in motion.
    • La féminisation du personnel de surveillance pénitentiaire : la remise en cause d'une institution viriliste ? - Coline Cardi, Anaïs Henneguelle, Anne Jennequin, Corinne Rostaing p. 53-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article, qui croise analyse juridique et sociologique, interroge les contours et la mise en œuvre actuelle de la féminisation du métier de surveillant·e pénitentiaire. Cette féminisation est loin d'être une évidence et perturbe une institution fondamentalement pensée comme non-mixte. La mixité demeure contenue, pour garantir le bon fonctionnement des établissements. Derrière la mixité au travail se rejoue en réalité une division genrée des tâches entre femmes et hommes surveillant·es. La féminisation échoue dès lors à normaliser les conditions d'exercice des fonctions et maintient au contraire une difficile acceptation des femmes surveillantes dans ce qui reste « la maison des hommes ».
      Combining legal and sociological analysis, this article examines the scope and implementation of the feminization of the prison guard profession. This feminization is far from self-evident and disrupts an institution that was fundamentally conceived as non-gendered. To guarantee the smooth running of the establishments, it remains essentially contained. In reality, behind the notion of gender diversity in the workplace lies a gendered division of tasks between male and female guards. Feminization, therefore, fails to normalize conditions for the exercise of duties and, on the contrary, maintains a difficult acceptance of women prison guards in what remains “a man's house.”
    • La (non-)mixité entre hommes et femmes détenues dans les prisons belges. Une analyse des enjeux de genre dans les discours des personnes détenues et du personnel pénitentiaire - Olivia Nederlandt, Aurore Vanliefde p. 71-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Malgré le principe de séparation des hommes et des femmes régissant l'organisation des établissements pénitentiaires, une recherche empirique menée au sein de l'ensemble des prisons belges incarcérant tant des hommes que des femmes a permis de mettre en lumière des pratiques de mixité entre personnes détenues. L'analyse des discours du personnel pénitentiaire et des personnes détenues au sujet de ces pratiques permet d'étudier la construction des rapports de genre au sein de la prison et de mettre en exergue les normes et attentes de genre dans le chef de ces acteurs. Quatre thématiques sont développées dans la contribution : la non-mixité comme outil de gestion du risque de violences de genre, la mixité comme atténuation des stéréotypes de genre, la mixité comme vecteur d'égalité pour les femmes détenues et la mixité comme instrument de normalisation et facteur de diversité au sein de la population détenue.
      Despite the principle of gender-based segregation of incarcerated men and women, this empirical study conducted within all the Belgian prisons where both men and women are detained has shed light on practices of mixed-gendered regimes. By analyzing the discourse of prison staff and incarcerated individuals on these practices, the research examines the construction of gender relations within the prison and highlights the gender norms and expectations held by these actors. Four main themes are developed: gender segregation as a tool for managing the risk of gender-based violence, mixed-gender coexistence as a means of attenuating gender stereotypes, mixed-gender coexistence as a vector of equality for incarcerated women, and mixed-gender coexistence as an instrument of normalization and a contributing factor to diversity within the prison population.
  • Études

    • Politiser au prix d'une défaite ? La construction d'un procès politique par la défense indépendantiste catalane en 2019 - Florent Frasque p. 93-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur les procès politiques et les traite sous l'angle, peu étudié jusque-là, des stratégies de politisation menées par la défense en dépit du risque d'aggravation de la sanction judiciaire. À partir de l'analyse du procès des leaders indépendantistes catalans devant le Tribunal suprême espagnol en 2019, ce travail dévoile les conditions de possibilité d'une défense politique. Il identifie les facteurs expliquant l'orientation des pôles avocats-accusés vers une défense soit politique, soit légitimiste, ou qui alterne entre ces deux idéaux-types. En outre, l'examen des stratégies de politisation révèle une mobilisation croissante des droits fondamentaux dans le cadre de la défense politique. Cet article analyse également les mécanismes à l'origine de cette nouvelle évolution stratégique.
      This article uses the 2019 Spanish Supreme Court trial of Catalan pro-independence leaders to examine the strategies and mechanisms that give way to political trials, with a special focus on the politicization of the defense. This particular angle—rarely used in the extant literature—aims to understand why some defendants choose to politicize proceedings, despite the risk of suffering greater judicial sanctions. The empirical analysis allows to identify which determining factors lead defendants and their lawyers to construct a defense that favors either a political or legitimist approach, or one that alternates between the two. Additionally, by examining the strategic implementation of politicization, this article tracks recent growth in the use of fundamental rights and identifies the mechanisms involved in these new strategic articulations.
    • Devenir victimes de l'État. La longue quête de réhabilitation des mineurs grévistes de 1948 - Louise Clercq-Depret p. 117-137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La grève des mineurs d'octobre 1948 a été fortement réprimée par les autorités de l'époque. Ce n'est que par l'article 100 de la Loi de finances pour 2015 que les mineurs licenciés pour fait de grève ont été réhabilités. Comment expliquer cette réhabilitation ? En nous appuyant sur la notion d'arène publique et sur des outils plus classiques de l'analyse des politiques publiques nous montrerons que ce sont les interactions entre pouvoirs publics et acteurs mobilisés sur le temps long qui ont fourni des armes à la lutte pour la réhabilitation, ces armes ayant été mobilisées à bon escient dans un contexte politique et mémoriel favorable à la réhabilitation des mineurs grévistes de 1948.
      The authorities strongly repressed the miners' strike of October 1948. Article 100 of the French finance law of 2015 finally rehabilitated the miners. How does one explain this rehabilitation? Based on the notion of the public arena and more classical tools of policy analysis, our analysis shows that the interactions between public authorities and actors, involved over the long term, provided weapons to the mobilization. These weapons have been used wisely in a political and memorial context favorable to the miners' rehabilitation.
    • Contributions à une redéfinition des droits fondamentaux : les projets de Mounier et Gurvitch - Garance Navarro-Ugé p. 139-159 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Emmanuel Mounier et Georges Gurvitch rédigent chacun un projet de nouvelle Déclaration des droits. Ces deux textes, qui présentent de fortes similitudes conceptuelles et formelles, forment une critique matérielle de la Déclaration de 1789 puisqu'il s'agit de repenser la nature des droits fondamentaux dans une perspective critique de l'individualisme juridique, en reconnaissance des droits de groupes. Toutefois, les deux projets réaffirment l'héritage de la Déclaration de 1789, notamment par sa forme supra-étatique qui puise la légitimité des droits dans la société, considérée comme une source juridique à part entière. Ainsi, Gurvitch et Mounier proposent un autre regard sur les droits fondamentaux qui, bien qu'il ne soit pas sans paradoxes, apparaît comme une intervention intellectuelle à destination de la société et trouve une certaine résonance dans le monde contemporain.
      At the end of the Second World War, Emmanuel Mounier and Georges Gurvitch each drafted a new Declaration of Rights. With strong conceptual and formal similarities in their rethinking the nature of fundamental rights in a critical perspective of legal individualism and by the recognition of collective rights, these two texts constitute a criticism of the 1789 Declaration. However, both projects reaffirm the heritage of the 1789 Declaration, in particular by its supra-state form drawing the legitimacy of rights from society, considered as a legal source in its own right. Thus, Gurvitch and Mounier propose another vision of fundamental rights which, not without paradox, appears as an intellectual intervention with a certain resonance in the contemporary world.
  • Question en débat

    • Réflexions sur l'héritage juridique de « Paris 2024 » : le législateur face à l'illusion de la maîtrise des temps juridiques et sociaux - Baptiste Jouzier p. 163-182 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une étude du droit olympique de Paris 2024, et notamment des lois de 2018 et 2023, au prisme de la notion d'« héritage olympique ». Il interroge la place attribuée au droit dans cette œuvre de « transformation » qu'est l'organisation des Jeux. Il permet ainsi de réfléchir tant au rôle perçu du droit qu'à la problématique de l'articulation des temps juridiques, politiques et sociaux. En se fondant sur les travaux préexistants de la théorie du droit et de la sociologie juridique, il identifie trois temporalités distinctes dans les modalités transformatrices des lois olympiques – la dérogation, l'expérimentation et la modification permanente. Il souligne à la fois l'affichage d'une maîtrise des temporalités par le législateur et le risque d'une perte de contrôle de ce dernier sur le temps juridique dans une poursuite intenable des temps politiques et sociaux.
      This article offers a study of the Olympic law of Paris 2024, particularly of the 2018 and 2023 statutes, through the lens of the notion of Olympic legacy. It questions the place attributed to law in this work of ‘‘transformation'' and ‘‘progress.'' It provides an opportunity to reflect both on the perceived role of the law and on the problem of linking legal, political and social times. Drawing on pre-existing work in legal theory and legal sociology, it highlights three distinct temporalities in the transformative modalities of Olympic laws—derogation, experimentation and permanent modification. It shows both the display of a mastery of legal, political and even social times by the legislator, and the risk of a loss of control by the legislator over legal time in an untenable pursuit of political and social time.