Contenu du sommaire : Arme, signe ou relique : autour du bouclier médiéval
Revue | Le Moyen Age |
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Numéro | tome 129, no 2, 2023 |
Titre du numéro | Arme, signe ou relique : autour du bouclier médiéval |
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Articles
- Introduction - Catalina Girbea p. 401-402
- Sur la terre comme au ciel. Le bouclier armorié entre le symbole et l'emblème - Laurent Hablot p. 403-410 Le bouclier, qui accompagne systématiquement le guerrier médiéval, est chargé de valeurs à la fois symboliques et emblématiques. Les signes qu'il peut porter sont parfois des symboles, suggérant une idée abstraite, parfois des emblèmes, renvoyant vers une personne. Support habituel des enseignes héraldiques, le bouclier armorié est toutefois rarement porté au combat. Enfin, il peut également être chargé de valeurs spirituelles, de sens métaphoriques et constitue parfois une interface entre Dieu, les anges et l'homme qui l'arbore.The shield, which the medieval warrior systematically carried, is charged with both symbolic and emblematic values. It bears signs that are sometimes symbols, suggesting an abstract idea, and sometimes emblems, referring to a person. Heraldic ensigns are usually inscribed on the emblazoned shield, which is rarely worn in combat. Finally, it can also be charged with spiritual values and metaphorical meanings, and sometimes constitutes an interface between God, the angels, and the man who carries it.
- L'usage métaphorique du bouclier. Autour du scutum fidei dans l'imaginaire médiéval - Catalina Girbea p. 411-429 Si les épîtres de saint Paul, et particulièrement l'Epître aux Ephésiens, ont consacré au Moyen Âge l'image de la foi comme un bouclier, l'idée est bien plus ancienne et elle plonge ses racines dans l'Ancien Testament, qui ménage au bouclier de Dieu une place de choix. Cet usage métaphorique d'un objet qui appartient normalement à l'équipement militaire s'installe au cœur de l'imaginaire médiéval, qu'il s'agisse de romans, de récits didactiques et allégoriques ou tout simplement de chroniques. Le bouclier de Dieu ou de la foi se retrouve également dans l'iconographie des manuscrits contenant des textes théologiques, décrivant des représentations allégoriques complexes qui mettent en scène des psychomachies.While the Epistles of St. Paul, and particularly the Epistle to the Ephesians, established the image of faith as a shield in the Middle Ages, the idea is much older and has its roots in the Old Testament, which gives God's shield a prominent place. This metaphorical use of an object that normally belongs to the sphere of military equipment is at the heart of the medieval imaginary, whether in novels, didactic and allegorical narratives, or simply chronicles. God's shield, or the shield of faith, can also be found in the iconography of manuscripts containing theological texts, depicting complex allegorical representations of psychomachy.
- L'écu et l'épée dans Artus de Bretagne - Christine Ferlampin-Acher p. 431-445 Dans Artus de Bretagne, dont la première partie a été composée vers 1300, le héros porte un écu blanc ou échiqueté. L'article revient sur cette alternance ainsi que sur la paire constituée par l'écu et l'épée, deux éléments qui permettent de soutenir l'hypothèse d'une écriture en deux temps, la fin du roman étant une continuation allographe. Le motif du don des fées permet quant à lui d'éclairer la pratique intertextuelle à l'œuvre dans ce récit néo-arthurien. Malgré le caractère formulaire d'un certain nombre de mentions coordonnées, l'épée et l'écu ne constituent pas véritablement une paire : l'écu, dans la première partie du roman, vole la vedette à l'épée, pourtant distinguée par le nom de Clarence. Plus que l'épée, l'écu est associé à la lumière et à l'amour ; il trouve sa place dans les tableaux qui exaltent la cour et la chevalerie et en esthétisent les représentations, et contribue à construire Artus comme héros restaurateur de lumière ; de plus l'écu médiatise et met en image le corps à corps amoureux. Cependant le traitement de l'épée et de l'écu n'est pas uniforme tout au long du texte, la fin à partir du § 419 étant vraisemblablement une continuation allographe, qui a ajouté – maladroitement – l'échiqueté breton, et qui, plus épique que courtoise, rétablit la primauté de l'épée et rétrograde l'écu.In Artus de Bretagne, the first part of which was written around 1300, the hero wears a white or chequered shield. The article looks at this alternation and the pairing of the shield and sword, two elements that support the hypothesis of a two-stage writing process, with the end of the romance being an allographic continuation. The motif of the gift of the fairies sheds light on the intertextual practice at work in this neo-Arthurian narrative. Despite the topical formulation of coordinated references, the sword and the shield do not really form a pair: in the first part of the romance, the shield is more important than the sword, even though it is distinguished by the name Clarence. More than the sword, the shield is associated with light and love; it finds its place in descriptions exalting court and chivalry aestheticises their representations, and helps to construct Artus as the hero who restores light; the shield plays an important role in the love story of Artus and Florence. However, the treatment of the sword and the shield is not uniform throughout the text, the end from § 419 probably being an allographic continuation, which has added – clumsily – the Breton escutcheon, and which, more epic than courtly, re-establishes the primacy of the sword and demotes the shield.
- L'écu de Godefroy de Bouillon dans le Cycle de la Croisade. Du lion au dragon, opposition ou association ? - Camelia Rizoiu p. 447-463 Godefroy de Bouillon est l'une des personnalités importantes qui se sont imposées lors de la Première croisade. Le Cycle de la Croisade le met en avant, lui offrant un ancêtre merveilleux et un lignage illustre. Le but de cet article est d'étudier, par le texte et par l'image, le personnage de Godefroy à travers un élément héraldique majeur : l'écu. Cette pièce défensive, pourvue d'un langage propre, suit le chef de guerre depuis l'enfance jusqu'à la mort, et se transforme à chaque étape en fonction de la situation de celui qui le porte. Du lion et de l'aigle de l'enfance, du dragon de la croisade, des quatre dragons de la royauté orientale à la simplicité des derniers textes, chaque emblème présente Godefroy de Bouillon comme un chef de guerre plein de bravoure et de noblesse.Godefroy de Bouillon was one of the leading figures of the First Crusade. The Crusade Cycle puts him in the spotlight, giving him a wonderful ancestor and an illustrious lineage. The aim of this article is to study, using text and images, the character of Godefroy through a major heraldic element: the shield. This defensive item, which has its own language, follows the military leader from childhood to death, transforming itself at each stage to suit its bearer. From the lion and eagle of childhood, the dragon of the crusade, and the four dragons of Eastern royalty to the simplicity of the final texts, each emblem shows Godfrey de Bouillon as a military leader of great bravery and nobility.
- L'écu : prouesse, lâcheté et parodie de l'absence. Autour du manuscrit Bodley 264 - Andreea Apostu p. 465-477 La richesse des marginalia qui accompagnent le texte du Roman d'Alexandre dans le ms. Bodley 264 démontre « la possible réversibilité du centre et des marges », pour reprendre les mots d'I. Fabry-Tehranchi. Cet article analyse le traitement de l'écu et des armoiries dont il est le porteur dans ces drôleries qui entrent en concurrence avec l'iconographie centrale du manuscrit, mettant en scène l'épanouissement du monde seigneurial au XIVe siècle. On rencontre, d'une part, une profusion de blasons imaginaires connotés positivement ou négativement, mais aussi un registre parodique qui utilise soit l'écu sans dispositif héraldique soit l'écu anthropomorphe, dont les significations s'apparentent à celles rencontrées dans le topos du combat entre le chevalier et le limaçon, récurrent à l'époque. Miroir de l'identité seigneuriale, le blason est exempt, dans le Bodley 264, de la dérision qui, même si les représentations liminaires magnifient et concordent avec l'iconographie centrale, continue, par moments, à les accompagner.The richness of the marginalia accompanying the text of the Roman d'Alexandre in the ms. Bodley 264 demonstrates “the possible reversibility of the center and the margins”, in the words of I. Fabry-Tehranchi. This article analyzes the treatment of the shield and the coat of arms it bears in these drolleries, which compete with the central iconography of the manuscript, depicting the blossoming of the seigneurial world in the fourteenth century. On the one hand, there is a profusion of imaginary coats of arms with positive or negative connotations. On the other hand, there is a parodic register that uses either the shield without heraldic devices, or the anthropomorphic shield, whose meanings are similar to those found in the topos of the fight between the knight and the snail, a recurrent theme at the time. In Bodley 264, the coat of arms, as a mirror of seigneurial identity, escapes the derision that these representations in the margins sometimes express, even as they magnify and align with the central iconography.
- Les armoriaux arthuriens au XVIe siècle en France et Angleterre. Origine et développement des armoriaux arthuriens imprimés - Alexandra Ilina p. 479-490 Cette étude porte sur les transformations subies par les armoriaux arthuriens à l'époque du livre imprimé et s'intéresse aux fonctions de ces paratextes au XVIe siècle. Les deux premiers armoriaux concernés sont ceux de François Regnault et de Benoît Rigaud, inspirés principalement par la liste publiée par le célèbre Antoine Vérard au début de son Guiron le Courtois de 1501. À la fin du XVIe siècle, la Devise est traduite et adaptée en anglais par Richard Robinson. L'ancien armorial français est intégré dans les spectacles arthuriens organisés dans le milieu urbain anglais, où les identités des chevaliers arthuriens deviennent des rôles assumés par les membres les plus riches de la bourgeoisie londonienne. À travers les trois exemples investigués, l'armorial arthurien se décline comme une source prestigieuse pour l'imaginaire néo-chevaleresque.This study examines the transformations undergone by Arthurian armorials (lists of coats of arms) in the era of the printed book, and looks at the functions of these paratexts in the sixteenth century. The first two armorials concerned are those of François Regnault and Benoît Rigaud, which were inspired mainly by the list published by the famous Antoine Vérard at the start of his Guiron le Courtois of 1501. At the end of the sixteenth century, the Devise was translated and adapted into English by Richard Robinson. The old French armorial was integrated into Arthurian spectacles organized in English cities, where the identities of Arthurian knights became roles appropriated by the wealthiest members of the London bourgeoisie. Through the three examples investigated, Arthurian armorials emerge as a prestigious source for the neo-chivalric imaginary.
- Truchements et autres médiateurs dans les récits de voyage de Guillebert de Lannoy et de Bertrandon de la Broquière - Sandra Otte p. 493-513 Le pèlerin ou le voyageur peut difficilement arriver à destination et parcourir la région qu'il souhaite visiter sans l'intervention de quelques passeurs ou médiateurs. Les voyages en Terre sainte au Moyen Âge en sont des exemples éloquents. Le contact avec l'altérité se fait par ailleurs rarement sans médiation linguistique, la communication avec l'Autre étant un des problèmes majeurs auxquels est confronté l'homo viator. Truchements, latiniers et drogmans interviennent alors pour permettre la rencontre entre l'Ici et l'Ailleurs. Ces médiateurs forment un groupe à part entière dont l'identité mérite d'être questionnée. Dans cet article, nous proposons donc d'analyser la figure du médiateur à travers l'étude de deux récits de voyage du XVe siècle : les Voyages et ambassades de Guillebert de Lannoy et le Voyage d'Outremer de Bertrandon de la Broquière, deux œuvres qui mettent en lumière des phénomènes de médiation divers. Nous observons notamment qui sont les agents de la médiation dans les deux récits envisagés et quelle place leur accordent les auteurs : leur donnent-ils une identité propre ou mentionnent-ils uniquement leur fonction ? Nous montrons également comment Guillebert de Lannoy et Bertrandon de la Broquière, eux-mêmes ambassadeurs et/ou espions, peuvent incarner le rôle du médiateur et être des intermédiaires entre différentes cultures et entre le « je » et l'Autre.It is rare for pilgrims and travelers to reach their destinations and explore the regions they wish to visit without the intervention of a few passeurs or mediators. Journeys to the Holy Land in the Middle Ages are eloquent examples of this. Moreover, contact with the Other rarely takes place without linguistic mediation, as communication with the Other is one of the major problems that the homo viator faces. Consequently, intermediaries, Latiners, and dragomans intervene to enable Here and Elsewhere to meet. These mediators form a group in their own right, whose identity deserves to be investigated. In this article, we propose to analyze the figure of the mediator through the study of two travel narratives from the fifteenth century: Guillebert de Lannoy's Voyages et ambassades and Bertrandon de la Broquière's Voyage d'Outremer, two works that highlight diverse mediation phenomena. In particular, we look at the character of the mediator in the two narratives considered, and at the place the authors give them: do they give them an identity of their own, or do they simply note their function? We also show how Guillebert de Lannoy and Bertrandon de la Broquière, themselves ambassadors and/or spies, may embody the role of mediator, acting as intermediaries between different cultures as well as between the « I » and the Other.
Bibliographie
- Les tendances actuelles de l'historiographie des croisades (2020–2022) - Pierre-Vincent Claverie p. 515-531
Comptes rendus