Contenu du sommaire : Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe - XXe siècles)
Revue | Histoire@Politique |
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Numéro | no 52, 2024 |
Titre du numéro | Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe - XXe siècles) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe-XXe siècles) : introduction - Maxime Launay, Léo Rosell, Yann Sambuis L'approche par les lieux, souvent délaissée pas l'histoire politique à l'exception des lieux de pouvoir, offre pourtant des perspectives heuristiques fécondes. Propice au changement d'échelle et aux approches transdisciplinaires, elle a ainsi connu un regain d'intérêt depuis quelques années, plusieurs travaux interrogeant différents lieux du politique. Les lieux de détention, d'enfermement et de privation de liberté appartiennent indéniablement à cette catégorie. Au croisement d'enjeux qui intéressent tant le pouvoir politique que la politique au sens de lutte concurrentielle pour la conquête et la conservation de ce pouvoir, ces lieux recouvrent une large variété de réalités, des bastilles politiques à proprement parler aux bagnes coloniaux, aux prisons militaires ou aux lieux de résidence surveillée des opposants à un régime. Ils sont ainsi l'objet d'un renouvellement historiographique qui place au cœur de l'étude le lieu de la privation de libertés. Ce texte introductif entend revenir sur les enjeux épistémologiques autour du concept de lieu, de son investissement par l'histoire politique et de l'objet singulier que forment les lieux de privation de liberté.The approach through places, frequently overlooked by political historiography except for places of power, nonetheless offers particularly fruitful heuristic perspectives. Favorable to changes in scale and interdisciplinary approaches, this method has seen a notable resurgence of interest in recent years, with several studies examining various political spaces. Sites of detention, confinement, and deprivation of liberty undoubtedly fall within this category. Situated at the intersection of issues relevant to both political power and politics as a competitive struggle for the acquisition and preservation of this power, these places encompass a wide diversity of realities: from political bastilles to overseas penal colonies, including military prisons and places of house arrest for opponents. They have thus become the subject of historiographical renewal that places at the center of analysis the place that embodies the deprivation of their liberties. This introductory article aims to revisit the epistemological issues associated with the concept of place, its appropriation by political history, and the unique subject formed by places of deprivation of liberty.
- Des « néo-réductions » au zoo humain, les parcours carcéraux de Vaimaca Péru et Guyunasa/Michaëla (chef et épouse Charrúas) - Cyril Robelin Le cacique Vaimaca Péru et son épouse Guyunasa/Michaëla sont deux Indiens Charrúas originaires de l'actuel Uruguay. Nés au tournant des XIXe et XXe siècles, leur monde connaît de profonds bouleversements. Les colons espagnols et portugais relèguent les Charrúas dans des « néo-réductions » qui les privent de liberté. S'ils participent de 1811 à 1831 au processus d'indépendance de la République d'Uruguay, ils restent des indésirables. Le gouvernement du jeune État convoque alors les Charrúas dans trois lieux (Salsipuedès est le plus important) pour un massacre qui s'apparente à une action génocidaire. Vaimaca et Guyunasa figurent parmi les rares prisonniers et sont retenus captifs dans le fort de Montevideo. Vendus à un Français, François de Curel, directeur du Collège de Montevideo, leur expérience carcérale change alors de nature : ils sont en effet choisis, avec deux autres compatriotes, pour être exposés en France dans l'un des premiers zoos humains et débarquent près des Champs-Élysées en 1833. L'attraction demeure cependant un relatif échec, les Parisiens se sont en effet peu déplacés pour voir ces Indiens vivant dans des conditions misérables. Les quatre Indiens Charrúas deviennent alors des curiosités scientifiques. Les expériences menées sur eux ont pour but de prouver la supériorité raciale des Européens sur les autres peuples et ainsi légitimer toutes les politiques de domination coloniale. Vaimaca Péru meurt en 1833 et son épouse en 1834. En 2002, le retour des ossements du chef dans le Panthéon de Montevideo constitue un enjeu mémoriel de taille, puisqu'il s'agit de donner une place aux Indiens dans l'histoire de l'Uruguay.Cacique Vaimaca Péru and his wife Guyunasa/Michaëla were two Charrúa Indians from Uruguay. Born at the turn of the 19th and 20th centuries, their world was faced with a great upheaval. The Spanish and Portuguese colonists relegated the Charrúas to “neo-reductions” which deprived them of freedoms. Although they took part in the independence process of the Republic of Uruguay from 1811 to 1831, they were still rejected. Thus, the government of the new state summoned the Charrúas to three places (Salsipuedès being the most important) for a massacre similar toa genocide. Vaimaca and Guyunasa were among the few captives held prisoner in the Montevideo fort. Sold to a Frenchman, François de Curel, director of the Montevideo College, the condition of their captivity then changed because they were chosen to be exhibited in one of France's first human zoos with two other Natives. They ended up near the Champs Élysées in 1833, but the attraction was a relative failure. Few Parisians traveled to see these Indians living in miserable conditions. They later became scientific attractions. The experiments carried out on them aimed to prove the racial superiority of Europeans over other peoples and to legitimize all the policies of colonial domination. Vaimaca and Guyunasa respectively died in 1833 and 1834. The return of the chief's bones to the Pantheon of Montevideo in 2002 is now a major memorial issue, since it is a question of securing a place for the Indigenous peoples in the history of Uruguay.
- Les députés du PCF privés de leur liberté (1939-1943) : la prison comme lieu politique - Florent Gouven, Léo Rosell Souvent présentée comme un monde hermétique aux situations de rupture politique majeure, la prison serait une institution punitive par essence immobile. Notre article propose d'historiciser l'univers carcéral en étudiant les caractéristiques de l'internement des députés du Parti communiste français (PCF) entre octobre 1939 et février 1943. La question de l'enfermement de ces parlementaires en contexte de guerre permet d'explorer les logiques répressives successives de l'appareil d'État, le positionnement idéologique de l'organisation partisane et le vécu des détenus. La prison semble doublement apparaître comme un lieu politique. Elle se révèle être, d'une part, un espace où s'affrontent des stratégies politiques duales : si les pouvoirs publics usent de l'internement pour mettre à l'index des opposants, le mouvement communiste en fait un champ d'action pour défendre dès l'automne 1939 son orientation dite de « guerre impérialiste ». D'autre part, malgré les difficultés de leur quotidien carcéral, les députés emprisonnés conçoivent leur incarcération comme le temps d'une activité militante singulière. Sur le versant archivistique, notre analyse mobilise à la fois les sources de la répression étatique, les documents internes au PCF et des « ego-documents » – tels que les carnets et les lettres écrits en prison –, ainsi que des récits et des souvenirs de la détention.Often portrayed as a world impervious to situations of major political upheaval, prison appears as an essentially immobile punitive institution. Our article proposes to historicise the prison world by studying the characteristics of the internment of the French Communist Party (PCF) MPs between October 1939 and February 1943. The question of the internment of these MPs in a wartime context provides an opportunity to explore the successive repressive logics of the state apparatus, the ideological positioning of the party organisation and the experiences of the detainees. Prison appears to be a political place in two ways. On the one hand, it proved to be a place where dual political strategies clashed: while the public authorities used internment to ostracise opponents, the communist movement used it as a field of action to defend its "imperialist war" orientation from autumn 1939 onwards. On the other hand, despite the difficulties of daily life in prison, the imprisoned MPs saw their incarceration as a time for singular militant activity. On the archival side, our analysis draws on sources from state repression, internal PCF documents and ‘ego-documents' -such as notebooks and letters written in prison- as well as accounts and memories of imprisonment.
- La vie politique depuis les oflags et stalags allemands. Laboratoire et anamorphose de l'opinion française des « années troubles » - Delphine Richard À la suite de la débâcle de l'armée française au printemps 1940, près d'1,6 million de soldats français sont envoyés en Allemagne comme prisonniers de guerre. Détenus dans des camps militaires jusqu'à leur libération par les Alliés en 1945, ces Français dans la force de l'âge subissent alors l'expérience très singulière de cette captivité de guerre. Enjeu central de la politique de collaboration entre Vichy et le Reich, cet échantillon de la société française vit ainsi cinq années en plein cœur du territoire allemand sous surveillance de la Wehrmacht, dans le monde clos des stalags et des oflags. Coupés de leurs proches et de leur patrie, ils tentent par tous les moyens de maintenir le lien avec la France malgré l'enfermement et l'éloignement. Des sources variées nous permettent d'appréhender leur perception de la vie politique française depuis leurs camps allemands, nous renseignant sur les opinions et attitudes qui s'y développent passés les quelques mois qui suivent le profond traumatisme de la défaite. Dans un contexte où les prisonniers sont à la fois désinformés et instrumentalisés, le pétainisme connaît de longues heures de gloire. Mais cette adhésion semble correspondre pour la majorité de ces Français en exil à l'expression d'une forme de patriotisme sommaire dans leur contexte où seule la figure de Pétain incarne la France. Si cette opinion manifestement dominante évolue lentement et tardivement vers un ralliement massif à la Résistance dans les derniers mois de la guerre, le processus ne va pas sans chevauchement et ambivalences : il ne s'agit pas d'un simple cheminement linéaire du pétainisme vers le gaullisme. L'étude de cette « opinion » sous cloche dessine ainsi une forme d'anamorphose de l'opinion publique française troublée des années noires, complétant et reflétant toute sa complexité.Following the defeat of the French army in the spring of 1940, almost 1.6 million French soldiers were sent to Germany as prisoners of war. Held in military camps until they were set free by the Allies in 1945, these Frenchmen in the prime of life underwent the very singular experience of war detention. Central to the collaboration policy between Vichy and the Reich, this representative sample of the French society spent five years in the heart of German territory under Wehrmacht surveillance, in the enclosed world of stalags and oflags. Cut off from their loved ones and their homeland, they did everything they could to bridge the gap with France, despite their confinement and remoteness. Various sources give us an insight into their perception of French political life from their German camps, providing us with information on the opinions and attitudes that developed there in the few months following the profound trauma of defeat. As the prisoners were both misinformed and manipulated, Petainism was in its heyday. But given the situation of the majority of these French people in exile, this support seemed to be the expression of a form of basic patriotism, where only the figure of Pétain embodied France. While this clearly dominant opinion slowly and belatedly evolved into a massive rallying to the Resistance in the final months of the war, the process was not without overlapping and ambivalence: it was not a simple linear progression from Petainism to Gaullism. The study of this ‘opinion' in lockdown thus provides a kind of anamorphosis of the distressed French public opinion of the dark years, completing and reflecting all its complexity.
- De la révocation à la déportation : Édouard Herriot, un parcours de privation de libertés (1940-1945) - Yann Sambuis Le 10 juillet 1940, Édouard Herriot, qui avait pesé de tout son poids politique pour tenter d'empêcher le recours à Pétain, fait le choix de l'abstention. Désormais président d'une Chambre fantôme, il est révoqué de son mandat de maire de Lyon le 20 septembre 1940 et condamné à une quasi-impuissance politique. Sa volonté affirmée de défendre malgré tout l'institution parlementaire et les principes républicains est à l'origine d'un processus de privation progressive de libertés qui aboutit à sa déportation en Allemagne. D'abord retiré volontairement dans sa résidence iséroise de Brotel jusqu'en 1942, il mène avec Jules Jeanneney, le président du Sénat une « résistance légale » et manifeste publiquement son opposition au régime, conduisant les autorités de Vichy à l'assigner officiellement à résidence, avant de le faire arrêter et incarcérer à Évaux-les-Bains (Creuse), puis de le remettre aux autorités allemandes. Détenu par la Gestapo en Lorraine, il est déporté en 1944 dans un sanatorium proche de Potsdam. Cette itinérance carcérale typique des parlementaires républicains emprisonnés par Vichy se double d'un processus de privation graduelle des libertés politiques et civiques. Cet itinéraire original est analysé en suivant deux axes. Le lien de causalité entre l'activité politique maintenue par Herriot et la privation progressive de ses libertés est interrogé afin de déterminer dans quelle mesure la « résistance passive » d'Édouard Herriot est à l'origine de son arrestation puis de sa déportation. La correspondance entre itinérance carcérale et parcours de privation des libertés permet de mettre en lumière l'utilisation de l'incertitude géographique et de sa mise en scène par le système répressif vichyste.On July 10th, 1940, Édouard Herriot, who had thrown all his political weight behind trying to prevent Pétain from being called in, chose to abstain. Now president of a phantom Chamber, he was also dismissed as mayor of Lyon on September 20th, 1940, and condemned to virtual political impotence. His determination to defend the institution of parliament and republican principles in spite of everything led to a process of gradual deprivation of freedoms that culminated in his deportation to Germany. Initially voluntarily withdrawn to his Isère residence at Brotel until 1942, he and the President of the Senate led a ‘legal resistance' and publicly expressed their opposition to the regime. This led the Vichy authorities to place him under official house arrest, before having him arrested and imprisoned at Évaux-les-Bains (Creuse)and handing him over to the German authorities. Detained by the Gestapo in Lorraine, he was deported in 1944 to a sanatorium near Potsdam. This itinerant imprisonment, typical of Republican MPs imprisoned by the Vichy regime, was coupled with a process of gradual deprivation of political and civic freedoms. This original itinerary is analysed from two angles. The causal link between Herriot's continued political activity and the gradual deprivation of his freedoms is examined, in order to determine the extent to which his ‘passive resistance' was the cause of his arrest and subsequent deportation. The correspondence between prison itinerancy and the deprivation of liberty is studied, highlighting the use of geographical uncertainty and its staging by the Vichy repressive system.
- Des « vaincus » en prison : imaginaire et discours de collaborateurs épurés à la Libération - Antoine Limare L'histoire de l'épuration en France s'intéresse de plus en plus aux acteurs et à leur vécu au moment de la Libération. Pourtant, si les statistiques concernant la répression de la collaboration sont bien connues, il est peu fait cas de la manière dont les peines ont été appliquées, en particulier concernant l'enfermement des collaborateurs. L'étude de l'imaginaire des épurés permet d'envisager à la fois ce phénomène particulier de la « prison politique » tout en montrant en quoi l'épuration est un phénomène matriciel pour l'extrême droite française, dans la seconde moitié du XXe siècle.The history of the purification in France focuses increasingly on the actors and their experiences at the time of the Liberation. However, while the statistics on the repression of collaboration are well known, little is said about the way in which the penalties were applied, particularly with regard to the imprisonment of collaborators. The study of the imaginary of the purged allows us to consider this particular phenomenon of the "political prison" while showing how purification is a matrix phenomenon for the French far right in the second half of the twentieth century.
- « Biribi en Savoie » : la fin du dernier bagne de l'armée française (Fort d'Aiton, 1972) - Maxime Launay Bien des lignes ont été écrites sur l'histoire des bagnes que l'armée française avait organisés en Afrique du Nord pour punir les « fortes têtes » entre 1830 et 1962. On sait moins que le dernier avatar de cet « archipel punitif », analysé par Dominique Kalifa dans son ouvrage Biribi, se trouvait en Savoie et qu'il n'a fermé qu'en 1972. Pendant dix ans, c'est dans un fort discret et austère, à Aiton, que sont enfermés par mesure disciplinaire les hommes du rang des trois armées. Un régime d'exception y a cours : hérité du temps des colonies, il trahit un mépris de la dignité humaine. Cet article se propose de comprendre comment, dans le contexte de l'après Mai 68, le pénitencier militaire du fort d'Aiton devient un lieu politique. Les soldats qui y sont envoyés, qu'ils soient condamnés par un tribunal ou sanctionnés sur le plan disciplinaire, constituent aux yeux de l'administration un danger pour la valeur morale du corps de troupe. Cependant, la mise à l'agenda de l'armée et de sa juridiction d'exception comme « problème public » au début des années 1970 incite la société à jeter un autre regard sur cette institution disciplinaire devenue scandaleuse, l'inscrivant dans un combat séculaire contre les procédures d'exception. Cette mobilisation conduit in fine à la fin du dernier bagne de l'armée française en 1972.Much has been written about the history of the French Army's prisons and detention centres organized in North Africa to punish "strong heads" between 1830 and 1962. Less well known is the last avatar of the "punitive archipelago", analyzed by Dominique Kalifa in his book Biribi, located in Savoie and closed in 1972. For ten years, soldiers from the three armies were confined to a discreet fort in Aiton as a disciplinary measure. An exceptional regime prevailed, inherited from colonial times. This article sets out to understand how, in the Long 1968, the Aiton fort became a political place. For the administration, the soldiers sent there represented a threat to the moral value of the corps. But when the army and its exceptional jurisdiction were put on the agenda as a "public problem" in the early 1970s, society took another look at the Fort-Aiton scandal. The French army's last penal colony disappeared in 1972.
- Poursuivre la lutte contre le régime franquiste malgré l'enfermement : les combats des militants des Commissions ouvrières incarcérés à Carabanchel entre 1970 et 1975 - Virginie Robleda Sudre Les conditions de détention des prisonniers politiques dans la prison de Carabanchel à Madrid révèlent les défis auxquels ils étaient confrontés et mettent en lumière leur résilience face à l'oppression. Malgré leur enfermement, les prisonniers politiques continuent à mener des combats qui prolongent efficacement le travail de sape entrepris par l'opposition en dehors des murs de la prison. Le constat des conditions d'incarcération des prisonniers politiques à Carabanchel dans les années 1970 nous permet de réaffirmer que la violence à l'encontre de ses opposants demeurait un élément central du régime dictatorial. Les prisonniers politiques ont su adapter leurs stratégies de lutte pendant leur détention. Les deux principaux axes de leur combat étaient la demande de reconnaissance du statut de prisonnier politique des militants enfermés par le régime, et la médiatisation des procès politiques montrant le vrai visage d'une dictature toujours bien présente mais se fissurant peu à peu. L'enfermement des opposants politiques se retournait ainsi contre la dictature : s'il contraignait les voix divergentes, il ne permettait pas de les réduire au silence, et leur lutte sans cesse renouvelée permettait de mettre un peu plus en lumière l'autoritarisme du régime.The conditions of detention of political prisoners in the Carabanchel prison in Madrid reveal the challenges they faced and underscore their resilience in the face of oppression. Despite being confined, political prisoners continue to engage in struggles that effectively prolong the undermining efforts undertaken by the opposition outside the prison walls. Observing the incarceration conditions of political prisoners at Carabanchel in the 1970s reaffirms that violence against dissenters remained a central element of the dictatorial regime. Political prisoners managed to adapt their strategies of resistance during their detention. The two main focuses of their struggle were demanding recognition of the status of political prisoners detained by the regime and publicizing political trials that revealed the true face of a dictatorship still present but gradually crumbling. The imprisonment of political opponents thus turned against the dictatorship: while it constrained dissenting voices, it did not silence them, and their ongoing struggle shed further light on the authoritarianism of the regime.
- Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe-XXe siècles) : introduction - Maxime Launay, Léo Rosell, Yann Sambuis
Varia
- La société d'économie politique de Lyon (1859-1929) : itinéraire d'un groupe d'influence représentatif du libéralisme anglophile français - Antonin Andriot Fondée en 1866, la Société d'économie politique de Lyon est la deuxième du genre après celle de Paris en 1841. Rassemblant dès ses origines l'essentiel des milieux d'affaires du Rhône, notamment dans les milieux de la banque et de la soierie, ses membres se donnent pour tâche de promouvoir le libéralisme économique et plus particulièrement le libre-échange, afin de développer les échanges commerciaux de leur ville. Très vite, compte tenu des atouts industriels lyonnais, les ambitions deviennent nationales et internationales, et les personnages les plus influents de la région comme Henri Germain, Édouard Aynard ou Auguste Isaac s'investissent pour renforcer les liens avec le voisin britannique. Par intérêt commercial mais aussi par sympathie libérale, la société d'économie politique de Lyon va pour longtemps devenir un bastion de l'anglophilie en France, enviant la politique douanière britannique, copiant la politique sociale du Royaume-Uni et poussant à faire des deux pays des partenaires incontournables.Founded in 1866, the Ssociété d'économie politique de Lyon was the second of its kind after the one in Paris in 1841. From the outset, it brought together most of the Rhône's business community, particularly in the banking and silk industries, and its members set themselves the task of promoting economic liberalism and, more specifically, free trade, in order to develop their city's commercial exchanges. Very quickly, given Lyon's industrial strengths, its ambitions became national and international, and the most influential figures in the region, such as Henri Germain, Édouard Aynard and Auguste Isaac, became involved in strengthening links with their British neighbours. Out of commercial interest but also out of liberal sympathy, the Société d'Economie Politique de Lyon was to become a bastion of Anglophilia in France for a long time to come, envying British customs policy, copying British social policy and pushing for the two countries to become unavoidable partners.
- La conception de l'élite politique chez Freud - Jacquy Chemouni Cet article se propose d'étudier la conception développée par Freud selon laquelle une élite composée d'individus choisis pour leurs qualités devrait gouverner la « masse » en lui imposant ce qu'il qualifie de « dictature de la raison ». La masse apparaît comme une entité passive au sein de laquelle toute individualité s'efface, inaccessible aux arguments rationnels, soumise aux exigences pulsionnelles et présentant un fonctionnement psychique archaïque. Ces considérations révèlent un aspect souvent passé sous silence des positions politiques de Freud généralement considérées comme libérales et démocrates. Elles dévoilent finalement, à l'encontre de ce que lui-même affirme, que sa pensée psychanalytique n'est pas sans exprimer et valider des idées manifestement politiques.This article aims to study the conception developed by Freud according to which an elite composed of individuals chosen for their qualities should govern the “mass” by imposing what he describes as the “dictatorship of reason”. The mass appears as a passive entity within which all individuality disappears, inaccessible to rational arguments, subject to instinctual demands and presenting an archaic psychic functioning. These considerations reveal an often-overlooked aspect of Freud's political positions generally considered liberal and democratic. They finally reveal, contrary to what he himself affirms, that his psychoanalytical thought is not without expressing and validating manifestly political ideas.
- La société d'économie politique de Lyon (1859-1929) : itinéraire d'un groupe d'influence représentatif du libéralisme anglophile français - Antonin Andriot
Pistes et débats
- Les choses de la guerre : l'aide militaire interalliée dans l'histoire globalisée de la Seconde Guerre mondiale - Th. W. Bottelier Cet article a pour objectif d'approfondir, à travers une réévaluation des aides militaires interalliées, l'étude du tournant global dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. De 1941 à 1947, les Alliés échangèrent d'énormes quantités de biens et de services dans l'objectif de renforcer leur effort de guerre collectif contre les puissances de l'Axe. Ce fut, dans le contexte de l'aide au développement, l'approvisionnement le plus important de son histoire qui représenta un très grand pourcentage du commerce international contemporain. Pourtant, comme le démontre cet article, le phénomène passa pour l'essentiel inaperçu dans l'histoire politique, économique et internationale de la guerre. L'histoire de l'aide militaire interalliée demeure peu connue, elle permet pourtant de développer une histoire plus dense de l'économie politique et de la matérialité d'une guerre mondialisée au milieu du XXe siècle.The aim of this article is to advance the global turn in the study of the Second World War through a new look at inter-Allied defence Aid. From 1941 to 1947, the Allies provided each other with vast amounts of goods and services in support of their collective Anti-Axis war effort. It was the largest provision of overseas aid in history and took up a very large percentage of global trade. Yet, as this article demonstrates, it is largely invisible in the political, economic and international history of the war. Much remains unknown about inter-Allied aid, providing ample space for a richer account of the political economy and materiality of global warfare in the mid-twentieth century.
- Les choses de la guerre : l'aide militaire interalliée dans l'histoire globalisée de la Seconde Guerre mondiale - Th. W. Bottelier
Sources
- Le mouvement flamand du point de vue des diplomates français après la Grande Guerre. Le fonds Z124-3 : une source orientée ? - Nicolas Fleurier Le fonds Z124-3, conservé au Centre des archives diplomatiques de La Courneuve, réunit les documents relatifs à la « question flamande » en Belgique pendant l'entre-deux-guerres. Cette source, qui ressort d'une véritable vigilance diplomatique, n'a pas son équivalent dans les séries portant sur les autres pays frontaliers de la France. Elle permet d'évaluer la manière dont le mouvement flamand est interprété par la diplomatie française, qui utilise souvent des termes inadaptés ou des définitions variables. Elle mène à s'interroger sur les défauts de la prise d'information et le degré de subjectivité des analyses. Cette source présente l'avantage de renseigner sur le militantisme flamand et sur la relation des questions de politique intérieure avec les enjeux de politique extérieure. Elle informe sur la mémoire française de l'activisme et sur le mouvement flamand de France. Elle renseigne même sur le rôle actif des diplomates, dont la volonté de défendre les intérêts français mène jusqu'à envisager une doctrine proche de l'ingérence. Le fonds Z124-3 permet de comprendre comment le « flamingantisme » apparaît aux diplomates français, dont les observations sont en partie biaisées par des préjugés discriminatoires et les effets de loupe.The Z124-3 collection, held at the Centre des Archives Diplomatiques located in La Courneuve, contains documents relating to the "Flemish question" in Belgium between the wars. This source, which reflects genuine diplomatic vigilance, has no equivalent in the series relating to other countries bordering France. It enables us to assess the way in which the Flemish movement was interpreted by French diplomats, who often used inappropriate terms or variable definitions. It raises questions about the shortcomings of the information gathered and the degree of subjectivity of the analyses. The advantage of this source is that it provides information about Flemish militancy and the relationship between domestic and foreign policy issues. It provides information on the French memory of activism and on the Flemish movement in France. It even provides information on the active role played by diplomats, whose desire to defend French interests led them to envisage a doctrine akin to interference. The Z124-3 fonds helps us to understand how "Flemingantism" appeared to French diplomats, whose observations were partly biased by discriminatory prejudices and magnifying glass effects.
- Le mouvement flamand du point de vue des diplomates français après la Grande Guerre. Le fonds Z124-3 : une source orientée ? - Nicolas Fleurier