Contenu du sommaire : De l'Empire allemand à l'Europe : Strasbourg, Poznań et leur héritage allemand
Revue | Revue d'Allemagne |
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Numéro | Tome 56, no 1, janvier-juin 2024 |
Titre du numéro | De l'Empire allemand à l'Europe : Strasbourg, Poznań et leur héritage allemand |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
De l'Empire allemand à l'Europe : Strasbourg, Poznań et leur héritage allemand
- De l'Empire allemand à l'Europe : Strasbourg, Poznań et leur héritage allemand. Introduction - Alexandre Kostka, Volker Ziegler p. 3-24
- Die Schaffung von städtischen Erinnerungslandkarten in Ostmitteleuropa. Das Beispiel Posen - Igor Kąkolewski p. 25-55 L'objectif de cette contribution est de donner un aperçu de la carte symbolique de la mémoire de Poznan depuis le Moyen Âge jusqu'au début du XXe siècle, avec des perspectives jusqu'à nos jours. La ville, comme la majorité des villes d'Europe centrale et orientale, a connu deux phases de formation d'une culture de la mémoire urbaine. Au cours de la première phase, qui couvre la fin du Moyen Âge et le début de l'époque moderne, la carte symbolique de la mémoire était dominée par des contenus sacrés et bibliques, notamment des références à des saints, par exemple Saint-Martin. La deuxième phase couvre les XIXe et XXe siècles, c'est-à-dire l'époque moderne. Au cours de cette phase, les contenus sacrés ont été plutôt marginalisés, les contenus liés à l'histoire nationale (prussienne), mais aussi à l'histoire locale, profane et générale, dominant désormais dans l'espace public de la ville. Un mélange de symbolique nationale et religieuse peut à nouveau être illustré par les monuments polonais érigés après 1918.The purpose of this article is to present an overview of Poznań's symbolic memory map from the Middle Ages to the early 20th century, with a view to the present day. Like the majority of cities in East Central Europe, Poznań underwent two phases in the development of an urban culture of remembrance. In the first phase, which covers the late Middle Ages and the early modern period, the symbolic map of remembrance was dominated by sacred and biblical content, especially references to saints such as St. Martin. The second phase covers the 19th and 20th centuries, i.e. the modern era. In this phase, sacred content tended to be marginalised, as content linked to (Prussian) national history, as well as local secular and general history, now dominated the city's public space. Polish monuments created after 1918 display a combination of national and religious symbolism.
- Un théoricien libéral de la « colonisation intérieure » : Max Sering entre l'Alsace et la Posnanie, en passant par les grandes plaines de l'Amérique - Robert L. Nelson p. 56-75 Cette contribution s'intéresse à l'un des plus importants théoriciens de la « colonisation intérieure », Max Sering (1858-1939). Il a été influencé de manière décisive par sa formation à l'Université Kaiser Wilhelm de Strasbourg auprès des économistes nationaux Georg Friedrich Knapp et Gustav Schmoller, libéraux de gauche, et qui plaidaient pour une exploitation rationnelle des grandes exploitations agricoles sur l'arrière-plan d'un espace alsacien trop densément peuplé. Lors d'une mission en Amérique du Nord en 1883, Sering avait vu une réalisation de cet idéal, les fermes de 160 acres (67 hectares) créées par le Homestead Act (1862), et qui avaient repoussé la frontière des terres colonisées de plus en plus vers l'ouest. À son retour en Allemagne, il s'est battu pour une mise en œuvre pratique d'une « colonisation intérieure » moderne dans les provinces orientales de l'Empire, la Posnanie et la Prusse-Occidentale. Là, les propriétés possédées par les junkers étaient exploitées par des travailleurs saisonniers polonais, une solution qui n'était avantageuse ni sur le plan économique ni sur le plan politique. Le pouvoir politique des junkers ne permit cependant pas de réforme en profondeur. Les efforts intensifiés à partir de 1886 pour racheter des biens polonais et les distribuer à des colons allemands furent tout aussi infructueux. Les victoires allemandes pendant la Première Guerre mondiale semblaient dans un premier temps permettre une solution qui prévoyait un déplacement à grande échelle de la population polonaise des provinces orientales prussiennes vers les territoires « vides » créés par le traité de Brest-Litovsk et contrôlés par l'Empire. Mais il n'était plus question d'y penser après la défaite de l'Allemagne. Sering aurait certes protesté contre les plans brutaux de colonisation de l'Europe de l'Est par les nazis – mais il est difficile de nier qu'ils rejoignaient sur plus d'un point les positions qu'il avait défendues sur le déplacement de la population polonaise.This article deals with one of the most important theorists of “internal colonization”, Max Sering (1858-1939). He was decisively influenced by his education at the Kaiser-Wilhelm-University in Strasbourg under the left-liberal national economists Georg Friedrich Knapp and Gustav Schmoller, who argued in favour of the rational management of large agricultural holdings against the backdrop of an Alsatian region that was too densely populated. On a mission to North America in 1883, Sering saw this ideal realised in the 160 acres farms created by the Homestead Act (1862), which had pushed the boundaries of settled land ever further westwards. After his return, he fought for the practical implementation of modern “internal colonization” in the eastern provinces of the Empire, Poznań and West Prussia. There, the Junker-owned estates were run by Polish seasonal labourers, a solution that was neither economically nor politically advantageous. However, the political power of the Junkers did not allow for any far-reaching reform. Similarly unsuccessful were the intensified efforts from 1886 onwards to buy up Polish estates and distribute them to German settlers.The German victories during the First World War initially seemed to make a solution possible that envisaged the large-scale resettlement of the Polish population of the Prussian eastern provinces to the “empty” territories created by the Treaty of Brest-Litovsk and controlled by the Empire. However, this was no longer an option after Germany's defeat. Although Sering would have protested against the Nazis' brutal colonisation plans for Eastern Europe, it can hardly be denied that they coincided in more ways than one with the positions he advocated for the resettlement of the Polish population.
- Zwischen Villen, Mietskasernen, Parks und Prachtbauten - Matthias Barelkowski p. 77-99 En raison de la croissance rapide de la population et de l'économie de nombreuses villes de l'Empire allemand, des extensions urbaines sont devenues nécessaires au tournant du xixe au xxe siècle. Cependant, cela a souvent impliqué initialement la suppression d'installations militaires fortifiées. Bien que cela soit fréquemment mentionné et décrit dans des ouvrages sur l'histoire urbaine, moins d'attention a été accordée à la mise en œuvre pratique de ces décisions et aux conflits qui ont émergé entre les différentes parties prenantes. Cet article se concentre sur le processus de la deuxième expansion urbaine à Poznań, depuis les premiers plans jusqu'à la fin de l'appartenance de la ville à la Prusse en 1918, dans le contexte d'autres extensions urbaines dans l'Empire allemand. L'article s'appuie principalement sur les archives quasiment intactes mais largement inexploitées du service de la construction de la ville de Poznań, actuellement conservées aux Archives d'État locales. Les documents propres à la Commission royale chargée de l'extension urbaine de Poznań, responsable de la mise en œuvre de l'extension depuis 1904, doivent probablement être considérés comme perdus. De plus, des documents provenant des autorités prussiennes et impériales impliquées, actuellement conservés aux Archives secrètes d'État à Berlin et aux Archives fédérales à Berlin-Lichterfelde, ont été consultés. Le fonds de Josef Stübben, le président de la Commission d'extension urbaine, conservé aux Archives municipales de Cologne, a également été utilisé, ainsi que des publications de la presse locale. L'article aborde des questions telles que : Qui étaient les acteurs impliqués ? Quels conflits ont surgi entre eux, et quelles tentatives ont été faites pour les résoudre ? Comment l'extension urbaine a-t-elle été financée, et comment les changements ont-ils été évalués par la presse ? La thèse avancée est que la collaboration entre la mairie et la Commission d'extension urbaine était marquée par des conflits, entraînant de nombreux retards. De plus, l'article explore le contexte de la genèse du quartier du Château impérial, appelé le Kaiserforum, son histoire de réception et le rôle des différents acteurs, notamment de l'Empereur, en les comparant avec la genèse du quartier de la gare de Metz.Due to the rapid population and economic growth of many cities in the German Empire, urban expansions became necessary at the turn of the 19th to the 20th century. However, in many cases, this required the initial removal of military fortifications. While this is frequently mentioned and described in works on urban history, less attention has been given to the practical implementation of these decisions and the conflicts that arose among the various stakeholders. This article focuses on the process of the second urban expansion in Poznań, from the planning stages to the end of the city's affiliation with Prussia in 1918, against the backdrop of other urban expansions in the German Empire. The article relies primarily on the nearly fully preserved but largely unexplored records of the Building Department of the Magistrate of the City of Poznań, which is currently housed in the local State Archives. The direct records of the Royal Commission for the City Expansion of Poznań, responsible for implementing the expansion since 1904, are likely considered lost. Additionally, documents from the involved Prussian and Imperial authorities, now located in the Secret State Archives in Berlin and the Federal Archives in Berlin-Lichterfelde, were consulted. The estate of Josef Stübben, the commission's chairman, located in the City Archives of Cologne, was also utilized, along with publications from the local press.The article addresses questions such as: Who were the actors involved? What conflicts arose among them, and what attempts were made to resolve them? How was the urban expansion financed, and how was the change assessed by the press? The thesis put forth is that the collaboration between the Magistrate and the City Expansion Commission was fraught with conflict, leading to numerous delays. Additionally, the article explores the context of the development of the Castle Quarter, known as the Kaiserforum, its history of reception and the role of various actors, including the Emperor, in the planning process, also in comparison to the genesis of the representative quarter around Metz railway station.
- The Imperial Castle in Poznań: Histories of its Polonization - Piotr Korduba p. 101-119 Le Château impérial de Poznań, conçu comme une résidence pour Wilhelm II, reflète une histoire complexe de « polonisation ». Le projet initial visait à « élever » (heben) culturellement et politiquement les provinces orientales allemandes. Le château était au centre d'un espace symbolique, entouré d'institutions (bâtiment de l'Académie, Commission de colonisation prussienne, etc.) mettant en valeur l'identité nationale. Après la Première Guerre mondiale, le bâtiment a été « polonisé » par la suppression des symboles allemands et son aménagement en tant que résidence du Président de la République, tandis que de nombreux bâtiments environnants abritaient désormais des facultés clés de la nouvelle Université de Poznań. Le rôle du château pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que résidence d'Hitler et son adaptation ultérieure pendant la période d'après-guerre ont également façonné son récit identitaire. La décision de le préserver après la guerre a rencontré de l'opposition, mais depuis sa transformation en « Palais de la culture » en 1962 (rebaptisé « Centre culturel Zamek [Château] » en 1993), il est rapidement devenu une partie de la mémoire publique. Après 1989, les discussions sur la fonction et l'identité du château ont conduit à des rénovations, à la création de la « Route des empereurs et rois » destinée aux touristes, à un intérêt renouvelé pour son histoire, et même à une fierté locale. Le château, autrefois symbole du pouvoir allemand, est maintenant un élément dynamique de l'histoire de la ville, intégrant les récits passés avec des fonctions culturelles contemporaines. Cependant, la reconstruction du Château royal « polonais » de Przemysł II, entamée en 2010, un projet controversé visant à éclipser le Château impérial « allemand », reflète les tensions entre les récits historiques à Poznań. Les développements récents, tels que les événements organisés par la communauté LGBT+, mettent en lumière l'évolution du sens du château.The Imperial Castle in Poznań, conceived as a residence for Wilhelm II, reflects a complex history of Polonization. The original project aimed to culturally and politically “elevate” (heben) the eastern German provinces. The castle was at the centre of a symbolical space, surrounded by institutions (Academy Building, Prussian Settlement Commission, etc.) showcasing national identity. After First World War, the building was “polonized”, which included removing German symbols and its establishment as a residence of the President of the Republic, while many of the surrounding buildings housed key Faculties of the newly created University of Poznań. The castle's role during Second World War as Hitler's residence and subsequent adaptation in the post-war era further shaped its identity narrative. The decision to preserve it after the war faced opposition, but since its transformation into the “Palace of Culture” in 1962 (renamed “Zamek [Castle] Culture Centre” in 1993), it rapidly become part of public memory. Post-1989, discussions on the castle's function and identity led to renovations, the establishment of the “Royal-Imperial Route” destined at tourists, a revived interest in its history, and even local pride. The castle, once a symbol of German rule, now stands as a dynamic part of the city's history, integrating past narratives with contemporary cultural functions. However, the reconstruction of the “Polish” Royal Castle of Przemysł II, which started in 2010, a controversial project aiming to overshadow the “German” Imperial Castle, reflects tensions between historical narratives in Poznań. Recent developments, such as events organized by the LGBT+ community, showcase the castle's evolving meaning.
- Strasbourg dans l'enseignement et la recherche des historiens de l'art allemands à Poznań - Kamila Kłudkiewicz p. 121-133 Prenant comme départ le fonds des archives en histoire de l'art léguées par deux instituts allemands, celui de l'Académie royale de Poznań à l'époque de l'Empire wilhelmien (1904-1918) et celui de la Reichsuniversität de Poznań pendant l'occupation nazie (1940-1944), l'article s'attache à saisir la place constituée par la référence à l'art de Strasbourg dans la recherche et l'enseignement à Poznan. Ludwig Kaemmerer, qui dirigeait le Musée des beaux-arts (Kaiser-Friedrich-Museum) et enseignait l'histoire de l'art à l'Académie royale avant la Première Guerre mondiale, a accumulé un grand nombre de photographies, y compris sur Strasbourg, sans doute dans l'intention de réaliser une exposition comparative de l'art allemand du Moyen Âge. Otto Kletzl, directeur de l'Institut d'histoire de l'art à la Reichsuniversität, disposant de moyens très importants à un moment où les nazis se servaient ouvertement de l'histoire de l'art à des fins de propagande, a concentré les recherches sur l'art de l'Europe de l'Est, afin d'y cerner des influences venues d'Allemagne. Cependant, des indices donnent à penser que Strasbourg jouait dans ses enseignements et sa recherche un rôle de contrepoids, permettant d'accentuer la différence entre l'espace culturel transalpin italien et l'espace culturel germanique.The article aims to understand the role of Strasbourg art references in research and teaching in Poznan, using the German archives of the Royal Academy of Poznań during the Wilhelmian Empire (1904-1918) and the Reichsuniversität of Poznań during the Nazi occupation (1940-1944) as a starting point. Ludwig Kaemmerer, director of the Museum of Fine Art (Kaiser-Friedrich-Museum) and lecturer of art history at the Royal Academy before the First World War, collected a large number of photographs, including those of Strasbourg, presumably to mount a comparative exhibition of German medieval art. During a time when the Nazis were openly using art history for propaganda purposes, Otto Kletzl, the director of the Institute of Art History at the Reichsuniversität, focused his research on Eastern European art to identify influences from Germany. He had significant resources at his disposal. However, Strasbourg appears to have played a counterbalancing role in its teaching and research, emphasizing the distinction between the Italian transalpine cultural area and the Germanic cultural area.
- Nazi Officials and Architects facing the Wilhelmine Past. Poznań and Strasbourg under German Occupation - Aleksandra Paradowska p. 135-148 Cette contribution s'intéresse à la germanisation des espaces urbains de Poznań et de Strasbourg pendant la Seconde Guerre mondiale et de leurs vastes traditions enracinées dans la culture allemande. Le point de référence central des réflexions est constitué par les concepts allemands de « Volk » et de « Volksgemeinschaft » formulés au xixe siècle, repris et développés par les nationaux-socialistes. Des exemples d'édifices réalisés ou projetés dans les deux villes permettent de montrer comment l'architecture et l'urbanisme ont été un puissant instrument de germanisation et comment le concept de Volksgemeinschaft s'est matérialisé en eux. Cette contribution montre que des époques apparemment éloignées – la domination allemande du XIXe et le Troisième Reich – doivent être considérées dans leur contexte. Malgré les différences dans la politique de germanisation qui fut beaucoup plus modérée à Strasbourg qu'à Poznań, la comparaison des deux villes est essentielle pour élargir la compréhension des différents systèmes d'occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.This article discusses the Germanization of Poznan and Strasbourg's urban space during the Second World War and their deep-rooted traditions in German culture. It focuses on the German concepts of “Volk” and “Volksgemeinschaft” formulated in the 19th century, which were adopted and expanded by the nazis. It demonstrates how architecture and urban planning were used as a powerful tool for Germanization and the materialization of the concept of Volksgemeinschaft through examples of realized and unrealized buildings in both cities. In this context, it is important to note that the seemingly disparate epochs of German rule in the 19th century and of the Third Reich must be viewed in context. Although the Germanization policy was much milder in Strasbourg than in Poznan, comparing the two cities is crucial for broadening our understanding of the different German occupation systems during the Second World War.
- « C'est là que ma mère n'a pas appris à nager » : une bande dessinée historique pour raconter la transformation de la Nouvelle Synagogue de Poznań - Nathalie Frank p. 149-170 Quel est le point commun entre une synagogue majestueuse, une piscine municipale et une bâtisse fermée à l'avenir incertain qui tombe en ruine en plein centre-ville de Poznań ? C'est le même bâtiment à des époques différentes, un exemple d'« héritage dissonant » qui raconte l'histoire de la présence puis de l'absence de la population juive en Pologne. Cet édifice est le personnage principal d'une bande dessinée, « Wo meine Mutter nicht gelernt hat zu schwimmen » (Où ma mère n'a pas appris à nager) parue en 2023 dans le recueil Gerne würdest du allen so viel sagen aux éditions avant-verlag. Cette BD juxtapose des récits parfois contradictoires articulés autour du vécu de personnages réels ayant côtoyé ce lieu à des époques différentes – à commencer par la mère de l'autrice, qui a fréquenté la piscine dans son enfance – d'où le titre. Le travail est basé sur des documents d'archive, des témoignages écrits et des entretiens ainsi que sur des travaux de recherche sur le passé juif de la Pologne. Ainsi est rendue visible, vivante et émouvante la question de la signification et du devenir du patrimoine juif, aujourd'hui largement invisible dans le paysage culturel de l'Europe. Un appel à nous préoccuper de ce que nous racontent les bâtiments que nous côtoyons – et surtout ceux que nous ne côtoyons pas, parce qu'ils ont été détruits avec leurs occupants, ou transformés et rendus méconnaissables. On peut alors s'interroger : quel rôle joue l'invisibilité matérielle dans l'oubli, et comment la déjouer ?What is the common thread between a grand synagogue, a municipal bath, and a dilapidated edifice with an uncertain future in the heart of Poznań ? They are all the same building in different eras, an example of “dissonant heritage” that chronicles the presence and subsequent absence of Jews in Poland. It is featured as the main setting in the graphic novel “Wo meine Mutter nicht gelernt hat zu schwimmen” (Where my mother didn't learn to swim), which was published in 2023 as a part of the anthology Gerne würdest du allen so viel sagen (You would like to tell everyone so much) by avant-verlag. The comic presents contrasting accounts based on the experiences of individuals who spent time in the building at different times. The title of the work is inspired by the author's mother, who frequented the swimming pool as a child. The work is based on archive documents, written testimonies, interviews, and research about Poland's Jewish past. Thus, the question of the meaning and future of Jewish heritage, which is largely invisible in today's European cultural landscape, is brought to the forefront, made visible, and given life. It highlights the importance of considering what the buildings we pass by tell us, as well as the buildings we don't pass by because they have been destroyed along with their occupants or transformed beyond recognition. It prompts us to reflect on the role of material invisibility in the process of forgetting and how to overcome it.
Varia
- Interférences France-Allemagne. Jean-Louis Cohen (20 juillet 1949 – 7 août 2023) - Hartmut Frank p. 172-186
- Protéger, restaurer, administrer les monuments pour renforcer l'identité autrichienne ? - Solène Scherer p. 187-201 Durant les conflits armés, le patrimoine bâti artistique et historique fait partie des victimes, de manière intentionnelle ou non : des lieux hautement symboliques peuvent ainsi être pris pour cible en raison des répercussions que leur destruction aura pour les populations. Ce patrimoine détruit devient souvent un patrimoine martyr à partir duquel l'État qui en a la charge peut mettre en scène sa propre reconstruction. C'est le cas pour l'Autriche d'après la Seconde Guerre mondiale, où l'État utilise la restauration et la reconstruction des grands monuments, notamment viennois, dans sa mise en scène de la « renaissance ». Étudier la manière dont le patrimoine bâti détruit est pris en charge et instrumentalisé par l'État autrichien après 1945 permet de s'intéresser aux stratégies discursives mobilisées par les pouvoirs publics pour présenter le pays et la population dont ils ont la charge comme victimes, et non comme complices.During armed conflicts, artistic and historical monuments are among the victims, whether their destruction is intentionally or not : highly symbolic places can be targeted because their destruction will have repercussions for the population. These destroyed monuments often become a martyred heritage, serving as a tool for the state in charge to stage its own reconstruction. After the Second World War this was the case in Austria, where the state used the restoration and reconstruction of major monuments, particularly in Vienna, to stage its “renaissance”. By examining the way in which the destroyed monuments were taken over and instrumentalized by the Austrian state after 1945, this article looks at the discursive strategies mobilized by the public authorities to present the country and the population under their care as victims rather than accomplices.
- Der Bosnien-Band der Österreichischen Monarchie in Wort und Bild (1901) - Laurent Dedryvère p. 203-223 À partir d'une analyse du volume du Kronprinzenwerk sur la Bosnie-Herzégovine sous domination habsbourgeoise (1901), nous interrogeons la pertinence du concept de science impériale austro-hongroise. Si cet ouvrage est le fruit d'une « co-production » austro-hongroise et si ses protagonistes peuvent être qualifiés de propagandistes impériaux, des dissonances et divergences d'interprétation subsistent néanmoins entre rédacteurs issus des deux entités de la double monarchie, qui défendent des conceptions différentes du régime d'occupation. Ce volume du Kronprinzenwerk constitue un exemple typique de production exogène de savoirs, à laquelle les experts locaux ne sont que marginalement associés. Néanmoins, le concept de science « quasi-coloniale » offre un cadre heuristique plus pertinent pour l'étudier que celui de « science coloniale ».By means of an analysis of the Bosnian volume of the Kronprinzenwerk (1901), we question the relevance of the term ‘Austro-Hungarian imperial science'. The redactors of this volume can indeed be considered imperial propagandists, and the book itself an Austro-Hungarian co-production. Nevertheless, this does not eliminate the differences of opinion and the interpretative contradictions between the authors coming from both parts of the Dual Monarchy, who held different views of the occupation regime. The volume of the Kronprinzenwerk about occupied Bosnia is a paragon of exogenous knowledge production in which indigenous populations were only marginally involved. The concept of ‘quasi-colonial science' seems more accurate to investigate it than the more common term of ‘colonial science'.
- Lire ou voir ? Ernst Cassirer et Hans Blumenberg sur la pensée et l'image - Maximilian Priebe p. 225-242 Ernst Cassirer et Hans Blumenberg ont évalué le rôle de l'« image » dans la pensée de manière différente. Cet article présente Cassirer comme le philosophe de la « lecture », tandis que Blumenberg apparaît comme le philosophe de la « vision ». Cassirer veut montrer que chaque acte de représentation intérieure figurative par la pensée peut être déconstruit en signes plus élémentaires qui doivent être « lus » avant d'être « vus ». En revanche, Blumenberg fonde l'acte même de la pensée conceptuelle sur la rhétorique, à savoir sur les images qui sont littéralement « visibles » dans la structure des métaphores : dans son sous-sol de pensée « voir » précède « lire ». En situant ces deux approches dans le contexte de la querelle post-kantienne sur le rôle des images dans la physique du xxe siècle, cet article met à jour une partie de la préhistoire de ce qu'on appelle aujourd'hui le « visual turn » dans les sciences humaines.The German philosophers Ernst Cassirer and Hans Blumenberg have thought differently about the role of the ‘image' in thought. This article presents Cassirer as the philosopher of ‘reading', whereas Blumenberg appears as the philosopher of ‘seeing'. Cassirer wants to show that each act of figurative-pictorial inner representation in thought can be deconstructed into smaller elements of signs that need to be “read” before they can be “seen.” In turn, Blumenberg bases the very act of conceptual thinking on rhetoric, namely on the figurative images that are literally ‘visible' in the structure of metaphors. In his underground of thought, “seeing” precedes “reading”. By situating these two approaches in the context of the post-Kantian quarrel over the use of images in 20th century physics, this article uncovers some of the pre-history of what has today become known as the “visual turn” in the humanities.
- La mesure du lien de causalité en matière de dommage corporel - Sandie Calme p. 243-247
Italiques
- Maurice Carrez, Jean-Marc Olivier, Histoire des pays nordiques XIXe-XXIe siècles - Michel Fabréguet p. 249-250
- Albert Hamm, Les langues et cultures étrangères à la faculté des lettres de l'université de Strasbourg (1838-1967). Une histoire entre conflits et diversification - Vincent Balnat p. 250-253
- Christian Baechler, Gustav Stresemann (1878-1929). Le dernier espoir face au nazisme - Étienne Santiard p. 254-256
- Niels Gutschow, Obsesja porządku. Niemieccy architekci planują w okupowanej Polsce 1939-1945 - Hanna Grzeszczuk-Brendel p. 257-259
- Marie-Bénédicte Vincent, La dénazification des fonctionnaires en Allemagne de l'Ouest. Épurations et réintégration 1945-1974 - Michel Fabréguet p. 260-263
- Alfred Grosser (1925-2024) - Corine Defrance p. 265-268