Contenu du sommaire : Perspectives économiques 2023-2023

Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) Mir@bel
Numéro no 180, 2023
Titre du numéro Perspectives économiques 2023-2023
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Perspectives économiques 2023-2024 - Éric Heyer, Xavier Timbeau p. 5-9 accès libre
  • Partie I. Prévision

    • Sur l'onde des chocs : Perspectives 2023-2024 pour l'économie mondiale et la zone euro - Éric Heyer, Xavier Timbeau p. 11-137 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le fort rebond de l'activité économique en 2021 a pris fin au second semestre 2022. La crise énergétique et la hausse des prix des produits alimentaires ont poussé l'inflation vers des niveaux qui n'avaient pas été observés dans les pays industrialisés depuis les années 1980. Cette augmentation des prix a rogné le pouvoir d'achat des ménages, ce qui s'est traduit par une baisse de la demande si bien que de nombreux pays flirtent désormais avec la récession. Avec le repli récent des prix des produits énergétiques, l'inflation poursuivra sa décrue progressive, en partie freinée par le rythme de progression encore soutenu des prix des produits alimentaires. Mais les hausses passées des prix continueront à affecter négativement l'activité en 2023 et 2024. Alors que les gouvernements tentent d'amortir la baisse de revenu ou de limiter les hausses de prix par l'adoption de boucliers, les banques centrales augmentent les taux d'intérêt, ce qui accentue le ralentissement de la demande. Sur l'ensemble de l'année 2023, le PIB mondial progresserait de 2,3 %, après 3,2 % en 2022 et 6 % en 2021. La baisse de l'inflation serait progressive et les risques de boucle prix-salaire limités. L'inflation dépasserait encore 3 % en fin d'année 2024 dans la zone euro alors qu'elle s'établirait à 2,4 % aux États-Unis. Ce ralentissement amènerait aussi les banques centrales à mettre un terme au resserrement monétaire d'autant que la hausse des taux d'intérêt a fait resurgir le risque financier à l'échelle de la planète. Quand bien même les quelques faillites bancaires des dernières semaines ne provoquent pas de crise bancaire globale, le risque demeure présent.
      The strong rebound in economic activity in 2021 came to an end in the second half of 2022. The energy crisis and rising food prices have pushed inflation to levels not seen in the industrialised countries since the 1980s. This rise in prices has eroded household purchasing power, leading to a fall in demand, with the result that many countries are now teetering on the brink of recession. The recent decline in energy prices will see inflation continue to drop gradually, although this will be held back in part by the ongoing rise in food prices. The past price rises will continue to hit activity in 2023 and 2024. As governments take steps to try to cushion the fall in income and limit price rises, central banks are raising interest rates, exacerbating the slowdown in demand. Over 2023 as a whole, world GDP is expected to grow by 2.3%, after 3.2% in 2022 and 6% in 2021. Inflation should fall gradually, and the risk of price-wage loops is limited. By the end of 2024, inflation in the eurozone will still exceed 3%, while in the United States it will be 2.4%. Sluggish demand will lead central banks to put an end to monetary tightening, especially as higher interest rates aggravate financial risks globally. While the handful of bank failures in recent weeks haven't triggered a global banking crisis, the risk remains.
  • Partie II. Prévision

    • Le prix de l'inflation : Perspectives 2023-2024 pour l'économie française - Éric Heyer, Xavier Timbeau p. 139-176 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La reprise de l'activité post-Covid a été violemment freinée par de multiples événements, en premier lieu les conséquences de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La crise énergétique, le retour du spectre de l'inflation, les tensions internationales et les difficultés d'approvisionnement, la remontée brutale des taux… l'ensemble de ces chocs amputeraient la croissance du PIB de 3 points sur trois ans malgré les mesures budgétaires déployées. Si le reflux des prix de l'énergie depuis le pic de l'été 2022 devrait permettre d'éviter officiellement une récession, l'économie française ne devrait cependant croître que de 0,8 % en 2023, marquée encore par la diffusion du choc monétaire et énergétique. En 2024, sous l'hypothèse d'une relative stabilité des prix de l'énergie et sans crise financière majeure, la croissance du PIB serait de 1,2 %. La croissance de l'activité serait principalement amputée par la diffusion de la hausse des taux et une politique budgétaire plus restrictive. Tirée par les prix de l'alimentaire, l'inflation resterait élevée jusqu'à la fin de l'année 2023 oscillant entre 5,5 % et 6,5 %. Elle commencerait à se dégonfler seulement à partir de 2024 pour converger vers les 3 % à la fin de l'année prochaine. Au total, l'inflation mesurée par l'IPC, augmenterait en moyenne de 5,8 % en 2023 et de 3,8 % en 2024. Le pouvoir d'achat par unité de consommation baisserait de 1,2 % sur la période 2022-2024. Il reviendrait en 2024 à un niveau proche de 2019 malgré les mesures fiscales déployées. Le taux d'épargne des ménages, encore près de 3 points au-dessus de son niveau de 2019 à la fin 2022, convergerait vers son niveau d'avant-crise à l'horizon de la prévision, soutenant ainsi la consommation. La « surépargne » accumulée depuis le début de la crise Covid représenterait 12,6 % de leur revenu annuel, hors taxe inflationniste sur le patrimoine, à la fin de l'année 2024. Le climat des affaires des entreprises contraste avec les déficits extérieurs historiques. Cependant, le moindre restockage et la stabilité attendue du taux d'investissement, couplés à un rattrapage partiel des parts de marché avec notamment l'amélioration de la situation dans l'aéronautique, permettrait au commerce extérieur de contribuer positivement à la croissance au cours des trimestres à venir. L'année 2023 devrait être l'année du retournement du marché du travail, le taux de chômage augmentant à partir du second semestre, avec la baisse de l'apprentissage et la hausse de la durée du travail. Nous attendons 101 000 pertes d'emplois entre la fin de l'année 2022 et celle de 2024 et un taux de chômage à 7,9 % à la fin de l'année prochaine (contre 7,2 % actuellement). Cependant la productivité du travail ne retrouverait pas sa tendance d'avant-crise d'ici la fin 2024, révélant un cycle de productivité encore largement creusé. Le déficit public à 4,7 % du PIB en 2022, plus bas que prévu dans le PLF 2023, diminuerait légèrement, sous l'effet de l'extinction progressive des mesures sanitaires et énergétiques pour atteindre 4 % du PIB en 2024. Le ratio entre dette publique et PIB baisserait, passant de 111,6 % en 2022 à 107,8 % en 2024, ce dernier bénéficiant d'une croissance du PIB nominal vigoureuse avec la hausse marquée des prix du PIB. L'inflation élevée relève compta-blement le niveau de déficit qui stabilise la dette en points de PIB, allégeant ainsi le poids de la dette.
      The post-Covid recovery has been severely hampered by a number of events, starting with the impact of Russia's invasion of Ukraine. The energy crisis, the return of the spectre of inflation, international tensions and supply difficulties, the sudden rise in interest rates... this series of shocks is likely to cut GDP growth by 3 points over the next three years, despite the fiscal steps taken. Although the fall in energy prices since the peak in the summer of 2022 should make it possible to avoid an official recession, France's economy is nevertheless expected to grow by only 0.8% in 2023, as it continues to suffer from the monetary and energy shocks. In 2024, assuming relatively stable energy prices and no major financial crisis, GDP growth should be 1.2%. A pickup in activity will be cut back mainly by the diffusion of higher interest rates and a more restrictive fiscal policy. Driven by food prices, inflation is expected to remain high until the end of 2023, fluctuating between 5.5% and 6.5%. It will start to ease only from 2024 onwards, converging towards 3% by the end of next year. Overall, CPI inflation should rise by an average of 5.8% in 2023 and 3.8% in 2024. Purchasing power per consumption unit is likely to fall by 1.2% over the period 2022-2024. By 2024, it should return to a level close to that of 2019, despite the tax measures taken. The household savings rate, still almost 3 points above its 2019 level at the end of 2022, should converge towards its pre-crisis level by the forecast horizon, thereby supporting consumption. The “excess savings” accumulated since the start of the Covid crisis will represent 12.6% of households' annual income, excluding the inflationary wealth tax, by the end of 2024. Business sentiment contrasts with the historic external deficits. However, the lower level of inventory restocking and the expected stability in the rate of investment, coupled with a partial recovery in market shares, notably with the improved situation in the aerospace industry, should enable foreign trade to make a positive contribution to growth over the coming quarters. The year 2023 should see a turnaround in the labour market, with the unemployment rate rising from the second half of the year onwards as apprenticeships decline and working hours rise. We expect 101,000 job losses between the end of 2022 and the end of 2024, and an unemployment rate of 7.9% at the end of next year (compared with 7.2% at present). However, labour productivity is not expected to return to its pre-crisis trend by the end of 2024, revealing a productivity cycle that is still well entrenched. At 4.7% of GDP in 2022, the public deficit is lower than forecast in the 2023 budget bill, and it should fall slightly as the health and energy measures are gradually phased out, to reach 4% of GDP in 2024. The ratio of public debt to GDP is set to fall from 111.6% in 2022 to 107.8% in 2024, with the latter benefiting from vigorous nominal GDP growth and a marked rise in GDP prices. In accounting terms, high inflation pushes up the level of the deficit, which stabilises the debt in GDP points, thereby lightening the debt burden.
  • Partie III. Étude Spéciale

    • Comment expliquer l'évolution de l'emploi salarié depuis la crise Covid ? : Une analyse économétrique sur données macro-sectorielles - Éric Heyer p. 179-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, le dynamisme des créations d'emplois dans le secteur marchand non agricole en France ne cesse de nous surprendre trimestre après trimestre. Fin 2022, soit trois ans après le début de la crise Covid, l'activité dans ce même secteur, mesurée par sa valeur ajoutée, se situe 1,2 % au-dessus de son niveau pré-crise. Compte tenu du sentier de croissance de la productivité du travail observé avant la crise, évalué à 0,9 % l'an par Ducoudré et Heyer (2017), cette faible croissance de l'activité aurait dû conduire, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse de 1,6 % de l'emploi salarié dans le secteur marchand fin 2022. Mais au lieu de baisser de plus de 270 000 postes, l'emploi salarié marchand non agricole a au contraire progressé de près de 800 000 (+4,6 %) au cours des trois dernières années selon les chiffres de la comptabilité nationale. Dans cet article, trois pistes ont été avancées et testées pour expliquer cet écart de plus de 1 million d'emplois salariés marchands au cours de la période 2019-2022 : ■ La première réside dans une durée du travail moyenne par salarié qui n'avait toujours pas retrouvé son niveau qui prévalait avant la crise, réduisant la productivité apparente des salariés ; ■ Le fort recours à l'apprentissage observé depuis 2019 est une deuxième piste envisageable (Coquet, 2023) ; ■ La troisième serait due aux nombreuses aides distribuées aux entreprises depuis la crise de la Covid-19 qui, en modifiant les incitations des entreprises à licencier et embaucher, a pu les inciter à faire de la rétention de main d'œuvre. Ces aides ont non seulement pu enrichir la croissance en emplois des entreprises qui se portent bien mais aussi maintenir artificiellement certaines d'entre elles en activité alors même qu'elles auraient dû faire faillite, comme l'illustre le très faible nombre de défaillances d'entreprises au cours des trois dernières années. Il ressort de nos estimations d'équations de demande de travail réalisées sur données macro-sectorielles que ces trois pistes expliqueraient près de 70 % de l'écart de créations d'emplois décrit précédemment. Dans le détail, la moindre durée du travail des salariés en expliquerait 18 % (soit près de 200 000 emplois), 24 % seraient à mettre en lien avec la forte progression du nombre d'apprentis au cours de période d'analyse (soit plus de 250 000 emplois) et 26 %, soit près de 280 000 emplois, s'expliqueraient par les mesures « exceptionnelles » de soutien aux entreprises. Notons par ailleurs que si ces trois pistes expliquent la quasi-intégralité de l'effet dans le secteur des services marchands, elles n‘en expliquent que la moitié dans celui de la construction et à peine un tiers dans celui de l'industrie. Dans ce secteur, avant de conclure à une baisse tendancielle des gains de productivité et en attendant les comptes nationaux définitifs, une explication alternative pourrait être avancée : l'anticipation d'une reprise illustrée par des carnets de commandes fournis pourrait inciter les employeurs à conserver leurs effectifs afin d'éviter les coûts liés à la recherche de nouveaux candidats une fois les problèmes d'approvisionnement réglés. Ce comportement peut se trouver exacerbé dans un contexte où une grande majorité des entreprises déclare rencontrer des pénuries de main-d'œuvre.
      Since the outbreak of the pandemic, the dynamism of job creation in the non-agricultural market sector in France has continued to surprise us quarter after quarter. At the end of 2022, three years after the start of the Covid crisis, activity in this sector, measured by its value added, was 1.2% above its pre-crisis level. Given the growth path of labour productivity observed before the crisis, estimated at 0.9% per year by Ducoudré and Heyer (2017), this weak growth in activity should have led, all else being equal, to a 1.6% fall in paid employment in the market sector by the end of 2022. But instead of falling by more than 270,000 jobs, non-agricultural paid employment in the market sector has actually risen by almost 800,000 (+4.6%) over the last three years, according to national accounts data. In this article, three possibilities have been put forward and tested to explain this gap of more than 1 million jobs in the market over the period 2019-2022: • The first is that average working time per employee has still not returned to its pre-crisis level, reducing the apparent productivity of employees; • The high take-up of apprenticeships observed since 2019 is a second possible explanation (Coquet, 2023); • The third could be the numerous subsidies distributed to companies since the Covid-19 crisis which, by changing the incentives for companies to lay off and hire, may have encouraged them to retain labour. Not only could this aid have been able to boost employment growth in companies that are doing well, but it could also artificially have kept some of them in business even though they should have gone bankrupt, as illustrated by the very low number of company failures over the last three years. Based on our estimates of labour demand equations using macro-sector data, these three factors explain almost 70% of the difference in job creation described above. Breaking this down, the shorter working hours of employees explain 18% (i.e. almost 200,000 jobs), 24% is linked to the sharp rise in the number of apprentices over the analysis period (i.e. more than 250,000 jobs) and 26%, i.e. almost 280,000 jobs, is due to the “exceptional” business support measures. It should also be noted that while these three factors explain almost all of the difference in the market services sector, they explain only half of it in the construction sector and barely a third in industry. In this latter sector, before concluding that there is a downward trend in productivity gains and while awaiting the definitive national accounts, an alternative explanation could be that the anticipation of an upturn illustrated by full order books could be encouraging employers to retain their workforce in order to avoid the costs associated with finding new candidates once supply problems have been resolved. This behaviour may be heightened in a context where a large majority of companies are reporting labour shortages.
    • L'évolution des salaires depuis la crise de la Covid-19 dans les principaux pays industrialisés - Christophe Blot, Sabine Le Bayon, Benoît Williatte p. 207-240 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La reprise post-Covid s'accompagne d'une forte inflation en grande partie tirée par l'évolution des prix de l'énergie. Ce choc fait suite à la crise sanitaire qui a fortement perturbé le fonctionnement du marché du travail faisant apparaître des tensions. Comment les salaires ont-ils réagi dans ce contexte ? Cette étude décrit la dynamique des salaires dans les principaux pays industrialisés depuis fin 2019. Nous rappelons d'abord que les données de salaire sont issues de différentes sources et qu'elles peuvent être construites selon différentes approches, ce qui rend la compréhension de leur évolution plus délicate que celle des prix. Ainsi, sur la période récente, les données issues de la comptabilité nationale font apparaître des différences relativement aux salaires mesurés par les enquêtes à composition fixe, en partie liées aux effets de structure de l'emploi qui ont été impactés par l'activité partielle et les mesures de confinement. De même l'évolution du salaire minimum peut faire apparaître des divergences importantes selon les modes de revalorisation et le niveau initial de ces salaires. Il ressort néanmoins que la progression des salaires a été plus forte aux États-Unis que dans la plupart des pays européens si bien que le pouvoir d'achat des salariés américains a dans l'ensemble mieux résisté, ce qui pourrait aussi refléter la situation du marché du travail avec des tensions globalement plus fortes outre-Atlantique. Il est néanmoins probable que les ajustements de salaire soient toujours en cours. Le regain de l'inflation s'est produit plus tôt outre-Atlantique, ce qui pourrait expliquer une augmentation plus rapide des salaires. Il est donc probable que les salaires continuent d'augmenter à un rythme plus élevé en 2023 que ce qui avait été observé entre 2010 et 2019.
      The post-Covid recovery has been accompanied by high inflation, largely driven by energy prices. This shock was preceded by the pandemic, which severely disrupted the functioning of the labour market, causing tensions to emerge. How did wages react in this context? This study describes wage dynamics in the main industrialised countries since the end of 2019. We begin by pointing out that wage data come from different sources and can be constructed using different approaches, which makes understanding their evolution more delicate than that of prices. For example, over the recent period, national accounts data reveal differences relative to wages measured by fixed-composition surveys, which is partly linked to the effects of the structure of employment, which has been affected by part-time work and lockdowns. Likewise, changes in the minimum wage can reveal significant divergences depending on the methods of revaluation and the initial level of these wages. Nevertheless, wage growth has been stronger in the United States than in most European countries, meaning that the purchasing power of American workers has been more resilient overall, which may also reflect the situation on the US labour market, which is generally under greater pressure. Nevertheless, it is likely that wage adjustments are still ongoing. The pick-up in inflation occurred earlier in the US, which could explain the faster rise in wages. It is therefore likely that wages will continue to rise at a higher rate in 2023 than was seen between 2010 and 2019.
  • Index - p. 241-245 accès libre
  • Liste des abréviations de pays - p. 246-248 accès libre