Contenu du sommaire : Varia
Revue |
20 & 21. Revue d'histoire Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire |
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Numéro | no 86, avril-juin 2005 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les "petits procès exemplaires" en URSS durant la Grande Terreur (1937-1938) - Nicolas Werth p. 5 À l'automne 1937, parallèlement aux grands procès de Moscou, se tinrent dans les campagnes soviétiques plus de 700 « petits procès », parfois qualifiés de « procès agricoles ». Ces procès furent ordonnés directement par Staline dans une directive du 3 août 1937, suivie de plusieurs autres. Elles témoignent de l'interventionnisme du chef du Kremlin, de son obsession du détail et de son goût pour le « procès exemplaire » à vocation pédagogique. S'appuyant sur l'exemple du procès tenu entre le 18 et le 20 septembre 1937 dans la ville de Severnyi en Sibérie occidentale, Nicolas Werth analyse la fabrication de ces « petits procès ». Organisé par les responsables régionaux du Parti et du NKVD, il frappa une quinzaine de personnes, dont le premier secrétaire du Parti du district, petit et brutal satrape local. Si les accusations d'abus de pouvoir étaient justifiées par les nombreuses plaintes des kolkhoziens, en revanche, celles de sabotage et de visées contre-révolutionnaires reposaient sur des témoignages forgés de toutes pièces. Tous les accusés furent condamnés à la peine de mort. Cependant, certains procès dérapèrent. Parfois, les kolkhoziens se lancèrent dans une attaque en règle du système au lieu de circonscrire leurs accusations aux seuls accusés. Parfois ils refusèrent d'attaquer leurs dirigeants. Parfois, les juges refusèrent de prononcer des peines conformes aux instructions du Kremlin. Ainsi seul un tiers des accusés furent condamnés à mort alors que Staline exigeait qu'ils soient tous passés par les armes.During the autumn of 1937, at the same time as the great Moscow trials, more than 700 “little trials,” sometimes called “farmers' trials,” were being held in the Soviet countryside. They were directly ordered by Stalin in a first order of August 3, 1937 followed by several more afterwards. They show the head of the Kremlin's interventionism, his obsessive attention to detail and his taste for show trials for pedagogical purposes. Based on the example of the trial that took place between September 18 and 20, 1937 in Severnyi in western Siberia, Nicolas Werth analyses the fabrication of these “little trials.” Organized by the Party's regional leaders and the NKVD, it struck about 15 people including the district party's first secretary, a little and brutal local satrap. While the accusations of abuse of power were justified by the many complaints of the kolkhozians, those of sabotage and counter-revolutionary activity were based on completely fabricated testimony. All the accused were sentenced to death. However, some of the trials got out of hand. Sometimes, the kolkhozians attacked the whole system instead of limiting their accusations to the accused alone. And sometimes they refused to attack their leaders. Other times the judges refused to pronounce sentences in conformity with the Kremlin's instructions. Thus only a third of the accused were condemned to death whereas Stalin wanted them all to be executed.
- La ville de Lyon au centre des échanges de prisonniers de guerre (1915-1919) - Bruno Fouillet p. 25 Entre mars 1915 et février 1919, plus de 90 000 militaires passent par la ville de Lyon dans le cadre des échanges de prisonniers de guerre entre belligérants. Sous les auspices de la Suisse et du Comité international de la Croix-Rouge, ces échanges qui relient Constance à Lyon, via le territoire helvétique, permettent d'appréhender la vision que les autorités nationales et les populations se font des prisonniers de guerre. L'étude particulière du cas lyonnais montre l'impact tangible sur l'espace urbain du séjour des prisonniers allemands ou alliés, mais aussi sa transformation en un véritable outil de communication patriotique. Lequel outil est, sur la durée, détourné de son sens uniquement national par les diverses autorités lyonnaises, qui se l'approprient pour valoriser leur action propre au cœur de la guerre totale.Between March 1915 and February 1919, more than 90,000 soldiers passed through Lyon as part of the exchanges of prisoners of war between belligerents. Under the auspices of Switzerland and the Red Cross International Committee, these exchanges that linked Constance to Lyon over Swiss territory show the vision the national authorities and populations have of war prisoners. The specific study of Lyon of the German and Allied prisoners' stay shows the tangible impact on urban space, but also its transformation into a real tool of patriotic communications. This tool was, over time, deviated from its purely national meaning by various Lyon authorities who appropriated it to highlight their own action at the heart of the total war.
- La guerre d'Algérie vue des Pays-Bas (1954-1962) - Nicolas Pas p. 43 Cet article porte sur la perception de la guerre d'Algérie (1954-1962) aux Pays-Bas, à travers trois périodes. Pendant une première phase, de 1954 à 1957, le conflit franco-algérien passa largement inaperçu. À partir de 1957, une prise de conscience graduelle se manifesta, dont témoignent des articles paraissant dans la presse pacifiste et d'extrême gauche. Une troisième période, à partir de 1959, se caractérisa par une mobilisation accrue, avec la mise sur pied de comités visant à secouer l'opinion publique (tel le comité « Action Information Algérie »), s'organisant pour réaliser l'aide matérielle aux réfugiés algériens ou soutenant politiquement et militairement le FLN (comme le réseau trotskiste). Cette nébuleuse de comités renouait avec la tradition des comités internationaux et pacifistes de l'entre-deux-guerres et de la résistance, notamment par leur discours antifasciste et leur travail clandestin. Ils anticipèrent aussi sur le mode de fonctionnement et d'intervention du mouvement social des années 1960.This article deals with the perception of the Algerian war (1954–1962) in Holland over three periods. In the first phase, from 1954 to 1957, the Franco-Algerian conflict went largely unnoticed. Starting in 1957, there was a gradual grasp of the situation as witnessed by the pacifist and far-left press articles. The third period, as of 1959, was characterized by increased mobilization ; committees were set up to shake public opinion (“Action Information Algérie” committee for example), to gather material aid to Algerian refugees or to support the FLN politically and militarily (as the Trotskyist network). The committees harkened back to those international and pacifist committees between the two world wars and the resistance committees, particularly by their antifascist discourse and clandestine work. They foretold the functioning and intervention of the social movement of the 1960s.
- Penser le passé colonial français, entre perspectives historiographiques et résurgence des mémoires - Sophie Dulucq et Colette Zytnicki p. 59 Dans le contexte actuel de résurgence de la mémoire coloniale française – et face à l'injonction à un « devoir de mémoire » brandie par certains auteurs médiatiques –, l'article propose un bilan historiographique inscrit dans la longue durée et s'attache à montrer que l'histoire de la colonisation française s'est, dès l'origine, écrite à la marge de la discipline historique sans qu'il faille invoquer une hypothétique volonté d'occultation. Il présente ensuite les voies récentes ouvertes par les chercheurs dans le cadre d'un dialogue scientifique de plus en plus international. Le texte étudie enfin les formes, les enjeux et les limites des exigences mémorielles contemporaines et plaide pour une véritable histoire sociale et culturelle des mémoires plurielles de la colonisation (quels porteurs de mémoire ? quels « lieux de mémoire » ? quels canaux ? quelle reconnaissance institutionnelle ?), histoire qui donnerait une véritable marge de manœuvre aux historiens face aux injonctions de la demande sociale.In the present context of the resurgence of French colonial memory – and faced with the “duty of memory” – brandished by some highly publicized authors, the article discusses a historiographic assessment over time and shows that the history of French colonization has been, right from the beginning, written at the edges of the discipline of history but without the idea of a hypothetical desire for secrecy. The article goes into the new recent directions scholars have opened up in the more and more international scientific dialogue. The article studies the forms, stakes and limits of contemporary memory constraints and calls for a real social and cultural history of the many memories of colonization (what were the carriers of memory ? what were the “memory places” ? what were the channels ? what about institutional recognition ?), a history that would provide historians a real margin of maneuver in relation to the social demand.
- Les archives présidentielles de François Mitterrand - Agnès Bos et Damien Vaisse p. 71 Un bilan scientifique sur les archives présidentielles de François Mitterrand n'a jamais été publié et il paraît utile, en vue de faciliter les recherches sur un fonds capital pour l'histoire de la France entre 1981 et 1995, de dissiper les confusions qui ont pu persister sur sa constitution, son contenu et sa communication, et de préciser le rôle joué par les Archives nationales dans son traitement. Avec plus de 14 000 cartons, il est le plus considérable et le plus complet des fonds présidentiels conservés au Centre historique des Archives nationales, une richesse qui s'explique par l'intérêt de François Mitterrand pour l'histoire, par l'efficacité du service d'archives implanté au sein même de l'Élysée, et par la formule du « protocole de remise » qui donne au président des garanties sur l'accès aux documents. Par le classement et la constitution d'instruments de recherche, les Archives nationales donnent les clefs d'accès à ce fonds, dont elles respectent l'organisation initiale, afin de rendre compte des méthodes de travail au sein de la présidence, de la circulation de l'information et du processus décisionnel. Les fonds d'archives présidentielles ne sont librement communicables qu'après un délai de soixante ans. La communication anticipée par dérogation des archives présidentielles de François Mitterrand obéit aux règles fixées par le protocole et par la législation, et les principes qui régissent l'instruction des demandes sont ceux appliqués pour tous les fonds non librement communicables. Loin d'être « verrouillées », elles font l'objet de nombreuses communications, mais, faut-il le rappeler, leur exploitation historique ne peut se faire qu'en les confrontant à d'autres sources et avec une bonne connaissance préalable du fonctionnement des institutions.A scientific record of François Mitterrand's presidential archives has never before been published, and so it seemed useful to clear up the confusion that has persisted about them concerning how they were put together, their content and their use. This will enable research on a major source for French history between 1981 and 1995 and will clarify the role that the National Archives has played in this. With more than 14,000 boxes, it is the biggest and most complete of the presidential records kept in the National Archives Historic Center, a wealth explained by François Mitterrand's interest in history, the efficiency of the archives department within the Élysée itself, and by the handing-over system that guarantees the president access to documents. Through the organization and constitution of research tools, the National Archives provides the keys to the access to these records that maintain the original organization in order to take into account the work methods during the presidency, the circulation of information and the decision-making process. Presidential archives records are only freely consultable after a 60-year period. Earlier communication by special derogation of François Mitterrand's presidential archives respects the rules established by the system and by law, and the principles that obtain over the requests are applied for all the records not freely accessible Far from being “locked up”, they are used for many papers, but it has to be emphasized that they have to be used in comparison with other sources and with good prior knowledge of how the institutions work.
- L'édition en histoire : anatomie d'une crise - Sophie Barluet p. 81 Discipline reine dans les années 1970, portée notamment par la notoriété de ses auteurs et l'inventivité des éditeurs, l'édition en histoire connaît depuis trente ans une crise sans comparaison. Alors que toutes les disciplines en sciences humaines ont gagné des lecteurs, l'histoire a perdu plus de la moitié de son chiffre d'affaires. Aujourd'hui, l'édition en histoire ne représente plus qu'un quart du marché des livres en sciences humaines alors qu'en 1974 cette proportion était de la moitié. Les raisons de cette crise sont à la fois générales et particulières. Générales car l'histoire s'est trouvée confrontée, comme toutes les sciences humaines et sociales, à des transformations profondes des pratiques de lecture et du rapport au livre en tant qu'objet porteur de savoirs ; particulières car peu de disciplines ont autant souffert que l'histoire de l'écart grandissant entre « littérature et savoir ».The queen of disciplines in the 1970s, brought to fame by its authors and the creativity of publishers, history publishing has been going through an unparalleled crisis for the last 30 years. While all the social and human sciences have increased their readership, history has lost more than half of its turnover. Today, publishing in history represents only one quarter of the market of social science books whereas in 1974 it represented half. There are general and specific reasons to explain this crisis. The general ones are that history, like all the social and human sciences, has gone through major transformations in reading practices and in the relationship of the book as object to it as a vector of knowledge. The specific reason is that few disciplines have suffered as much from the growing gap between “literature and knowledge”.
- Collaboration "chaude" ou collaboration "froide" ? Le cas d'Henri Jeanson (1938-1947) - Laurent Martin p. 91 L'histoire de la collaboration et de l'épuration a connu récemment de nouvelles avancées. Elles font encore, selon nous, trop peu de place à l'examen des trajectoires personnelles et à l'intentionnalité des acteurs. C'est ce que nous proposons avec cette étude du cas d'Henri Jeanson, homme de presse, de théâtre et de cinéma dont le parcours, de 1938 à 1947, est à la fois représentatif et atypique d'un milieu socioculturel et politique qui a cru trouver des avantages à la situation nouvelle issue de la défaite de 1940 avant de se raviser et de basculer dans une opposition plus ou moins déclarée.The history of collaboration and purges has advanced recently. They still give too little place to personal itineraries and the players' intentions. The study of Henry Jeanson, man of the press, theater and cinema, whose path, from 1938 to 1947, is both representative and atypical of the political and social-cultural milieu that thought that he could find advantages in the new situation brought about by the 1940 defeat before changing his mind and going over into a more or less declared opposition.
- Du bon usage de la démocratisation. L'exemple des politiques éducatives en France depuis le début des années 1980 - Guy Lapostolle p. 107 Depuis le début des années 1980, l'État a modifié ses modalités d'intervention dans la gestion des politiques publiques. Les gouvernements successifs ont tenté de faire en sorte que leurs décisions prennent davantage en compte les aspirations des citoyens. Ces derniers ont été plus qu'auparavant associés à l'élaboration de ces décisions et les différentes actions menées ont également été plus ciblées, visant ainsi des besoins singuliers de populations particulières. Ces nouvelles modalités d'intervention apparaissaient désormais comme un mode de gestion nouveau des politiques publiques et elles devaient, dans le cadre des politiques éducatives, conduire à une véritable démocratisation de l'enseignement secondaire. Ce qui ne fut pas toujours le cas. Vraisemblablement parce que ce mode de gestion, considéré a priori comme le meilleur substitut aux politiques antérieures qui avaient échoué, a été suivi de nombreux effets pervers. Il semble néanmoins que ces effets pervers pourraient être contenus si l'État envisageait sous un angle différent les possibilités de réguler son action.Since the early 1980s, the State has modified its management of public policies. Successive governments have tried to take citizens' desires more into account in their decisions. Citizens have been associated with the decisions more than before, and the various actions have also been targeted to respond to particular needs of particular populations. These new means of intervention can be considered as a new management method of public policies. In the framework of educational policies, they should lead to a real democratization of secondary education, which has not always been the case. Probably because this management method, considered a priori as the best substitute to the previous failed policies, led to many perverse effects. It would seem though that these perverse effects could be limited if the State envisaged the possibilities of regulating its action from another angle.
Avis de recherches
- Journée d'histoire Arkheia consacrée à Manuel Azana - Max Lagarrigue p. 123
- Les systèmes cadastraux en France et en Europe aux 19e et 20e siècles - Florence Bourillon et Nadine Vivier p. 124
- La justice en images (18e-20e siècles) : croquis, dessins et caricatures... - Elise Yvorel p. 125
- Nouvelles tendances dans l'historiographie des "mondes périphériques" - Bénédicte Récappé et Constantin Katsakioris p. 127
Images et sons
- Le IIIe Reich et la musique - Marie-Bénédicte Vincent p. 129
- Archives des années noires - Pascale Goetschel p. 131
- Bernd et Hilla Becher - Gérard Monnier p. 134
- Les Gratte-ciel de Villeubanne - Jean-Pierre Rioux p. 136