Contenu du sommaire : Démographie : tendances, incertitudes, implications
Revue | Revue économique |
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Numéro | vol. 59, no 5, septembre 2008 |
Titre du numéro | Démographie : tendances, incertitudes, implications |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Démographie : tendances, incertitudes, implications
- sous la direction de Didier Blanchet, Florence Legros- L'avenir démographique des pays du Sud - Les certitudes et les interrogations - Gilles Pison p. 869 Les projections démographiques annoncent une augmentation d'un tiers de la population mondiale d'ici la fin du siècle, essentiellement dans les pays du Sud. Ce pronostic se fonde sur le modèle de la transition démographique qui s'est avéré jusqu'ici assez juste pour décrire les évolutions survenues en Asie, en Amérique latine et en Afrique au cours des cinquante dernières années. L'Afrique au sud du Sahara, région du monde la moins avancée dans la transition, est celle pour laquelle les incertitudes sont les plus grandes. Sa population devrait tripler, voire quadrupler au cours de ce siècle, ceci malgré le sida. L'un des défis pour les pays du Sud sera de gérer le vieillissement de leur population car il s'y effectuera beaucoup plus rapidement qu'au Nord.It is projected that the world population will increase by one-third before the end of this century, primarily in the South. Population projections are based on the demographic transition model which quite accurately explains the changes observed in Asia, Latin America ansd Africa over the last fifty years. Sub-Saharan Africa, the region where transition is least advanced, is also the region where future trends are most difficult to predict. Its population should triple or even quadruple over the coming century, despite the ravages of AIDS. One of the challenges facing the South will be to manage the effects of population ageing, which will occur much more quickly than in the North. Code JEL : J11
- Les projections démographiques. Principaux mécanismes et retour sur l'expérience française - Didier Blanchet, Françoise Le Gallo p. 893 Les projections démographiques sont en général considérées comme plus fiables que la majorité des autres types de prévision. Pour autant, leur pertinence reste parfois mise en doute, surtout lorsqu'elles font l'objet de révisions importantes, comme cela a été le cas pour les projections publiées par L'Insee en 2006. Le but de ce travail est de revenir sur la portée et les limites de ces projections. On revient d'abord sur la méthodologie et sur quelques résultats élémentaires de dynamique des populations, en mettant l'accent sur la façon dont les hypothèses de fécondité et de solde migratoire co-déterminent le taux de croissance démographique à long terme. Puis on utilise l'expérience rétrospective des projections conduites depuis 1964 pour repérer où sont les principaux points de fragilité des projections mais aussi où réside leur robustesse. Cet examen rétrospectif fait apparaître des révisions importantes quant à la dynamique de la population totale ou de la population d'âge actif, mais sans remise en cause de la tendance au vieillissement. On explique ce résultat en mettant en avant une notion de vieillissement tendanciel découlant de la seule hausse de l'espérance de vie. Les variations de la fécondité ou du solde migratoire se traduisent par des écarts à ce vieillissement tendanciel qui, dans le cas de la France, restent de deuxième ordre et plus ou moins temporaires. On conclut en soulignant que l'incertitude qui affecte les projections n'interdit en rien de les mobiliser pour la prise de décision. La décision dans l'incertain est le lot commun de la plupart des problèmes de choix collectifs ou individuels. Il faut simplement prévoir des procédures d'ajustement appropriées permettant de s'adapter aux révisions qu'implique cette incertitude.Demographic projections are generally considered as more robust than all other kinds of socio-economic forecasts. But doubts are sometimes cast on their relevance, especially when strong revisions of previous projections are proposed, as done by insee in 2006. The purpose of this paper is to come back on the scope and limits of these projections. We first recall their methodology and a few elementary results concerning population dynamics, with a particular emphasis on how fertility and migration codetermine the long run demographic growth rate. We then use the retrospective experience of projections conducted at insee since 1964 to identify where are the major weaknesses of these projections but also their main strengths. This retrospective examination shows strong revisions concerning trends for total population or for the population in working ages, but without any questioning of the global ageing trend. We explain this result by isolating a concept of trend ageing due to the pure role of life expectancy. Changes in fertility levels or in migration flows lead to deviations from this trend that, in the French case, remain second order and more or less temporary. We conclude by outlining that the uncertainty that affects projections does not make them irrelevant for decision making. Decision under uncertainty is the common lot for most of our problems of collective or individual choice. The right answer to this uncertainty is to set in appropriate adjustment rules to deal with revisions that unavoidably stem from this uncertainty. Classification JEL : J10, J11.
- Uncertain Demogaphics and Pension Policy - Jukka lassila, Tarmo Valkonen p. 913 Lorsqu'on cherche à évaluer la situation budgétaire des systèmes publics de retraites, on doit projeter les évolutions démographiques à un horizon de plusieurs dizaines d'années. L'exactitude de telles projections et les conséquences sur les retraites futures peuvent être analysées à l'aide de simulations stochastiques de population. Les études effectuées sur des pays et utilisant ce type de projections montrent que l'incertitude démographique rend les prévisions de retraites à long terme très imprécises. Ces études montrent que l'ampleur de l'incertitude est bien plus grande que celle obtenue en se fondant sur des scénarios (haut-bas) ou des variantes du même ordre. Cela ne doit pas être interprété comme une incitation à l'inaction ; les pertes importantes de bien-être dans les cas défavorables constituent, au contraire, un bon argument en faveur de politiques actives. Dans l'analyse de politiques de retraites, les projections stochastiques de population peuvent être utilisées pour mettre en évidence les risques démographiques. Une analyse explicite de ce risque est particulièrement utile pour les politiques qui lient le niveau des retraites aux évolutions démographiques, en ajustant par exemple les prestations en fonction des variations de l'espérance de vie ou en passant à un système non provisionné à cotisations définies. JEL Code: H55, J11In trying to assess the fiscal situation of public pension systems, demographic developments must be projected several decades into the future. The accuracy of such projections and the consequences of their errors to pension conclusions can be considered using stochastic population simulations. Country studies using stochastic population projections show that demographic uncertainty alone makes long-term pension projections very uncertain. The perception these studies provide of the magnitudes of uncertainty is substantially larger than that obtained from assessments relying on high-low scenarios or other similar variants. This does not mean that inactivity of policies is recommended; on the contrary, the asymmetrically large welfare losses in cases worse than expected form an extra reason for active policies. In pension policy analysis stochastic population projections can be used as presentations of demographic risks. Explicit risk analysis is especially useful for policies that link pension outcomes to demographic developments, such as adjusting pension benefits for changes in longevity or switching to a non-financial defined-contribution pension system.
- Annuity-Based Assessment of Uncertainty in Mortality - Juha M. Alho p. 927 On considère souvent que les mouvements démographiques sont lents, surtout lorsqu'on les compare à la volatilité des variables économiques. Pourtant, dans certains cas, les chocs démographiques semblent avoir des conséquences économiques. Même la mortalité s'est avérée plus délicate à prévoir qu'on ne la supposait. Dans cet article, nous passons en revue les raisons de cette difficulté tout en formulant de nouvelles propositions. Il paraît probable que l'incertitude persistera. Nous présentons une comparaison des incertitudes économiques et démographiques dans le cas des rentes viagères. En ce domaine, les deux types d'évolutions ont une incidence semblable pour l'acheteur et pour le vendeur. Alors que les marchés d'actions sont clairement plus volatils que la mortalité moyenne à un horizon de vingt ou trente ans, l'incertitude idiosyncratique concernant la mortalité est d'un ordre de grandeur équivalent. De même, l'incertitude beaucoup plus faible de la mortalité agrégée est comparable à l'incertitude qui affecte les titres obligataires. JEL Code : J11, G23, G22, J14Demographic processes are frequently viewed as slow, especially when compared to the volatility of the economy. Yet, in some applications, demographic shocks appear to have economic consequences. Even mortality has proven to be harder to predict than has been assumed. We review reasons for the difficulty of mortality forecasting, including new proposals. It seems likely that the uncertainty will persist. We propose a comparison of economic and demographic uncertainty, in the context of annuities. In this area of application the two processes have a comparable bearing on risk for both the buyer and the seller. While stock markets are clearly more volatile than average mortality for two or three decades into the future, idiosyncratic uncertainty of mortality is of comparable order of magnitude. Similarly, the much lower aggregate uncertainty of mortality is comparable to the uncertainty of bonds.
- Nouvelles observations sur la longévité humaine - Jean-Marie Robine, Siu Lan K. Cheung p. 941 Avec la chute de la mortalité des adultes, la distribution des âges au décès s'est déplacée vers des âges plus élevés. Ce faisant, les âges au décès se sont compressés autour de la valeur modale illustrant le scénario de la compression de la mortalité qui avait été proposé par James Fries en 1980. Toutefois, cette homogénéisation des durées de vie adultes n'a pas pu empêcher l'explosion des effectifs des personnes très âgées, nonagénaires ou centenaires, à laquelle nous avons assisté au cours des dernières décennies. Nous étudions les raisons de ce phénomène et nous illustrons nos résultats avec des données historiques de pays européens (Angleterre et Pays de Galles, France, Italie, Suède et Suisse), des États-Unis d'Amérique et du Japon. Les résultats les plus récents, en particulier pour le Japon, nous obligent à revoir le scénario de compression de la mortalité. Il nous semble que l'homogénéisation des durées de vie adultes, moteur de la compression de la mortalité, puisse rencontrer aujourd'hui – au-delà des inégalités sociales résiduelles – des limites inhérentes à toutes quantités biométriques. Un tel scénario, en entraînant dans le futur un déplacement de l'ensemble des durées de vie adultes vers des âges plus élevés sans réduire leur dispersion, démultiplierait l'augmentation du nombre des personnes très âgées comme celui des centenaires mais aussi des personnes âgées de 105 ans ou de 110 ans.L'allongement de la durée de vie en bonne santé peut-elle suivre un tel rythme d'augmentation ? Le peu d'études disponibles à l'étranger suggère que non. Il devient ainsi urgent d'apprécier l'évolution de l'état de santé des centenaires dont le nombre a été multiplié par près de trois au cours des dix dernières années en France, passant de 7 175 individus au 1er janvier 1998 à 20 115 au 1er janvier 2008. Les conséquences d'une telle évolution démographique peuvent être considérables pour le financement et l'organisation de la prise en charge de la dépendance si les nouveaux nonagénaires et les nouveaux centenaires sont plus fragiles et présentent un moins bon état de santé fonctionnelle que leurs aînés.With the fall of mortality, the frequency distribution of ages at death has been shifting towards older ages. The ages at death around the mode have become more compressed illustrating the scenario of compression of mortality proposed by James Fries in 1980. However, this homogenization of the adults' life durations could not prevent the explosion in the numbers of oldest-old, nonagenarians and centenarians, which we have witnessed in recent decades. Some reasons for this phenomenon are investigated, and results are illustrated by historical data from Euro-pean countries (i.e. England and Wales, France, Italy, Sweden, and Switzerland), the United States of America, and Japan. The most recent results, especially for Japan, prompt us to re-examine the scenario of compression of mortality. It seems to us that the homogenization of adults' life durations, which is the driving force of the compression of mortality, may meet limits today – beyond remaining social inequalities – inherent in all biometric quantities. Such a scenario – shifting the whole distribution of adults' individual life durations towards older ages without decreasing their dispersion – would increase more and more the number oldest-old as well as the number of centenarians and persons 105 or 110 years old.Is the lengthening in healthy life duration able to follow such a rate of increase? The few studies available abroad suggest not. It thus becomes an urgent need to appreciate the evolution of the health status of centenarians whose number has multiplied by nearly three in the last 10 years in France, from 7 175 individuals on 1st January 1998 to 20 115 on 1st January 2008. The consequences of such a demographic change may be of considerable importance for financing and organizing the burden of dependency if the new nonagenarians and centenarians are frailer and have a poorer functional health status than their elders. Code JEL : J11, J14
- La fécondité et ses déterminants économiques - Becket vs Easterlin, Cédric Doliger p. 955 L'objet de cet article est de présenter les principales théories économiques de la fécondité relatives aux pays développés. Après avoir précisé en introduction l'intérêt de l'analyse économique pour expliquer le comportement de fécondité des ménages, nous présenterons les deux principaux modèles proposés par les économistes. Les deux sont basés sur une hypothèse commune d'une relation entre revenu et fécondité et les deux tentent d'expliquer le baby boom et le baby bust d'après guerre, mais ils diffèrent fondamentalement sur l'identification des forces derrière ces mouvements : la « valeur du temps » pour Becker et le « revenu relatif » pour Easterlin.The aim of this article is to present the main economic theories on fertility related to the developed countries. After the specification, in the introduction, of the interest of the economic analysis to explain the fertility behaviour of the households, we will present the two key models suggested by the economists. Both are based on the common hypothesis that there is a link between income and fertility and both attempt to account for the post-war Baby Boom and Baby Bust. However, they differ fundamentally in the identification of the forces behind these movements, with Becker opting for the value of time and Easterlin for relative income. Classification JEL: J10.
- Ralentissement démographique et chômage - Quels enseignements des modèles macroéconomique ? - Jean-François Ouvrard, Roland Rathelot, Olivier Simon p. 973 Le recul de la natalité et celui de la mortalité produisent d'importants changements dans la démographie de la majeure partie des pays industrialisés, dont la France. Après plusieurs décennies de croissance assez soutenue, la population active voit sa progression ralentir ou s'inverser. Ce mouvement s'accompagne d'une croissance rapide de la population en âge d'être retraitée. Cette étude s'intéresse à l'impact de ce double mouvement pour l'équilibre du marché du travail. Elle développe deux modélisations stylisées décrivant ses effets potentiels à court et long terme. Puis elle utilise le modèle macro-économétrique Mésange pour une simulation plus complète. Ces différentes approches suggèrent que les effets favorables du freinage de la population active sont faibles ou de court terme. À long terme, des effets négatifs peuvent apparaître suite à la hausse des prélèvements nécessaires à financer les coûts du vieillissement, mais uniquement sous l'hypothèse que les salariés font porter la négociation salariale sur leur salaire net plutôt que sur le coût global du travail.The declines in fertility and mortality rates lead to important changes in demographic structures among all industrialized countries, including France. After several decades of sustained growth, the population in working ages will slowdown or even start declining. This movement is accompanied by an acceleration for the population in retirement ages. This study explores the impact of this double movement for labour market equilibrium. It first develops two stylized models describing potential impacts for the short run and the long run. It then uses the Mésange macroeconometric model for a more complete simulation. These different approaches suggest that favourable effects of the demographic slowdown are either small or temporary. In the long run, negative effects can result from the increasing pressure of age-related social expenditures, but only under the assumption that workers negotiate on net wages rather than on total labour costs. Classification JEL : J11, J20, J64.
- Evolutions démographiques et déformation du cycle de la vie active. Quelles relations ? - Didier Blanchet, Fabien Toutlemonde p. 995 Les évolutions historiques du cycle de la vie active ne se conforment pas à un modèle simple d'équi-répartition des gains d'espérance de vie entre formation, travail et loisir. On a au contraire assisté à une contraction quasi généralisée de la part du cycle de vie consacrée au travail. La raison principale d'une telle déviation est le fait que ce cycle de vie se déforme en fonction d'autres facteurs : productivité, évolution des préférences, conditions d'accumulation et de dépréciation du capital humain. On explore l'articulation de ces différents facteurs dans un modèle d'optimisation sur cycle de vie en temps continu qui permet un traitement réaliste de la structure démographique. Les principaux motifs de contraction du cycle de vie active sont la hausse de la productivité et la dépréciation du capital humain. On montre que le scénario d'égal partage suppose une évolution des normes de consommation parallèle à celle de la productivité, et un étirement du profil de dépréciation du capital humain au même rythme que l'allongement de la durée de vie.Historical changes in the typical life-cycle do not conform to a simple model of equal-sharing in which additional years of life are equally distributed between time devoted to training, work and leisure. We have instead observed a quasi-general decline in the share of our life-cycles that is devoted to labour. The major reason for such a deviation is the fact that this life-cycle evolves in response to other factors, such as productivity, preferences and conditions for the accumulation and depreciation of human capital. We investigate the articulation of these different factors in a continuous-time model of life-cycle optimisation that allows a realistic treatment of demographic structure. The main motives for the contraction of working lives are global productivity and the importance of human capital depreciation. We show that the equal-sharing scenario requires a parallel evolution of productivity and consumption norms, and a shift in the profile of human capital depreciation that parallels the change in life expectancy. Code JEL : J11, J22, J24, J26
- Ageing ant the Skew Risk in Collective Choices - Vincenzo Galasso p. 1023 Les pays de l'OCDE jouissent d'un système complexe de programmes et de normes d'aide sociale qui fournit des transferts redistributifs intergénérationnels. Or, leur forme et leurs dimensions varient considérablement. Comment ces différents modèles réagiront-ils au processus de vieillissement ? Le vieillissement réduit le rendement des systèmes de retraite par répartition (PAYG), mais augmente le pouvoir politique des personnes âgées. L'effet global sur les décisions des responsables sera probablement l'augmentation des dépenses globales de pensions, malgré le fait que la pension de retraite per capita pourrait être réduite et que les travailleurs pourraient être obligés de prendre leur retraite plus tardivement. Il ne faut pas cependant négliger l'impact sur la réglementation d'État de l'économie. Une part de personnes âgées qui augmente, augmentera la pression sur les réformes du marché de produits, ce qui conduira à une baisse des prix, et donc à une augmentation du pouvoir d'achat de leurs transferts de pension. Le vieillissement n'a cependant aucun effet bénéfique sur les réformes du marché du travail. Celles-ci nous suggèrent que le système d'Europe du Sud, qui est basé sur une grosse dépense de pensions, ainsi qu'un marché du travail et un marché de produit rigides, convient moins bien au vieillissement de la population. JEL Code: H5, I3, I1Oecd countries enjoy a complex system of welfare programs and regulations, which provides redistributive transfers across different generations. Yet, their design and dimensions largely differ. How will these different models react to the aging process? Aging reduces the return from payg pension systems, but increases the political power of the elderly. The overall effect on the policy-maker decisions is likely to lead to more overall pension spending, although pension per capita may have to be reduced and workers will have to retire later. Yet, the impact on the state regulation of the economy should not be overlooked. An increasing share of elderly individuals will increase the pressure for product market reforms, which lead to lower prices, and thereby to an increase in the purchasing power of their pension transfer. No effect of aging can be instead appreciated on labor market reforms. These suggest that the Southern European system based on large pension spending and rigid labor and product markets is less suited to deal with population aging.
- L'avenir démographique des pays du Sud - Les certitudes et les interrogations - Gilles Pison p. 869